Saint Dié 1945 (0116FN0008) : Différence entre versions

(Page créée avec « {{FicheSequence |titreCree=Non |titre=Saint Dié 1945 |fonds=Piganiol |idSupport=0116FN0008 |dateDebut=1945 |video=0116FN0008_2 |institution_dorigine=MIRA |coloration=Noir... »)
 
 
(29 révisions intermédiaires par 3 utilisateurs non affichées)
Ligne 10 : Ligne 10 :
 
|son=Muet
 
|son=Muet
 
|timecode=00:00:00
 
|timecode=00:00:00
|duree=00:00:00
+
|duree=00:01:33
 
|genre=Film_amateur
 
|genre=Film_amateur
 
|format_original=9,5 mm
 
|format_original=9,5 mm
|Etat_redaction=Non
+
|Etat_redaction=Oui
|Etat_publication=Non
+
|Etat_publication=Oui
 
|realisateurs=Piganiol, Pierre
 
|realisateurs=Piganiol, Pierre
|lieuTournage=48.58189, 7.75103
+
|apercu=Saintdié1945.png
 +
|username=Baptiste Picard
 +
|userrealname=Bapstiste Picard
 +
|datesignature=2020-01-03
 +
|lieuTournage=48.28723, 6.94782
 
|thematique=Second World War : post-war period
 
|thematique=Second World War : post-war period
 +
|Resume_fr=Cette séquence est extraite d’un film documentaire réalisé par Pierre Piganiol, résistant et chimiste français, qui retrace un voyage en l’Allemagne occupée par les Alliés en mai 1945. Ces images forment la dernière partie du film, où le réalisateur passant à Saint-Dié lors de son retour, montre les dégâts subis par la ville lors de l’incendie allumé par les Allemands en 1944.
 +
|Contexte_et_analyse_fr=[[Fichier:saintdié1914.png|350px|thumb|right|Un quartier de Saint-Dié détruit par les Allemands en 1914. Archives départementales des Vosges, 4Fi413/25.]]Les Alliés débarquent le 6 juin 1944 en Normandie et entament la libération la France. Une fois la percée effectuée, les colonnes américaines et britanniques traversent le territoire à toute vitesse poussant la Wehrmacht en déroute devant elles. Mais cette avancée s’essouffle à l’automne 1944 : les Allemands parviennent à ralentir les troupes libératrices dont le ravitaillement est de plus en plus compliqué.
 +
 +
Les "boches", comme le disent les panneaux filmés par Pierre Piganiol, ont laissé une trace indélébile dans l'histoire de Saint-Dié. Déjà en 1914, la ville se retrouve au milieu des combats alors que les Allemands l'occupent pendant quelques semaines. Face à la résistance locale, ils répriment la population détruisant des quartiers entiers en représailles et procèdent à des exécutions sommaires. Proche de la ligne de front, elle reste toute la guerre à portée de l’artillerie allemande, occasionnant de nouvelles destructions très importante.  Trente ans après, Saint-Dié se trouve sur le tracé d’une ligne de défense que le commandement allemand compte établir sur les Vosges pour arrêter la retraite. Si la ville est libérée le 22 novembre 1944 par les troupes américaines, et si les habitants de la ville accueillent Américains et F.F.I. avec joie, ils regrettent cependant que leur arrivée n’ait pas été plus rapide.
 +
 +
En effet, les troupes américaines sont ralenties à l’approche des Vosges dans lesquelles les Allemands espèrent les arrêter. Les habitants de Saint-Dié, comme de toutes les localités de la région, sont réquisitionnés pour des travaux de fortifications. Ravivant les douloureux souvenirs de la dernière guerre, la répression allemande s'abat de plus en plus vigoureusement sur le chef lieu des Vosges : le 8 novembre 943 Déodatiens sont déportés. [[Fichier:4100312.jpg|300px|thumb|left|Lance-flamme allemand en action durant la Seconde Guerre mondiale. Source: Australian War Memorial.]]Les Allemands commencent également à déclencher volontairement des incendies dans la région dès la fin septembre. Du 9 au 12 novembre, ils ordonnent l’évacuation de tous les civils de Saint-Dié afin de procéder à un pillage en règle. Puis, dès le 13 novembre, les soldats mettent le feu à la rive droite de la ville. Cette folie pyromane se prolonge jusqu’au 16 novembre, les Allemands utilisant tout ce qui leur passe sous la main pour réduire en cendre ce qu’il reste de la ville : grenades incendiaires, lance-flamme, essence, … Lors des fêtes de la Libération, le maire de la ville, M. Colmat, s'exprime à propos de cet incendie : « Rien ne saurait exprimer l’horreur de ces jours, où nous avons vu, muets et impuissants s’évanouir en fumée tout ce que nous possédions, tout ce qui était le décor que nous aimions ; dans l’énorme brasier dont le reflet éclairait d’un halo sanglant nos nuits d’épouvante. De ce qui avait été une ville, il ne restait plus au soir du 18 novembre, que des ruines noircies. A cette sauvage exécution, on chercherait en vain une raison ou une excuse. Ni les nécessités militaires, ni même le commode prétexte des représailles ne sauraient ici être invoqués. En détruisant Saint-Dié, les Allemands n’ont eu qu’un but : faire le mal »<ref>Extrait du discours de M. Colmat, maire de Saint-Dié aux fêtes de la Libération, cité dans Ohl des Marais Albert, ''Histoire chronologique de la ville et du val de Saint-Dié'', Saint-Dié, Imprimerie Loos, 1947, p. 373.</ref>.
 +
 +
'''Saint-Dié, une ville martyre parmi tant d’autres
 +
'''
 +
 +
En mai 1945, Pierre Piganiol est envoyé, en tant qu’officier de l’armée française, en Allemagne occupée pour mettre la main sur des archives. Lorsque qu’il traverse Saint-Dié, il est sans doute sur le retour de cette mission durant laquelle il réalise un reportage d’un quart d’heure sur l’Allemagne occupée et dévastée par la guerre. Cet extrait constitue la conclusion de ce film dont une autre partie est visible sur la cinémathèque: [https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Bas:Allemagne_1945_(0116FN0008)/ Allemagne 1945].
 +
 +
Amateur accompli, il profite de son passage à Saint-Dié pour filmer les dégâts de la ville incendiée par les Allemands, ses plans sur les panneaux en début de séquence insistant sur la responsabilité de ces derniers. Les ruines sont les sujets principaux du cinéaste qui les montrent sous tous les angles. D’une main sûre, il met en avant la destruction avancée de la ville en filmant divers bâtiments, tantôt dans des plans larges incluant plusieurs édifices, tantôt en s’attardant sur le détail de l’un ou l’autre. De lents panoramas permettent d’embrasser du regard les décombres de part et d’autre de la Meurthe. Afin de mettre en exergue l’étendu de la destruction, il filme les pans de murs encore debout, noircis par les flammes, se détachant clairement sur un ciel clair.
 +
 +
Après avoir filmé les ruines des villes allemandes, Stuttgart principalement, l’ancien résistant montre celles de Saint-Dié, comme pour mettre en parallèle la souffrance de chacun. Tant l’Allemagne que la France ont enduré les violences extrêmes de la Seconde Guerre mondiale, des villes ont été réduites en cendres par la fureur des hommes : les bombardements et les incendies sont des actes de destruction visant les civils, volontairement commis par les belligérants, témoignant des extrémités que peuvent prendre les guerres totales.
 +
 +
[[Fichier:saintdié1960.png|350px|thumb|right|Carte postale de Saint-Dié, 1960. Archives départementales des Vosges, 4Fi413/187.]] Saint-Dié apparaît dans le film de Pierre Piganiol comme une ville à reconstruire où la vie reprend doucement son cours après avoir subi non seulement les crimes nazis mais également les bombardements américains. Cette destruction reste gravée dans la mémoire des Déodatiens qui ont, par deux fois en un demi-siècle, vu leur ville réduite en cendre par une armée ennemie. Comme en Allemagne les civils nettoient les dégâts en attendant de pouvoir reconstruire, dans le film un ouvrier s’affaire entre les piles de gravas. Dans la ville, les civils vaquent à leurs occupations, ils se déplacent à pieds ou à vélo, poussant des chariots ou portant des sacs : le seul véhicule motorisé clairement visible appartient à l’équipe de Pierre Piganiol qui s’en retourne à Paris. Les civils, quant à eux, restent dans leur ville et font preuve de résilience. Le calme est revenu et l’avenir est devant soit : une femme s’abritant d’une ombrelle promène paisiblement son chien. La reconstruction, , la deuxième pour Saint-Dié, occupe les populations et les gouvernements pendant de nombreuses années de l’après-guerre.
 +
 +
<references />
 +
|Bibliographie=BOURQUE Stephen Alan, ''Au-delà des plages : la guerre des Alliés contre la France'', Paris, Passés-Composés, 2019. <br>
 +
 +
LAURAIN Jean, ''Libération des Vosges, L’épopée du 6e corps d’armée américain'', Remiremont, Editions Gérard Louis, 1994, p. 473-480.<br>
 +
 +
OHL DES MARAIS Albert, ''Histoire chronologique de la ville et du val de Saint-Dié'', Saint-Dié, Imprimerie Loos, 1947.<br>
 +
 +
PIGANIOL Pierre, ''Doubles vies normaliennes 1940-1945'', texte inédit. <br>
 +
 +
Entretien avec Raymond Piganiol, fils de Pierre Piganiol, le 15 novembre 2019 à Strasbourg.
 
}}
 
}}

Version actuelle datée du 8 mars 2020 à 19:48

Résumé


Cette séquence est extraite d’un film documentaire réalisé par Pierre Piganiol, résistant et chimiste français, qui retrace un voyage en l’Allemagne occupée par les Alliés en mai 1945. Ces images forment la dernière partie du film, où le réalisateur passant à Saint-Dié lors de son retour, montre les dégâts subis par la ville lors de l’incendie allumé par les Allemands en 1944.

Métadonnées

N° support :  0116FN0008
Date :  1945
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:01:33
Cinéastes :  Piganiol, Pierre
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Seconde Guerre mondiale : après-guerre
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Un quartier de Saint-Dié détruit par les Allemands en 1914. Archives départementales des Vosges, 4Fi413/25.
Les Alliés débarquent le 6 juin 1944 en Normandie et entament la libération la France. Une fois la percée effectuée, les colonnes américaines et britanniques traversent le territoire à toute vitesse poussant la Wehrmacht en déroute devant elles. Mais cette avancée s’essouffle à l’automne 1944 : les Allemands parviennent à ralentir les troupes libératrices dont le ravitaillement est de plus en plus compliqué.

Les "boches", comme le disent les panneaux filmés par Pierre Piganiol, ont laissé une trace indélébile dans l'histoire de Saint-Dié. Déjà en 1914, la ville se retrouve au milieu des combats alors que les Allemands l'occupent pendant quelques semaines. Face à la résistance locale, ils répriment la population détruisant des quartiers entiers en représailles et procèdent à des exécutions sommaires. Proche de la ligne de front, elle reste toute la guerre à portée de l’artillerie allemande, occasionnant de nouvelles destructions très importante. Trente ans après, Saint-Dié se trouve sur le tracé d’une ligne de défense que le commandement allemand compte établir sur les Vosges pour arrêter la retraite. Si la ville est libérée le 22 novembre 1944 par les troupes américaines, et si les habitants de la ville accueillent Américains et F.F.I. avec joie, ils regrettent cependant que leur arrivée n’ait pas été plus rapide.

En effet, les troupes américaines sont ralenties à l’approche des Vosges dans lesquelles les Allemands espèrent les arrêter. Les habitants de Saint-Dié, comme de toutes les localités de la région, sont réquisitionnés pour des travaux de fortifications. Ravivant les douloureux souvenirs de la dernière guerre, la répression allemande s'abat de plus en plus vigoureusement sur le chef lieu des Vosges : le 8 novembre 943 Déodatiens sont déportés.
Lance-flamme allemand en action durant la Seconde Guerre mondiale. Source: Australian War Memorial.
Les Allemands commencent également à déclencher volontairement des incendies dans la région dès la fin septembre. Du 9 au 12 novembre, ils ordonnent l’évacuation de tous les civils de Saint-Dié afin de procéder à un pillage en règle. Puis, dès le 13 novembre, les soldats mettent le feu à la rive droite de la ville. Cette folie pyromane se prolonge jusqu’au 16 novembre, les Allemands utilisant tout ce qui leur passe sous la main pour réduire en cendre ce qu’il reste de la ville : grenades incendiaires, lance-flamme, essence, … Lors des fêtes de la Libération, le maire de la ville, M. Colmat, s'exprime à propos de cet incendie : « Rien ne saurait exprimer l’horreur de ces jours, où nous avons vu, muets et impuissants s’évanouir en fumée tout ce que nous possédions, tout ce qui était le décor que nous aimions ; dans l’énorme brasier dont le reflet éclairait d’un halo sanglant nos nuits d’épouvante. De ce qui avait été une ville, il ne restait plus au soir du 18 novembre, que des ruines noircies. A cette sauvage exécution, on chercherait en vain une raison ou une excuse. Ni les nécessités militaires, ni même le commode prétexte des représailles ne sauraient ici être invoqués. En détruisant Saint-Dié, les Allemands n’ont eu qu’un but : faire le mal »[1].

Saint-Dié, une ville martyre parmi tant d’autres

En mai 1945, Pierre Piganiol est envoyé, en tant qu’officier de l’armée française, en Allemagne occupée pour mettre la main sur des archives. Lorsque qu’il traverse Saint-Dié, il est sans doute sur le retour de cette mission durant laquelle il réalise un reportage d’un quart d’heure sur l’Allemagne occupée et dévastée par la guerre. Cet extrait constitue la conclusion de ce film dont une autre partie est visible sur la cinémathèque: Allemagne 1945.

Amateur accompli, il profite de son passage à Saint-Dié pour filmer les dégâts de la ville incendiée par les Allemands, ses plans sur les panneaux en début de séquence insistant sur la responsabilité de ces derniers. Les ruines sont les sujets principaux du cinéaste qui les montrent sous tous les angles. D’une main sûre, il met en avant la destruction avancée de la ville en filmant divers bâtiments, tantôt dans des plans larges incluant plusieurs édifices, tantôt en s’attardant sur le détail de l’un ou l’autre. De lents panoramas permettent d’embrasser du regard les décombres de part et d’autre de la Meurthe. Afin de mettre en exergue l’étendu de la destruction, il filme les pans de murs encore debout, noircis par les flammes, se détachant clairement sur un ciel clair.

Après avoir filmé les ruines des villes allemandes, Stuttgart principalement, l’ancien résistant montre celles de Saint-Dié, comme pour mettre en parallèle la souffrance de chacun. Tant l’Allemagne que la France ont enduré les violences extrêmes de la Seconde Guerre mondiale, des villes ont été réduites en cendres par la fureur des hommes : les bombardements et les incendies sont des actes de destruction visant les civils, volontairement commis par les belligérants, témoignant des extrémités que peuvent prendre les guerres totales.

Carte postale de Saint-Dié, 1960. Archives départementales des Vosges, 4Fi413/187.
Saint-Dié apparaît dans le film de Pierre Piganiol comme une ville à reconstruire où la vie reprend doucement son cours après avoir subi non seulement les crimes nazis mais également les bombardements américains. Cette destruction reste gravée dans la mémoire des Déodatiens qui ont, par deux fois en un demi-siècle, vu leur ville réduite en cendre par une armée ennemie. Comme en Allemagne les civils nettoient les dégâts en attendant de pouvoir reconstruire, dans le film un ouvrier s’affaire entre les piles de gravas. Dans la ville, les civils vaquent à leurs occupations, ils se déplacent à pieds ou à vélo, poussant des chariots ou portant des sacs : le seul véhicule motorisé clairement visible appartient à l’équipe de Pierre Piganiol qui s’en retourne à Paris. Les civils, quant à eux, restent dans leur ville et font preuve de résilience. Le calme est revenu et l’avenir est devant soit : une femme s’abritant d’une ombrelle promène paisiblement son chien. La reconstruction, , la deuxième pour Saint-Dié, occupe les populations et les gouvernements pendant de nombreuses années de l’après-guerre.
  1. Extrait du discours de M. Colmat, maire de Saint-Dié aux fêtes de la Libération, cité dans Ohl des Marais Albert, Histoire chronologique de la ville et du val de Saint-Dié, Saint-Dié, Imprimerie Loos, 1947, p. 373.

Bibliographie


BOURQUE Stephen Alan, Au-delà des plages : la guerre des Alliés contre la France, Paris, Passés-Composés, 2019.

LAURAIN Jean, Libération des Vosges, L’épopée du 6e corps d’armée américain, Remiremont, Editions Gérard Louis, 1994, p. 473-480.

OHL DES MARAIS Albert, Histoire chronologique de la ville et du val de Saint-Dié, Saint-Dié, Imprimerie Loos, 1947.

PIGANIOL Pierre, Doubles vies normaliennes 1940-1945, texte inédit.

Entretien avec Raymond Piganiol, fils de Pierre Piganiol, le 15 novembre 2019 à Strasbourg.


Article rédigé par

Bapstiste Picard, 03 janvier 2020