A l'usine (0059FS0001) : Différence entre versions
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'''La classe ouvrière d’après-guerre en France'''<br> | '''La classe ouvrière d’après-guerre en France'''<br> | ||
− | Entre les recensements effectués dans les années 1930 et le milieu des années 1950, on remarque que l’équilibre des différents groupes sociaux a très peu varié. Tandis qu’en 1954 le taux de population rurale et artisanale demeure quasiment semblable à celui des années 1930, les effectifs industriels ne progressent que très peu entre 1931 et 1954. Cette stabilité de la population industrielle s’explique notamment par ce qu’on appelle l’hérédité professionnelle, donc le fait que les enfants suivent la même voie professionnelle que leurs parents, ayant pour conséquence l’enracinement dans la classe ouvrière. A la fin des années 1940 et début des années 1950, les ouvriers espèrent néanmoins une certaine ascension sociale pour leurs enfants, qui peuvent accéder plus facilement que leurs parents à des apprentissages, et devenir ainsi des ouvriers qualifiés. Cependant, c’est aussi en 1954 que la proportion des ouvriers au sein de la population industrielle atteint son point culminant de 87,2 % face à 7,7 % d’employés et 5,1 % de patrons, et que la France parvient au taux d’industrialisation le plus élevé depuis son existence. Les ouvriers occupaient donc une place non-négligeable dans la vie économique de la France après la fin second conflit mondial. De même, l’homogénéité du groupe ouvrier français progresse entre les années 1930 et le milieu des années 1950. Tandis que le taux de masculinité des actifs industriels évolue de 64 % à 69 % entre 1931 et 1954, le nombre de travailleurs étrangers décroît de 1,3 million de personnes pour la même période, atteignant ainsi un taux approximatif de 1,7 million. La composition de la classe ouvrière a donc connu certaines mutations entre l’entre-deux-guerres et l’après-guerre. En ce qui concerne le travail même et le cadre de travail des ouvriers au sein des usines, on peut constater que la recherche de rationalisation du travail, ayant mené à des modèles d’organisation industrielle comme le fordisme, sont toujours encore d’actualité après la Seconde Guerre mondiale. La rationalisation a ainsi mené à la mécanisation des usines et des chaînes de production, permettant ainsi la production de masse et le gain de productivité. L’homme ou l’ouvrier doit donc en quelque sorte laisser place à la machine, et suit le rythme de travail imposé par celle-ci. L’ouvrier semble ainsi limité à veiller au bon fonctionnement des machines et à exercer le peu de tâches que les machines ne maîtrisent pas encore. Tous ces aspects semblent aussi transparaître dans la séquence présentée ci-dessus, où l’accent est mis sur les machines au détriment des ouvriers, qui ne font en fait que l’accompagner et veiller à leur bon fonctionnement. Cependant, la production de masse, rendue entre autres possible grâce à la mécanisation, eu aussi pour conséquence la baisse des prix, rendant les biens de consommation plus accessibles à la classe ouvrière, qui profita aussi du compromis salarial accordé par bon nombre d’entreprises. L’excédant issu des gains de productivité était donc partagé entre l’entreprise et ses salariés, entraînant ainsi une hausse généralisée du pouvoir d’achat, permettant aux ouvriers d’acheter des biens de consommation durables qu’ils produisaient parfois eux-mêmes. D’ailleurs, la politique sociale entreprise par l’Etat, qui se caractérisait notamment par la création de la Sécurité sociale dès la libération, l’introduction du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), ou encore l’établissement des conventions collectives réglementées par les lois de 1946 et 1950, a également joué un rôle dans la hausse du pouvoir d’achat et l’amélioration du niveau de vie de la classe ouvrière. Ainsi, l’historien Gérard Noiriel affirme que les années 1950 représentent en quelque sorte l’apogée d’une culture ouvrière de la grande industrie, dont l’épanouissement des normes de classe se caractérise particulièrement par la consolidation des valeurs familiales et l’appropriation de l’espace dans des quartiers, cités ou banlieues à proximité des usines<ref>NOIRIEL (Gérard), ''Les ouvriers dans la société française''. XIXe-XXe siècle, Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 204.</ref>. Ce rassemblement géographique favorisa le développement d’un style de vie et de pratiques de sociabilité propres aux ouvriers. Cela se caractérisait par exemple par l’entraide, basée sur le principe du don et contre-don, ou encore par la rencontre au bistro ou au café après le travail. Le sport faisait aussi parti des loisirs pratiqués par les ouvriers, comme nous le prouve une autre séquence intitulée [[Rothau]] et illustrant un match de basket-ball entre les employés de l'usine Steinheil de Rothau au début des années 50. L’affiliation à un syndicat, comme la CGT, ou à un parti ouvrier influençait aussi les relations et pratiques sociales entre ces travailleurs et leur donnait l’impression aux ouvriers de former un groupe social homogène. Même si les machines sont de plus en plus présentes dans l’industrie, l’ouvrier a toujours encore sa place au sein de l’usine, ce que la séquence présentée ci-dessus illustre incontestablement<ref>DEWERPE (Alain), ''Le monde du travail en France : 1800-1950'', Paris : Armand Colin, 2020, p. 131-160.<br> | + | Entre les recensements effectués dans les années 1930 et le milieu des années 1950, on remarque que l’équilibre des différents groupes sociaux a très peu varié. Tandis qu’en 1954 le taux de population rurale et artisanale demeure quasiment semblable à celui des années 1930, les effectifs industriels ne progressent que très peu entre 1931 et 1954. Cette stabilité de la population industrielle s’explique notamment par ce qu’on appelle l’hérédité professionnelle, donc le fait que les enfants suivent la même voie professionnelle que leurs parents, ayant pour conséquence l’enracinement dans la classe ouvrière. A la fin des années 1940 et début des années 1950, les ouvriers espèrent néanmoins une certaine ascension sociale pour leurs enfants, qui peuvent accéder plus facilement que leurs parents à des apprentissages, et devenir ainsi des ouvriers qualifiés. Cependant, c’est aussi en 1954 que la proportion des ouvriers au sein de la population industrielle atteint son point culminant de 87,2 % face à 7,7 % d’employés et 5,1 % de patrons, et que la France parvient au taux d’industrialisation le plus élevé depuis son existence. Les ouvriers occupaient donc une place non-négligeable dans la vie économique de la France après la fin second conflit mondial. De même, l’homogénéité du groupe ouvrier français progresse entre les années 1930 et le milieu des années 1950. Tandis que le taux de masculinité des actifs industriels évolue de 64 % à 69 % entre 1931 et 1954, le nombre de travailleurs étrangers décroît de 1,3 million de personnes pour la même période, atteignant ainsi un taux approximatif de 1,7 million. La composition de la classe ouvrière a donc connu certaines mutations entre l’entre-deux-guerres et l’après-guerre. En ce qui concerne le travail même et le cadre de travail des ouvriers au sein des usines, on peut constater que la recherche de rationalisation du travail, ayant mené à des modèles d’organisation industrielle comme le fordisme, sont toujours encore d’actualité après la Seconde Guerre mondiale. La rationalisation a ainsi mené à la mécanisation des usines et des chaînes de production, permettant ainsi la production de masse et le gain de productivité. L’homme ou l’ouvrier doit donc en quelque sorte laisser place à la machine, et suit le rythme de travail imposé par celle-ci. L’ouvrier semble ainsi limité à veiller au bon fonctionnement des machines et à exercer le peu de tâches que les machines ne maîtrisent pas encore. Tous ces aspects semblent aussi transparaître dans la séquence présentée ci-dessus, où l’accent est mis sur les machines au détriment des ouvriers, qui ne font en fait que l’accompagner et veiller à leur bon fonctionnement. Cependant, la production de masse, rendue entre autres possible grâce à la mécanisation, eu aussi pour conséquence la baisse des prix, rendant les biens de consommation plus accessibles à la classe ouvrière, qui profita aussi du compromis salarial accordé par bon nombre d’entreprises. L’excédant issu des gains de productivité était donc partagé entre l’entreprise et ses salariés, entraînant ainsi une hausse généralisée du pouvoir d’achat, permettant aux ouvriers d’acheter des biens de consommation durables qu’ils produisaient parfois eux-mêmes. D’ailleurs, la politique sociale entreprise par l’Etat, qui se caractérisait notamment par la création de la Sécurité sociale dès la libération, l’introduction du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), ou encore l’établissement des conventions collectives réglementées par les lois de 1946 et 1950, a également joué un rôle dans la hausse du pouvoir d’achat et l’amélioration du niveau de vie de la classe ouvrière. Ainsi, l’historien Gérard Noiriel affirme que les années 1950 représentent en quelque sorte l’apogée d’une culture ouvrière de la grande industrie, dont l’épanouissement des normes de classe se caractérise particulièrement par la consolidation des valeurs familiales et l’appropriation de l’espace dans des quartiers, cités ou banlieues à proximité des usines<ref>NOIRIEL (Gérard), ''Les ouvriers dans la société française''. XIXe-XXe siècle, Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 204.</ref>. Ce rassemblement géographique favorisa le développement d’un style de vie et de pratiques de sociabilité propres aux ouvriers. Cela se caractérisait par exemple par l’entraide, basée sur le principe du don et contre-don, ou encore par la rencontre au bistro ou au café après le travail. Le sport faisait aussi parti des loisirs pratiqués par les ouvriers, comme nous le prouve une autre séquence intitulée [[Rothau_(0059FS0001)|Rothau]] et illustrant un match de basket-ball entre les employés de l'usine Steinheil de Rothau au début des années 50. L’affiliation à un syndicat, comme la CGT, ou à un parti ouvrier influençait aussi les relations et pratiques sociales entre ces travailleurs et leur donnait l’impression aux ouvriers de former un groupe social homogène. Même si les machines sont de plus en plus présentes dans l’industrie, l’ouvrier a toujours encore sa place au sein de l’usine, ce que la séquence présentée ci-dessus illustre incontestablement<ref>DEWERPE (Alain), ''Le monde du travail en France : 1800-1950'', Paris : Armand Colin, 2020, p. 131-160.<br> |
MOUTET (Aimée), « La rationalisation dans l'industrie française : une réponse aux problèmes de la seconde industrialisation ou l'invention de la consommation de masse ? », dans ''Histoire, économie et société'', 1998, 17ᵉ année, N°1, [en ligne], URL : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1998_num_17_1_1976, [consulté le 29 décembre 2020].<br> | MOUTET (Aimée), « La rationalisation dans l'industrie française : une réponse aux problèmes de la seconde industrialisation ou l'invention de la consommation de masse ? », dans ''Histoire, économie et société'', 1998, 17ᵉ année, N°1, [en ligne], URL : https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1998_num_17_1_1976, [consulté le 29 décembre 2020].<br> | ||
NOIRIEL (Gérard), ''Les ouvriers dans la société française. XIXe-XXe siècle'', Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 196-210.</ref>.<br> | NOIRIEL (Gérard), ''Les ouvriers dans la société française. XIXe-XXe siècle'', Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 196-210.</ref>.<br> | ||
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'''Le processus de production dans l’industrie textile'''<br> | '''Le processus de production dans l’industrie textile'''<br> | ||
− | Cette séquence, tournée très probablement dans l’ancienne usine textile Steinheil de Rothau, illustre diverses étapes du processus de production de l’industrie textile de l’époque, qui, comme on peut l’apercevoir, était déjà quasiment complètement mécanisée. On peut produire du fil à partir de diverses matières, comme de la laine, du coton, du polyester ou encore de la fibranne, qui arrivent à la filature en forme de balles. Tout d’abord, on ouvre celles-ci et on les introduit en forme de plaques dans une machine appelée brise-balle, qui en fait une bourre volumineuse et aérée, tout en enlevant les déchets. Ensuite, on met cette bourre dans une ouvreuse, à savoir une machine qui permet de rendre aux fibres leur forme d’origine et de gonfler la bourre, qui par l’étape du battage est par la suite transformée en une nappe de fibres enroulée. Cette nappe passe ensuite par la carde, donc une machine qui sert à aligner, paralléliser, nettoyer et condenser les fibres à l’aide de deux cylindres recouverts d’aiguilles. Il en ressort un voile, qui est rassemblé en ruban et entassé dans un pot en rotation, donnant ainsi un début de torsion à ce ruban. La séquence intitulée [[Rothau : machine pour le cardage]] documente l’installation d’une telle carde très probablement au sein de la même usine textile illustrée dans l’extrait ci-dessus. Cela permet ensuite de passer à la prochaine étape de la filature, à savoir l’étirage. Cette étape se fait sur ce qu’on appelle un banc d’étirage, donc une machine qui à l’aide de son dispositif de laminage, composé de cylindres d’acier cannelés et de cylindres en caoutchouc, permet de paralléliser les fibres et d’en régulariser le nombre à la section tout au long du ruban. Des quelques rubans de cardes alignées rentrant en même temps dans la machine en ressort un seul ruban davantage affiné et purifié, qui est à nouveau entassé dans un pot en rotation, apportant une seconde torsion au ruban. Celui-ci passe ensuite sur le banc broche ou banc à broches, qui transforme le ruban en mèche torsadée et l’enroule sur des bobines. Cette mèche est finalement transformée en fil lors de l’étape du filage, qui peut se faire selon plusieurs procédés. La technique de filage par anneau et curseur ou filage conventionnel fait passer la mèche dans une machine dite « continu à filer », qui l’étire une dernière fois, pour en faire ainsi un fil continu et résistant. Suis alors la préparation au tissage, qui est entamée par l’ourdissage. Il s’agit d’une opération qui consiste à arranger les fils de chaîne, montés sur une ensouple, dans l’ordre souhaité plus tard dans l’étoffe. Cependant, ces fils rassemblés subissent encore un bain d’apprêt, qui a pour but de rigidifier les fils. Ces fils de chaîne sont ensuite séchés, avant de subir une dernière opération avant le tissage, à savoir le rentrage, représentant une manipulation très délicate. Ce n’est qu’après tous ces procédés que peut commencer le tissage en soi, qui se fait à l’aide de métiers à tisser. La teinture et l’impression sur tissu sont aussi des manipulations couramment effectuées au sein d’usines textiles. Notons qu’il existe trois techniques de teinture, à savoir la teinture de la bourre, la teinture du fil ou encore la teinture du tissu<ref>FAYALA (Faten), « Support de cours de filature pour première année Génie Textile – ENIM », [en ligne], URL : http://support-cours-filature.e-monsite.com/pages/sommaire.html, [consulté le 29 décembre 2020].<br> | + | Cette séquence, tournée très probablement dans l’ancienne usine textile Steinheil de Rothau, illustre diverses étapes du processus de production de l’industrie textile de l’époque, qui, comme on peut l’apercevoir, était déjà quasiment complètement mécanisée. On peut produire du fil à partir de diverses matières, comme de la laine, du coton, du polyester ou encore de la fibranne, qui arrivent à la filature en forme de balles. Tout d’abord, on ouvre celles-ci et on les introduit en forme de plaques dans une machine appelée brise-balle, qui en fait une bourre volumineuse et aérée, tout en enlevant les déchets. Ensuite, on met cette bourre dans une ouvreuse, à savoir une machine qui permet de rendre aux fibres leur forme d’origine et de gonfler la bourre, qui par l’étape du battage est par la suite transformée en une nappe de fibres enroulée. Cette nappe passe ensuite par la carde, donc une machine qui sert à aligner, paralléliser, nettoyer et condenser les fibres à l’aide de deux cylindres recouverts d’aiguilles. Il en ressort un voile, qui est rassemblé en ruban et entassé dans un pot en rotation, donnant ainsi un début de torsion à ce ruban. La séquence intitulée [[Bas:Rothau_:_machine_pour_le_cardage_(0059FS0001)|Rothau : machine pour le cardage]] documente l’installation d’une telle carde très probablement au sein de la même usine textile illustrée dans l’extrait ci-dessus. Cela permet ensuite de passer à la prochaine étape de la filature, à savoir l’étirage. Cette étape se fait sur ce qu’on appelle un banc d’étirage, donc une machine qui à l’aide de son dispositif de laminage, composé de cylindres d’acier cannelés et de cylindres en caoutchouc, permet de paralléliser les fibres et d’en régulariser le nombre à la section tout au long du ruban. Des quelques rubans de cardes alignées rentrant en même temps dans la machine en ressort un seul ruban davantage affiné et purifié, qui est à nouveau entassé dans un pot en rotation, apportant une seconde torsion au ruban. Celui-ci passe ensuite sur le banc broche ou banc à broches, qui transforme le ruban en mèche torsadée et l’enroule sur des bobines. Cette mèche est finalement transformée en fil lors de l’étape du filage, qui peut se faire selon plusieurs procédés. La technique de filage par anneau et curseur ou filage conventionnel fait passer la mèche dans une machine dite « continu à filer », qui l’étire une dernière fois, pour en faire ainsi un fil continu et résistant. Suis alors la préparation au tissage, qui est entamée par l’ourdissage. Il s’agit d’une opération qui consiste à arranger les fils de chaîne, montés sur une ensouple, dans l’ordre souhaité plus tard dans l’étoffe. Cependant, ces fils rassemblés subissent encore un bain d’apprêt, qui a pour but de rigidifier les fils. Ces fils de chaîne sont ensuite séchés, avant de subir une dernière opération avant le tissage, à savoir le rentrage, représentant une manipulation très délicate. Ce n’est qu’après tous ces procédés que peut commencer le tissage en soi, qui se fait à l’aide de métiers à tisser. La teinture et l’impression sur tissu sont aussi des manipulations couramment effectuées au sein d’usines textiles. Notons qu’il existe trois techniques de teinture, à savoir la teinture de la bourre, la teinture du fil ou encore la teinture du tissu<ref>FAYALA (Faten), « Support de cours de filature pour première année Génie Textile – ENIM », [en ligne], URL : http://support-cours-filature.e-monsite.com/pages/sommaire.html, [consulté le 29 décembre 2020].<br> |
« Formation du fil », Centre du Commerce International – Guide de l’explorateur de coton, [en ligne], URL : http://www.guidedecoton.org/guide-du-coton/formation-du-fil/, [consulté le 29 décembre 2020].<br> | « Formation du fil », Centre du Commerce International – Guide de l’explorateur de coton, [en ligne], URL : http://www.guidedecoton.org/guide-du-coton/formation-du-fil/, [consulté le 29 décembre 2020].<br> | ||
WEILER (Joëlle), ''L’industrie textile dans la vallée de la Bruche'', Schirmeck : l’Essor, 2013, p. 168-174.</ref>. | WEILER (Joëlle), ''L’industrie textile dans la vallée de la Bruche'', Schirmeck : l’Essor, 2013, p. 168-174.</ref>. |
Version du 29 décembre 2020 à 18:19
Résumé
Description
[00:00:00] Carton : « A l’usine, autour de M. Brisach fondé de pouvoir et de M. Granier, journaliste aux DNA »
[00:00:05] Un homme lance une bouteille de champagne attachée par une corde contre l’une des machines en guise d’inauguration.
[00:00:07] Celui-ci et d’autres hommes marchent ensemble en s’éloignant de la caméra.
[00:00:08] Gros plan sur un panneau de contrôle, qui est inspecté et manipulé par des hommes.
[00:00:18] Des hommes en costume discutent devant une machine sortant une nappe de tissu.
[00:00:22] Panoramique horizontal de gauche à droite montrant une quinzaine d’hommes en costume et d’ouvriers en train de discuter.
[00:00:27] Une nappe de tissu sortant d’une machine s’empile sur le sol.
[00:00:31] Les hommes en costume et des ouvriers observent un ouvrier qui inspecte une machine. Celui-ci se dirige ensuite vers eux.
[00:00:35] Deux ouvriers dirigent une nappe de tissu entrant dans une machine.
[00:00:39] Trois hommes en costume inspectent une machine.
[00:00:42] Gros plan sur le tableau électrique et les fusibles d’une machine que les messieurs observent.
[00:00:45] Monsieur Granier regarde quelque chose, tandis qu’un homme en costume lui parle.
[00:00:48] Un homme en costume cravate se détourne d’une machine vers la caméra et se gratte le nez. Trois hommes en costume observent la machine. Un ouvrier (?) est tourné vers la caméra.
[00:00:52] Focus sur deux grandes valses. Un ouvrier se tient à côté. Il regarde la caméra et sourit.
[00:00:56] Un homme montre quelque chose à Monsieur Granier. D’autres messieurs discutent et se déplacent derrière eux.
[00:01:00] Une nappe de tissu coulisse en continu sur un rouleau d’une machine.
[00:01:03] Bon nombre de machines, dont l’une est inspectée par un homme en costume, qui est rejoint par un ouvrier.
[00:01:06] Les hommes en cravate/costume sont accroupis et observent le fonctionnement d’une machine.
[00:01:11] Focus sur Monsieur Granier en train d’observer le fonctionnement de la machine en étant accroupis, tandis que l’opérateur opte pour une prise de vue qui donne l’impression de filmer depuis l’intérieur de la machine. Même prise de vue, montrant Monsieur Granier assis, discutant avec d’autres messieurs debout à ses côtés. Un ouvrier se déplace devant la caméra.
[00:01:18] Coupe franche vers un fond noir. Ouverture ou fondu au noir faisant apparaître l’image progressivement.
[00:01:20] Plan de l’intérieur de l’usine. On voit une machine au centre de l’image, de laquelle sort une nappe de tissu. Celle-ci est entourée d’hommes en costume qui discutent.
[00:01:24] Coupe franche vers un plan montrant une barrière en bois fermée en plein air.
[00:01:27] Cut vers un plan où la barrière est ouverte, révélant des bâtiments.
[00:01:30] Panoramique horizontale de gauche à droite, montrant la façade d’un bâtiment, dont la porte d’entrée est ouverte.
[00:01:41] Panoramique verticale de bas en haut, montrant un puits fleuri.
[00:01:48] Suite de plusieurs plans montrant des machines à l’œuvre à l’intérieur de l’usine. Il s’agit vraisemblablement de banc-broches ou banc à broches et de bancs d’étirage, ainsi que de l’engrenage d’une machine.
[00:02:15] L’opérateur filme deux secrétaires, qui rient et fuient le cadre.
[00:02:20] Coupe franche vers une vitrine exposant des vêtements.
[00:02:23] Plans montrant des moteurs.
[00:02:32] Une secrétaire se tient près de la fenêtre, tout en rigolant et en parlant.
Contexte et analyse
La relance de l’industrie textile alsacienne d’après-guerre
Dans la deuxième moitié des années 1940, l’Alsace se retrouve libérée du joug nazi et se voit à nouveau rattaché à la France après avoir été annexé au Troisième Reich allemand pendant plus de quatre ans. Cependant, après la libération de la région par les troupes américaines et françaises, l’Alsace se présente comme une des régions françaises les plus ravagées par le conflit militaire. Autre les pertes humaines, les diverses phases de la libération et les nombreux bombardements impliquèrent d’énorme dommages de guerre à travers toute la région. De même, l’économie et l’industrie alsacienne ne furent ni épargnées par l’occupation allemande, ni par les diverses opérations militaires. Ainsi, la période d’après-guerre en Alsace se caractérisait par les travaux de reconstruction et la relance de l’activité industrielle régionale.
L’économie et l’industrie alsacienne étaient fondées sur des activités productives et des racines historiques profondes, ce qui se traduisait par l’existence de permanences au sein de cette économie régionale. L’industrie textile y était bien établie, notamment grâce à un patronat compétent et dominant. Même après une période extrêmement difficile comme la Seconde Guerre mondiale, cette industrie se présentait toujours encore comme un secteur d’activité bien établi à l’échelle régionale. Comme l’expliquent Nicolas Stoskopf et Pierre Vonau, « les anciennes dynasties familiales continuaient à tenir les entreprises importantes et à exercer leur influence dans les organes dirigeants », en citant notamment en guise d’exemple les sociétés Dollfus-Mieg & Cie ou encore Schaeffer & Cie, contrôlées par les familles du même nom. Ils expliquent ainsi que l’existence et la permanence de tels dynasties familiales industrielles, qui avaient encore beaucoup de pouvoir et d’influence dans les années 1950, limitèrent la pénétration de capitaux extérieurs au sein de l’industrie textile alsacienne, qui vers 1954, occupait quasiment le tiers des salariés de toute l’industrie alsacienne, ce qui correspondait à environ 65000 travailleurs[3]. C’est bien dans ce contexte d’après-guerre et de relance économique et industrielle que s’inscrit la séquence présentée ci-dessus. Elle est issue du film documentaire « Rothau années 50 : La vie autour de l'usine de 1948 à 1956 », dont le réalisateur reste jusqu’à présent inconnu. Cet extrait de film illustre bien cette relance industrielle de l’après-guerre en Alsace, en montrant tout au début probablement l’inauguration d’une nouvelle machine pour la production textile ou la filature. Il pourrait même s’agir de la carde, dont l’installation par des ouvriers au sein de l’usine Steinheil de Rothau est montrée dans la séquence intitulée Rothau : machine pour le cardage, issue du même film documentaire. L’installation et l’inauguration d’une nouvelle machine au sein d’une usine textile témoignent de l’augmentation du volume de production, et donc de la demande, prouvant ainsi peut-être un certain degré de croissance économique et industrielle de l’industrie textile à l’échelle locale et régionale. De même, le fait de filmer l’événement et d’inviter un journaliste, à savoir Monsieur Jacques Granier des Dernières Nouvelles d’Alsace, manifeste sans aucun doute la volonté de la direction de l’établissement, représentée par Monsieur Brisach, de montrer le succès de l’entreprise, tout en attendant peut-être un article de la part du journaliste[4].
La classe ouvrière d’après-guerre en France
Entre les recensements effectués dans les années 1930 et le milieu des années 1950, on remarque que l’équilibre des différents groupes sociaux a très peu varié. Tandis qu’en 1954 le taux de population rurale et artisanale demeure quasiment semblable à celui des années 1930, les effectifs industriels ne progressent que très peu entre 1931 et 1954. Cette stabilité de la population industrielle s’explique notamment par ce qu’on appelle l’hérédité professionnelle, donc le fait que les enfants suivent la même voie professionnelle que leurs parents, ayant pour conséquence l’enracinement dans la classe ouvrière. A la fin des années 1940 et début des années 1950, les ouvriers espèrent néanmoins une certaine ascension sociale pour leurs enfants, qui peuvent accéder plus facilement que leurs parents à des apprentissages, et devenir ainsi des ouvriers qualifiés. Cependant, c’est aussi en 1954 que la proportion des ouvriers au sein de la population industrielle atteint son point culminant de 87,2 % face à 7,7 % d’employés et 5,1 % de patrons, et que la France parvient au taux d’industrialisation le plus élevé depuis son existence. Les ouvriers occupaient donc une place non-négligeable dans la vie économique de la France après la fin second conflit mondial. De même, l’homogénéité du groupe ouvrier français progresse entre les années 1930 et le milieu des années 1950. Tandis que le taux de masculinité des actifs industriels évolue de 64 % à 69 % entre 1931 et 1954, le nombre de travailleurs étrangers décroît de 1,3 million de personnes pour la même période, atteignant ainsi un taux approximatif de 1,7 million. La composition de la classe ouvrière a donc connu certaines mutations entre l’entre-deux-guerres et l’après-guerre. En ce qui concerne le travail même et le cadre de travail des ouvriers au sein des usines, on peut constater que la recherche de rationalisation du travail, ayant mené à des modèles d’organisation industrielle comme le fordisme, sont toujours encore d’actualité après la Seconde Guerre mondiale. La rationalisation a ainsi mené à la mécanisation des usines et des chaînes de production, permettant ainsi la production de masse et le gain de productivité. L’homme ou l’ouvrier doit donc en quelque sorte laisser place à la machine, et suit le rythme de travail imposé par celle-ci. L’ouvrier semble ainsi limité à veiller au bon fonctionnement des machines et à exercer le peu de tâches que les machines ne maîtrisent pas encore. Tous ces aspects semblent aussi transparaître dans la séquence présentée ci-dessus, où l’accent est mis sur les machines au détriment des ouvriers, qui ne font en fait que l’accompagner et veiller à leur bon fonctionnement. Cependant, la production de masse, rendue entre autres possible grâce à la mécanisation, eu aussi pour conséquence la baisse des prix, rendant les biens de consommation plus accessibles à la classe ouvrière, qui profita aussi du compromis salarial accordé par bon nombre d’entreprises. L’excédant issu des gains de productivité était donc partagé entre l’entreprise et ses salariés, entraînant ainsi une hausse généralisée du pouvoir d’achat, permettant aux ouvriers d’acheter des biens de consommation durables qu’ils produisaient parfois eux-mêmes. D’ailleurs, la politique sociale entreprise par l’Etat, qui se caractérisait notamment par la création de la Sécurité sociale dès la libération, l’introduction du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), ou encore l’établissement des conventions collectives réglementées par les lois de 1946 et 1950, a également joué un rôle dans la hausse du pouvoir d’achat et l’amélioration du niveau de vie de la classe ouvrière. Ainsi, l’historien Gérard Noiriel affirme que les années 1950 représentent en quelque sorte l’apogée d’une culture ouvrière de la grande industrie, dont l’épanouissement des normes de classe se caractérise particulièrement par la consolidation des valeurs familiales et l’appropriation de l’espace dans des quartiers, cités ou banlieues à proximité des usines[5]. Ce rassemblement géographique favorisa le développement d’un style de vie et de pratiques de sociabilité propres aux ouvriers. Cela se caractérisait par exemple par l’entraide, basée sur le principe du don et contre-don, ou encore par la rencontre au bistro ou au café après le travail. Le sport faisait aussi parti des loisirs pratiqués par les ouvriers, comme nous le prouve une autre séquence intitulée Rothau et illustrant un match de basket-ball entre les employés de l'usine Steinheil de Rothau au début des années 50. L’affiliation à un syndicat, comme la CGT, ou à un parti ouvrier influençait aussi les relations et pratiques sociales entre ces travailleurs et leur donnait l’impression aux ouvriers de former un groupe social homogène. Même si les machines sont de plus en plus présentes dans l’industrie, l’ouvrier a toujours encore sa place au sein de l’usine, ce que la séquence présentée ci-dessus illustre incontestablement[6].
Le processus de production dans l’industrie textile
Personnages identifiés
Lieux ou monuments
Bibliographie
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RIGOULOT (Pierre), L'Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945, Paris : Presses Universitaires de France, 1997. - ↑ NOIRIEL (Gérard), Les ouvriers dans la société française. XIXe-XXe siècle, Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 204.
- ↑ DEWERPE (Alain), Le monde du travail en France : 1800-1950, Paris : Armand Colin, 2020, p. 131-160.
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NOIRIEL (Gérard), Les ouvriers dans la société française. XIXe-XXe siècle, Paris : Editions du Seuil, 2002, p. 196-210. - ↑ FAYALA (Faten), « Support de cours de filature pour première année Génie Textile – ENIM », [en ligne], URL : http://support-cours-filature.e-monsite.com/pages/sommaire.html, [consulté le 29 décembre 2020].
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