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Résumé


Ces scènes de rue à Hoffen et Oberseebach du Bas-Rhin montrent des paysans et des villageois en vêtements traditionnels dans les années 1930, parmi lesquels se promènent Charles Spindler et Edouard Elzingre.

Description


Hoffen. Une femme en tablier et sabots pompe de l'eau. Elle passe avec un seau rempli. Un paysan en bonnet et sabots. Couple de paysans descendant un escalier, le long de la mairie de Hoffen. Trois hommes élégants marchent dans la rue (dont Charles Spindler et certainement Edouard Elzingre) ; derrière eux deux femmes en tablier, sabots et fichus ; en arrière plan l'église de Hoffen. Une paysanne portant un panier et une bêche. Un homme balaie sa cour.


Oberseebach ? Enfants dans la cour d'une ferme. Un homme harnache un cheval. Couple de paysans et un enfant. Une charrette passe.

Métadonnées

N° support :  0026FN0004
Date :  1928
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:01:11
Cinéastes :  Spindler, Paul
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Identité, Traditions, Vie rurale
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Charles Spindler. Jeunes filles et enfants de Hoffen, 1902. Source : Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg

Charles et Paul Spindler : l'étude du folklore alsacien

Charles Spindler, filmé ici par son fils Paul, est un véritable folkloriste de par son étude du costume alsacien. Entre 1893 et 1896, Spindler publie avec Joseph Sattler Elsaesser Bilderbogen (Images alsaciennes), dans lequel il retrace l’historique de la fameuse coiffe à nœud. D'après lui elle est tout à la fois un signe identitaire évoluant selon les évènements politiques et un ornement décoratif, changeant au gré de la « coquetterie féminine » [1]. Il créé en 1898 la Revue alsacienne illustrée, qui paraîtra jusqu’en 1914. Citons aussi Costumes et coutumes d’Alsace qu’il a co-signé en 1902 avec son camarade du Cercle de Saint-Léonard, Anselme Laugel, et qui s'impose comme une référence dans l'étude du costume traditionnel alsacien, ainsi que Réflexion sur le costume alsacien en 1937. Il a évidemment produit de très nombreux portraits d’Alsaciens en habits traditionnels. Dans les fonds MIRA, on retrouve souvent Charles Spindler et son fils en promenade dans des villages alsaciens (voir Paysans, 1928). Ici, l’aquarelliste et marqueteur semble se promener dans un musée à ciel ouvert, en compagnie du peintre suisse Edouard Elzingre et un ami de Paul Spindler, appelé Lulu. Les trois hommes détonnent par leur nonchalance et leur tenue cossue parmi les habitants portant des habits rustiques qui s'affairent ou qui passent avec empressement.

Paul Spindler a continué dans les traces de son père en tant que marqueteur et aquarelliste dans l’atelier familial de Saint-Léonard. Outre son goût pour les images de voyages et les scènes familiales, il a utilisé le film à des fins d’études artistiques et toujours avec un grand intérêt pour l’Alsace rurale. On le constate dans plusieurs de ses productions, notamment dans certaines séquences où ses amis sont mis en scène avec le costume alsacien (voir 0026FN0020, Dr Beysinges, Miles costumés en alsacien, 1928-29 ; 0026FN0034, Modèles, 1929).


L'Outre-Forêt, un territoire aux traditions encrées

Les villages d’Hoffen et d’Oberseebach se situent dans la région naturelle dite de l’Outre-Forêt, tout au nord de l’Alsace. Longtemps séparée du reste de la région par la forêt de Haguenau, elle s'en différencie longtemps par la préservation de ses coutumes et de son architecture reconnaissable à travers ses maisons à colombages blanches, comme on le remarque sur ces images. Dans les fonds MIRA, diverses séquences de fêtes locales y ont été tournées sur plusieurs décennies, témoignant de la vitalité de son folklore (Spindler, Fête-Dieu à Schleithal, 0026FN0006, 1929). En 1928, Hoffen est un petit village et ne compte pas plus de 500 habitants environ[2]. Cette bourgade historiquement protestante est principalement agricole, notamment par son activité céréalière importante, et compte de nombreuses fermes.

Oberseebach (Seebach depuis sa fusion avec Niederseebach en 1974), souvent représentée par Charles Spindler, est situé à 1km environ d’Hoffen. Dans les années 30, cette localité compte déjà un peu moins de 1500 habitants[3]. Architecturalement, Seebach est remarquable par les nombreuses fermes à colombages du 18e siècle qui y sont visibles. Ce village est aujourd'hui un haut-lieu du folklore alsacien, notamment avec le Streisselhochzeit, ou mariage au bouquet, qui s’y déroule chaque année.


Charles Spindler. Paysan de Hunspach en costume de travail, 1902. Source : Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg.

Le vêtement de travail du paysan alsacien

Dans l'imaginaire, le costume alsacien se compose d'une grande coiffe à nœud noire et d'une jupe rouge. Or, ce vêtement, bien qu’existant et porté dans le Kochersberg et le Pays de Hanau dès 1850, est une représentation folklorique qui s’est développée à la faveur des évènements historiques depuis l'annexion de 1870. Les Alsaciennes installées en France rajoutent souvent une cocarde à leur coiffe à noeud, symbole patriotique par excellence, comme l’a représenté le peintre Jean-Jacques Henner en 1871[4]. En réalité, ce costume alsacien essentiellement rural et parfois richement orné, n'est pas l'habit porté au quotidien, mais un vêtement de fête. C'est l'amélioration de la condition paysanne alsacienne à partir du 18e siècle qui a permis aux villageois l'achat d'étoffes plus fines et le port d'une toilette plus fastueuse pour les grandes occasions, les fêtes de village ou le dimanche. Ce vêtement est multiforme. Il évolue au fil du temps, change selon la région, la confession à partir de la fin du 19e siècle, et même selon le statut marital pour les femmes. Dans l'Outre-Forêt d'ailleurs, la coiffe distingue les veuves qui la portent noire et comme un bonnet. C’est également dans cette région que les différences entre le costume des femmes catholiques et protestantes sont les plus nombreuses[5].

Dans les musées régionaux, les costumes ayant été conservés sont bien sûr ces atours de fête, mieux entretenus et moins usés que l’habit de travail qui était jeté ou transformé en chiffon une fois passé[6]. Pour ces raisons et parce que pendant longtemps ils ont suscité un intérêt moindre, l'habit quotidien est peu représenté dans les musées. Les images tournées par Paul Spindler sont donc essentielles pour comprendre comment était porté cet habit, et comment les villageois pouvait s'y mouvoir. C'est ce qui est notable dans cet extrait : les costumes portés sont des vêtements de la vie courante, à l’inverse par exemple de plusieurs autres séquences qui nous montrent les habitants dans leur costume de fête (voir Paysans, 1928).

La tenue de travail est d'allure identique à la tenue de fête, mais plus allégée et dans des tissus moins fins, plus solides, et moins décorés. La coiffe alsacienne des femmes, très décorative mais peu pratique, est remplacée au travail par un foulard blanc, un chapeau de paille, ou une sorte de grande coiffe blanche. Cette Schindelkapp, aussi appelée quichenotte dans d'autres régions, permet de se protéger du soleil grâce aux lattes de bois qui la composent et qui maintiennent le tissu autour du visage. Une lavandière porte ce type de bonnet sur la séquence du lavoir, ainsi que la paysanne marchant derrière Edouard Elzingre. Bien entendu, pour les divers travaux, les femmes portent aussi des foulards blancs. La coiffure féminine peut également être représentative du territoire. Ainsi en Outre-Forêt, les femmes relevaient leurs cheveux nattés sur la tête, comme on le voit ici dans la séquence tournée à Hoffen.

L'habit de travail de l'agriculteur consiste principalement en une blouse bleue brodée et un bonnet. L'habit de fête des hommes est moins varié que le costume féminin mais il évolue dans le temps en suivant la mode française et l’uniforme militaire, comme les très typiques rangées de boutons sur les vestes et les gilets. L’homme se coiffe également avec un bonnet qui varie selon les régions. On note ici à Hoffen deux costumes typiquement alsaciens portés par deux hommes, dont l'un balaie sa cour. A l'instar des hommes et enfants de cette région de Wissembourg, ils sont parés d’une calotte, appelée le Marschelskapp ou Morischelkapp, soit coiffe à morille, en laine tricotée. A Seebach, on porte une autre coiffe masculine notable, la fameuse toque en fourrure de putois (voir Mariage à Oberseebach, 1937).

Les sabots sont utilisés pour les travaux dans les champs. Autrement les paysans se chaussent de souliers à lacets. Dans la séquence à Hoffen, nombreux sont les habitants à porter les sabots. A l’inverse, à Châtenois, localité plus industrialisée, le sabot n’est pas porté, sauf par un petit groupe de personnes âgées.

Dans ces pays ruraux, l'entretien du linge fait partie d'un véritable rituel et est l'occasion de festivités jusqu'au début du 20e siècle.

Personnages identifiés


Spindler, Charles; Elzingre, Edouard

Lieux ou monuments


Hoffen; Oberseebach; Châtenois

Bibliographie


WOLFF, Anne. Costumes d'Alsace : étoffes d'un monde, catalogue d'exposition, Strasbourg, Musées de la ville de Strasbourg, 2018. 25 p.


Article rédigé par

Marion Brun, 15 octobre 2018


  1. IGERSHEIM, François. « Laugel (Anselme), Spindler (Charles), Costumes et coutumes d’Alsace. Suivi de Réflexion sur le costume alsacien (1937) par Charles Spindler ». Revue d’Alsace, n° 135, 2009, 533-537
  2. http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/fiche.php?select_resultat=17198
  3. http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/fiche.php?select_resultat=25409)
  4. voir : http://www.musee-henner.fr/collections/l-alsace-elle-attend
  5. WOLFF, Anne. Costumes d'Alsace : étoffes d'un monde, catalogue d'exposition, Strasbourg, Musées de la ville de Strasbourg, 2018. p. 16
  6. Op. cit WOLFF, Anne p.20