Parachutistes français à Telergma (0003FH0011) : Différence entre versions
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− | |titre= | + | |titre=Marché de Telergma pendant la guerre d'Algérie |
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|Resume_fr=Fanfare et défilé militaire un jour de marché à Telergma en Algérie. | |Resume_fr=Fanfare et défilé militaire un jour de marché à Telergma en Algérie. | ||
|Description_fr=Défilé d'une fanfare dans la rue devant des spectateurs locaux | |Description_fr=Défilé d'une fanfare dans la rue devant des spectateurs locaux | ||
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Scènes de marché (belles images) : vente de bonbons, d'épices, rémouleur... | Scènes de marché (belles images) : vente de bonbons, d'épices, rémouleur... | ||
Portrait d'une petite fille en turban | Portrait d'une petite fille en turban | ||
− | Petit garçon achetant une | + | Petit garçon achetant une friandise |
Militaire prenant en photographie ses camarades posant avec un âne | Militaire prenant en photographie ses camarades posant avec un âne | ||
Bédouins quittant le marché | Bédouins quittant le marché | ||
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Etals | Etals | ||
Un occidental mange | Un occidental mange | ||
− | |Contexte_et_analyse_fr=Le 1er novembre 1954, le Front national de Libération algérien lance une offensive tous azimuts. Alors débute la « sale guerre » qu’en métropole les autorités nomment opération de pacification. En 1956, le président du conseil socialiste Guy Mollet décide de l’envoi du contingent pour soutenir les militaires de carrières. C’est ainsi que Jean Albert, 21 ans, part en uniforme du Havre à Marseille (0003FH0010) et rejoint la base militaire de Telergma au sud de Constantine. La base aérienne opérationnelle 211 représente le principal point d’appui des opérations de l’armée française pendant la guerre d’Algérie. C’est de là que le 8 février 1958 ont décollé les bombardiers qui ont ravagé le village frontalier de Sakhiet. Avec ses vastes hangars, son atelier de réparation et son centre d’expérimentation aérienne, la base forme une véritable ville de garnison. Comme c’est toujours le cas s’agrègent alors quelques habitations et se développe un commerce à destination des militaires et des indigènes qui dépendent de leur présence. | + | |Contexte_et_analyse_fr=Le 1er novembre 1954, le Front national de Libération algérien lance une offensive tous azimuts. Alors débute la « sale guerre » qu’en métropole les autorités nomment opération de pacification. En 1956, le président du conseil socialiste Guy Mollet décide de l’envoi du contingent pour soutenir les militaires de carrières. C’est ainsi que Jean Albert, 21 ans, part en uniforme du Havre à Marseille (0003FH0010) et rejoint la base militaire de Telergma au sud de Constantine. La base aérienne opérationnelle 211 représente le principal point d’appui des opérations de l’armée française pendant la guerre d’Algérie. C’est de là que le 8 février 1958 ont décollé les bombardiers qui ont ravagé le village frontalier de Sakhiet. Avec ses vastes hangars, son atelier de réparation et son centre d’expérimentation aérienne, la base forme une véritable ville de garnison. Comme c’est toujours le cas s’agrègent alors quelques habitations et se développe un commerce à destination des militaires et des indigènes qui dépendent de leur présence. À l'inverse des appelés envoyés garder les quelque 5000 postes isolés sur le territoire algérien, les Français sont ici en position de force. |
'''Présences françaises en territoire algérien''' | '''Présences françaises en territoire algérien''' | ||
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Au moment où éclate la guerre d’Algérie, le territoire compte 10 millions d’habitants, dont environ un million d’Européens venus majoritairement d’Espagne et de France. Depuis 1950, le service militaire est repassé de 12 à 18 mois pour les hommes âgés de 21 ans. Période d’exception, la guerre d’Algérie a pour conséquence le rappel de certaines classes et le maintien sous l’uniforme des conscrits jusqu’à 30 mois. En tout, ce sont environ 1,34 million de jeunes Français qui sont envoyés en Algérie soutenir l’effort de 407 000 soldats d’active. Le contingent représente environ la moitié des tués et morts français du conflit, soit environ 12 000 victimes. | Au moment où éclate la guerre d’Algérie, le territoire compte 10 millions d’habitants, dont environ un million d’Européens venus majoritairement d’Espagne et de France. Depuis 1950, le service militaire est repassé de 12 à 18 mois pour les hommes âgés de 21 ans. Période d’exception, la guerre d’Algérie a pour conséquence le rappel de certaines classes et le maintien sous l’uniforme des conscrits jusqu’à 30 mois. En tout, ce sont environ 1,34 million de jeunes Français qui sont envoyés en Algérie soutenir l’effort de 407 000 soldats d’active. Le contingent représente environ la moitié des tués et morts français du conflit, soit environ 12 000 victimes. | ||
− | La longue histoire de la colonisation de l’Algérie et l’opération de « pacification » qui s’étend entre 1954 et 1962 expliquent la profusion de la présence des « Européens » à Telergma. On y distingue en premier lieu une unité de la Légion étrangère qui représente la principale arme de conquête du pays. Sa fanfare donne un concert à un amalgame de conscrits, d’Algériens de souche et de « Français d’Algérie », dont des enfants. Le public frappe par la variété de son apparence : certains ont gardé l’habit traditionnel, d’autres ont adopté la veste européenne et le pantalon, un jeune porte même une sorte de blouson. Fez et bérets se mélangent en bonne entente, mais encadrés par un cordon de police militaire. Pour un peu, on se croirait dans l’un des nombreux films réalisés par le Service cinématographique de l’armée plaidant en pleine guerre la mission civilisatrice de la France et la bienfaisance sanitaire et éducative répandue par les soldats. On est loin en tout cas de la tension des fictions de René Vautier (Avoir 20 ans dans les Aurès) ou de Pierre Schoendorffer (L’Honneur d’un capitaine). | + | La longue histoire de la colonisation de l’Algérie et l’opération de « pacification » qui s’étend entre 1954 et 1962 expliquent la profusion de la présence des « Européens » à Telergma. On y distingue en premier lieu une unité de la Légion étrangère qui représente la principale arme de conquête du pays. Sa fanfare donne un concert à un amalgame de conscrits, d’Algériens de souche et de « Français d’Algérie », dont des enfants. Le public frappe par la variété de son apparence : certains ont gardé l’habit traditionnel, d’autres ont adopté la veste européenne et le pantalon, un jeune porte même une sorte de blouson. Fez et bérets se mélangent en bonne entente, mais encadrés par un cordon de police militaire. Pour un peu, on se croirait dans l’un des nombreux films réalisés par le Service cinématographique de l’armée plaidant en pleine guerre la mission civilisatrice de la France et la bienfaisance sanitaire et éducative répandue par les soldats. On est loin en tout cas de la tension des fictions de René Vautier (Avoir 20 ans dans les Aurès) ou de Pierre Schoendorffer (L’Honneur d’un capitaine). Albert se distingue aussi de certains des autres cinéastes amateurs par sa capacité à engager un rapport entre filmeur et filmé au travers de regards directs et même de caméras, même s'il a assuré en 2014 avoir dû se cacher pour filmer. <ref>Bertin-Maghit, p. 195</ref> |
'''Un marché exotique''' | '''Un marché exotique''' | ||
Le voyage contraint en Algérie permet à Jean Albert de découvrir une contrée évidemment exotique. Si le marché à découvert de Telergma n’a rien de la magie inquiétante d’un souk, il recèle son lot de curiosités pour un Européen. À même le sol on marchande avec gestes et regards codés des fruits secs et de l’huile ou de l’essence, des épices en vrac, des melons jaunes ou des pâtisseries, des onguents et autres produits médicinaux inconnus. On se risque à goûter quelques brochettes préparées sur un petit grill. Les moutons sont d’ailleurs omniprésents, sur pied ou tués : on vend leur viande exposée en plein soleil. Il y a là essentiellement des hommes, soit en uniforme, soit en habit traditionnel, et quelques enfants dont une petite fille aux vêtements richement ornés, mais aucune femme. Des conscrits se laissent tenter par les plats en métal rétamé qui feront un beau cadeau ou un souvenir typique, d’autres fixent la scène avec leur appareil photo et posent en plaisantant avec une mule et deux cornes de gazelle – le tout sous le regard attentif de la police militaire. Seule référence, peut-être, à la guerre qui fait rage, le cinéaste amateur filme en plan serré l’agonie d’un mouton qui vient d’être égorgé. Le sang écarlate brille sur le sable jaune. Mais Albert a monté juste après des plans d’une mule couchée dans la même position… et se réveillant ensuite de sa sieste, comme pour mieux désamorcer l’image du mouton qui est la seule véritablement violente des images rapportées d’Algérie. | Le voyage contraint en Algérie permet à Jean Albert de découvrir une contrée évidemment exotique. Si le marché à découvert de Telergma n’a rien de la magie inquiétante d’un souk, il recèle son lot de curiosités pour un Européen. À même le sol on marchande avec gestes et regards codés des fruits secs et de l’huile ou de l’essence, des épices en vrac, des melons jaunes ou des pâtisseries, des onguents et autres produits médicinaux inconnus. On se risque à goûter quelques brochettes préparées sur un petit grill. Les moutons sont d’ailleurs omniprésents, sur pied ou tués : on vend leur viande exposée en plein soleil. Il y a là essentiellement des hommes, soit en uniforme, soit en habit traditionnel, et quelques enfants dont une petite fille aux vêtements richement ornés, mais aucune femme. Des conscrits se laissent tenter par les plats en métal rétamé qui feront un beau cadeau ou un souvenir typique, d’autres fixent la scène avec leur appareil photo et posent en plaisantant avec une mule et deux cornes de gazelle – le tout sous le regard attentif de la police militaire. Seule référence, peut-être, à la guerre qui fait rage, le cinéaste amateur filme en plan serré l’agonie d’un mouton qui vient d’être égorgé. Le sang écarlate brille sur le sable jaune. Mais Albert a monté juste après des plans d’une mule couchée dans la même position… et se réveillant ensuite de sa sieste, comme pour mieux désamorcer l’image du mouton qui est la seule véritablement violente des images rapportées d’Algérie. | ||
+ | |Contexte_et_analyse_de=<big>'''Französische Fallschirmjäger auf dem Markt in Telergma'''</big> | ||
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+ | Am 1. November 1954 eröffnete die algerische Befreiungsfront (FLN) eine umfassende Offensive. Damit begann der „schmutzige Krieg“, den die Regierung in Frankreich als Befriedungsaktion bezeichnete. 1956 beschloss der sozialistischer Ratspräsident Guy Mollet, Wehrpflichtige zur Unterstützung der Berufssoldaten zu entsenden. Als solcher begab sich Jean Albert, 21 Jahre, in Uniform von Le Havre nach Marseille (0003FH0010) und dann zum Militärstützpunkt Telergma südlich von Constantine.Der Luftwaffenstützpunkt 211 war der wichtigste Stützpunkt für die Operationen der französischen Armee im Algerienkrieg. Von dort aus waren am 8. Februar 1958 die Bomber gestartet, die das Grenzdorf Sakiet verwüstet haben. Mit seinen großen Flugzeughallen, seiner Reparaturwerkstatt und seinem Flugversuchszentrum bildete der Luftwaffenstützpunkt eine echte Garnisonsstadt. Wie immer entstanden einige Siedlungen mit Geschäften für die Militärs und die Einheimischen, die für sie arbeiteten. | ||
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+ | '''Die Präsenz Frankreichs in Algerien''' | ||
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+ | Als der Algerienkrieg ausbrach, zählte das Algerien zehn Millionen Einwohner, davon etwa eine Million Europäer, die mehrheitlich aus Spanien und Frankreich stammten. Seit 1950 war der Wehrdienst für die Männer mit 21 Jahren von 12 auf 18 Monate verlängert worden. Der Algerienkrieg war eine Ausnahmezeit, in der manche Jahrgänge erneut eingezogen und bis zu 30 Monate Wehrdienst leisten mussten. Insgesamt wurden etwa 1,34 Millionen junge Franzosen nach Algerien geschickt, um die 407.000 dort stationierten Soldaten zu unterstützen. Die Wehrpflichtigen machten mit etwa 12.000 Opfern ungefähr die Hälfte der französischen Gefallenen und Toten dieses Krieges aus. | ||
+ | Die lange Geschichte der Kolonisierung Algeriens und die „Befriedungsaktion“ zwischen 1954 und 1962 erklären die Anwesenheit der vielen „Europäer“ in Telergma. Zunächst sieht man eine Einheit der Fremdenlegion, die wichtigste Waffe zur Eroberung des Landes. Ihre Kapelle gibt ein Konzert vor einem gemischten Publikum aus Wehrpflichtigen, einheimischen Algeriern und „Algerien-Franzosen“, unter denen sich auch Kinder befinden. Das Publikum erstaunt durch sein vielfältiges Aussehen: einige tragen traditionelle Kleidung, andere eine europäische Jacke und eine Hose, ein junger Mann trägt sogar eine Art Blouson. Fez-Hüte und Tellermützen in gutem Einvernehmen, aber hinter einer Absperrung der Militärpolizei. Man könnte sich fast in einem der vielen Filme der Abteilung für Filmproduktion der Armee wähnen, die mitten im Krieg Werbung für die zivilisatorische Mission Frankreichs und die von den Soldaten verbreiteten Wohltaten in Sachen Gesundheit und Bildung machte. Man ist auf jeden Fall weit von der Spannung der Spielfilme von René Vautier (''Mit 20 Jahren in den Aurès'' (auch: ''Mit 20 im Algerienkrieg'') oder von Pierre Schoendorffer (''Die Ehre eines Kapitäns'') entfernt. | ||
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+ | '''Ein exotischer Markt''' | ||
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+ | Auf seiner gezwungenen Reise nach Algerien entdeckt Jean Albert eine selbstverständlich exotische Gegend. Zwar hat der Markt unter freiem Himmel von Telergma nichts von dem beunruhigenden Zauber eines Souk, aber für einen Europäer hält er dennoch allerhand Kuriositäten bereit. Am Boden werden mit codierten Gesten und Blicken Trockenfrüchte und Öl oder Essenzen, offene Gewürze, Honigmelonen oder Gebäck, Salben und andere unbekannte Arzneimittel gehandelt. Man wagt es, einige kleine Spieße vom Grill zu probieren. Die Schafe sind allgegenwärtig, ob lebend oder tot. Man verkauft ihr in der prallen Sonne liegendes Fleisch. Hier verkehren hauptsächlich Männer, entweder in Uniform oder in traditioneller Kleidung, und einige Kinder. Darunter ein Mädchen mit reich verzierter Kleidung, aber keine Frauen. Einige Wehrpflichtige kaufen Schalen aus verzinntem Metall, als schönes Geschenk oder typisches Souvenir, andere halten die Szene mit ihrem Fotoapparat fest und posieren im Scherz mit einem Muli und zwei Gazellenhörnern – aufmerksam beobachtet von der Militärpolizei. Als vielleicht einzigen Bezug zum gerade tobenden Krieg zeigt der Amateurfilmer in einer Nahaufnahme den Todeskampf eines gerade geschlachteten Schafs. Das rote Blut leuchtet auf dem gelben Sand. Aber Albert hat gleich danach Aufnahmen eines in der gleichen Position liegenden Mulis hineingeschnitten ... das danach aus seinem Mittagsschlaf erwacht, als wolle er das Bild des Schafes entschärfen, das einzige wirklich gewaltsame Bild, das er aus Algerien mitgebracht hat. | ||
+ | |Bibliographie=Jean-Pierre Bertin-Maghit, ''Lettres filmées d'Algérie. Des soldats à la caméra (1954-1962)'', Paris, Nouveau Monde éditions, 2015. | ||
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+ | Sébastien Denis, ''Le Cinéma et la guerre d'Algérie. La propagande à l'écran (1945-1962)'', Paris, Nouveau Monde éditions, 2009. | ||
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+ | Jean-Charles Jauffret, ''Soldats en Algérie 1954-1962. Expériences contrastées des hommes du contingent'', Paris, Autrement, 2000. | ||
+ | |Documents_annexes=https://fresques.ina.fr/independances/parcours/0003/les-medias-audiovisuels-dans-la-guerre-d-algerie.html | ||
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Version actuelle datée du 14 mars 2019 à 15:28
Résumé
Description
Défilé d'une fanfare dans la rue devant des spectateurs locaux
Fanfare jouant
Des militaires mettant des spectateurs dans le rang, dont enfants, hommes en chèche blanc et
soldats en calot
Fanfare
Défilé de la fanfare
Les spectateurs suivent
Nombreux bédouins avec leurs chèvres et moutons
Scènes de marché (belles images) : vente de bonbons, d'épices, rémouleur...
Portrait d'une petite fille en turban
Petit garçon achetant une friandise
Militaire prenant en photographie ses camarades posant avec un âne
Bédouins quittant le marché
Vente de textile
Militaires
Bédouin passant sur un âne
Scènes de marché
Brebis égorgée
Ane se reposant
Brochettes cuisant
Etals
Un occidental mange
Contexte et analyse
Le 1er novembre 1954, le Front national de Libération algérien lance une offensive tous azimuts. Alors débute la « sale guerre » qu’en métropole les autorités nomment opération de pacification. En 1956, le président du conseil socialiste Guy Mollet décide de l’envoi du contingent pour soutenir les militaires de carrières. C’est ainsi que Jean Albert, 21 ans, part en uniforme du Havre à Marseille (0003FH0010) et rejoint la base militaire de Telergma au sud de Constantine. La base aérienne opérationnelle 211 représente le principal point d’appui des opérations de l’armée française pendant la guerre d’Algérie. C’est de là que le 8 février 1958 ont décollé les bombardiers qui ont ravagé le village frontalier de Sakhiet. Avec ses vastes hangars, son atelier de réparation et son centre d’expérimentation aérienne, la base forme une véritable ville de garnison. Comme c’est toujours le cas s’agrègent alors quelques habitations et se développe un commerce à destination des militaires et des indigènes qui dépendent de leur présence. À l'inverse des appelés envoyés garder les quelque 5000 postes isolés sur le territoire algérien, les Français sont ici en position de force.
Présences françaises en territoire algérien
Au moment où éclate la guerre d’Algérie, le territoire compte 10 millions d’habitants, dont environ un million d’Européens venus majoritairement d’Espagne et de France. Depuis 1950, le service militaire est repassé de 12 à 18 mois pour les hommes âgés de 21 ans. Période d’exception, la guerre d’Algérie a pour conséquence le rappel de certaines classes et le maintien sous l’uniforme des conscrits jusqu’à 30 mois. En tout, ce sont environ 1,34 million de jeunes Français qui sont envoyés en Algérie soutenir l’effort de 407 000 soldats d’active. Le contingent représente environ la moitié des tués et morts français du conflit, soit environ 12 000 victimes.
La longue histoire de la colonisation de l’Algérie et l’opération de « pacification » qui s’étend entre 1954 et 1962 expliquent la profusion de la présence des « Européens » à Telergma. On y distingue en premier lieu une unité de la Légion étrangère qui représente la principale arme de conquête du pays. Sa fanfare donne un concert à un amalgame de conscrits, d’Algériens de souche et de « Français d’Algérie », dont des enfants. Le public frappe par la variété de son apparence : certains ont gardé l’habit traditionnel, d’autres ont adopté la veste européenne et le pantalon, un jeune porte même une sorte de blouson. Fez et bérets se mélangent en bonne entente, mais encadrés par un cordon de police militaire. Pour un peu, on se croirait dans l’un des nombreux films réalisés par le Service cinématographique de l’armée plaidant en pleine guerre la mission civilisatrice de la France et la bienfaisance sanitaire et éducative répandue par les soldats. On est loin en tout cas de la tension des fictions de René Vautier (Avoir 20 ans dans les Aurès) ou de Pierre Schoendorffer (L’Honneur d’un capitaine). Albert se distingue aussi de certains des autres cinéastes amateurs par sa capacité à engager un rapport entre filmeur et filmé au travers de regards directs et même de caméras, même s'il a assuré en 2014 avoir dû se cacher pour filmer. [3]
Un marché exotique
Le voyage contraint en Algérie permet à Jean Albert de découvrir une contrée évidemment exotique. Si le marché à découvert de Telergma n’a rien de la magie inquiétante d’un souk, il recèle son lot de curiosités pour un Européen. À même le sol on marchande avec gestes et regards codés des fruits secs et de l’huile ou de l’essence, des épices en vrac, des melons jaunes ou des pâtisseries, des onguents et autres produits médicinaux inconnus. On se risque à goûter quelques brochettes préparées sur un petit grill. Les moutons sont d’ailleurs omniprésents, sur pied ou tués : on vend leur viande exposée en plein soleil. Il y a là essentiellement des hommes, soit en uniforme, soit en habit traditionnel, et quelques enfants dont une petite fille aux vêtements richement ornés, mais aucune femme. Des conscrits se laissent tenter par les plats en métal rétamé qui feront un beau cadeau ou un souvenir typique, d’autres fixent la scène avec leur appareil photo et posent en plaisantant avec une mule et deux cornes de gazelle – le tout sous le regard attentif de la police militaire. Seule référence, peut-être, à la guerre qui fait rage, le cinéaste amateur filme en plan serré l’agonie d’un mouton qui vient d’être égorgé. Le sang écarlate brille sur le sable jaune. Mais Albert a monté juste après des plans d’une mule couchée dans la même position… et se réveillant ensuite de sa sieste, comme pour mieux désamorcer l’image du mouton qui est la seule véritablement violente des images rapportées d’Algérie.Bibliographie
Jean-Pierre Bertin-Maghit, Lettres filmées d'Algérie. Des soldats à la caméra (1954-1962), Paris, Nouveau Monde éditions, 2015.
Sébastien Denis, Le Cinéma et la guerre d'Algérie. La propagande à l'écran (1945-1962), Paris, Nouveau Monde éditions, 2009.
Jean-Charles Jauffret, Soldats en Algérie 1954-1962. Expériences contrastées des hommes du contingent, Paris, Autrement, 2000.Documents annexes
Article rédigé par
ALEXANDRE SUMPF, 10 décembre 2018
- ↑ En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
- ↑ Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.
- ↑ Bertin-Maghit, p. 195