Zeppelin und Autowäsche (LFS 06056 2) : Différence entre versions
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|thematique=Industrial and cultural heritage@ Industry | |thematique=Industrial and cultural heritage@ Industry | ||
|Resume_de=Ein Zeppelin fliegt über Freiburg; zwei junge Männer putzen ihre Autos | |Resume_de=Ein Zeppelin fliegt über Freiburg; zwei junge Männer putzen ihre Autos | ||
− | |Description_de=Totale: Vorüberfliegender Zeppelin / junges Paar an einem Balkon, schauen lachend in die Kamera. / Halbtotale: zwei junge Männer putzen ihre Autos. Die Wagen tragen alte Nummernschilder für Baden (IV B 49413 und IV B 70925 ). / Blick aus dem Auto auf einen der putzenden Männer. / Halbtotale: Drei Frauen stehen im Halbkreis beieinander und unterhalten sich | + | |Resume_en=A Zeppelin flies over Freiburg; two young men are cleaning their cars. |
+ | |Description_de=Totale: Vorüberfliegender Zeppelin / junges Paar an einem Balkon, schauen lachend in die Kamera. / Halbtotale: zwei junge Männer putzen ihre Autos. Die Wagen tragen alte Nummernschilder für Baden (IV B 49413 und IV B 70925 ). / Blick aus dem Auto auf einen der putzenden Männer. / Halbtotale: Drei Frauen stehen im Halbkreis beieinander und unterhalten sich. | ||
+ | |Description_en=Total shot: Flying Zeppelin / young couple on a balcony looking at the camera with a laugh. / Half shot: two young men are cleaning their cars. The cars carry old number plates for Baden. / View from the car to one of the cleaning men. / Half shot: Three women stand in a semicircle and talk. | ||
+ | |Contexte_et_analyse_fr=Un zeppelin, un jeune couple et un lavage de voiture – c’est ce que montre ce petit film d’une minute environ. Il y a beaucoup d’espace entre ces quelques plans, un espace qui dans les films narratifs (documentaire) disparaît habituellement dans la continuité d’une histoire. Une sorte d’espace laissant libre cours aux associations d’idées, images d’un petit « collage » cinématographique qui nous plonge dans les fantasmes collectifs des Allemands. | ||
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+ | La caméra tournée vers le haut nous montre d’abord un plan large du ciel de Fribourg vers 1927. Un zeppelin plane, en diagonale dans l’image, et change de trajectoire après une coupe. L’apparition d’un dirigeable reste une expérience insolite, un petit événement esthétique dont l’effet est renforcé encore par l’image en mouvement. Elle peut devenir un regard sur le passé, sur l’histoire de la mentalité des Allemands, pour qui cet appareil est devenu un symbole du progrès technique quelques années plus tôt. | ||
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+ | Le comte Ferdinand von Zeppelin est un ancien officier d’état-major qui se consacre entièrement à la construction de dirigeables à partir de 1891. Il fait non seulement entrer l’aviation allemande dans une nouvelle ère, mais crée avec le zeppelin un emblème de la conquête de l’espace aérien qui va devenir un objet d’identification nationale. Le zeppelin s’inscrit historiquement dans une époque d’engouement pour la technique, qui, après la catastrophe d’Echterdingen en 1908 (l’explosion du « Z3 ») débouche sur une sorte de rituel sacrificiel des Allemands avec « l’offrande » du zeppelin. Ce nouvel aéronef va permettre de combler l’avance prise par la France en matière d’aviation. Apparition fascinante dans le ciel, il acquiert une aura presque mythique qui unit la nation dans un enthousiasme grisant. | ||
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+ | L’image d’un zeppelin peut évoquer le passé, l’époque d’un empire allemand qui a cédé la place dans les années 1920 à une république de Weimar instable, prête à entrer dans la modernité industrielle. Après l’effondrement de la monarchie, les classes bourgeoises prennent le pas. Et ce film amateur se révèle également être un médium pour dépeindre la nouvelle assurance bourgeoise : le jeune couple à son balcon, qui apparaît sans transition après le zeppelin et se retourne avec hésitation pour sourire à la caméra, semble incarner quelque chose de l’estime de soi bourgeoise que l’on découvre sous un angle nouveau dans ce film amateur. Depuis le XVIIIe siècle, le temps libre est pour ce milieu un espace de liberté dans lequel peut se vivre ce difficile équilibre par lequel, dans l’idéal de « l’éducation », s’affirme une prétention à l’universel du mode de vie bourgeois. Se filmer, c’est aussi une nouvelle façon de produire une « image » de soi et de se montrer dans son temps libre comme l’être à part qu’exige ce mode de vie. | ||
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+ | Il semble donc presque cohérent que le plan de demi-ensemble qui suit dans le film nous transporte à l’extérieur, devant la maison, pour individualiser davantage encore cette image. Deux hommes, dont un que l’on identifie aisément comme celui du balcon, nettoient leurs automobiles. Il se présentent comme les propriétaires de ces véhicules, tandis que la caméra glisse en plan panoramique sur les deux voitures côte à côte, immatriculées au pays de Bade selon une nomenclature dépassée. Autrefois objet de luxe des classes supérieures, l’auto doit désormais mobiliser de plus en plus les masses : elle devient un symbole de statut social dans lequel se manifeste la conscience du progrès des nouveaux acheteurs de la classe moyenne supérieure. | ||
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+ | L’entretien de la voiture devant la maison se transforme en une petite scène cinématographique. Les deux hommes prennent soin des surfaces de leurs automobiles en tant qu’objets de consommation, le premier astiquant la vitre latérale arrière, tandis que l’autre émerge lentement de derrière le garde-boue avant. Dans les années 1920, la publicité se saisit du lien nouveau de l’automobile avec l’univers féminin, ce qui achève d’en faire un objet de consommation de luxe. Là encore, se manifeste la revendication d’un univers d’émotions individuel, dont le revers est la production en masse d’une société de consommation en devenir, qui s’inspire du fordisme américain et de la production en série à la chaîne. | ||
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+ | Le changement de plan qui nous conduit dans l’habitacle de la voiture constitue de façon un peu surprenante un « raccord » dans ce petit film, semblable à ceux des longs métrages. La vue à travers le pare-brise évoque également le médium cinématographique lui-même, avec « l’écran » du pare-brise et une perspective qui prend possession de l’environnement en sillonnant les nouvelles rues auxquelles les villes et les paysages sont censés s’adapter. La silhouette du volant évoque ce regard « masculin » du conducteur. Et le propriétaire de la voiture, qui s’occupe à présent du radiateur, apparaît « encadré » à travers le pare-brise comme dans un tableau. Le plan suggère à la fois l’espace qui s’adaptera sous peu à la liberté de la voiture et une image de soi qui sera bientôt étroitement liée à l’identité de l’homme allemand. Le petit « collage » cinématographique suit sa propre logique, en ajoutant encore, après ce regard « masculin », un fugace plan qui montre trois femmes discutant en demi-cercle : le regard « féminin » d’un goût raffiné qui appartient désormais lui aussi à l’imaginaire collectif de l’automobile. | ||
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+ | Reiner Bader | ||
+ | |Contexte_et_analyse_de=Ein Zeppelin, ein junges Paar und eine Autowäsche – das zeigt dieser kleine Film von rund einer Minute. Viel Zwischenraum tut sich auf zwischen den wenigen Einstellungen, ein Raum, der im erzählenden (Dokumentar-)Film verschwindet in der Kontinuität einer Geschichte. Ein Assoziationsraum gewissermaßen, Bilder einer kleinen filmischen ‚Collage‘, die in die kollektiven Fantasien der Deutschen führt. | ||
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+ | Da ist zunächst der (Kamera-)Blick nach oben, eine Totale vom Freiburger Himmel um 1927. Ein Zeppelin schwebt diagonal im Bild und wechselt nach einem Schnitt die Richtung. Die Erscheinung eines Luftschiffes hat noch immer Erlebniswert, ist ein kleines ästhetisches Ereignis, das im bewegten Bild noch stärker wirken kann. Und das zum Blick in die Vergangenheit werden kann, in die Mentalitätsgeschichte der Deutschen, für die dieses steuerbare Luftfahrzeug einige Jahre zuvor zum Symbol technischen Fortschritts geworden war. | ||
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+ | Ferdinand Graf von Zeppelin – ein ehemaliger Generalstabsoffizier, der sich ab 1891 ganz der Konstruktion von Luftschiffen widmete – hatte die deutsche Luftfahrt nicht nur in ein neues Zeitalter geführt, er hatte mit dem Zeppelin ein Sinnbild der Eroberung des Luftraumes geschaffen, das zum Objekt nationaler Identifikation wurde. Der Zeppelin ging ein in die Geschichte der Technikbegeisterung, die nach dem Unglück 1908 in Echterdingen – der „Z3“ explodierte – mit der Zeppelin-Spende eine Art Opferritual der Deutschen hervorbrachte. Ein neues Luftfahrzeug, mit dem man nebenbei den Vorsprung Frankreichs in der Luftfahrt aufholte. Als erhabene Erscheinung am Himmel gewann es eine fast schon mythische Aura, die die Nation im Begeisterungstaumel vereinte. | ||
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+ | Das Bild eines Zeppelins konnte die Vergangenheit evozieren, die Zeit eines Deutschen Reiches, das in den 1920er Jahren einer instabilen Weimarer Republik gewichen war, die dabei ist, in die industrielle Moderne einzutreten. Nach dem Zusammenbruch der Monarchie beanspruchen die bürgerlichen Schichten die Vorrangstellung. Und der Amateurfilm erweist sich auch als Medium der Darstellung des neuen bürgerlichen Selbstbewusstseins: Das junge Paar, das übergangslos nach dem Zeppelin erscheint und sich an der Balkonbrüstung zögerlich lächelnd in die Kamera dreht, scheint etwas von dem bürgerlichen Selbstgefühl verkörpern zu wollen, das im Amateurfilm in neuer Weise sichtbar werden kann. Die freie Zeit war für das Bürgertum seit dem 18. Jahrhundert ein Freiraum, in dem sich jene schwierige Balance leben ließ, mit der sich im Ideal der ‚Bildung’ ein universaler Anspruch des bürgerlichen Lebensstils behauptet. Sich selbst zu filmen – das war auch eine neue Möglichkeit, ein individuelles ‚Bild‘ von sich selbst zu produzieren und in der Freizeit das ‚Besondere‘ zu sein, das dieser Lebensstil zugleich forderte. | ||
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+ | So erscheint es fast schon konsequent, wenn die nächste, halbtotale Einstellung des Films in den Außenraum vor dem Haus springt, um dieses Bild weiter ins Individuelle zu rücken: Zwei Männer – der eine von ihnen ist unschwer als derjenige vom Balkon zu erkennen – putzen ihre Autos, stellen sich gewissermaßen dar als Autobesitzer, während die Kamera mit einem Schwenk über die nebeneinander stehenden Wagen gleitet, die auf die alten badischen Kennzeichen zugelassen sind. Vormals ein Luxusobjekt der Oberschichten sollte das Auto nun zunehmend die Massen mobilisieren: Es wird zum Statussymbol, in dem sich das Fortschrittsbewusstsein der neuen bürgerlichen Käuferschichten manifestiert. | ||
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+ | Die Autopflege vor dem Haus verwandelt sich in eine kleine filmische Bühne. Das hintere Seitenfenster wienernd der eine, langsam hinter der Vorderradverkleidung auftauchend der andere, kümmern sich die beiden Männer um die Oberflächen des Konsumobjekts Automobil: Speziell dessen neue Verbindung mit der Welt der Damen – konsequent aufgegriffen in der Autowerbung – lässt es in den 1920er Jahren zum Gegenstand des Luxuskonsums werden. Auch hier tritt der Anspruch auf eine individuelle Gefühlswelt hervor, deren Kehrseite die Massenproduktion einer anbrechenden Konsumgesellschaft ist, für die der amerikanische Fordismus, die Serienproduktion am Fließband, Modell steht. | ||
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+ | Der Einstellungswechsel ins Innere des Wagens bringt dann – ein wenig überraschend – einen Schnitt „auf Anschluss“ in den kleinen Film, wie man es aus Spielfilmen kennt. Doch der Blick durch die Windschutzscheibe verweist zugleich auf das filmische Medium selbst, auf den ‚Bildschirm‘ der Windschutzscheibe und auf einen Blick, der den Lebensraum in Besitz nimmt durch neue Straßen, denen sich Städte und Landschaften fügen sollen. Die Silhouette des Lenkrads evoziert diesen ‚männlichen‘ Blick des Fahrers. Und der Besitzer des Wagens, der inzwischen am Kühler beschäftigt ist, erscheint im Blick durch die Scheibe ‚gerahmt‘ wie in einem Bild. Die Einstellung lässt beides assoziieren, den Raum, der in Zukunft dem Freiheitsmobil des Autos angepasst werden soll, und das Bild eines Ich, das sich alsbald eng mit der Identität des deutschen Mannes verbinden sollte. Die kleine filmische ‚Collage‘ folgt womöglich einer eigenen Logik, die dem ‚männlichen‘ Blick dann zuletzt noch, kaum sichtbar, eine kurze Einstellung mit drei Frauen hinzufügt, die sich im Halbkreis unterhalten: den ‚weiblichen‘ Blick eines verfeinerten Geschmacks, der nun ebenfalls zur kollektiven Fantasie des Automobils gehört. | ||
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+ | Reiner Bader | ||
+ | |Contexte_et_analyse_en=A Zeppelin, a young couple and a car wash - that shows this little film of about a minute. Much of the space between the few settings, a space that disappears into narrative (documentary) film in the continuity of a story. An association space in a sense, images of a small cinematic 'collage' that leads into the collective fantasies of the Germans. | ||
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+ | First there is the (camera) view upwards, a shot from the Freiburg sky around 1927. A zeppelin hovers diagonally in the picture and changes direction after a cut. The appearance of an airship still has experience value, is a small aesthetic event that can be even more powerful in the moving image. And that can become a glimpse into the past, into the mentality story of the Germans, for whom this controllable aircraft had become a symbol of technical progress some years before. Ferdinand Graf von Zeppelin - a former general staff officer, who devoted himself entirely to the construction of airships in 1891 - had not only led the German aviation into a new age. , With the Zeppelin he had created a symbol of the conquest of the airspace, an object of national identification. The Zeppelin went down in the history of enthusiasm for technology, which after the accident in 1908 in Echterdingen - the "Z3" exploded - with the Zeppelin donation produced a kind of sacrificial ritual of the Germans. A new aircraft, which incidentally caught up with France's advantage in aviation. As a sublime apparition in the sky, it gained an almost mythical aura that united the nation in a tumult of enthusiasm. | ||
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+ | The image of a Zeppelins could evoke the past, the time of a German Reich that had given way to an unstable Weimar Republic in the 1920s, which is entering industrial modernity. After the collapse of the monarchy, the bourgeois classes claim supremacy. And the amateur film also proves to be a medium for presenting the new bourgeois self-confidence: the young couple, who appears transitionless to the Zeppelin and turns hesitantly smiling into the camera on the balcony railing, seems to want to embody something of the bourgeois sense of self, that in the private film can be seen in a new way. For the bourgeoisie since the eighteenth century, free time has been a free space for those who live the difficult balance that asserts a universal claim to bourgeois lifestyle in the ideal of 'education'. To film oneself - this was also a new way to produce an individual 'picture' of oneself and to be in leisure time the 'special' that this lifestyle demanded at the same time. | ||
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+ | So it seems almost consistent when the next, half-total shot of the film in the outer space in front of the house jumps to move this picture further into the individual: Two men - one of them is easy to recognize as the one from the balcony - clean their cars, in a sense, represent themselves as car owners, while the camera slides with a pan over the side-by-side cars, which are allowed on the old Baden license plate. Formerly a luxury object of the upper classes, the car should now increasingly mobilize the masses: It becomes a status symbol, in which the sense of progress of the new bourgeois buyer strata manifests itself. | ||
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+ | The car care in front of the house turns into a small cinematic stage. The rear side window wienernd the one, slowly behind the front paneling the other, the two men take care of the surfaces of the consumer object automobile: especially its new connection with the world of women - consistently picked up in the car advertising - it in the 1920s become the subject of luxury consumption. Here, too, the claim to an individual world of feelings emerges, the downside of which is the mass production of a dawning consumer society, for which American Fordism, series production on the production line, is a model. | ||
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+ | The change of attitude to the interior of the car then brings - a little surprising - a direct cut in the film, as one knows it from feature films. But the view through the windshield also refers to the cinematic medium itself, to the 'screen' of the windshield and to a view that takes possession of the living space through new streets to which cities and landscapes are to be added. The silhouette of the steering wheel evokes this 'male' look of the driver. And the owner of the car, who is now busy at the radiator, appears in the view through the glass, framed 'as in a picture. The setting allows for both to associate, the space that will be adapted in the future the car of freedom of the car, and the image of an I, which should soon connect with the identity of the German man. The small cinematic 'collage' may follow a logic of its own that adds a short shot to the 'masculine' look, barely visible, with three women talking in a semicircle: the 'feminine' look of a refined taste, now also belongs to the collective imagination of the automobile. | ||
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+ | Reiner Bader | ||
+ | |Bibliographie=REINICKE, HELMUT, Deutschland hebt ab: der Zeppelinkult. Zur Sozialpathologie der Deutschen, Köln, Papyrossa 1998; SACHS, WOLFGANG, Die Liebe zum Automobil. Ein Rückblick in die Geschichte unserer Wünsche, Reinbek, Rowohlt 1984. | ||
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Version actuelle datée du 22 mars 2021 à 16:40
Résumé
Description
Total shot: Flying Zeppelin / young couple on a balcony looking at the camera with a laugh. / Half shot: two young men are cleaning their cars. The cars carry old number plates for Baden. / View from the car to one of the cleaning men. / Half shot: Three women stand in a semicircle and talk.
Contexte et analyse
Un zeppelin, un jeune couple et un lavage de voiture – c’est ce que montre ce petit film d’une minute environ. Il y a beaucoup d’espace entre ces quelques plans, un espace qui dans les films narratifs (documentaire) disparaît habituellement dans la continuité d’une histoire. Une sorte d’espace laissant libre cours aux associations d’idées, images d’un petit « collage » cinématographique qui nous plonge dans les fantasmes collectifs des Allemands.
La caméra tournée vers le haut nous montre d’abord un plan large du ciel de Fribourg vers 1927. Un zeppelin plane, en diagonale dans l’image, et change de trajectoire après une coupe. L’apparition d’un dirigeable reste une expérience insolite, un petit événement esthétique dont l’effet est renforcé encore par l’image en mouvement. Elle peut devenir un regard sur le passé, sur l’histoire de la mentalité des Allemands, pour qui cet appareil est devenu un symbole du progrès technique quelques années plus tôt.
Le comte Ferdinand von Zeppelin est un ancien officier d’état-major qui se consacre entièrement à la construction de dirigeables à partir de 1891. Il fait non seulement entrer l’aviation allemande dans une nouvelle ère, mais crée avec le zeppelin un emblème de la conquête de l’espace aérien qui va devenir un objet d’identification nationale. Le zeppelin s’inscrit historiquement dans une époque d’engouement pour la technique, qui, après la catastrophe d’Echterdingen en 1908 (l’explosion du « Z3 ») débouche sur une sorte de rituel sacrificiel des Allemands avec « l’offrande » du zeppelin. Ce nouvel aéronef va permettre de combler l’avance prise par la France en matière d’aviation. Apparition fascinante dans le ciel, il acquiert une aura presque mythique qui unit la nation dans un enthousiasme grisant.
L’image d’un zeppelin peut évoquer le passé, l’époque d’un empire allemand qui a cédé la place dans les années 1920 à une république de Weimar instable, prête à entrer dans la modernité industrielle. Après l’effondrement de la monarchie, les classes bourgeoises prennent le pas. Et ce film amateur se révèle également être un médium pour dépeindre la nouvelle assurance bourgeoise : le jeune couple à son balcon, qui apparaît sans transition après le zeppelin et se retourne avec hésitation pour sourire à la caméra, semble incarner quelque chose de l’estime de soi bourgeoise que l’on découvre sous un angle nouveau dans ce film amateur. Depuis le XVIIIe siècle, le temps libre est pour ce milieu un espace de liberté dans lequel peut se vivre ce difficile équilibre par lequel, dans l’idéal de « l’éducation », s’affirme une prétention à l’universel du mode de vie bourgeois. Se filmer, c’est aussi une nouvelle façon de produire une « image » de soi et de se montrer dans son temps libre comme l’être à part qu’exige ce mode de vie.
Il semble donc presque cohérent que le plan de demi-ensemble qui suit dans le film nous transporte à l’extérieur, devant la maison, pour individualiser davantage encore cette image. Deux hommes, dont un que l’on identifie aisément comme celui du balcon, nettoient leurs automobiles. Il se présentent comme les propriétaires de ces véhicules, tandis que la caméra glisse en plan panoramique sur les deux voitures côte à côte, immatriculées au pays de Bade selon une nomenclature dépassée. Autrefois objet de luxe des classes supérieures, l’auto doit désormais mobiliser de plus en plus les masses : elle devient un symbole de statut social dans lequel se manifeste la conscience du progrès des nouveaux acheteurs de la classe moyenne supérieure.
L’entretien de la voiture devant la maison se transforme en une petite scène cinématographique. Les deux hommes prennent soin des surfaces de leurs automobiles en tant qu’objets de consommation, le premier astiquant la vitre latérale arrière, tandis que l’autre émerge lentement de derrière le garde-boue avant. Dans les années 1920, la publicité se saisit du lien nouveau de l’automobile avec l’univers féminin, ce qui achève d’en faire un objet de consommation de luxe. Là encore, se manifeste la revendication d’un univers d’émotions individuel, dont le revers est la production en masse d’une société de consommation en devenir, qui s’inspire du fordisme américain et de la production en série à la chaîne.
Le changement de plan qui nous conduit dans l’habitacle de la voiture constitue de façon un peu surprenante un « raccord » dans ce petit film, semblable à ceux des longs métrages. La vue à travers le pare-brise évoque également le médium cinématographique lui-même, avec « l’écran » du pare-brise et une perspective qui prend possession de l’environnement en sillonnant les nouvelles rues auxquelles les villes et les paysages sont censés s’adapter. La silhouette du volant évoque ce regard « masculin » du conducteur. Et le propriétaire de la voiture, qui s’occupe à présent du radiateur, apparaît « encadré » à travers le pare-brise comme dans un tableau. Le plan suggère à la fois l’espace qui s’adaptera sous peu à la liberté de la voiture et une image de soi qui sera bientôt étroitement liée à l’identité de l’homme allemand. Le petit « collage » cinématographique suit sa propre logique, en ajoutant encore, après ce regard « masculin », un fugace plan qui montre trois femmes discutant en demi-cercle : le regard « féminin » d’un goût raffiné qui appartient désormais lui aussi à l’imaginaire collectif de l’automobile.
Reiner BaderLieux ou monuments
Bibliographie
- ↑ Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.