Bas:Conscrits à Lembach (0103FI0018)


[1] Avertissement[2]

Événements filmés ou en lien


Fête des conscrits

Résumé


Célébration de la fête des conscrits à Lembach en 1988.

Description


Le film débute avec l’arrivée des conscrits qui remontent une route en tracteur. Ils se dirigent vers une maison dans la joie et la bonne humeur. Ils en profitent pour saluer le réalisateur du film, Bernard Spill, et on peut apercevoir une bouteille d’alcool dans la main d’une fille qui rappelle bien le côté festif de l’évènement. On peut imaginer des chants et des slogans que les conscrits scandent ensemble. Après avoir posé pour des photos ou tout simplement pour la caméra, un jeune conscrit annonce au groupe qu’il est temps de monter dans le tracteur et de partir en vadrouille. Le moyen de locomotion a été spécialement décoré pour l’occasion avec ce qu’il semble être des feuilles de vigne, des drapeaux français et des rubans arborant également les couleurs françaises. Celui qui a mis le tracteur à la disposition des conscrits, certainement le conducteur, doit être un vigneron de Lembach. Plusieurs conscrits se sont assis sur le capot du tracteur, tandis que les autres par manque de place à l’avant sont à l’arrière, dans la remorque. Une fois les conscrits partis, le réalisateur pointe sa caméra vers une jeune fille et sa mère qui l’accompagne sur le chemin de l’école. Les conscrits reviennent plus tard vers la maison du départ et à la fin du film, ce n'est plus le conducteur du début qui conduit le tracteur mais bel et bien un conscrit, qui emmène le groupe peut-être pour une dernière parade.

Métadonnées

N° support :  0003FH0004
Date :  septembre 1988
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:02:51
Format original :  Super 8 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Conscrits
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Un amateur en cinéma

Bernard Spill est né le 09 décembre 1946 à Lembach. Il a été embauché dans une entreprise locale de revêtement de sol en 1960 sans passer par l’apprentissage. Au cours des années, il s’est perfectionné dans le métier de carrelage et a rejoint en 1970 le groupe Michelin en Allemagne. Il se marie en 1968 à Anne-Lise et de ce mariage sont nés un garçon et deux filles. En 1975, il se met à son compte en tant qu’artisan carreleur jusqu’à sa retraite en 2005, un métier qu’il exerce aux côtés de son épouse.

Les derniers feux d'une tradition pluriséculaire

Le service militaire obligatoire avec la notion de soldat-citoyen au service de la nation apparaît autour de la Révolution Française. Il sera régularisé en 1798 avec la loi Jourdan qui institue la conscription universelle et obligatoire de tous les Français âgés de vingt à vingt-cinq ans. La loi est basée sur un principe simple : « Tout Français est soldat et se doit de défendre sa patrie ». Cette loi jugée trop exclusive aboutit en 1804 à la mise en place du système du tirage au sort. Aboli avec la chute de l’Empire en 1815, ce dispositif est réintroduit en 1818. Celui-ci instaure le recrutement sous engagements volontaires. S’ils ne suffisent pas à fournir le contingent, on recourt au tirage au sort, et donc à la conscription, avec le droit, pour celui qui est appelé, de « s’acheter » un remplaçant. Le fonctionnement de la conscription par tirage au sort est basé sur un contingent d’hommes à appeler fixé par canton. Tous les jeunes gens âgés de vingt ans sont convoqués au chef-lieu de leur canton. Chacun va tirer d’une urne un billet portant un numéro imprimé. Ceux qui ont été retenus seront convoqués au conseil de révision qui déclare les jeunes gens aptes ou inaptes au service militaire. Si le jeune homme est malgré tout déclaré « bon pour le service », il lui reste la possibilité, s’il en a les moyens, de se faire remplacer en payant quelqu’un pour effectuer le service militaire à sa place.

Tout un cérémonial se met en place autour de la conscription et se développer en Alsace à partir de 1818 avec le retour d’une certaine prospérité des communautés rurales, délivrées momentanément des grandes campagnes militaires françaises. En effet, un jeune homme ne pouvait ni se marier ni commencer sa vie professionnelle avant d’avoir franchi cette étape décisive de sa vie d’homme. Les défilés, les fêtes, les chansons, les farces et les sorties viriles sont plus qu’un grand défoulement avant le départ à l’armée. La périodicité annuelle et l’âge des intéressés font que la conscription va apparaître comme un véritable rite de passage, celui de l’adolescence vers l’âge adulte. La conscription devient donc un rituel indispensable de la vie masculine.

Le film en lui-même :

Le film a été réalisé le premier week-end de septembre 1988, au cours de laquelle on organisait habituellement la fête du village et où se déroulait la conscription au chef-lieu du canton : Wissembourg. Les conscrits sont les jeunes garçons et filles nés en 1970 (classe 70-90) qui ont à cœur de faire revivre un évènement vécu par leurs pères. Le personnage barbu, avec une casquette et un blouson noir, qui fait office de chauffeur, est le père d’un des conscrits. Pour rester dans la tradition de l'épisode, les conscrits se rendent en premier lieu au domicile du maire, pour la présentation du groupe. Après les recommandations d’usage du premier magistrat les exhortant à éviter les excès et maintenir le calme, les conscrits reprennent leur chemin. Le groupe fait ensuite le tour du village avec quelques arrêts en cours de route, notamment au domicile du réalisateur étant donné que parmi les conscrits se trouvait également son fils. Ce dernier, qui se prénomme Martial, est bien visible au premier plan avec un chapeau noir et un bavoir (02 min 35 s). On peut par ailleurs ressentir une petite gêne de Martial face à la caméra de son père. L’épouse du réalisateur est également présente sur le film. Elle apparaît avec leur fille Sophie en train de l’accompagner sur le chemin de l’école (02 min 10 s). Enfin, leur fille aînée, Stéphanie, est aussi présente lors de l’évènement en tant que spectatrice et est clairement visible au début du film sur la gauche portant un pull blanc (à 18 secondes).

Traditionnellement, la bande des conscrits circule dans la campagne en musique et en procession avec des cortèges dansés, zigzagant d’un bord à l’autre de la rue, maniant avec dextérité le drapeau et la canne du tambour-major. Les conscrits abordent les passants, rendent visite à toutes les maisons, ramassent de quoi manger et boire. Dans les villages les plus riches, ils obtiennent même de l’argent. Ils sont généralement bien accueillis. Dans ce film, les conscrits ne dansent malheureusement pas. Il n’y a d’ailleurs pas d’orchestre qui suit le cortège. De plus, dans d’autres fêtes des conscrits, il n’était pas rare de voir un tambour-major faire tournoyer sa canne enrubannée en tête du cortège. Mais cela n’est pas le cas ici. Par ailleurs, parmi les conscrits présents sur ce film, on peut voir que des filles prennent part au groupe et elles portent les mêmes vêtements que les garçons. Habituellement, ce sont uniquement les jeunes hommes qui composent les cortèges des conscrits. Ce film témoigne d’une certaine ouverture et évolution de cette tradition.

Tous les attributs des conscrits et de la classe sont présents sur ce film (excepté le bâton du tambour-major). Les conscrits ne sortent jamais sans leur drapeau ni leur porte-drapeau, ils portent tous le même costume ainsi que des signes distinctifs. L’apparition d’un costume propre aux conscrits prouve que ces derniers forment désormais un groupe uni et spécifique. Ici, les conscrits portent un pantalon, une chemise et un tablier brodé (appelé Scherz) qui sont blancs. Sur ce même tablier, on y trouve les initiales du jeune homme (ou de la jeune fille), la classe d’âge et divers décors floraux ou géométriques. Il n’y a que le chapeau qui est de couleur noire, orné de plumes et de longs rubans richement brodés aux couleurs nationales. C’est vers la fin du XIXe siècle que ce costume apparaît. Dès 1850, le chapeau voit son ornementation se développer. La longueur des rubans augmente considérablement et apparaissent des plumets et des bouquets composés de fleurs et de fruits artificiels. Les conscrits sont tous unis par la même rage de chanter. Chanter, crier, c’est montrer publiquement, de la façon la plus flamboyante possible, l’entrée dans l’âge adulte. Le chant comme la danse ainsi que la consommation de boisson et de nourriture doivent se faire dans l’excès, la démesure.

À partir de 2002, il n’y a plus officiellement d’appelés et donc de conscrits. On aurait pu imaginer la disparition pure et simple de cette coutume séculaire, et son cortège de fêtes et d’animations dans les villages de l’Alsace. Mais ce rituel traditionnel lié au passage à l’âge adulte se maintient dans certains villages. Il permet maintenant, dissocié de sa coloration patriotique, de resserrer les liens entre les jeunes d’une même classe d’âge au sein d’une communauté villageoise.

Lieux ou monuments


Lembach

Bibliographie


CRÉPIN Annie, Histoire de la conscription, Paris, Gallimard, 2009, p. 120-126.

LEGIN Philippe, Toute l’Alsace : coutumes et costumes alsaciens, Ingersheim-Colmar, S.A.E.P, 1993, p. 33-40.

SARG Freddy, Traditions et coutumes d’Alsace, Strasbourg, Du Donon, 2013, p. 3-4.

TOURSCHER Alexandre, "Bons pour la fête : les rituels de la conscription en Alsace", dans Revue d’Alsace, n°141, Strasbourg, 2015, p. 363-377

Remerciements :

J'adresse un grand merci à Monsieur Bernard et Madame Anne-Lise Spill pour leur aide très précieuse. Ils ont pris le temps de répondre à toutes mes questions par mail afin de mener à bien la réalisation de cette fiche.


Article rédigé par

Brendan Caniapin-Ellapa, 31 décembre 2020


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