Sports d'hiver au col du Donon (0021FN0001) : Différence entre versions
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− | |Resume_fr=Cette séquence témoigne du développement des | + | |Resume_fr=Cette séquence témoigne du développement des sports d'hiver en famille et des stations de ski dans les Vosges dans les années 1930. |
|Description_fr=Des voitures arrêtées le long de la route enneigée au col du Donon, des maisons de l’autre côté. Des gens marchent sur la route au loin. Les enfants Breesé font une bataille de boules de neige sur le côté droit. | |Description_fr=Des voitures arrêtées le long de la route enneigée au col du Donon, des maisons de l’autre côté. Des gens marchent sur la route au loin. Les enfants Breesé font une bataille de boules de neige sur le côté droit. | ||
La route bordée de voitures filmée de l’autre côté. A l’arrière-plan, vue dégagée sur la plaine. | La route bordée de voitures filmée de l’autre côté. A l’arrière-plan, vue dégagée sur la plaine. | ||
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Un enfant au béret noir marche dans la neige. | Un enfant au béret noir marche dans la neige. | ||
Un homme à ski remontant une pente. | Un homme à ski remontant une pente. | ||
− | |Contexte_et_analyse_fr=L’histoire des sports d’hiver, particulièrement celle du ski, commence dans la deuxième partie du XIXe siècle, au moment où d’anciennes pratiques physiques utilitaires se constituent en loisirs dans les classes bourgeoises - la notion de sport moderne apparaît alors – et où la montagne devient un espace de promenade. Mode de déplacement utilisé depuis longtemps dans les pays scandinaves, le ski est introduit en France dans les années 1890 par des explorateurs ayant voyagé dans le grand Nord. | + | |Contexte_et_analyse_fr=L’histoire des sports d’hiver, particulièrement celle du ski, commence dans la deuxième partie du XIXe siècle, au moment où d’anciennes pratiques physiques utilitaires se constituent en loisirs dans les classes bourgeoises - la notion de sport moderne apparaît alors – et où la montagne devient un espace de promenade. Mode de déplacement utilisé depuis longtemps dans les pays scandinaves, le ski est introduit en France dans les années 1890 par des explorateurs ayant voyagé dans le grand Nord. Au début, c'est une affaire de randonneurs passionnés qui gravissent les premiers sommets enneigés. En parallèle, l’intérêt des armées pour ce nouveau mode de déplacement, en particulier pour la surveillance des frontières, contribue à faire connaître la pratique en France. Les premières stations de ski françaises ouvrent au début du XXe siècle, à l’exemple de Chamonix en 1908. En Alsace, qui est alors allemande, le ski prend son essor plus tôt en raison de l’influence de la Forêt-Noire où la pratique arrive de façon précoce en Europe. Dès les années 1890, des précurseurs allemands fondent des clubs et dispensent des cours, comme le Ski Club Todtnau en 1891 ou le Ski Club Forêt-Noire à Fribourg-en-Brisgau en 1895. Le premier Ski Club alsacien est fondé en 1896 à Strasbourg en tant que section du Club Vosgien, d’autres sociétés sportives sont ensuite créées à Colmar et à Mulhouse. Les skieurs des origines sont des citadins aisés et sportifs qui suivent ce « mouvement vers la montagne », favorisé par le développement du réseau de chemin de fer. Mais d’autres activités hivernales, présentes bien avant le développement du ski dans la région, sont pratiquées par de nombreux Alsaciens et connaissent un essor touristique comparable à celui du ski au début du XXe siècle. On peut citer le patin à glace, le bobsleigh ou encore la luge, dont la pratique est documentée dans le film. Ce dernier est composé de deux parties clairement distinctes. L’opérateur documente tout d’abord le lieu dans lequel la famille a choisi de passer la journée d’hiver, la station du col du Donon, puis il filme ses enfants qui s’adonnent à la luge. Cette séparation assez nette s’explique certainement par le fait que les Breesé ne pratiquaient pas le ski. |
'''Découverte de la station de ski du Donon''' | '''Découverte de la station de ski du Donon''' | ||
− | En se concentrant au début sur les lieux, l’opérateur semble d’abord vouloir contextualiser et documenter son film de famille. Emile Breesé donne l’impression de découvrir la station de ski, ou du moins il parvient à reproduire le regard du touriste qui s’y rend pour la première fois. Il s’attache en effet à planter le décor en montrant la route du col du Donon et le paysage enneigé. De nombreuses voitures sont stationnées le long de la route et de nombreux passants y marchent, signifiant déjà que le lieu est prisé. Contrairement à la situation actuelle, le col du Donon est au début du XXe siècle une station de sports d’hiver connue et très fréquentée des Alsaciens. Elle attirait alors du beau monde et des sportifs, notamment grâce à l’hôtel Vellada<ref>KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, ''Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace'', Pontarlier, 2016</ref>. Comme c’est le cas pour la majorité des domaines skiables, en Allemagne comme en France, le développement du ski au Donon a été largement favorisé par la présence d’un établissement mais aussi par l’existence d’une route qui permet d’accéder aux pistes à partir de la vallée. Le deuxième plan montre deux grandes bâtisses vosgiennes de part et d’autre de la route du col. On observe ici la présence de grandes lignes électriques, certainement installées depuis l’existence de la station de ski dans les années 1900. L’électrification des campagnes françaises s’est principalement faite à partir des années 1920<ref>BERTHONNET Arnaud, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au cœur des campagnes françaises dans le premier XXe siècle », ''Histoire & Sociétés Rurales'', vol. 19, n°1, 2003, pp. 193-219.</ref>. | + | En se concentrant au début sur les lieux, l’opérateur semble d’abord vouloir contextualiser et documenter son film de famille. Emile Breesé donne l’impression de découvrir la station de ski, ou du moins il parvient à reproduire le regard du touriste qui s’y rend pour la première fois. Il s’attache en effet à planter le décor en montrant la route du col du Donon et le paysage enneigé. De nombreuses voitures sont stationnées le long de la route et de nombreux passants y marchent, signifiant déjà que le lieu est prisé. Contrairement à la situation actuelle, le col du Donon est au début du XXe siècle une station de sports d’hiver connue et très fréquentée des Alsaciens. Elle attirait alors du beau monde et des sportifs, notamment grâce à l’hôtel Vellada<ref>KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, ''Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace'', Pontarlier, 2016</ref>. Comme c’est le cas pour la majorité des domaines skiables, en Allemagne comme en France, le développement du ski au Donon a été largement favorisé par la présence d’un établissement mais aussi par l’existence d’une route qui permet d’accéder aux pistes à partir de la vallée. |
− | S’en suit un gros plan sur les bâtons de ski et les spatules plantés à côté d’une voiture qui permet en quelque sorte d’annoncer la séquence qui suit : nous allons voir du ski. Le plan suivant montre effectivement un skieur descendant une piste à toute vitesse. Emile Breesé donne ensuite à voir, grâce à un panoramique, l’intégralité de la piste de ski qui est déjà très fréquentée à cette époque. Si on observe bien le premier plan, on remarque au bas de la piste deux skieurs qui remontent la pente à pied (00:00:20). Les remonte-pentes, tire-fesses ou télésièges, n’étaient pas encore répandus | + | [[Fichier:Le Donon (Alt 737m ) (...) btv1b102229411 1.jpg|vignette|droite|Le Donon (Alt.737m.) et Hôtel Velleda, 1935. Source : Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, MCP002127]] |
+ | Le deuxième plan montre deux grandes bâtisses vosgiennes de part et d’autre de la route du col. On observe ici la présence de grandes lignes électriques, certainement installées depuis l’existence de la station de ski dans les années 1900. L’électrification des campagnes françaises s’est principalement faite à partir des années 1920<ref>BERTHONNET Arnaud, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au cœur des campagnes françaises dans le premier XXe siècle », ''Histoire & Sociétés Rurales'', vol. 19, n°1, 2003, pp. 193-219.</ref>. | ||
+ | S’en suit un gros plan sur les bâtons de ski et les spatules plantés à côté d’une voiture qui permet en quelque sorte d’annoncer la séquence qui suit : nous allons voir du ski. Le plan suivant montre effectivement un skieur descendant une piste à toute vitesse. Emile Breesé donne ensuite à voir, grâce à un panoramique, l’intégralité de la piste de ski qui est déjà très fréquentée à cette époque. Si on observe bien le premier plan, on remarque au bas de la piste deux skieurs qui remontent la pente à pied (00:00:20). Les remonte-pentes, tire-fesses ou télésièges, n’étaient pas encore répandus dans les années 1930, il fallait donc monter la pente à pied. Les premiers skis disposent en effet d’une fixation mobile permettant d’avoir le talon libre afin de remonter les pistes. Si les premiers essais sont réalisés dès 1908 en Forêt-Noire, le premier remonte tire-fesse est mis en service en 1937 dans les Vosges à la Schlucht<ref>GAUCHET Grégoire, ''L’aventure du ski dans les Vosges'', Strasbourg, 2001</ref>. Mais ce n’est qu’à partir des années 1950 que les remonte-pentes colonisent les pistes. L’opérateur nous offre ensuite un petit florilège de skieurs débutants, tantôt instables sur les spatules, tantôt essayant de freiner en chasse-neige, voire chutant. Cette phase d’apprentissage de la glisse est exemplifiée ici par deux techniques : un enfant qui suit la trace d’un adulte et un couple qui apprend ensemble le mouvement. Madame Breesé et ses enfants sont filmés de dos au bas de la piste en train d’observer les skieurs passer, certainement assez admirateurs. Si les deux garçons semblent aussi conquis par la pratique, leur position debout indique une certaine impatience à pouvoir, eux-aussi, s’adonner aux plaisirs de la glisse. | ||
'''Une autre glisse à la mode : la luge''' | '''Une autre glisse à la mode : la luge''' | ||
− | La famille Breesé est en fait venue passer une journée au Donon pour pratiquer la luge. C’est | + | [[Fichier:Engwiller partie de luge garçonnets (...) btv1b102056508 1.jpg|vignette|gauche|Engwiller, partie de luge, garçonnets en costume local. Source : Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, NIM12870 ]] |
− | |Bibliographie=BERTHONNET Arnaud, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au cœur des campagnes françaises dans le premier XXe siècle », Histoire & Sociétés Rurales, vol. 19, n°1, 2003, pp. 193-219. | + | La famille Breesé est en fait venue passer une journée au Donon pour pratiquer la luge. C’est alors un sport d’hiver reconnu qui dispose d’espaces aménagés exclusivement pour sa pratique. L’objet est déjà présent au bas de la piste de ski lorsque la famille observe les sportifs. Mais il est d’abord utilisé en mode statique comme un tabouret par la maman. L’opposition est marquée par le plan suivant 00:00:43 lorsque le plus jeune des garçons apparaît à l’écran tirant sa luge sur un chemin. La luge est connue depuis longtemps dans la région, dans sa version utilitaire appelée « schlitte » pour les travaux de bûcheronnage mais aussi dans une version ludique pour les enfants. Elle est alors pratiquée tant dans les villages de montagne que dans la plaine sur les lacs et cours d’eau gelées, grâce à des bâtons pour se propulser. |
+ | Mais le développement des sports d’hiver impose une nouvelle façon de luger dans les massifs français, particulièrement dans les Vosges. Assis sur un traineau qu’on élance du haut d’une pente dédiée à l’activité, la luge devient une pratique de loisir respectée et appréciée des enfants comme des adultes. Des clubs de luge se créent, par exemple le « Rodelklub » de Strasbourg né en 1909, et organisent même des compétitions. On aménage alors des pistes de luge, à l’instar de la piste du Donon que l’on voit dans la séquence. La plus connue des Strasbourgeois était certainement celle du Struthof qui avait une longueur d’environ un kilomètre et une pente moyenne de 17%<ref>KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, ''Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace'', Pontarlier, 2016, p.34</ref>. | ||
+ | [[Fichier:4-2-13 Gérardmer (descente en luge) (...)Agence Rol btv1b69237638 1.jpg|vignette|droite|Gérardmer, descente en luge, 1913. Source : Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EST EI-13 (233) Photographie de presse, Agence Roll ]] | ||
+ | Dans la séquence, on observe la piste du Donon qui est passe tantôt dans un champ, tantôt dans la forêt. Les pistes de luge sont en effet souvent aménagées sur des chemins de bûcherons tracés à travers la forêt. Les Breesé sont ici certainement en train de remonter la piste car on voit l’aîné des enfants tirer son petit frère assis sur la luge. Pour des raisons techniques évidentes, il aurait été bien plus difficile de filmer la descente à luge. | ||
+ | |Bibliographie=BERTHONNET Arnaud, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au cœur des campagnes françaises dans le premier XXe siècle », ''Histoire & Sociétés Rurales'', vol. 19, n°1, 2003, pp. 193-219. | ||
− | GAUCHET Grégoire, ''L’aventure du ski dans les Vosges'', 2001 | + | GAUCHET Grégoire, ''L’aventure du ski dans les Vosges'', Strasbourg, 2001 |
− | JOHN E., ALLEN B., ''Le ski en France 1840-1940'', traduit de l’américain par Alexander J. Susskind | + | JOHN E., ALLEN B., ''Le ski en France 1840-1940'', traduit de l’américain par Alexander J. Susskind, Wiltshire (Grande-Bretagne), 2003 |
KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, ''Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace'', Pontarlier, 2016 | KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, ''Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace'', Pontarlier, 2016 | ||
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Version actuelle datée du 25 octobre 2019 à 07:46
Résumé
Description
Des voitures arrêtées le long de la route enneigée au col du Donon, des maisons de l’autre côté. Des gens marchent sur la route au loin. Les enfants Breesé font une bataille de boules de neige sur le côté droit.
La route bordée de voitures filmée de l’autre côté. A l’arrière-plan, vue dégagée sur la plaine.
La route du Col du Donon, deux grandes fermes vosgiennes de part et d’autre.
Des bâtons de ski plantés dans la neige en bord de route, à côté des voitures garées.
Un homme descend une pente à ski à toute vitesse. Travelling gauche sur la piste remplie de skieurs.
Deux enfants descendent en levant les bras. Chute à ski. Une dame assise sur une luge, deux garçons debout derrière elle. Un homme passe, puis une femme en chasse-neige assez instable sur les skis. Un autre homme en chasse-neige. Un couple descend à deux la pente. Chute.
Un enfant tire une luge sur un chemin. Sur un autre chemin, deux enfants sur la luge et un homme marche derrière. La piste de ski à l’arrière-plan.
Sur un chemin de forêt, un enfant tire un autre sur une luge, suivi de la maman.
Un enfant au béret noir marche dans la neige.
Un homme à ski remontant une pente.
Contexte et analyse
L’histoire des sports d’hiver, particulièrement celle du ski, commence dans la deuxième partie du XIXe siècle, au moment où d’anciennes pratiques physiques utilitaires se constituent en loisirs dans les classes bourgeoises - la notion de sport moderne apparaît alors – et où la montagne devient un espace de promenade. Mode de déplacement utilisé depuis longtemps dans les pays scandinaves, le ski est introduit en France dans les années 1890 par des explorateurs ayant voyagé dans le grand Nord. Au début, c'est une affaire de randonneurs passionnés qui gravissent les premiers sommets enneigés. En parallèle, l’intérêt des armées pour ce nouveau mode de déplacement, en particulier pour la surveillance des frontières, contribue à faire connaître la pratique en France. Les premières stations de ski françaises ouvrent au début du XXe siècle, à l’exemple de Chamonix en 1908. En Alsace, qui est alors allemande, le ski prend son essor plus tôt en raison de l’influence de la Forêt-Noire où la pratique arrive de façon précoce en Europe. Dès les années 1890, des précurseurs allemands fondent des clubs et dispensent des cours, comme le Ski Club Todtnau en 1891 ou le Ski Club Forêt-Noire à Fribourg-en-Brisgau en 1895. Le premier Ski Club alsacien est fondé en 1896 à Strasbourg en tant que section du Club Vosgien, d’autres sociétés sportives sont ensuite créées à Colmar et à Mulhouse. Les skieurs des origines sont des citadins aisés et sportifs qui suivent ce « mouvement vers la montagne », favorisé par le développement du réseau de chemin de fer. Mais d’autres activités hivernales, présentes bien avant le développement du ski dans la région, sont pratiquées par de nombreux Alsaciens et connaissent un essor touristique comparable à celui du ski au début du XXe siècle. On peut citer le patin à glace, le bobsleigh ou encore la luge, dont la pratique est documentée dans le film. Ce dernier est composé de deux parties clairement distinctes. L’opérateur documente tout d’abord le lieu dans lequel la famille a choisi de passer la journée d’hiver, la station du col du Donon, puis il filme ses enfants qui s’adonnent à la luge. Cette séparation assez nette s’explique certainement par le fait que les Breesé ne pratiquaient pas le ski.
Découverte de la station de ski du Donon
En se concentrant au début sur les lieux, l’opérateur semble d’abord vouloir contextualiser et documenter son film de famille. Emile Breesé donne l’impression de découvrir la station de ski, ou du moins il parvient à reproduire le regard du touriste qui s’y rend pour la première fois. Il s’attache en effet à planter le décor en montrant la route du col du Donon et le paysage enneigé. De nombreuses voitures sont stationnées le long de la route et de nombreux passants y marchent, signifiant déjà que le lieu est prisé. Contrairement à la situation actuelle, le col du Donon est au début du XXe siècle une station de sports d’hiver connue et très fréquentée des Alsaciens. Elle attirait alors du beau monde et des sportifs, notamment grâce à l’hôtel Vellada[2]. Comme c’est le cas pour la majorité des domaines skiables, en Allemagne comme en France, le développement du ski au Donon a été largement favorisé par la présence d’un établissement mais aussi par l’existence d’une route qui permet d’accéder aux pistes à partir de la vallée.
Le deuxième plan montre deux grandes bâtisses vosgiennes de part et d’autre de la route du col. On observe ici la présence de grandes lignes électriques, certainement installées depuis l’existence de la station de ski dans les années 1900. L’électrification des campagnes françaises s’est principalement faite à partir des années 1920[3]. S’en suit un gros plan sur les bâtons de ski et les spatules plantés à côté d’une voiture qui permet en quelque sorte d’annoncer la séquence qui suit : nous allons voir du ski. Le plan suivant montre effectivement un skieur descendant une piste à toute vitesse. Emile Breesé donne ensuite à voir, grâce à un panoramique, l’intégralité de la piste de ski qui est déjà très fréquentée à cette époque. Si on observe bien le premier plan, on remarque au bas de la piste deux skieurs qui remontent la pente à pied (00:00:20). Les remonte-pentes, tire-fesses ou télésièges, n’étaient pas encore répandus dans les années 1930, il fallait donc monter la pente à pied. Les premiers skis disposent en effet d’une fixation mobile permettant d’avoir le talon libre afin de remonter les pistes. Si les premiers essais sont réalisés dès 1908 en Forêt-Noire, le premier remonte tire-fesse est mis en service en 1937 dans les Vosges à la Schlucht[4]. Mais ce n’est qu’à partir des années 1950 que les remonte-pentes colonisent les pistes. L’opérateur nous offre ensuite un petit florilège de skieurs débutants, tantôt instables sur les spatules, tantôt essayant de freiner en chasse-neige, voire chutant. Cette phase d’apprentissage de la glisse est exemplifiée ici par deux techniques : un enfant qui suit la trace d’un adulte et un couple qui apprend ensemble le mouvement. Madame Breesé et ses enfants sont filmés de dos au bas de la piste en train d’observer les skieurs passer, certainement assez admirateurs. Si les deux garçons semblent aussi conquis par la pratique, leur position debout indique une certaine impatience à pouvoir, eux-aussi, s’adonner aux plaisirs de la glisse.
Une autre glisse à la mode : la luge
La famille Breesé est en fait venue passer une journée au Donon pour pratiquer la luge. C’est alors un sport d’hiver reconnu qui dispose d’espaces aménagés exclusivement pour sa pratique. L’objet est déjà présent au bas de la piste de ski lorsque la famille observe les sportifs. Mais il est d’abord utilisé en mode statique comme un tabouret par la maman. L’opposition est marquée par le plan suivant 00:00:43 lorsque le plus jeune des garçons apparaît à l’écran tirant sa luge sur un chemin. La luge est connue depuis longtemps dans la région, dans sa version utilitaire appelée « schlitte » pour les travaux de bûcheronnage mais aussi dans une version ludique pour les enfants. Elle est alors pratiquée tant dans les villages de montagne que dans la plaine sur les lacs et cours d’eau gelées, grâce à des bâtons pour se propulser. Mais le développement des sports d’hiver impose une nouvelle façon de luger dans les massifs français, particulièrement dans les Vosges. Assis sur un traineau qu’on élance du haut d’une pente dédiée à l’activité, la luge devient une pratique de loisir respectée et appréciée des enfants comme des adultes. Des clubs de luge se créent, par exemple le « Rodelklub » de Strasbourg né en 1909, et organisent même des compétitions. On aménage alors des pistes de luge, à l’instar de la piste du Donon que l’on voit dans la séquence. La plus connue des Strasbourgeois était certainement celle du Struthof qui avait une longueur d’environ un kilomètre et une pente moyenne de 17%[5].
Dans la séquence, on observe la piste du Donon qui est passe tantôt dans un champ, tantôt dans la forêt. Les pistes de luge sont en effet souvent aménagées sur des chemins de bûcherons tracés à travers la forêt. Les Breesé sont ici certainement en train de remonter la piste car on voit l’aîné des enfants tirer son petit frère assis sur la luge. Pour des raisons techniques évidentes, il aurait été bien plus difficile de filmer la descente à luge.Lieux ou monuments
Bibliographie
BERTHONNET Arnaud, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au cœur des campagnes françaises dans le premier XXe siècle », Histoire & Sociétés Rurales, vol. 19, n°1, 2003, pp. 193-219.
GAUCHET Grégoire, L’aventure du ski dans les Vosges, Strasbourg, 2001
JOHN E., ALLEN B., Le ski en France 1840-1940, traduit de l’américain par Alexander J. Susskind, Wiltshire (Grande-Bretagne), 2003
KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace, Pontarlier, 2016
Article rédigé par
Amélie Kratz, 10 mai 2019
- ↑ En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
- ↑ KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace, Pontarlier, 2016
- ↑ BERTHONNET Arnaud, « L'électrification rurale ou le développement de la « fée électricité » au cœur des campagnes françaises dans le premier XXe siècle », Histoire & Sociétés Rurales, vol. 19, n°1, 2003, pp. 193-219.
- ↑ GAUCHET Grégoire, L’aventure du ski dans les Vosges, Strasbourg, 2001
- ↑ KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace, Pontarlier, 2016, p.34