Volerie des aigles (0083FI0005) : Différence entre versions
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− | |Resume_fr=La séquence, réalisée en couleur par Hippolyte Louis Laemmel ( | + | |Resume_fr=La séquence, réalisée en couleur par Hippolyte Louis Laemmel (1910 - 1987) vers 1969/70, retrace une visite de la Volerie des Aigles de Kintzheim par le cinéaste et sa femme. Les ruines du château, qui abritent le parc animalier, sont captées sur la pellicule, ainsi que les rapaces et le spectacle proposé aux visiteurs. |
|Description_fr=La séquence commence par un gros plan sur un panneau de présentation « Présentation… de la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS ». A la septième seconde, le film bascule sur le blason de la Volerie des Aigles. Il représente un aigle est (au centre), avec en arrière-plan le château de Kintzheim, qui abrite la Volerie, le tout encerclé par un ovale jaune avec inscrit en haut « Volerie des Aigles » et en bas « Château de Kintzheim ». Sous le logo, on peut lire « Ouvert au public tous les jours ». | |Description_fr=La séquence commence par un gros plan sur un panneau de présentation « Présentation… de la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS ». A la septième seconde, le film bascule sur le blason de la Volerie des Aigles. Il représente un aigle est (au centre), avec en arrière-plan le château de Kintzheim, qui abrite la Volerie, le tout encerclé par un ovale jaune avec inscrit en haut « Volerie des Aigles » et en bas « Château de Kintzheim ». Sous le logo, on peut lire « Ouvert au public tous les jours ». | ||
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Après deux minutes de film sur le spectacle, un gros plan est fait sur un Circaète Jean-le-Blanc qui mange une vipère. Il essaie de l’avaler et se bat avec pour l’achever devant les spectateurs. Un des responsables semble intervenir, alors que cela fait partie du spectacle. | Après deux minutes de film sur le spectacle, un gros plan est fait sur un Circaète Jean-le-Blanc qui mange une vipère. Il essaie de l’avaler et se bat avec pour l’achever devant les spectateurs. Un des responsables semble intervenir, alors que cela fait partie du spectacle. | ||
− | |Contexte_et_analyse_fr=Dans le village alsacien de Kintzhiem, l'aigle a une importance particulière. Il est, en effet, le symbole de la commune et une chapelle porte le nom de Chapelle de l'Aigle. Il n'est donc pas étonnant que le village se soit | + | |Contexte_et_analyse_fr=[[Fichier:Blason de la commune de Kintzheim.png|vignette|gauche|L'aigle, symbole de la commune de Kintzheim. D'argent à l'aigle de sable, armé et lampassée de gueules"<ref name="Kintzheim">Commune de Kintzheim, ''Kintzheim, toute une histoire'', Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.12</ref>. ©Wiki Commons]] |
− | < | + | Dans le village alsacien de Kintzhiem, l'aigle a une importance particulière. Il est, en effet, le symbole de la commune et une chapelle porte même le nom de Chapelle de l'Aigle. Il n'est donc pas étonnant que le village se soit employé à la création d'une volerie, notamment par l'intermédiaire de Jacques Renaud et du maire de l'époque, René Koenig (de 1947 à 1977)'' <ref name="Kintzheim"/>, dans les ruines du château datant du XIIIème siècle. |
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− | ''' | + | =='''Le premier parc animalier de Kintzheim'''== |
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+ | La Volerie des Aigles est le premier des trois parcs animaliers de Kintzheim à ouvrir ses portes. Installée dans les ruines du château surplombant le village à 260 mètres d'altitude, elle est accessible au public à partir de juillet 1968<ref name="Kintzheim"/>. Il faut attendre 1969 pour la Montagne des Singes et 1974 pour la première version de l'actuel parc d'attraction et animalier Cigoland. C'est un endroit stratégique pour le tourisme local, qui bénéficie de la proximité de la ville de Sélestat (4 km de séparation) mais surtout de la Route des vins (inaugurée en 1953), dont Kintzheim fait partie et est connu surtout pour son vin blanc Praelatenberg, classé parmi les grands crus d'Alsace<ref name="Kintzheim"/>. D'ailleurs, le village est filmé en plongée depuis le château, et on peut entr'apercevoir le vignoble alentour. | ||
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+ | La séquence suit une visite du couple Leammel à Volerie des Aigles vers 1969/70. Les visiteurs présents dans le film font partie des premiers spectateurs, puisqu'en 1969, la Volerie n'en est qu'à sa deuxième saison. Ils assistent au spectacle debout, derrière des cordes, contrairement à aujourd'hui où l'on est assis sur des bancs. Ils observent le spectacle avec attention, malgré le mauvais temps, et se laissent surprendre par les oiseaux en plein vol. Comme l'indique le panneau visible au début de la séquence, les visiteurs viennent pour voir «la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS». | ||
− | + | Le spectacle a été inventé pour les visiteurs. D'ailleurs, le cinéaste fait un gros plan sur le blason de la Volerie, représentant un aigle (au centre), avec en arrière-plan le château de Kintzheim, le tout encerclé par un ovale jaune avec inscrit en haut « Volerie des Aigles » et en bas « Château de Kintzheim ». Sous le logo, on peut lire « Ouvert au public tous les jours ». Il y a là la preuve que l'objectif est d'attirer des visiteurs. En regardant certaines images, on peut noter qu'au moment du tournage, il n'est pas si différent de celui que l'on peut observer aujourd'hui, bien qu'actuellement, plus de deux fauconniers qui travaillent pour le parc. Par exemple, l'oiseau qui passe sur les jambes des spectateurs est une partie qui existe toujours, de même que la démonstration de vol. A la fin de la séquence, on peut voir la mise en scène de la chasse des rapaces. Un oiseau, probablement un circaète Jean-le-Blanc (''Circaetus gallicus'')<ref>''La Volerie des Aigles : Le château de Kintzheim'', S.A.E.P., Colmar-Ingersheim, 1970</ref>, s'attaque à une vipère et tente de la tuer et de l'avaler devant les spectateurs, et l'un des employés du parc semble intervenir, bien qu'il s'agisse d'un élément du spectacle. Cette scène montrée au public permet de les informer de l'utilité de certaines espèces dans la régulation naturelle des populations animales, ici de serpents. Le spectacle s'est monté en fonction des capacités des espèces, sans ordre particulier pour la présentation au public<ref>Information donnée par Christophe Picco, responsable de communication de la Volerie.</ref>. | |
− | + | [[Fichier:Circaetus gallicus.jpg|vignette|Un circaète Jean-le-Blanc (''Circaetus gallicus''), le rapace attaquant la vipère à la fin de la séquence. ©Wiki Commons]] | |
− | + | =='''Une Volerie unique en France'''== | |
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L'ouverture de la Volerie s'est décidée après un constat alarmant fait dans les années 1960 : la baisse rapide des populations d'oiseaux de proies en Alsace et dans le monde, notamment liée à des pratiques de chasses non-autorisées, à l'utilisation du piégeage et à une forte expansion de l'agriculture sur certains lieux de reproduction. | L'ouverture de la Volerie s'est décidée après un constat alarmant fait dans les années 1960 : la baisse rapide des populations d'oiseaux de proies en Alsace et dans le monde, notamment liée à des pratiques de chasses non-autorisées, à l'utilisation du piégeage et à une forte expansion de l'agriculture sur certains lieux de reproduction. | ||
− | La Volerie a donc plusieurs objectifs dès son ouverture. Premièrement, permettre la reproduction, la protection et le dressage de ces espèces menacées. Les spectacles assurent un | + | La Volerie a donc plusieurs objectifs dès son ouverture. Premièrement, permettre la reproduction, la protection et le dressage de ces espèces menacées. Les spectacles assurent un soutien financier au parc, mais toutes les images filmées, toutes les photos prises pendant le spectacle montrent autant que possible les oiseaux à l'état naturel. Autrement dit, les fauconniers ne vont jamais à l'encontre des instincts des oiseaux. Chaque numéro exécuté que l'on voit dans la séquence ou en direct dans le parc peut se retrouver dans la nature, que ce soit la démonstration de vitesse qui effraye tant les spectateurs dans le film, une attaque de proie ou encore un vol en altitude. Les oiseaux sont dressés dès le moment où ils peuvent voler, soit de un à deux mois selon les espèces. |
− | Le spectacle assure aussi, en partie, la seconde fonction du parc à savoir la transmission des connaissances sur les rapaces, et notamment sur les espèces menacées, et sensibiliser un public à la nécessité de préserver la biodiversité locale<ref | + | Le spectacle assure aussi, en partie, la seconde fonction du parc à savoir la transmission des connaissances sur les rapaces, et notamment sur les espèces menacées, et sensibiliser un public à la nécessité de préserver la biodiversité locale<ref name="Kintzheim"/>. En 1968, Kintzheim est alors le seul endroit en France où se trouve une volerie. L'autre partie de la pédagogie se fait par le biais de pancartes passées devant les abris des oiseaux présents dans les ruines du château. On les entrevoit tout au long de la première partie de la séquence (avant le spectacle), et les visiteurs peuvent les lire pendant leur passage dans les ruines du château, en même temps que les oiseaux eux-mêmes. Dans le film, on remarque qu'il n'y a pas autant d'espèces qu'aujourd'hui (ou alors, le réalisateur a fait le choix de ne pas toutes les montrer) et que les oiseaux sont tous attachés par l'une de leurs serres avec une chaîne ou une corde (on ne voit pas les cages pour les hiboux et les chouettes dans la séquence). |
− | Le parc accueille de nombreuses espèces de rapaces, diurnes comme nocturnes, chasseurs comme charognards. On en voit un certain nombre dans le film, notamment des aigles, des buses, des faucons, des chouettes et hiboux, ou encore des vautours et des condors. Certains sont filmés de très près par Hippolyte Louis Laemmel. Le parc se qualifie de pionnier en matière de sauvegarde et de protection des espèces. | + | Le parc accueille de nombreuses espèces de rapaces, diurnes comme nocturnes, chasseurs comme charognards. On en voit un certain nombre dans le film, notamment des aigles, des buses, des faucons, des chouettes et hiboux, ou encore des vautours et des condors. Certains sont filmés de très près par Hippolyte Louis Laemmel. Le parc se qualifie de pionnier en matière de sauvegarde et de protection des espèces. Depuis son ouverture, le parc a pu bénéficier d'une publicité locale, régionale et nationale, en fonction des événements organisés<ref>Information donnée par Christophe Picco, responsable de communication de la Volerie.</ref>. |
− | + | Le cinéaste a fait de nombreux choix pour son film. En effet, la visite dure environ une heure, la séquence dure de 2 minutes 46, le temps d'une bobine. Il y a par conséquent beaucoup d'éléments manquants, comme par exemple les pancartes explicatives pour chaque espèce, qui ne sont que partiellement visibles ou encore le choix de filmer seulement certaines espèces parmi la cinquantaine présentée<ref>Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans ''Bêtes et nature à travers l'Alsace'', n°87, Strasbourg, Juillet 1971, p.14</ref>. Le film a tout de même l'avantage de capter un art en disparition aujourd'hui : la fauconnerie. | |
− | + | [[Fichier:Logo Volerie.jpg|vignette|gauche|Actuel logo de la Volerie des Aigles. ©Wiki Commons]] | |
− | + | Le film se concentre essentiellement sur les rapaces et le spectacle alors que d'autres films sur la Volerie, comme celui présent dans le fonds Weinmann réalisé en 1972/73 par exemple, montrent quant à eux plutôt la famille dans la Volerie au lieu des espèces et du divertissement. On pourrait faire la même analyse avec des séquences provenant de la Montagne des Singes, autre parc animalier de Kintzheim ouvert en 1969, dans lesquelles les cinéastes se concentrent soit sur leur famille dans le parc en interaction avec les singes, soit sur les magots eux-mêmes dans leur habitat et en interaction avec les visiteurs. | |
− | Hippolyte Louis Laemmel, né en 1910, a commencé sa carrière comme instituteur à Niederbronn. On peut s'étonner de l'intérêt porté à la Volerie des Aigles par le réalisateur. Pourtant, sa biographie peut donner quelques explications. | + | =='''Le réalisateur et le ciel : une histoire entrelacée'''== |
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+ | Hippolyte Louis Laemmel, né en 1910 à Berstheim, a commencé sa carrière comme instituteur à Niederbronn. On peut s'étonner de l'intérêt porté à la Volerie des Aigles et aux rapaces par le réalisateur. Pourtant, sa biographie peut donner quelques explications. | ||
Durant la Seconde Guerre Mondiale, il est incorporé en qualité de navigateur de pilote pour des missions d'observation. Cette fonction lui a peut-être permis de découvrir l'univers de l'ornithologie. En effet, durant la guerre, l'utilisation d'oiseaux est régulière, notamment pour transmettre des messages. Laemmel est également un chasseur, et il a donc pu développer son intérêt pour les rapaces à partir de sa pratique de la chasse. La réalisation d'un film à la Volerie par un chasseur, alors que la chasse est l'une des causes premières de disparition des oiseaux contre laquelle la Volerie lutte, est un peu paradoxale. | Durant la Seconde Guerre Mondiale, il est incorporé en qualité de navigateur de pilote pour des missions d'observation. Cette fonction lui a peut-être permis de découvrir l'univers de l'ornithologie. En effet, durant la guerre, l'utilisation d'oiseaux est régulière, notamment pour transmettre des messages. Laemmel est également un chasseur, et il a donc pu développer son intérêt pour les rapaces à partir de sa pratique de la chasse. La réalisation d'un film à la Volerie par un chasseur, alors que la chasse est l'une des causes premières de disparition des oiseaux contre laquelle la Volerie lutte, est un peu paradoxale. | ||
− | Tout cela relève de l'hypothèse, mais la chasse et sa carrière dans l'aviation | + | Tout cela relève de l'hypothèse, mais la chasse et sa carrière dans l'aviation peuvent faire penser qu'il a peut-être des connaissances en ornithologie : le film relèverait donc d'une passion plutôt que de la simple visite touristique. |
|Bibliographie=Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans ''Bêtes et nature à travers l'Alsace'', n°87, Strasbourg, Juillet 1971, p. 10- 14 | |Bibliographie=Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans ''Bêtes et nature à travers l'Alsace'', n°87, Strasbourg, Juillet 1971, p. 10- 14 | ||
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[http://www.voleriedesaigles.com Site de la Volerie des Aigles] | [http://www.voleriedesaigles.com Site de la Volerie des Aigles] | ||
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− | <li style="display: inline-block;">[[Fichier:Un aigle pêcheur d'Afrique.jpg|vignette|Un aigle pêcheur d'Afrique (''Haliaeetus vocifer''), l'une des espèces que les visiteurs peuvent venir observer dans le parc.]]</li> | + | <li style="display: inline-block;">[[Fichier:Un aigle pêcheur d'Afrique.jpg|vignette|Un aigle pêcheur d'Afrique (''Haliaeetus vocifer''), l'une des espèces que les visiteurs peuvent venir observer dans le parc ©Wiki Commons.]]</li> |
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+ | |descripteurs=Château; Oiseaux; Spectacle; Tourisme | ||
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Version actuelle datée du 7 juin 2019 à 11:32
Résumé
Description
La séquence commence par un gros plan sur un panneau de présentation « Présentation… de la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS ». A la septième seconde, le film bascule sur le blason de la Volerie des Aigles. Il représente un aigle est (au centre), avec en arrière-plan le château de Kintzheim, qui abrite la Volerie, le tout encerclé par un ovale jaune avec inscrit en haut « Volerie des Aigles » et en bas « Château de Kintzheim ». Sous le logo, on peut lire « Ouvert au public tous les jours ».
Le film suit la visite du cinéaste. La façade du château est montrée, puis la cour intérieure et les ruines et enfin, un panorama de la vallée avec une plongée sur le village de Kintzheim.
Après 31 secondes, le cinéaste fait des gros plans et des plans plus larges sur les oiseaux, attachés par l'une de leurs serres pour éviter une fuite. On peut voir des rapaces nocturnes et des oiseaux de proie (buses, hiboux, aigles, vautours, etc.).
A la 57ème seconde, le spectacle débute. Un fauconnier tient un aigle sur son gant devant les spectateurs. Le rapace est filmé en vol et plonge vers le public, surpris. Les artistes continuent de faire voler les rapaces, qui surprennent le public à plusieurs reprises. Ils laissent les oiseaux s’approcher du public puis les rappellent. Le public sort les parapluies, la météo n’est pas bonne.
Après deux minutes de film sur le spectacle, un gros plan est fait sur un Circaète Jean-le-Blanc qui mange une vipère. Il essaie de l’avaler et se bat avec pour l’achever devant les spectateurs. Un des responsables semble intervenir, alors que cela fait partie du spectacle.
Contexte et analyse
Dans le village alsacien de Kintzhiem, l'aigle a une importance particulière. Il est, en effet, le symbole de la commune et une chapelle porte même le nom de Chapelle de l'Aigle. Il n'est donc pas étonnant que le village se soit employé à la création d'une volerie, notamment par l'intermédiaire de Jacques Renaud et du maire de l'époque, René Koenig (de 1947 à 1977) [1], dans les ruines du château datant du XIIIème siècle.
Le premier parc animalier de Kintzheim
La Volerie des Aigles est le premier des trois parcs animaliers de Kintzheim à ouvrir ses portes. Installée dans les ruines du château surplombant le village à 260 mètres d'altitude, elle est accessible au public à partir de juillet 1968[1]. Il faut attendre 1969 pour la Montagne des Singes et 1974 pour la première version de l'actuel parc d'attraction et animalier Cigoland. C'est un endroit stratégique pour le tourisme local, qui bénéficie de la proximité de la ville de Sélestat (4 km de séparation) mais surtout de la Route des vins (inaugurée en 1953), dont Kintzheim fait partie et est connu surtout pour son vin blanc Praelatenberg, classé parmi les grands crus d'Alsace[1]. D'ailleurs, le village est filmé en plongée depuis le château, et on peut entr'apercevoir le vignoble alentour.
La séquence suit une visite du couple Leammel à Volerie des Aigles vers 1969/70. Les visiteurs présents dans le film font partie des premiers spectateurs, puisqu'en 1969, la Volerie n'en est qu'à sa deuxième saison. Ils assistent au spectacle debout, derrière des cordes, contrairement à aujourd'hui où l'on est assis sur des bancs. Ils observent le spectacle avec attention, malgré le mauvais temps, et se laissent surprendre par les oiseaux en plein vol. Comme l'indique le panneau visible au début de la séquence, les visiteurs viennent pour voir «la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS».
Le spectacle a été inventé pour les visiteurs. D'ailleurs, le cinéaste fait un gros plan sur le blason de la Volerie, représentant un aigle (au centre), avec en arrière-plan le château de Kintzheim, le tout encerclé par un ovale jaune avec inscrit en haut « Volerie des Aigles » et en bas « Château de Kintzheim ». Sous le logo, on peut lire « Ouvert au public tous les jours ». Il y a là la preuve que l'objectif est d'attirer des visiteurs. En regardant certaines images, on peut noter qu'au moment du tournage, il n'est pas si différent de celui que l'on peut observer aujourd'hui, bien qu'actuellement, plus de deux fauconniers qui travaillent pour le parc. Par exemple, l'oiseau qui passe sur les jambes des spectateurs est une partie qui existe toujours, de même que la démonstration de vol. A la fin de la séquence, on peut voir la mise en scène de la chasse des rapaces. Un oiseau, probablement un circaète Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus)[2], s'attaque à une vipère et tente de la tuer et de l'avaler devant les spectateurs, et l'un des employés du parc semble intervenir, bien qu'il s'agisse d'un élément du spectacle. Cette scène montrée au public permet de les informer de l'utilité de certaines espèces dans la régulation naturelle des populations animales, ici de serpents. Le spectacle s'est monté en fonction des capacités des espèces, sans ordre particulier pour la présentation au public[3].
Une Volerie unique en France
L'ouverture de la Volerie s'est décidée après un constat alarmant fait dans les années 1960 : la baisse rapide des populations d'oiseaux de proies en Alsace et dans le monde, notamment liée à des pratiques de chasses non-autorisées, à l'utilisation du piégeage et à une forte expansion de l'agriculture sur certains lieux de reproduction.
La Volerie a donc plusieurs objectifs dès son ouverture. Premièrement, permettre la reproduction, la protection et le dressage de ces espèces menacées. Les spectacles assurent un soutien financier au parc, mais toutes les images filmées, toutes les photos prises pendant le spectacle montrent autant que possible les oiseaux à l'état naturel. Autrement dit, les fauconniers ne vont jamais à l'encontre des instincts des oiseaux. Chaque numéro exécuté que l'on voit dans la séquence ou en direct dans le parc peut se retrouver dans la nature, que ce soit la démonstration de vitesse qui effraye tant les spectateurs dans le film, une attaque de proie ou encore un vol en altitude. Les oiseaux sont dressés dès le moment où ils peuvent voler, soit de un à deux mois selon les espèces.
Le spectacle assure aussi, en partie, la seconde fonction du parc à savoir la transmission des connaissances sur les rapaces, et notamment sur les espèces menacées, et sensibiliser un public à la nécessité de préserver la biodiversité locale[1]. En 1968, Kintzheim est alors le seul endroit en France où se trouve une volerie. L'autre partie de la pédagogie se fait par le biais de pancartes passées devant les abris des oiseaux présents dans les ruines du château. On les entrevoit tout au long de la première partie de la séquence (avant le spectacle), et les visiteurs peuvent les lire pendant leur passage dans les ruines du château, en même temps que les oiseaux eux-mêmes. Dans le film, on remarque qu'il n'y a pas autant d'espèces qu'aujourd'hui (ou alors, le réalisateur a fait le choix de ne pas toutes les montrer) et que les oiseaux sont tous attachés par l'une de leurs serres avec une chaîne ou une corde (on ne voit pas les cages pour les hiboux et les chouettes dans la séquence).
Le parc accueille de nombreuses espèces de rapaces, diurnes comme nocturnes, chasseurs comme charognards. On en voit un certain nombre dans le film, notamment des aigles, des buses, des faucons, des chouettes et hiboux, ou encore des vautours et des condors. Certains sont filmés de très près par Hippolyte Louis Laemmel. Le parc se qualifie de pionnier en matière de sauvegarde et de protection des espèces. Depuis son ouverture, le parc a pu bénéficier d'une publicité locale, régionale et nationale, en fonction des événements organisés[4].
Le cinéaste a fait de nombreux choix pour son film. En effet, la visite dure environ une heure, la séquence dure de 2 minutes 46, le temps d'une bobine. Il y a par conséquent beaucoup d'éléments manquants, comme par exemple les pancartes explicatives pour chaque espèce, qui ne sont que partiellement visibles ou encore le choix de filmer seulement certaines espèces parmi la cinquantaine présentée[5]. Le film a tout de même l'avantage de capter un art en disparition aujourd'hui : la fauconnerie.
Le film se concentre essentiellement sur les rapaces et le spectacle alors que d'autres films sur la Volerie, comme celui présent dans le fonds Weinmann réalisé en 1972/73 par exemple, montrent quant à eux plutôt la famille dans la Volerie au lieu des espèces et du divertissement. On pourrait faire la même analyse avec des séquences provenant de la Montagne des Singes, autre parc animalier de Kintzheim ouvert en 1969, dans lesquelles les cinéastes se concentrent soit sur leur famille dans le parc en interaction avec les singes, soit sur les magots eux-mêmes dans leur habitat et en interaction avec les visiteurs.
Le réalisateur et le ciel : une histoire entrelacée
Hippolyte Louis Laemmel, né en 1910 à Berstheim, a commencé sa carrière comme instituteur à Niederbronn. On peut s'étonner de l'intérêt porté à la Volerie des Aigles et aux rapaces par le réalisateur. Pourtant, sa biographie peut donner quelques explications.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, il est incorporé en qualité de navigateur de pilote pour des missions d'observation. Cette fonction lui a peut-être permis de découvrir l'univers de l'ornithologie. En effet, durant la guerre, l'utilisation d'oiseaux est régulière, notamment pour transmettre des messages. Laemmel est également un chasseur, et il a donc pu développer son intérêt pour les rapaces à partir de sa pratique de la chasse. La réalisation d'un film à la Volerie par un chasseur, alors que la chasse est l'une des causes premières de disparition des oiseaux contre laquelle la Volerie lutte, est un peu paradoxale.
Tout cela relève de l'hypothèse, mais la chasse et sa carrière dans l'aviation peuvent faire penser qu'il a peut-être des connaissances en ornithologie : le film relèverait donc d'une passion plutôt que de la simple visite touristique.Lieux ou monuments
Bibliographie
Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans Bêtes et nature à travers l'Alsace, n°87, Strasbourg, Juillet 1971, p. 10- 14
Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, 192 p
Kecir-Lepetit Emmanuelle , Les rapaces, Grenouille éditions, Chamalières, 2016
La Volerie des aigles : Château de Kintzheim, S.A.E.P., Colmar-Ingersheim, 1970
LPO Alsace, Rapaces d'Alsace, Ligue pour la protection des oiseaux Alsace, Strasbourg, 2001
Toursel-Harster Dominique , Beck Jean-Pierre , Bronner Guy , Dictionnaire des monuments historiques d’Alsace, La Nuée Bleue, Strasbourg, 1995, p. 198
Site de la Volerie des Aigles
Article rédigé par
Reynald Derain, 05 février 2019
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 et 1,4 Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.12
- ↑ La Volerie des Aigles : Le château de Kintzheim, S.A.E.P., Colmar-Ingersheim, 1970
- ↑ Information donnée par Christophe Picco, responsable de communication de la Volerie.
- ↑ Information donnée par Christophe Picco, responsable de communication de la Volerie.
- ↑ Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans Bêtes et nature à travers l'Alsace, n°87, Strasbourg, Juillet 1971, p.14