Constructions et ravages du béton (0131FI0023) : Différence entre versions

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|Resume_fr=Le film est un documentaire d'une durée de 15:58min, il est réalisé entre 1960 et 1976 par Solange Fernex, militante écologiste. Divisé en plusieurs séquences tournées dans des lieux différents entre Mulhouse et Bâle, il s’intéresse aux effets des activités humaines sur l'environnement et notamment comme son titre l'indique aux constructions et ravages du béton mais également à l'industrialisation et notamment l'industrie chimique. Pour illustrer sont propos le film nous offre divers séquences montrant la construction d'immeuble en béton, des réalisations déjà fini comme le Hilton de Bâle ou les Coteaux à Mulhouse, des échangeurs routiers et autoroutiers, maisons individuelles, l'usine chimique PEC-Rhin d'Ottmarsheim, des défrichements et décharges.
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|Resume_fr=Le film est un documentaire d'une durée de 15,58 minutes, il est réalisé entre 1960 et 1976 par Solange Fernex, militante écologiste. Divisé en plusieurs séquences tournées dans des lieux différents entre Mulhouse et Bâle, il s’intéresse aux effets des activités humaines sur l'environnement et notamment comme son titre l'indique aux constructions et ravages du béton mais également à l'industrialisation et notamment l'industrie chimique. Pour illustrer son propos le film nous offre diverses séquences montrant la construction d'immeubles en béton, des réalisations déjà finies comme le Hilton de Bâle ou les Coteaux à Mulhouse, des échangeurs routiers et autoroutiers, des maisons individuelles, l'usine chimique PEC-Rhin d'Ottmarsheim, des défrichements et des décharges.
|Description_fr=La première partie du documentaire se situe à Bâle. La partie Bâloise du film est elle-même subdivisée en plusieurs séquences. La première séquence est consacrée à la construction d'un bâtiment en plein cœur de la ville, plus exactement à l'adresse suivente : Steinenvorstadt 5 (5 rue de la banlieue en pierre) . Le premier plan de cette partie est consacré à l'arrivée d'un camion de chantier de l'entreprise "Wenk", s’en suis des plans de grues, prisent de puis le sol elle renvoie une forme de démesure accentuer par étroitesse de la rue.  Dans le plan suivant la réalisatrice montre le chantier en lui même, avec ces poutres métalliques ces blocs de béton et s'amuse le plan suivant à filmer un pigeon sur le chantier bectant au milieu de gravillons, d'un gobelet et d'un papier plastique. La séquence ce poursuit avec la prise en vidéo de matériel de chantier, le balais incessant des grues, d'un tractopelle et d'une bétonnière en suivant leur mouvement avec la caméra. Elle profite également pour filmer les ouvriers qui s'affère sur le chantier, ainsi que les passants. La deuxième partie s'ouvre sur un plan dans le quartier le gare de Bâle avec la mise en avant par un mouvement de caméra et par un zoom avant, d'une tour de bureau où siège la banque BIS et dont la hauteur romps avec le bâti environnent. Le plan suivant s'attarde sur une autre réalisation en béton des années 60-70, l'hotel Hilton de Bâle. On quitte à présent la ville de Bâle pour nous diriger dans le quartier des Coteaux à Mulhouse où sur plusieurs plan adoptant des mouvements de caméra permettent de voir l'étendu et l'uniformité de ces barres ou de ces tours HLM. L'étendu de la bétonisation n'est pas uniquement illustré par la construction d'immeuble mais également par la construction de lotissent avec des maisons individuels, allant jusqu'à s’étaler sur les flans de collines. Autre grande réalisation en béton filmé, un échangeur d'autoroute encore en construction, la façon dont est filmé c'est à dire depuis le sol montre l'imposante structure sous différents angles, montrant les impressionnants enchevêtrements des bretelles d'autoroutes, en parallèle dans cette séquence est mis en avant sur plusieurs plans fixe, la circulation automobile. Fernex choisi de remonter la filière du béton et donc filmé les gravières d'Alsace en activités dans un premier temps. Elle filme les engins permettant l'exploitation des gravillons, on y retrouve par ailleurs le logo de l'entreprise Stamm, même entreprise que celle du chantier de Bâle. Plusieurs plan s’en-chaines pour montrer l'acheminement par camion de la matière première vers les chantier en l’occurrence ici celui de routes. La séquence suivante nous montre l'étendu des trous laissé par l'exploitation du gravier, un des plan occupe particulièrement l'attention celui d'une gravière reconvertie en décharge. Les plans qui suivent film de nouveaux chantiers et parmi eux, celui de l'EuroAirport Bâle-Mulhouse. Une nouvelle séquence d'environs 2 minutes s'ouvre   y est filmé une usine chimique celle de Pec-Rhin à Ottmarsheim qui fabrique des intrants pour l'agriculture. Plusieurs plan se succèdes montrant les fumées, les réservoirs de produits chimiques, les wagons de fret... La dernière séquence film la destruction d'espaces naturels boisés par des bulldozers, un plan montre le calme et la beauté de la nature, puis d'un mouvement de caméra le décor change radicalement et fait place aux monticules de terre ce qui apporte un contraste saisissent avec le début du plan. Au milieu de cette séquence un message militant est filmé sur un panneau ou est inscrit "ils ont dit dans 20 ans plus de campagne".
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|Description_fr=La première partie du documentaire se situe à Bâle. La partie Bâloise du film est elle-même subdivisée en plusieurs séquences. La première séquence est consacrée à la construction d'un bâtiment en plein cœur de la ville, plus exactement à l'adresse suivante : Steinenvorstadt 5 (5 rue de la banlieue en pierre) . Le premier plan de cette partie est consacré à l'arrivée d'un camion de chantier de l'entreprise "Wenk", s’ensuit des plans de grues, prisent depuis le sol elle renvoie une forme de démesure accentuée par l'étroitesse de la rue.  Dans le plan suivant la réalisatrice montre le chantier en lui même, avec ses poutres métalliques ses blocs de béton et s'amuse le plan suivant à filmer un pigeon sur le chantier bectant au milieu de gravillons, d'un gobelet et d'un emballage en plastique. La séquence se poursuit avec la prise en vidéo de matériel de chantier, le balais incessant des grues, d'un tractopelle et d'une bétonnière en suivant leurs mouvements avec la caméra. Elle profite également pour filmer les ouvriers qui s'affèrent sur le chantier, ainsi que les passants. La deuxième partie s'ouvre sur un plan dans le quartier de la gare de Bâle avec la mise en avant par un mouvement de caméra et par un zoom avant, d'une tour de bureau où siège la banque BIS et dont la hauteur rompt avec le bâti environnant. Le plan suivant s'attarde sur une autre réalisation en béton des années 60-70, l'hôtel Hilton de Bâle. On quitte à présent la ville de Bâle pour nous diriger dans le quartier des Coteaux à Mulhouse où sur plusieurs plans adoptant des mouvements de caméra permettant de voir l'étendue et l'uniformité de ses barres ou de ses tours HLM. L'étendue de la bétonisation n'est pas uniquement illustrée par la construction d'immeubles mais également par la construction de lotissements avec des maisons individuelles, allant jusqu'à s’étaler sur les flancs de collines. Autre grande réalisation en béton filmé, un échangeur d'autoroute encore en construction, la façon dont est filmé, c'est à dire depuis le sol, montre l'imposante structure sous différents angles, montrant les impressionnants enchevêtrements de bretelles d'autoroutes, en parallèle dans cette séquence est mis en avant sur plusieurs plans fixes, la circulation automobile. Fernex choisit de remonter la filière du béton et donc de filmer les gravières d'Alsace en activités dans un premier temps. Elle filme les engins permettant l'exploitation des gravillons, on y retrouve par ailleurs le logo de l'entreprise Stamm, même entreprise que celle du chantier de Bâle. Plusieurs plans s’enchaînent pour montrer l'acheminement par camion de la matière première vers les chantiers en l’occurrence ici celui de routes. La séquence suivante nous montre l'étendue des trous laissés par l'exploitation du gravier, un des plans occupe particulièrement l'attention celui d'une gravière reconvertie en décharge. Les plans qui suivent filment de nouveaux chantiers et parmi eux, celui de l'EuroAirport Bâle-Mulhouse. Une nouvelle séquence d'environ  2 minutes s'ouvre, est filmé une usine chimique, celle de Pec-Rhin à Ottmarsheim qui fabrique des intrants pour l'agriculture. Plusieurs plans se succèdent montrant les fumées, les réservoirs de produits chimiques, les wagons de fret... La dernière séquence filme la destruction d'espaces naturels boisés par des bulldozers, un plan montre le calme et la beauté de la nature, puis d'un mouvement de caméra, le décor change radicalement et fait place aux monticules de terre ce qui apporte un contraste saisissant avec le début du plan. Au milieu de cette séquence un message militant est filmé sur un panneau est inscrit "ils ont dit dans 20 ans plus de campagne".
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|Contexte_et_analyse_fr=== '''Le développement d'un militantisme écologique dans les années 60-70 en Alsace.''' ==
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Les premiers mouvements écologistes revendiqués comme tels, apparaissent dans le courant des années 60, les Etats-Unis sont considérés comme le berceau de ce mouvement, il est vrai que c'est le pays qui prend le plus d’ampleur, aussi rapidement. L'année 1968 est marquée par la multiplication  de mouvements sociaux à travers le monde,  cette période d'insurrection participe fortement à l'émergence d'un militantisme écologiste, le plus souvent affilié à gauche politiquement. Un militantisme qui est dans un premier temps avant tout contestataire et qui conduit à un développement de ce que l'on appelle les conflits environnementaux. Les années 70 sont marquées par les conclusions du club de Rome : les limites de la croissance (1972) incitant à revoir le mode de développement des sociétés occidentales, soulignant les risques environnementaux et l'épuisement à terme des ressources. C'est également au cours de ces années que le mouvement connait une importante structuration autour d'associations (''Greenpeace'' est    par exemple fondée en 1971) mais aussi autour des tout premiers partis politiques, cependant cette pénétration dans le champs politique est alors encore très faible les premiers succès électoraux sont d'avantage le fait des années 80.
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En Alsace les premiers mouvements écologistes sont assez précoces, par exemple dès 1965,est fondé l’association ''Alsace Nature''. La région est précurseur en matière d'écologie politique avec la création de ''Ecologie et service'' cofondé par Solange Fernex, Antoine Waechter et Henri Jenn en 1973, qui est le premier parti écologiste de France, Henri Jenn est par ailleurs le premier candidat écologiste de France. Cette avance permet aux Alsaciens de participer activement à la création de mouvement nationaux permettant en 1974 la candidature de  René Dumont à la présidence.  A partir des années 1970 les membres de ces mouvements alsaciens réussissent à se faire élire mais cet avant-gardisme électoral s'illustre uniquement lors des élections municipales où quelques conseillers écologistes font leur apparition comme à Biederthal. L'émergence précoce de l'écologisme en Alsace n'est pas le fruit du hasard, le fait que la région soit fortement industrialisée contribue à l’émergence de ces mouvances, on retrouve également des phénomènes similaires en Rhône-Alpes autre région industrialisée. De plus l'Alsace est une région où les projets destructeurs pour l'environnement et/ou dangereux pour les populations se sont succédé (usine de plomb à Marckolsheim(1974), centrale nucléaire à Fessenheim(1970), GCO(1976-2020)...). À cela s'ajoute les projets de l'autre coté du Rhin, en Allemagne, on peut citer Wyhl comme exemple où il était prévu de construire une centrale nucléaire.
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L'aspect transfrontalier est l'une des particularités les plus marquantes du militantisme écologique dans notre région. On a en effet une solidarité entre les militants suisses, allemands et alsaciens, chacun vient appuyer la lutte chez l'autre en cas de besoin. Cette solidarité permet de mobiliser un nombre important de personnes, dont l'union aboutit à des succès notamment à Marckolsheim où le projet d'usine de plomb est rejeté grâce à l'action des écologistes mais aussi grâce à un soutien massif de la population et des agriculteurs. C'est un événement que l'on peut considérer comme fondateur de nouvelles méthodes d'actions pour protéger l'environnement car c'est là que s'est constituée l'une des premières zones à défendre.
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== '''Béton, bétonisation et urbanisation des années 50-60-70''' ==
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Le béton est un matériau qui assemble des matières minérales tel que le sable ou le gravier lié grâce à du ciment, de l'argile ou du bitume. Les plus anciens bétons remontent à l'Antiquité Égyptienne et Romaine, disparu  au Moyen Age, il réapparu au XIX<sup>ème</sup> siècle suite aux progrès techniques et à l'industrialisation de la production de ciment permise entre autre grâce à Louis Vicat. Le béton armée né  grâce à Joseph Monier entre 1867 et 1891, jardinier français, qui cherche alors à créer des pots pour l’horticulture. Les premières constructions en béton apparaissent dans les années 1850 en France. Le béton séduit  très vite les architectes et les ingénieurs, si l'on compte déjà certaines réalisations au XIX<sup>ème</sup> siècle comme par exemple le fort de Mutzig, il prend beaucoup plus d’ampleur à partir du début XX<sup>ème</sup> siècle. Il est très prisé des architectes audacieux comme Le Corbusier, et le matériau de prédilection pour le style art-déco. On commence à l'utiliser massivement pour l'habitat à partir des années 20-30, mais c'est belle et bien après la seconde guerre mondiale que celui-ci connait sa plus forte expansion. Le béton a alors plusieurs avantages, il est bon marché, il permet de facilement construire en hauteur, et cela rapidement. Facilité par le fait qu'il puisse-être préfabriqué, de plus il laisse une certaine liberté concernant les formes, l'ensemble de ces atouts font de lui le candidat idéal pour reconstruire une Europe ravagée par la guerre et qui connait une croissance démographique forte ainsi qu'un exode rural.
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En France les nouvelles politiques d'aménagements et de reconstructions sont entreprises par l'Etat, en 1944 est crée le ministère de la reconstruction et du logement, en 1963 est crée la DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale) qui joue un grand rôle dans l’aménagement du territoire et donc dans sa bétonisation. A cela s'ajoute les stratégies d’aménagement local  définies par les municipalités. Cette emprise importante de l'État conduit à la construction de grands ensembles aussi appelés "cités" sur tout le territoire, sur le modèle de ce qui se fait dans les pays communistes. Ils permettent d'offrir à la population des logements standardisés, équipés avec tout le confort moderne, l'uniformité de ces réalisation est soulignée dans le documentaire par les mouvements de caméra de gauche à droite ou de droite à gauche le long des façades des barres d'immeubles. La croissance de ces grands ensembles ne fait que s'accentuer à partir de 1959 avec la création des ZUP (zone à urbaniser en priorité), procédure permettant d'accélérer la construction de logement. Le documentaire nous offre l'exemple de la ZUP de Dornach plus connu sous le nous de la cité des coteaux de Mulhouse (04:05-04:55) construite entre 1963 et 1974 par Marcel Lods et qui illustre parfaitement l'urbanisme des années 60-70 avec ces grandes tours et ses grandes barres d'immeubles de béton séparées par des espaces verts, des parkings ou des lieux publiques (commerces, écoles...). Cependant la concentration d'habitat induit par ces HLM permet à ces derniers de limiter leurs emprises au sol contrairement aux maisons individuelles dont on voit la construction dans le film, qui elles aboutissent à un étalement urbain beaucoup plus important. Dans les années 50 la création de logements individuels est relativement moins fréquente et reste dans une logique de concentration de l'habitat d’où le fait que ces pavillons sont le plus souvent mitoyens. Le développement des lotissements commence dans les années 60 et s'accélère dans le courant des années 1970. Posséder son propre pavillon est alors un objectif notamment pour les classes moyennes, milieu  social qui ne cesse de croître depuis le début des 30 Glorieuses. Ce modèle est très décrié  par les écologistes qui considèrent que cet étalement urbain menace les espaces naturels, symbole de cette inquiétude : dans le documentaire on voit une pancarte avertissant de la fin des campagnes d'ici vingt ans. Les considérations écologistes ne semblent cependant pas freiner cette dynamique à en juger la construction de nouveaux lotissements dans les années 1980-1990-2000. A partir des données démographiques on peut établir que pour l'Alsace le développement des lotissements se fait au niveau  des grandes villes, mais aussi dans un rayons de 15 à 35 km autour d'elles, cela conduit à la transformation de villages en villes, notamment les villages situés dans les couronnes péri-urbaines comme les communes d'Eschau, Fegersheim, Vendenheim dans le cadre de l'aire urbaine strasbourgeoise.
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L’après-guerre voit apparaître une révolution des transports, la démocratisation de la voiture individuelle, développement de l’aviation civile… Ce secteur nécessite la construction de nouvelles infrastructures, le béton va être activement employé dans cette politique national d’aménagement. Le documentaire illustre cette politique à travers la construction d’échangeurs autoroutiers, cette séquence (05:57-06:56) filmé depuis le bas, montre l'immensité de la structure, mais pose d'une certaine manière la place de l'Homme dans une société en transformation. L’aéroport de Bâle-Mulhouse a connu d’importants travaux depuis son ouverture en 1946 la séquence filmée se situe probablement en 1966 alors que des travaux sont engagés pour la construction d’un nouveau  terminal et de bâtiments techniques.
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Si la critique de la bétonisation est dans ce documentaire avant tous écologique, on peut considérer qu'elle s'inscrit dans une dimension plus large mais néanmoins lier, celle de la critique de la modernisation d'une société de plus en plus coupé de la nature. Par certain aspect la façon dont est filmée certaines séquence n'est pas sans rappeler les films de Tati comme ''Playtime'' (1967), ce qui rend d'autant plus efficace la mise en scène.
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== '''Economie des années 60-70''' ==
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==== '''Contexte général :''' ====
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Au sortir de la guerre les états européens vont relancer l’économie grâce à une politique de relance de type Keynésienne. Cette politique est un succès elle réussit à relancer la production et la consommation (en moyenne 5,5% d’augmentation du PIB par an en France, 5,4 en Allemagne entre 1946 et 1970). D’autres facteurs sont à prendre en compte comme le progrès technologique ou la croissance démographique, les besoins de reconstruction au sortir de la guerre... Cela conduit à un important développement de l’industrie et des services, le secteur primaire régresse en terme de poids dans le PIB et d’emplois, néanmoins certains types d’exploitation de matières premières se développent dans la vallée du Rhin comme le gravier. Symbole de cette accélération économique, le mouvement. Le mouvement est dans le film quelque chose de récurent, elle film des passants déambulants dans une rue commerçante, des grues, des camions, des voitures en actions, cela renforce l'aspect d'une société dynamique économiquement, et plus généralement d'une accélération de la société. Pour qualifier cette société d'après guerre Solange Fernex parle de société du bulldozer (d'où leur présence importante dans le film), c'est à dire une société ou l'on fait table rase du passé.
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==== '''Le développement de l’industrie chimique dans la vallée du Rhin''' ====
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L’industrie chimique regroupe les activités de fabrication de produits phytosanitaires, pétrochimiques, pharmaceutiques et de matériaux synthétiques. Elle est particulièrement présente dans le Rhin supérieur  (Usine Bayer à Bâle, Pétroplus à Reichstett, Lilly à Fegersheim…). L’industrie chimique connait un développement à partir des années 1870-80. L’Allemagne est un des pays précurseur de ce domaine, avec la qualité de ces universités elle forme des ingénieurs qualifiés qui innovent et permettent par la suite la constitution d’entreprises qui deviennent plus tard de véritables groupes industriels d’envergure mondiale qui sont de nos jours parmi les plus puissantes entreprises de ce secteur. L’antériorité de cette activité dans cet espace incite l’installation de nouvelles entreprises car elles peuvent s’appuyer sur une main d’œuvre qualifiée et à la réputation sérieuse cependant elle n’est pas le seul facteur d’implantation. La proximité du Rhin permet d’être facilement relié aux échanges européens et mondiaux grâce notamment à ses nombreux ports comme celui de Strasbourg, second port fluviale de France. De plus certaines industries chimiques nécessitent dans leur processus de fabrication de l’eau ce qui incite l’installation de leurs usines au bord d’un fleuve. Dans le documentaire nous pouvons apercevoir l’usine PEC-Rhin d’Ottmarsheim, pour une militante écologiste l’intérêt de filmer cette usine est triple, d’une part elle est l’incarnation de la bétonisation de la région, d’autre part elle montre la pollution et la dangerosité de cette usine, enfin le dernier intérêt est la production de l’usine puisque-elle fabrique des intrants pour l’agriculture. Affin de souligné sont propos la réalisatrice choisi un plan fixe sur un réservoir ou il est inscrit "acide sulfurique" (11:02), ce plan doit suscité l'inquiétude chez le spectateur.
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==== '''Des secteurs du tertiaire en pleines expansions''' ====
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Plusieurs secteurs d’activité du tertiaire sont représentés dans le documentaire, notamment la banque et l’hôtellerie. Le développement du secteur bancaire est illustré dans le film par la tour BIS à Bâle. La construction de cette tour dans les années 70 répond à la nécessité de cette « banque centrale internationale » de se procurer de nouveaux locaux afin de palier au fait que sa charge de travail augmente. On constate que pendant cette période beaucoup  d’autres banques investissent dans la construction de nouveaux sièges comme le Crédit Mutuel au Wacken à Strasbourg. Cela correspond à une période où les ménages notamment ceux de la classe moyenne, sont de plus en plus nombreux à déposer leur  argent à la banque et à y contracter des emprunts pour l’immobilier principalement mais aussi des crédits à la consommation. D'autres secteurs ce développent à cette période comme le tourisme, illustré dans le film par le Hilton de Bâle qui illustre aussi l’uniformisation des enseignes à travers le monde mais également le développement d’un tourisme d’affaire.
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==== '''Le développement de l’exploitation des gravières.''' ====
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L’utilisation du béton implique la constitution de gravière pour en extraire la matière première. L’Alsace et le pays de Bade bénéficient des dépôts d’alluvion issus des forêts des Vosges et de la Forêt-Noire. Cette prédisposition géologique rend possible l’exploitation de sable et de gravier indispensable à la construction.  L’Alsace est de ce point de vue une région quasiment autonome, elle figure également parmi les régions exportatrices. Exportation qui se fait notamment via le Rhin, ce qui conduit à une adaptation des ports, à Lauterbourg par exemple sont créés entre les années 60 et 80 des quais spécifiques au chargement du gravier afin de désengorger le port de Strasbourg. La plus part des gravières qui ne sont plus exploitées se sont à terme remplies d’eau issue des nappes phréatiques, on peut voir débuter ce phénomène sur un des plans du film où elle fait un zoom avant sur des pneus de chantier nager dans une eau turquoise ce qui apporte un certain contraste entre la couleur de l'eau symbole de pureté et les pneus symbole de pollution (09:23).
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|Bibliographie=VOGLER, Bernard, (dir.) ''L'Alsace une histoire''. Strasbourg, Oberlin, 1992.
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Aspe Chantal, Jacqué Marie, « Le militantisme écologiste : de la contestation à la concertation », dans : , Environnement et société. sous la direction de Aspe Chantal, Jacqué Marie. Versailles, Editions Quæ, « Natures sociales », 2012, p. 49-82. URL : https://www.cairn.info/environnement-et-societe--9782759216925-page-49.htm
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CLAERR, Emmanuel, http://www.crdp-strasbourg.fr/data/patrimoine-naturel/eau-01/gravieres.php?parent=16. Canopé, 2010. (Dernière consultation 26/04/2020)
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Paulet Jean-Pierre, La France : villes et systèmes urbains. Armand Colin, « U », 2010, 224 pages. ISBN : 9782200248246. DOI : 10.3917/arco.paule.2010.01. URL : https://www.cairn.info/la-france-villes-et-sytemes-urbains--9782200248246.htm
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Tellier Thibault, Le temps des HLM 1945-1975. La saga urbaine des Trente Glorieuses. Autrement, « Mémoires/Culture », 2007, 224 pages. ISBN : 9782746709515. URL : https://www.cairn.info/le-temps-des-hlm-1945-1975--9782746709515.htm
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Vrignon Alexis, « ''Écologie et politique dans les années 1970. Les Amis de la Terre en France'' », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 2012/1 (n° 113), p. 179-190. DOI : 10.3917/vin.113.0179. URL : https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2012-1-page-179.htm
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https://www.bis.org/about/buildings.htm. (Dernière consultation 26/04/2020)
 
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Version actuelle datée du 11 décembre 2020 à 13:26


Avertissement[1]

Résumé


Le film est un documentaire d'une durée de 15,58 minutes, il est réalisé entre 1960 et 1976 par Solange Fernex, militante écologiste. Divisé en plusieurs séquences tournées dans des lieux différents entre Mulhouse et Bâle, il s’intéresse aux effets des activités humaines sur l'environnement et notamment comme son titre l'indique aux constructions et ravages du béton mais également à l'industrialisation et notamment l'industrie chimique. Pour illustrer son propos le film nous offre diverses séquences montrant la construction d'immeubles en béton, des réalisations déjà finies comme le Hilton de Bâle ou les Coteaux à Mulhouse, des échangeurs routiers et autoroutiers, des maisons individuelles, l'usine chimique PEC-Rhin d'Ottmarsheim, des défrichements et des décharges.

Description


La première partie du documentaire se situe à Bâle. La partie Bâloise du film est elle-même subdivisée en plusieurs séquences. La première séquence est consacrée à la construction d'un bâtiment en plein cœur de la ville, plus exactement à l'adresse suivante : Steinenvorstadt 5 (5 rue de la banlieue en pierre) . Le premier plan de cette partie est consacré à l'arrivée d'un camion de chantier de l'entreprise "Wenk", s’ensuit des plans de grues, prisent depuis le sol elle renvoie une forme de démesure accentuée par l'étroitesse de la rue. Dans le plan suivant la réalisatrice montre le chantier en lui même, avec ses poutres métalliques ses blocs de béton et s'amuse le plan suivant à filmer un pigeon sur le chantier bectant au milieu de gravillons, d'un gobelet et d'un emballage en plastique. La séquence se poursuit avec la prise en vidéo de matériel de chantier, le balais incessant des grues, d'un tractopelle et d'une bétonnière en suivant leurs mouvements avec la caméra. Elle profite également pour filmer les ouvriers qui s'affèrent sur le chantier, ainsi que les passants. La deuxième partie s'ouvre sur un plan dans le quartier de la gare de Bâle avec la mise en avant par un mouvement de caméra et par un zoom avant, d'une tour de bureau où siège la banque BIS et dont la hauteur rompt avec le bâti environnant. Le plan suivant s'attarde sur une autre réalisation en béton des années 60-70, l'hôtel Hilton de Bâle. On quitte à présent la ville de Bâle pour nous diriger dans le quartier des Coteaux à Mulhouse où sur plusieurs plans adoptant des mouvements de caméra permettant de voir l'étendue et l'uniformité de ses barres ou de ses tours HLM. L'étendue de la bétonisation n'est pas uniquement illustrée par la construction d'immeubles mais également par la construction de lotissements avec des maisons individuelles, allant jusqu'à s’étaler sur les flancs de collines. Autre grande réalisation en béton filmé, un échangeur d'autoroute encore en construction, la façon dont est filmé, c'est à dire depuis le sol, montre l'imposante structure sous différents angles, montrant les impressionnants enchevêtrements de bretelles d'autoroutes, en parallèle dans cette séquence est mis en avant sur plusieurs plans fixes, la circulation automobile. Fernex choisit de remonter la filière du béton et donc de filmer les gravières d'Alsace en activités dans un premier temps. Elle filme les engins permettant l'exploitation des gravillons, on y retrouve par ailleurs le logo de l'entreprise Stamm, même entreprise que celle du chantier de Bâle. Plusieurs plans s’enchaînent pour montrer l'acheminement par camion de la matière première vers les chantiers en l’occurrence ici celui de routes. La séquence suivante nous montre l'étendue des trous laissés par l'exploitation du gravier, un des plans occupe particulièrement l'attention celui d'une gravière reconvertie en décharge. Les plans qui suivent filment de nouveaux chantiers et parmi eux, celui de l'EuroAirport Bâle-Mulhouse. Une nouvelle séquence d'environ 2 minutes s'ouvre, est filmé une usine chimique, celle de Pec-Rhin à Ottmarsheim qui fabrique des intrants pour l'agriculture. Plusieurs plans se succèdent montrant les fumées, les réservoirs de produits chimiques, les wagons de fret... La dernière séquence filme la destruction d'espaces naturels boisés par des bulldozers, un plan montre le calme et la beauté de la nature, puis d'un mouvement de caméra, le décor change radicalement et fait place aux monticules de terre ce qui apporte un contraste saisissant avec le début du plan. Au milieu de cette séquence un message militant est filmé sur un panneau où est inscrit "ils ont dit dans 20 ans plus de campagne".

Métadonnées

N° support :  0131FI0023
Date :  Entre 1960 et 1979
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:15:58
Cinéastes :  Fernex, Solange
Format original :  Super 8 mm
Genre :  Documentaire
Thématiques :  Ecologie
Institution d'origine :  Archiv soziale Bewegungen Freiburg

Contexte et analyse


Le développement d'un militantisme écologique dans les années 60-70 en Alsace.

Les premiers mouvements écologistes revendiqués comme tels, apparaissent dans le courant des années 60, les Etats-Unis sont considérés comme le berceau de ce mouvement, il est vrai que c'est le pays qui prend le plus d’ampleur, aussi rapidement. L'année 1968 est marquée par la multiplication de mouvements sociaux à travers le monde, cette période d'insurrection participe fortement à l'émergence d'un militantisme écologiste, le plus souvent affilié à gauche politiquement. Un militantisme qui est dans un premier temps avant tout contestataire et qui conduit à un développement de ce que l'on appelle les conflits environnementaux. Les années 70 sont marquées par les conclusions du club de Rome : les limites de la croissance (1972) incitant à revoir le mode de développement des sociétés occidentales, soulignant les risques environnementaux et l'épuisement à terme des ressources. C'est également au cours de ces années que le mouvement connait une importante structuration autour d'associations (Greenpeace est par exemple fondée en 1971) mais aussi autour des tout premiers partis politiques, cependant cette pénétration dans le champs politique est alors encore très faible les premiers succès électoraux sont d'avantage le fait des années 80.

En Alsace les premiers mouvements écologistes sont assez précoces, par exemple dès 1965,est fondé l’association Alsace Nature. La région est précurseur en matière d'écologie politique avec la création de Ecologie et service cofondé par Solange Fernex, Antoine Waechter et Henri Jenn en 1973, qui est le premier parti écologiste de France, Henri Jenn est par ailleurs le premier candidat écologiste de France. Cette avance permet aux Alsaciens de participer activement à la création de mouvement nationaux permettant en 1974 la candidature de René Dumont à la présidence. A partir des années 1970 les membres de ces mouvements alsaciens réussissent à se faire élire mais cet avant-gardisme électoral s'illustre uniquement lors des élections municipales où quelques conseillers écologistes font leur apparition comme à Biederthal. L'émergence précoce de l'écologisme en Alsace n'est pas le fruit du hasard, le fait que la région soit fortement industrialisée contribue à l’émergence de ces mouvances, on retrouve également des phénomènes similaires en Rhône-Alpes autre région industrialisée. De plus l'Alsace est une région où les projets destructeurs pour l'environnement et/ou dangereux pour les populations se sont succédé (usine de plomb à Marckolsheim(1974), centrale nucléaire à Fessenheim(1970), GCO(1976-2020)...). À cela s'ajoute les projets de l'autre coté du Rhin, en Allemagne, on peut citer Wyhl comme exemple où il était prévu de construire une centrale nucléaire.

L'aspect transfrontalier est l'une des particularités les plus marquantes du militantisme écologique dans notre région. On a en effet une solidarité entre les militants suisses, allemands et alsaciens, chacun vient appuyer la lutte chez l'autre en cas de besoin. Cette solidarité permet de mobiliser un nombre important de personnes, dont l'union aboutit à des succès notamment à Marckolsheim où le projet d'usine de plomb est rejeté grâce à l'action des écologistes mais aussi grâce à un soutien massif de la population et des agriculteurs. C'est un événement que l'on peut considérer comme fondateur de nouvelles méthodes d'actions pour protéger l'environnement car c'est là que s'est constituée l'une des premières zones à défendre.

Béton, bétonisation et urbanisation des années 50-60-70

Le béton est un matériau qui assemble des matières minérales tel que le sable ou le gravier lié grâce à du ciment, de l'argile ou du bitume. Les plus anciens bétons remontent à l'Antiquité Égyptienne et Romaine, disparu au Moyen Age, il réapparu au XIXème siècle suite aux progrès techniques et à l'industrialisation de la production de ciment permise entre autre grâce à Louis Vicat. Le béton armée né grâce à Joseph Monier entre 1867 et 1891, jardinier français, qui cherche alors à créer des pots pour l’horticulture. Les premières constructions en béton apparaissent dans les années 1850 en France. Le béton séduit très vite les architectes et les ingénieurs, si l'on compte déjà certaines réalisations au XIXème siècle comme par exemple le fort de Mutzig, il prend beaucoup plus d’ampleur à partir du début XXème siècle. Il est très prisé des architectes audacieux comme Le Corbusier, et le matériau de prédilection pour le style art-déco. On commence à l'utiliser massivement pour l'habitat à partir des années 20-30, mais c'est belle et bien après la seconde guerre mondiale que celui-ci connait sa plus forte expansion. Le béton a alors plusieurs avantages, il est bon marché, il permet de facilement construire en hauteur, et cela rapidement. Facilité par le fait qu'il puisse-être préfabriqué, de plus il laisse une certaine liberté concernant les formes, l'ensemble de ces atouts font de lui le candidat idéal pour reconstruire une Europe ravagée par la guerre et qui connait une croissance démographique forte ainsi qu'un exode rural.

En France les nouvelles politiques d'aménagements et de reconstructions sont entreprises par l'Etat, en 1944 est crée le ministère de la reconstruction et du logement, en 1963 est crée la DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale) qui joue un grand rôle dans l’aménagement du territoire et donc dans sa bétonisation. A cela s'ajoute les stratégies d’aménagement local définies par les municipalités. Cette emprise importante de l'État conduit à la construction de grands ensembles aussi appelés "cités" sur tout le territoire, sur le modèle de ce qui se fait dans les pays communistes. Ils permettent d'offrir à la population des logements standardisés, équipés avec tout le confort moderne, l'uniformité de ces réalisation est soulignée dans le documentaire par les mouvements de caméra de gauche à droite ou de droite à gauche le long des façades des barres d'immeubles. La croissance de ces grands ensembles ne fait que s'accentuer à partir de 1959 avec la création des ZUP (zone à urbaniser en priorité), procédure permettant d'accélérer la construction de logement. Le documentaire nous offre l'exemple de la ZUP de Dornach plus connu sous le nous de la cité des coteaux de Mulhouse (04:05-04:55) construite entre 1963 et 1974 par Marcel Lods et qui illustre parfaitement l'urbanisme des années 60-70 avec ces grandes tours et ses grandes barres d'immeubles de béton séparées par des espaces verts, des parkings ou des lieux publiques (commerces, écoles...). Cependant la concentration d'habitat induit par ces HLM permet à ces derniers de limiter leurs emprises au sol contrairement aux maisons individuelles dont on voit la construction dans le film, qui elles aboutissent à un étalement urbain beaucoup plus important. Dans les années 50 la création de logements individuels est relativement moins fréquente et reste dans une logique de concentration de l'habitat d’où le fait que ces pavillons sont le plus souvent mitoyens. Le développement des lotissements commence dans les années 60 et s'accélère dans le courant des années 1970. Posséder son propre pavillon est alors un objectif notamment pour les classes moyennes, milieu social qui ne cesse de croître depuis le début des 30 Glorieuses. Ce modèle est très décrié par les écologistes qui considèrent que cet étalement urbain menace les espaces naturels, symbole de cette inquiétude : dans le documentaire on voit une pancarte avertissant de la fin des campagnes d'ici vingt ans. Les considérations écologistes ne semblent cependant pas freiner cette dynamique à en juger la construction de nouveaux lotissements dans les années 1980-1990-2000. A partir des données démographiques on peut établir que pour l'Alsace le développement des lotissements se fait au niveau des grandes villes, mais aussi dans un rayons de 15 à 35 km autour d'elles, cela conduit à la transformation de villages en villes, notamment les villages situés dans les couronnes péri-urbaines comme les communes d'Eschau, Fegersheim, Vendenheim dans le cadre de l'aire urbaine strasbourgeoise. L’après-guerre voit apparaître une révolution des transports, la démocratisation de la voiture individuelle, développement de l’aviation civile… Ce secteur nécessite la construction de nouvelles infrastructures, le béton va être activement employé dans cette politique national d’aménagement. Le documentaire illustre cette politique à travers la construction d’échangeurs autoroutiers, cette séquence (05:57-06:56) filmé depuis le bas, montre l'immensité de la structure, mais pose d'une certaine manière la place de l'Homme dans une société en transformation. L’aéroport de Bâle-Mulhouse a connu d’importants travaux depuis son ouverture en 1946 la séquence filmée se situe probablement en 1966 alors que des travaux sont engagés pour la construction d’un nouveau terminal et de bâtiments techniques. Si la critique de la bétonisation est dans ce documentaire avant tous écologique, on peut considérer qu'elle s'inscrit dans une dimension plus large mais néanmoins lier, celle de la critique de la modernisation d'une société de plus en plus coupé de la nature. Par certain aspect la façon dont est filmée certaines séquence n'est pas sans rappeler les films de Tati comme Playtime (1967), ce qui rend d'autant plus efficace la mise en scène.

Economie des années 60-70

Contexte général :

Au sortir de la guerre les états européens vont relancer l’économie grâce à une politique de relance de type Keynésienne. Cette politique est un succès elle réussit à relancer la production et la consommation (en moyenne 5,5% d’augmentation du PIB par an en France, 5,4 en Allemagne entre 1946 et 1970). D’autres facteurs sont à prendre en compte comme le progrès technologique ou la croissance démographique, les besoins de reconstruction au sortir de la guerre... Cela conduit à un important développement de l’industrie et des services, le secteur primaire régresse en terme de poids dans le PIB et d’emplois, néanmoins certains types d’exploitation de matières premières se développent dans la vallée du Rhin comme le gravier. Symbole de cette accélération économique, le mouvement. Le mouvement est dans le film quelque chose de récurent, elle film des passants déambulants dans une rue commerçante, des grues, des camions, des voitures en actions, cela renforce l'aspect d'une société dynamique économiquement, et plus généralement d'une accélération de la société. Pour qualifier cette société d'après guerre Solange Fernex parle de société du bulldozer (d'où leur présence importante dans le film), c'est à dire une société ou l'on fait table rase du passé.

Le développement de l’industrie chimique dans la vallée du Rhin

L’industrie chimique regroupe les activités de fabrication de produits phytosanitaires, pétrochimiques, pharmaceutiques et de matériaux synthétiques. Elle est particulièrement présente dans le Rhin supérieur (Usine Bayer à Bâle, Pétroplus à Reichstett, Lilly à Fegersheim…). L’industrie chimique connait un développement à partir des années 1870-80. L’Allemagne est un des pays précurseur de ce domaine, avec la qualité de ces universités elle forme des ingénieurs qualifiés qui innovent et permettent par la suite la constitution d’entreprises qui deviennent plus tard de véritables groupes industriels d’envergure mondiale qui sont de nos jours parmi les plus puissantes entreprises de ce secteur. L’antériorité de cette activité dans cet espace incite l’installation de nouvelles entreprises car elles peuvent s’appuyer sur une main d’œuvre qualifiée et à la réputation sérieuse cependant elle n’est pas le seul facteur d’implantation. La proximité du Rhin permet d’être facilement relié aux échanges européens et mondiaux grâce notamment à ses nombreux ports comme celui de Strasbourg, second port fluviale de France. De plus certaines industries chimiques nécessitent dans leur processus de fabrication de l’eau ce qui incite l’installation de leurs usines au bord d’un fleuve. Dans le documentaire nous pouvons apercevoir l’usine PEC-Rhin d’Ottmarsheim, pour une militante écologiste l’intérêt de filmer cette usine est triple, d’une part elle est l’incarnation de la bétonisation de la région, d’autre part elle montre la pollution et la dangerosité de cette usine, enfin le dernier intérêt est la production de l’usine puisque-elle fabrique des intrants pour l’agriculture. Affin de souligné sont propos la réalisatrice choisi un plan fixe sur un réservoir ou il est inscrit "acide sulfurique" (11:02), ce plan doit suscité l'inquiétude chez le spectateur.

Des secteurs du tertiaire en pleines expansions

Plusieurs secteurs d’activité du tertiaire sont représentés dans le documentaire, notamment la banque et l’hôtellerie. Le développement du secteur bancaire est illustré dans le film par la tour BIS à Bâle. La construction de cette tour dans les années 70 répond à la nécessité de cette « banque centrale internationale » de se procurer de nouveaux locaux afin de palier au fait que sa charge de travail augmente. On constate que pendant cette période beaucoup d’autres banques investissent dans la construction de nouveaux sièges comme le Crédit Mutuel au Wacken à Strasbourg. Cela correspond à une période où les ménages notamment ceux de la classe moyenne, sont de plus en plus nombreux à déposer leur argent à la banque et à y contracter des emprunts pour l’immobilier principalement mais aussi des crédits à la consommation. D'autres secteurs ce développent à cette période comme le tourisme, illustré dans le film par le Hilton de Bâle qui illustre aussi l’uniformisation des enseignes à travers le monde mais également le développement d’un tourisme d’affaire.

Le développement de l’exploitation des gravières.

L’utilisation du béton implique la constitution de gravière pour en extraire la matière première. L’Alsace et le pays de Bade bénéficient des dépôts d’alluvion issus des forêts des Vosges et de la Forêt-Noire. Cette prédisposition géologique rend possible l’exploitation de sable et de gravier indispensable à la construction. L’Alsace est de ce point de vue une région quasiment autonome, elle figure également parmi les régions exportatrices. Exportation qui se fait notamment via le Rhin, ce qui conduit à une adaptation des ports, à Lauterbourg par exemple sont créés entre les années 60 et 80 des quais spécifiques au chargement du gravier afin de désengorger le port de Strasbourg. La plus part des gravières qui ne sont plus exploitées se sont à terme remplies d’eau issue des nappes phréatiques, on peut voir débuter ce phénomène sur un des plans du film où elle fait un zoom avant sur des pneus de chantier nager dans une eau turquoise ce qui apporte un certain contraste entre la couleur de l'eau symbole de pureté et les pneus symbole de pollution (09:23).

Bibliographie


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https://www.bis.org/about/buildings.htm. (Dernière consultation 26/04/2020)



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