Noël 1982 et 1983 (0033FI0002) : Différence entre versions

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Plans successifs et mouvements panoramiques sur un autre intérieur. Une table est dressée pour onze personnes. Plusieurs boissons y sont disposées. La télévision est allumée. Une jeune femme lit un magazine. Autres plans de l’intérieur du logement et l’ameublement. Sur une table basse, on trouve un saladier rempli d'une boisson avec des morceaux de fruits, des verres et des victuailles. Mouvement panoramique sur un buffet avec des éléments décoratifs (assiettes décorées, …). On continue les préparatifs. Plan sur un meuble étroit avec miroir. Il est décoré de bougies électriques d’éléments décoratifs imitant les stalactites, d’images religieuses et d’une crèche sans étable. Mouvements panoramiques successifs des décorations, des cadres, des éléments pas forcément relatifs à Noël, photographies, santons, etc. Des boîtes en cartons sont disposées sur un canapé. Plans successifs sur des éléments décoratifs sur des étagères, relatifs au voyage (Corse, Grèce), à la guerre, à la famille. Plans successifs et flous sur des cadres évoquant des épisodes des guerres. Un petit garçon à salopette est assis sur le sol. On l’aide à déballer son cadeau, un véhicule en plastique. On devine une boite de lessive Omo. Un petit pendentif crucifix pend au coup d’une femme. Plan sur les enfants debout sur des chaises qui chante une chanson aux adultes attablés. On applaudit. On rechante. Des femmes apportent des plats. Les enfants dansent près de la télévision. L'homme âgé applaudit et dit « bravo ! ». On boit. Les enfants embrassent l’homme âgé qui les enlace. Plan sur la petite fille qui écrit à la craie sur un petit tableau noir. On reconnaît les mots « Laurence, police, police, canard, canard ». Les hommes adultes trinquent, et boivent leurs verres. La petite fille montre comment elle écrit.
 
Plans successifs et mouvements panoramiques sur un autre intérieur. Une table est dressée pour onze personnes. Plusieurs boissons y sont disposées. La télévision est allumée. Une jeune femme lit un magazine. Autres plans de l’intérieur du logement et l’ameublement. Sur une table basse, on trouve un saladier rempli d'une boisson avec des morceaux de fruits, des verres et des victuailles. Mouvement panoramique sur un buffet avec des éléments décoratifs (assiettes décorées, …). On continue les préparatifs. Plan sur un meuble étroit avec miroir. Il est décoré de bougies électriques d’éléments décoratifs imitant les stalactites, d’images religieuses et d’une crèche sans étable. Mouvements panoramiques successifs des décorations, des cadres, des éléments pas forcément relatifs à Noël, photographies, santons, etc. Des boîtes en cartons sont disposées sur un canapé. Plans successifs sur des éléments décoratifs sur des étagères, relatifs au voyage (Corse, Grèce), à la guerre, à la famille. Plans successifs et flous sur des cadres évoquant des épisodes des guerres. Un petit garçon à salopette est assis sur le sol. On l’aide à déballer son cadeau, un véhicule en plastique. On devine une boite de lessive Omo. Un petit pendentif crucifix pend au coup d’une femme. Plan sur les enfants debout sur des chaises qui chante une chanson aux adultes attablés. On applaudit. On rechante. Des femmes apportent des plats. Les enfants dansent près de la télévision. L'homme âgé applaudit et dit « bravo ! ». On boit. Les enfants embrassent l’homme âgé qui les enlace. Plan sur la petite fille qui écrit à la craie sur un petit tableau noir. On reconnaît les mots « Laurence, police, police, canard, canard ». Les hommes adultes trinquent, et boivent leurs verres. La petite fille montre comment elle écrit.
 
|Contexte_et_analyse_fr=Le comportement de la société occidentale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se transforme progressivement jusqu’à la fin des années 1970. Les Trente Glorieuses, comme les a appelées Jean Fourastié en 1979, années de développement et d’avènement de la société de consommation, bouleversent profondément les logiques d’achats et de vie des populations occidentales, d’Alsace y compris. Ainsi, les nouveaux fondements économiques, la découverte de l’american way of life et le rôle de la grande distribution contribuent à modifier l’idée de confort, les besoins de la société, et ses demandes. Et s’il est bien une période qui permet de mesurer les changements issus de ce phénomène généralisé, c’est la période de Noël. C’est ainsi que le réalisateur choisit de filmer les repas de Noël auxquels il est présent au sortir des Trente Glorieuses, en 1982 et 1983.
 
|Contexte_et_analyse_fr=Le comportement de la société occidentale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se transforme progressivement jusqu’à la fin des années 1970. Les Trente Glorieuses, comme les a appelées Jean Fourastié en 1979, années de développement et d’avènement de la société de consommation, bouleversent profondément les logiques d’achats et de vie des populations occidentales, d’Alsace y compris. Ainsi, les nouveaux fondements économiques, la découverte de l’american way of life et le rôle de la grande distribution contribuent à modifier l’idée de confort, les besoins de la société, et ses demandes. Et s’il est bien une période qui permet de mesurer les changements issus de ce phénomène généralisé, c’est la période de Noël. C’est ainsi que le réalisateur choisit de filmer les repas de Noël auxquels il est présent au sortir des Trente Glorieuses, en 1982 et 1983.
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=== La mise en scène du Père Noël ===
 
=== La mise en scène du Père Noël ===
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Si le Père Noël est déjà en vogue en Alsace depuis un certain temps au moment de la captation de ces images, on remarque que le style rouge du vieille homme – popularisé par la publicité de l’entreprise Coca-Cola – ne semble pas encore incontesté et suffisamment admis comme aujourd’hui. En effet, le réalisateur filme en plongée un homme déguisé en Père Noël vêtu en noir. En revanche on y remarque des attributs fixes, tels que la pipe et la barbe blanche. En montant les marches, le personnage fait tinter sa cloche pour annoncer sa venue. C’est toute une mise en scène qui se met en place pour faire croire aux enfants présents de la venue de ce curieux personnage. Certains codes perdurent encore aujourd’hui : des adultes qui jouent le jeu et se réjouissent de la réaction des enfants stupéfaits, fascinés et en même temps apeurés, une discussion avec les enfants, le cadeau qu’il sort de son sac ou de sa hotte, le chant de Noël. La chanson a d’ailleurs une grande importance dans cette séquence. On remarque une pochette de disque phonographique de Noël dans le sapin. Les enfants chantent au Noël 1982 et au Noël 1983, condition sine qua non pour obtenir le cadeau attendu. Il est d’ailleurs impossible d’identifier ce qu’ils chantent devant le Père Noël, mais il serait intéressant de savoir s’ils exécutent la chanson populaire de Tino Rossi, ou s’ils lui préfèrent des chants plus locaux tels qu’« O Tannenbaum », chant relatif à l’arbre de Noël.
 
Si le Père Noël est déjà en vogue en Alsace depuis un certain temps au moment de la captation de ces images, on remarque que le style rouge du vieille homme – popularisé par la publicité de l’entreprise Coca-Cola – ne semble pas encore incontesté et suffisamment admis comme aujourd’hui. En effet, le réalisateur filme en plongée un homme déguisé en Père Noël vêtu en noir. En revanche on y remarque des attributs fixes, tels que la pipe et la barbe blanche. En montant les marches, le personnage fait tinter sa cloche pour annoncer sa venue. C’est toute une mise en scène qui se met en place pour faire croire aux enfants présents de la venue de ce curieux personnage. Certains codes perdurent encore aujourd’hui : des adultes qui jouent le jeu et se réjouissent de la réaction des enfants stupéfaits, fascinés et en même temps apeurés, une discussion avec les enfants, le cadeau qu’il sort de son sac ou de sa hotte, le chant de Noël. La chanson a d’ailleurs une grande importance dans cette séquence. On remarque une pochette de disque phonographique de Noël dans le sapin. Les enfants chantent au Noël 1982 et au Noël 1983, condition sine qua non pour obtenir le cadeau attendu. Il est d’ailleurs impossible d’identifier ce qu’ils chantent devant le Père Noël, mais il serait intéressant de savoir s’ils exécutent la chanson populaire de Tino Rossi, ou s’ils lui préfèrent des chants plus locaux tels qu’« O Tannenbaum », chant relatif à l’arbre de Noël.
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=== La société de consommation et les cadeaux ===
 
=== La société de consommation et les cadeaux ===
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Le début de la séquence donne le ton de ce Noël, puisque dans la cage d’escalier de l’immeuble des Wiedmann se dressent des piles de cadeaux. Présents à tous les moments du visionnage, le cadeau est l’un des éléments les plus importants de ces repas. Le Père Noël en apporte aux enfants, mais ce n’est que symbolique. C’est seulement au cours du XXe siècle que le cadeau de Noël des enfants changera de statut. Initialement tenu pour une récompense non obligée, il deviendra progressivement un dû jusqu’à devenir indispensable . Ce qui suit la venue du personnage est un véritable ballet de cadeaux. Chaque convive en reçoit plusieurs. Les enfants n’en sont pas les bénéficiaires privilégiés, puisque c’est également l’occasion pour les adultes d’offrir dans une logique de réciprocité des présents à leurs proches. La nature de ces cadeaux est intéressante. Les enfants reçoivent des jouets (moto téléguidée, maison de poupée et petit train en plastique). Les adultes s’offrent des objets ménagers (on aperçoit une cafetière électrique au Noël de 1982), de l’alcool (aisément devinable étant donné les formes des cadeaux), mais aussi d’autres objets, tels que des vêtements et des pantoufles. À un moment où la consommation de masse est bien ancrée dans les usages de la société, il n’est pas étonnant de voir le nombre important de ces cadeaux qui témoigne d’un accroissement certains des conditions de vie et des salaires au cours de la deuxième moitié du XXe siècle (le salaire moyen français progresse de + 4,6 % par an entre 1946 et 1976) . On voit que le cadeau est définitivement entré dans le rituel de Noël.
 
Le début de la séquence donne le ton de ce Noël, puisque dans la cage d’escalier de l’immeuble des Wiedmann se dressent des piles de cadeaux. Présents à tous les moments du visionnage, le cadeau est l’un des éléments les plus importants de ces repas. Le Père Noël en apporte aux enfants, mais ce n’est que symbolique. C’est seulement au cours du XXe siècle que le cadeau de Noël des enfants changera de statut. Initialement tenu pour une récompense non obligée, il deviendra progressivement un dû jusqu’à devenir indispensable . Ce qui suit la venue du personnage est un véritable ballet de cadeaux. Chaque convive en reçoit plusieurs. Les enfants n’en sont pas les bénéficiaires privilégiés, puisque c’est également l’occasion pour les adultes d’offrir dans une logique de réciprocité des présents à leurs proches. La nature de ces cadeaux est intéressante. Les enfants reçoivent des jouets (moto téléguidée, maison de poupée et petit train en plastique). Les adultes s’offrent des objets ménagers (on aperçoit une cafetière électrique au Noël de 1982), de l’alcool (aisément devinable étant donné les formes des cadeaux), mais aussi d’autres objets, tels que des vêtements et des pantoufles. À un moment où la consommation de masse est bien ancrée dans les usages de la société, il n’est pas étonnant de voir le nombre important de ces cadeaux qui témoigne d’un accroissement certains des conditions de vie et des salaires au cours de la deuxième moitié du XXe siècle (le salaire moyen français progresse de + 4,6 % par an entre 1946 et 1976) . On voit que le cadeau est définitivement entré dans le rituel de Noël.
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=== Un moment de retrouvailles et de partage ===
 
=== Un moment de retrouvailles et de partage ===
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Ce sont des scènes privées et intimes que filme le réalisateur, mais elles résonnent chez celui qui visualisent ces images tant elles montrent une uniformisation de la soirée de Noël, quasiment inchangée jusqu’à aujourd’hui. La famille est rassemblée, aussi bien les plus jeunes que les plus âgés. On se déplace naturellement chez les autres, et en nombre, pour partager ce repas et cette fête. Les deux premiers sont filmés au même endroit, au sein du foyer de la famille Wiedmann – comme l’indique le carton au début des deux parties de la séquence – tandis que le troisième repas a lieu dans le logement d’autres convives présents aux deux premiers repas. Les visages sont quasiment tous les mêmes, un homme âgé est présent en 1983 malgré ses soucis de santé, qui l’empêchait peut-être d’assister au repas en 1982. Il s’agit d’une fête qui se répète et se ressemble chaque année. On y échange et on y blague. Les enfants en profitent pour montrer aux adultes leurs prouesses scolaires à l’instar de la petite Laurence qui montre ses progrès en écriture, à la craie sur un tableau noir. Plus qu’un moment de convivialité, le repas de Noël est l’un des seuls de l’année où la famille entière est rassemblée. Il contribue ainsi à solidifier les liens familiaux, comme le montre les nombreuses marques d’affections présentes à l’image. En revanche, ces moments sont également propices à une forte consommation d’alcool. Il est d’ailleurs autant présent que les cadeaux dans cette séquence. Pendant les préparatifs, on remarque des bouteilles de marques connues telles que Picon, Martini, Suze, Whisky Clan Campbell issues de production de masse, mais aussi du punch, ou des alcools plus ou moins forts. Au cours du XXe siècle, la consommation d’alcool moyenne diminue en France à la suite des actions de santé publiques et à la promulgation de lois répressives. C’est notamment le cas de la loi du 8 décembre 1983 relative au contrôle de l’état alcoolique , qui prévoit que le taux maximal de 0,8 gramme d’alcool pur par litre de sang est un délit. Cependant, les sources INSEE montrent pour les années 1982-1983 une consommation moyenne française d’alcool pur d’environ 40 grammes par jour pour une population de 15 ans et plus . Cela est équivalent à un litre de bière à 5 degrés. Et l’on peut supposer que la consommation d’alcool grimpe dans de telles occasions, les gens se permettant davantage de liberté dans le contexte du repas de Noël, l’un des événements festifs les plus attendus de l’année. Le 16 février 1984, soit deux mois après le Noël chez les Wiedmann, le ministère de la santé lance une campagne de prévention ; apparaît alors sur les écrans de télévision le slogan « Un verre ça va… 3 verres bonjour les dégâts ».
 
Ce sont des scènes privées et intimes que filme le réalisateur, mais elles résonnent chez celui qui visualisent ces images tant elles montrent une uniformisation de la soirée de Noël, quasiment inchangée jusqu’à aujourd’hui. La famille est rassemblée, aussi bien les plus jeunes que les plus âgés. On se déplace naturellement chez les autres, et en nombre, pour partager ce repas et cette fête. Les deux premiers sont filmés au même endroit, au sein du foyer de la famille Wiedmann – comme l’indique le carton au début des deux parties de la séquence – tandis que le troisième repas a lieu dans le logement d’autres convives présents aux deux premiers repas. Les visages sont quasiment tous les mêmes, un homme âgé est présent en 1983 malgré ses soucis de santé, qui l’empêchait peut-être d’assister au repas en 1982. Il s’agit d’une fête qui se répète et se ressemble chaque année. On y échange et on y blague. Les enfants en profitent pour montrer aux adultes leurs prouesses scolaires à l’instar de la petite Laurence qui montre ses progrès en écriture, à la craie sur un tableau noir. Plus qu’un moment de convivialité, le repas de Noël est l’un des seuls de l’année où la famille entière est rassemblée. Il contribue ainsi à solidifier les liens familiaux, comme le montre les nombreuses marques d’affections présentes à l’image. En revanche, ces moments sont également propices à une forte consommation d’alcool. Il est d’ailleurs autant présent que les cadeaux dans cette séquence. Pendant les préparatifs, on remarque des bouteilles de marques connues telles que Picon, Martini, Suze, Whisky Clan Campbell issues de production de masse, mais aussi du punch, ou des alcools plus ou moins forts. Au cours du XXe siècle, la consommation d’alcool moyenne diminue en France à la suite des actions de santé publiques et à la promulgation de lois répressives. C’est notamment le cas de la loi du 8 décembre 1983 relative au contrôle de l’état alcoolique , qui prévoit que le taux maximal de 0,8 gramme d’alcool pur par litre de sang est un délit. Cependant, les sources INSEE montrent pour les années 1982-1983 une consommation moyenne française d’alcool pur d’environ 40 grammes par jour pour une population de 15 ans et plus . Cela est équivalent à un litre de bière à 5 degrés. Et l’on peut supposer que la consommation d’alcool grimpe dans de telles occasions, les gens se permettant davantage de liberté dans le contexte du repas de Noël, l’un des événements festifs les plus attendus de l’année. Le 16 février 1984, soit deux mois après le Noël chez les Wiedmann, le ministère de la santé lance une campagne de prévention ; apparaît alors sur les écrans de télévision le slogan « Un verre ça va… 3 verres bonjour les dégâts ».
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=== La décoration de Noël au milieu du logement ===
 
=== La décoration de Noël au milieu du logement ===
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À travers ces images, on devine des logements alsaciens plutôt populaires. Les Trente Glorieuses sont des années de développement des quartiers HLM et des copropriétés privées. C’est entre 1960 et 1980 que Strasbourg bénéficie d’une expansion résidentielle sous la forme de deux grands ensembles de ce type, le « Nouveau Neudorf » et la « Nouvelle Musau  ». On découvre dans la séquence une cage d’escalier typique de ce genre de logement, de même qu’une salle de séjour importante et ouverte qui permet le repas avec tous ces convives. Plusieurs éléments décoratifs relatifs à Noël sont disposés au milieu des décorations permanentes des appartements. Un court sapin est posé sur un buffet et décoré de guirlandes, de boules et de bougies électriques, tandis que des branches de conifères sont floquées en blanc et disposées sur la table. Si la volonté du réalisateur a certainement été de montrer ces décorations, la séquence donne beaucoup d’information sur la décoration permanente et l’aménagement d’un appartement populaire alsacien du début des années 1980. La télévision trône dans la pièce, allumée ou éteinte, et semble prendre la place qu’avait le sapin de Noël relégué dans sa position au sein du logement et dans sa taille. Les fauteuils et canapés sont unis dans leurs motifs. En revanche, les meubles révèlent souvent un caractère ancien, faits de bois en finition sombre. Les cadres évoquent des motifs comparables à ceux dessinés par Hansi, artiste alsacien par excellence, qui orne encore aujourd’hui certains objets (la vaisselle notamment). Ainsi, on remarque une adaptation alsacienne de l’american way of life, entre uniformisation et particularité de l’intérieur des logements. C’est également l’occasion pour le réalisateur de montrer quelques souvenirs disposés sur les étagères. Ainsi on remarque principalement des objets liés à la famille (photographies), mais aussi des souvenirs de voyages et des traces de la guerre. On peut remarquer que ces objets évoquent la Corse et la Grèce, qui sont des destinations rendues plus facilement accessibles dans ce contexte de développement économique de la société. Mais en ce qui concerne les traces de la guerre, présente par les restes d’obus sur l’étagère, la statuette de soldat, le canon, et les images des cadres, son souvenir semble encore être très vivace dans l’esprit de l’occupant des lieux. Les images de fête sont ainsi nuancées par ces terribles souvenirs sur lesquels le réalisateur s’attarde.
 
À travers ces images, on devine des logements alsaciens plutôt populaires. Les Trente Glorieuses sont des années de développement des quartiers HLM et des copropriétés privées. C’est entre 1960 et 1980 que Strasbourg bénéficie d’une expansion résidentielle sous la forme de deux grands ensembles de ce type, le « Nouveau Neudorf » et la « Nouvelle Musau  ». On découvre dans la séquence une cage d’escalier typique de ce genre de logement, de même qu’une salle de séjour importante et ouverte qui permet le repas avec tous ces convives. Plusieurs éléments décoratifs relatifs à Noël sont disposés au milieu des décorations permanentes des appartements. Un court sapin est posé sur un buffet et décoré de guirlandes, de boules et de bougies électriques, tandis que des branches de conifères sont floquées en blanc et disposées sur la table. Si la volonté du réalisateur a certainement été de montrer ces décorations, la séquence donne beaucoup d’information sur la décoration permanente et l’aménagement d’un appartement populaire alsacien du début des années 1980. La télévision trône dans la pièce, allumée ou éteinte, et semble prendre la place qu’avait le sapin de Noël relégué dans sa position au sein du logement et dans sa taille. Les fauteuils et canapés sont unis dans leurs motifs. En revanche, les meubles révèlent souvent un caractère ancien, faits de bois en finition sombre. Les cadres évoquent des motifs comparables à ceux dessinés par Hansi, artiste alsacien par excellence, qui orne encore aujourd’hui certains objets (la vaisselle notamment). Ainsi, on remarque une adaptation alsacienne de l’american way of life, entre uniformisation et particularité de l’intérieur des logements. C’est également l’occasion pour le réalisateur de montrer quelques souvenirs disposés sur les étagères. Ainsi on remarque principalement des objets liés à la famille (photographies), mais aussi des souvenirs de voyages et des traces de la guerre. On peut remarquer que ces objets évoquent la Corse et la Grèce, qui sont des destinations rendues plus facilement accessibles dans ce contexte de développement économique de la société. Mais en ce qui concerne les traces de la guerre, présente par les restes d’obus sur l’étagère, la statuette de soldat, le canon, et les images des cadres, son souvenir semble encore être très vivace dans l’esprit de l’occupant des lieux. Les images de fête sont ainsi nuancées par ces terribles souvenirs sur lesquels le réalisateur s’attarde.
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=== Les reliquats de la religion dans la fête de Noël ===
 
=== Les reliquats de la religion dans la fête de Noël ===
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Si la facette religieuse de la fête de Noël semble être progressivement diminuée au cours du XXe siècle, il semble qu’elle reste encore présente à la lumière de cette séquence. Mise à part un pendentif en forme de crucifix qui apparaît brièvement au cours de la première partie, le troisième repas permet au réalisateur de filmer un meuble décoré d’une crèche et d’icônes religieuses. Les crèches domestiques sont déjà présentes en Alsace dès la fin du XVe siècle, dans les familles fortunées du moins . En France, le clergé est longtemps réticent à la mise en place de crèche publique, qu’il considère comme des « drôleries ». Sous la Révolution, elles sont effacées du paysage public mais cela ne contribue qu’à plus largement les faire intégrer dans les foyers. Finalement, c’est sous la Restauration que la crèche s’implante dans les logements de manière durable. Sur la table apparaît également ce qui pourrait faire penser à une couronne de l’Avent, invention germanique du XVIe siècle, popularisée fin XIXe chez les protestants, puis au XXe chez les catholiques. Mais ces signes sont clairement filmés et affichés dans le logement du troisième repas où vivent des personnes plus âgées que la plupart des convives, personnes peut-être plus attachées à la religion, ou gardant le souvenir d’une tradition de fêtes de Noël davantage religieuses. Il est également possible que le troisième repas (deuxième de celui de 1983) soit celui de la Saint-Étienne, premier martyr chrétien, fêté le 26 décembre. Contrairement au reste de la France, ce jour est férié en Alsace-Moselle, et allonge l’épisode non travaillé de Noël.
 
Si la facette religieuse de la fête de Noël semble être progressivement diminuée au cours du XXe siècle, il semble qu’elle reste encore présente à la lumière de cette séquence. Mise à part un pendentif en forme de crucifix qui apparaît brièvement au cours de la première partie, le troisième repas permet au réalisateur de filmer un meuble décoré d’une crèche et d’icônes religieuses. Les crèches domestiques sont déjà présentes en Alsace dès la fin du XVe siècle, dans les familles fortunées du moins . En France, le clergé est longtemps réticent à la mise en place de crèche publique, qu’il considère comme des « drôleries ». Sous la Révolution, elles sont effacées du paysage public mais cela ne contribue qu’à plus largement les faire intégrer dans les foyers. Finalement, c’est sous la Restauration que la crèche s’implante dans les logements de manière durable. Sur la table apparaît également ce qui pourrait faire penser à une couronne de l’Avent, invention germanique du XVIe siècle, popularisée fin XIXe chez les protestants, puis au XXe chez les catholiques. Mais ces signes sont clairement filmés et affichés dans le logement du troisième repas où vivent des personnes plus âgées que la plupart des convives, personnes peut-être plus attachées à la religion, ou gardant le souvenir d’une tradition de fêtes de Noël davantage religieuses. Il est également possible que le troisième repas (deuxième de celui de 1983) soit celui de la Saint-Étienne, premier martyr chrétien, fêté le 26 décembre. Contrairement au reste de la France, ce jour est férié en Alsace-Moselle, et allonge l’épisode non travaillé de Noël.
 
|Bibliographie=CABANTOUS, Alain, WALTER, François, Noël : une si longue histoire…, Paris, Payot & Rivages, 2016.
 
|Bibliographie=CABANTOUS, Alain, WALTER, François, Noël : une si longue histoire…, Paris, Payot & Rivages, 2016.

Version du 29 décembre 2018 à 17:56

Événements filmés ou en lien


Noël

Résumé


La séquence montre trois repas de Noël de la même famille (Wiedmann), au cours de décembre 1982 et décembre 1983. On y remarque une apparition du Père Noël, une profusion des cadeaux, et des signes de la consécration de la société de consommation.

Description


1982 Plan rapproché flou sur un carton « Joyeux Noël 1982, chez : Fam. Wiedmann », posé sur un buffet. Zoom sur le carton, flou, puis dézoom, net. (Mise au point par le caméraman). Le carton est posé sur un buffet surmonté d’un sapin décoré de boules rouges, de guirlandes argentées et des bougies électriques. Zoom sur un Père Noël miniature rouge et blanc. Pochette de disque phonographique dans le sapin. Mouvement panoramique sur le sapin et sur la table dressée pour dix convives. La table est décorée d'une nappe blanche, de quelques petites branches de sapins peintes, et de bougies rouges. Des victuailles et des bouteilles d’alcools sont disposées sur un autre meuble, à côté de poinsettia (fleurs de noël). Une petite fille en robe danse. Sur le meuble, une bougie est allumée près d’un cendrier. Plans successifs sur l’intérieur de l’appartement. La télévision est éteinte. Mouvement panoramique sur des éléments décoratifs de la pièce. Un jeune homme et la petite fille s'avance dans la pièce en se tenant la main. D’autres femmes entrent. Plan noir, une lampe s'allume dans le fond de la pièce. Plan dans la cage d'escalier, sur le sol, maladresse du caméraman. Plan en plongée d'une personne déguisée en Père Noël dans une cage d’escalier. Une cloche d'animal à son poignet, il tient un sac dans son dos, une pipe dans la bouche, il est vêtu d'un long manteau noir. Mouvement panoramique qui montre une multitude cadeaux emballés. Le Père Noël monte l'escalier lentement et agite légèrement la cloche pour la faire tinter. Le Père Noel s'avance dans l'ouverture de la salle à manger. Il est accueilli par un adulte qui lui sert la main. Mouvement panoramique sur la table autour de laquelle sont disposés les invités. Plans successifs sur les interactions entre le personnage et les enfants. Ils discutent, chantent, se serrent les mains. Les enfants reçoivent des cadeaux du Père Noël. Ils les montrent à leurs proches. Le Père Noël se relève puis disparaît. Les adultes amènent et pose une foule de cadeaux dans l’entrée de la pièce. On se tend des cadeaux, et on se débarrasse du papier. Le petit garçon joue avec une moto télécommandée dont un adulte lui explique le fonctionnement. Plans successifs sur les cadeaux, les déballages, les réactions. La petite fille joue au sol avec une maison de poupée en plastique. Plan sombre avec les bougies électriques allumées, maladresse du caméraman. Les gens sont attablés. Le petit garçon, sur les genoux de la dame âgée, observe un petit train qui avance tout seul sur la table. Plan sur le jeune homme qui mange le dessert. On le charrie. Les adultes discutent. Une femme fait mine de boire un biberon. Les adultes rient. Plans successifs sur des adultes qui discutent, boivent, plaisantent, et exécutent des gestes affectueux.

1983 Plan flou sur un carton « Noël 1983 chez famille Wiedmann » écrit à la main sur une boîte. Dézoom sur le carton et mouvement panoramique sur le buffet. Même disposition que l'an passé, un petit sapin décoré, lumière peu forte pour mettre en valeur les lumières du sapin. À la table dressée pour huit convives, un homme âgé est assis. Il a des lunettes nasales d'oxygénothérapie reliées à une bouteille d'oxygène. La table est décorée d’une couronne de branches et de bougies. Des gens entre dans la pièce avec des cadeaux. L’un d’eux imite le Père Noël avec son sac sur le dos. La petite fille reçoit d’une dame âgée une poupée. Mouvements panoramiques et plans sur les autres personnes qui se donnent des cadeaux. On les déballe. On découvre un plat transparent (verre ou cristal). On chiffonne les papiers et on apporte d’autres cadeaux. On s’embrasse. L’un reçoit un livre, un autre reçoit des chaussures ou des pantoufles brunes, un autre une écharpe. Un homme déballe un sac. On montre les convives rassemblés. On continue à déballer. Une femme a reçu un napperon en dentelle. L’homme continue à déballer le sac et tend des petits cadeaux à la petite fille. Puis il peine à sortir un gros objet coloré du sac. Cut soudain.

Plans successifs et mouvements panoramiques sur un autre intérieur. Une table est dressée pour onze personnes. Plusieurs boissons y sont disposées. La télévision est allumée. Une jeune femme lit un magazine. Autres plans de l’intérieur du logement et l’ameublement. Sur une table basse, on trouve un saladier rempli d'une boisson avec des morceaux de fruits, des verres et des victuailles. Mouvement panoramique sur un buffet avec des éléments décoratifs (assiettes décorées, …). On continue les préparatifs. Plan sur un meuble étroit avec miroir. Il est décoré de bougies électriques d’éléments décoratifs imitant les stalactites, d’images religieuses et d’une crèche sans étable. Mouvements panoramiques successifs des décorations, des cadres, des éléments pas forcément relatifs à Noël, photographies, santons, etc. Des boîtes en cartons sont disposées sur un canapé. Plans successifs sur des éléments décoratifs sur des étagères, relatifs au voyage (Corse, Grèce), à la guerre, à la famille. Plans successifs et flous sur des cadres évoquant des épisodes des guerres. Un petit garçon à salopette est assis sur le sol. On l’aide à déballer son cadeau, un véhicule en plastique. On devine une boite de lessive Omo. Un petit pendentif crucifix pend au coup d’une femme. Plan sur les enfants debout sur des chaises qui chante une chanson aux adultes attablés. On applaudit. On rechante. Des femmes apportent des plats. Les enfants dansent près de la télévision. L'homme âgé applaudit et dit « bravo ! ». On boit. Les enfants embrassent l’homme âgé qui les enlace. Plan sur la petite fille qui écrit à la craie sur un petit tableau noir. On reconnaît les mots « Laurence, police, police, canard, canard ». Les hommes adultes trinquent, et boivent leurs verres. La petite fille montre comment elle écrit.

Métadonnées

N° support :  0033FI0002
Date :  Entre 1982 et 1983
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:00:00
Cinéastes :  Veltz, Charles
Format original :  Super 8 mm
Genre :  Film amateur
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Le comportement de la société occidentale au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se transforme progressivement jusqu’à la fin des années 1970. Les Trente Glorieuses, comme les a appelées Jean Fourastié en 1979, années de développement et d’avènement de la société de consommation, bouleversent profondément les logiques d’achats et de vie des populations occidentales, d’Alsace y compris. Ainsi, les nouveaux fondements économiques, la découverte de l’american way of life et le rôle de la grande distribution contribuent à modifier l’idée de confort, les besoins de la société, et ses demandes. Et s’il est bien une période qui permet de mesurer les changements issus de ce phénomène généralisé, c’est la période de Noël. C’est ainsi que le réalisateur choisit de filmer les repas de Noël auxquels il est présent au sortir des Trente Glorieuses, en 1982 et 1983.

La mise en scène du Père Noël

Si le Père Noël est déjà en vogue en Alsace depuis un certain temps au moment de la captation de ces images, on remarque que le style rouge du vieille homme – popularisé par la publicité de l’entreprise Coca-Cola – ne semble pas encore incontesté et suffisamment admis comme aujourd’hui. En effet, le réalisateur filme en plongée un homme déguisé en Père Noël vêtu en noir. En revanche on y remarque des attributs fixes, tels que la pipe et la barbe blanche. En montant les marches, le personnage fait tinter sa cloche pour annoncer sa venue. C’est toute une mise en scène qui se met en place pour faire croire aux enfants présents de la venue de ce curieux personnage. Certains codes perdurent encore aujourd’hui : des adultes qui jouent le jeu et se réjouissent de la réaction des enfants stupéfaits, fascinés et en même temps apeurés, une discussion avec les enfants, le cadeau qu’il sort de son sac ou de sa hotte, le chant de Noël. La chanson a d’ailleurs une grande importance dans cette séquence. On remarque une pochette de disque phonographique de Noël dans le sapin. Les enfants chantent au Noël 1982 et au Noël 1983, condition sine qua non pour obtenir le cadeau attendu. Il est d’ailleurs impossible d’identifier ce qu’ils chantent devant le Père Noël, mais il serait intéressant de savoir s’ils exécutent la chanson populaire de Tino Rossi, ou s’ils lui préfèrent des chants plus locaux tels qu’« O Tannenbaum », chant relatif à l’arbre de Noël.

La société de consommation et les cadeaux

Le début de la séquence donne le ton de ce Noël, puisque dans la cage d’escalier de l’immeuble des Wiedmann se dressent des piles de cadeaux. Présents à tous les moments du visionnage, le cadeau est l’un des éléments les plus importants de ces repas. Le Père Noël en apporte aux enfants, mais ce n’est que symbolique. C’est seulement au cours du XXe siècle que le cadeau de Noël des enfants changera de statut. Initialement tenu pour une récompense non obligée, il deviendra progressivement un dû jusqu’à devenir indispensable . Ce qui suit la venue du personnage est un véritable ballet de cadeaux. Chaque convive en reçoit plusieurs. Les enfants n’en sont pas les bénéficiaires privilégiés, puisque c’est également l’occasion pour les adultes d’offrir dans une logique de réciprocité des présents à leurs proches. La nature de ces cadeaux est intéressante. Les enfants reçoivent des jouets (moto téléguidée, maison de poupée et petit train en plastique). Les adultes s’offrent des objets ménagers (on aperçoit une cafetière électrique au Noël de 1982), de l’alcool (aisément devinable étant donné les formes des cadeaux), mais aussi d’autres objets, tels que des vêtements et des pantoufles. À un moment où la consommation de masse est bien ancrée dans les usages de la société, il n’est pas étonnant de voir le nombre important de ces cadeaux qui témoigne d’un accroissement certains des conditions de vie et des salaires au cours de la deuxième moitié du XXe siècle (le salaire moyen français progresse de + 4,6 % par an entre 1946 et 1976) . On voit que le cadeau est définitivement entré dans le rituel de Noël.

Un moment de retrouvailles et de partage

Ce sont des scènes privées et intimes que filme le réalisateur, mais elles résonnent chez celui qui visualisent ces images tant elles montrent une uniformisation de la soirée de Noël, quasiment inchangée jusqu’à aujourd’hui. La famille est rassemblée, aussi bien les plus jeunes que les plus âgés. On se déplace naturellement chez les autres, et en nombre, pour partager ce repas et cette fête. Les deux premiers sont filmés au même endroit, au sein du foyer de la famille Wiedmann – comme l’indique le carton au début des deux parties de la séquence – tandis que le troisième repas a lieu dans le logement d’autres convives présents aux deux premiers repas. Les visages sont quasiment tous les mêmes, un homme âgé est présent en 1983 malgré ses soucis de santé, qui l’empêchait peut-être d’assister au repas en 1982. Il s’agit d’une fête qui se répète et se ressemble chaque année. On y échange et on y blague. Les enfants en profitent pour montrer aux adultes leurs prouesses scolaires à l’instar de la petite Laurence qui montre ses progrès en écriture, à la craie sur un tableau noir. Plus qu’un moment de convivialité, le repas de Noël est l’un des seuls de l’année où la famille entière est rassemblée. Il contribue ainsi à solidifier les liens familiaux, comme le montre les nombreuses marques d’affections présentes à l’image. En revanche, ces moments sont également propices à une forte consommation d’alcool. Il est d’ailleurs autant présent que les cadeaux dans cette séquence. Pendant les préparatifs, on remarque des bouteilles de marques connues telles que Picon, Martini, Suze, Whisky Clan Campbell issues de production de masse, mais aussi du punch, ou des alcools plus ou moins forts. Au cours du XXe siècle, la consommation d’alcool moyenne diminue en France à la suite des actions de santé publiques et à la promulgation de lois répressives. C’est notamment le cas de la loi du 8 décembre 1983 relative au contrôle de l’état alcoolique , qui prévoit que le taux maximal de 0,8 gramme d’alcool pur par litre de sang est un délit. Cependant, les sources INSEE montrent pour les années 1982-1983 une consommation moyenne française d’alcool pur d’environ 40 grammes par jour pour une population de 15 ans et plus . Cela est équivalent à un litre de bière à 5 degrés. Et l’on peut supposer que la consommation d’alcool grimpe dans de telles occasions, les gens se permettant davantage de liberté dans le contexte du repas de Noël, l’un des événements festifs les plus attendus de l’année. Le 16 février 1984, soit deux mois après le Noël chez les Wiedmann, le ministère de la santé lance une campagne de prévention ; apparaît alors sur les écrans de télévision le slogan « Un verre ça va… 3 verres bonjour les dégâts ».

La décoration de Noël au milieu du logement

À travers ces images, on devine des logements alsaciens plutôt populaires. Les Trente Glorieuses sont des années de développement des quartiers HLM et des copropriétés privées. C’est entre 1960 et 1980 que Strasbourg bénéficie d’une expansion résidentielle sous la forme de deux grands ensembles de ce type, le « Nouveau Neudorf » et la « Nouvelle Musau ». On découvre dans la séquence une cage d’escalier typique de ce genre de logement, de même qu’une salle de séjour importante et ouverte qui permet le repas avec tous ces convives. Plusieurs éléments décoratifs relatifs à Noël sont disposés au milieu des décorations permanentes des appartements. Un court sapin est posé sur un buffet et décoré de guirlandes, de boules et de bougies électriques, tandis que des branches de conifères sont floquées en blanc et disposées sur la table. Si la volonté du réalisateur a certainement été de montrer ces décorations, la séquence donne beaucoup d’information sur la décoration permanente et l’aménagement d’un appartement populaire alsacien du début des années 1980. La télévision trône dans la pièce, allumée ou éteinte, et semble prendre la place qu’avait le sapin de Noël relégué dans sa position au sein du logement et dans sa taille. Les fauteuils et canapés sont unis dans leurs motifs. En revanche, les meubles révèlent souvent un caractère ancien, faits de bois en finition sombre. Les cadres évoquent des motifs comparables à ceux dessinés par Hansi, artiste alsacien par excellence, qui orne encore aujourd’hui certains objets (la vaisselle notamment). Ainsi, on remarque une adaptation alsacienne de l’american way of life, entre uniformisation et particularité de l’intérieur des logements. C’est également l’occasion pour le réalisateur de montrer quelques souvenirs disposés sur les étagères. Ainsi on remarque principalement des objets liés à la famille (photographies), mais aussi des souvenirs de voyages et des traces de la guerre. On peut remarquer que ces objets évoquent la Corse et la Grèce, qui sont des destinations rendues plus facilement accessibles dans ce contexte de développement économique de la société. Mais en ce qui concerne les traces de la guerre, présente par les restes d’obus sur l’étagère, la statuette de soldat, le canon, et les images des cadres, son souvenir semble encore être très vivace dans l’esprit de l’occupant des lieux. Les images de fête sont ainsi nuancées par ces terribles souvenirs sur lesquels le réalisateur s’attarde.

Les reliquats de la religion dans la fête de Noël

Si la facette religieuse de la fête de Noël semble être progressivement diminuée au cours du XXe siècle, il semble qu’elle reste encore présente à la lumière de cette séquence. Mise à part un pendentif en forme de crucifix qui apparaît brièvement au cours de la première partie, le troisième repas permet au réalisateur de filmer un meuble décoré d’une crèche et d’icônes religieuses. Les crèches domestiques sont déjà présentes en Alsace dès la fin du XVe siècle, dans les familles fortunées du moins . En France, le clergé est longtemps réticent à la mise en place de crèche publique, qu’il considère comme des « drôleries ». Sous la Révolution, elles sont effacées du paysage public mais cela ne contribue qu’à plus largement les faire intégrer dans les foyers. Finalement, c’est sous la Restauration que la crèche s’implante dans les logements de manière durable. Sur la table apparaît également ce qui pourrait faire penser à une couronne de l’Avent, invention germanique du XVIe siècle, popularisée fin XIXe chez les protestants, puis au XXe chez les catholiques. Mais ces signes sont clairement filmés et affichés dans le logement du troisième repas où vivent des personnes plus âgées que la plupart des convives, personnes peut-être plus attachées à la religion, ou gardant le souvenir d’une tradition de fêtes de Noël davantage religieuses. Il est également possible que le troisième repas (deuxième de celui de 1983) soit celui de la Saint-Étienne, premier martyr chrétien, fêté le 26 décembre. Contrairement au reste de la France, ce jour est férié en Alsace-Moselle, et allonge l’épisode non travaillé de Noël.

Bibliographie


CABANTOUS, Alain, WALTER, François, Noël : une si longue histoire…, Paris, Payot & Rivages, 2016.

DAUMAS, Jean-Claude, La révolution matérielle. Une histoire de la consommation, France, XIX-XXIe siècle, Paris, Flammarion, 2018.

Loi n° 83-1045 du 8 décembre 1983 relative au contrôle de l’état alcoolique parue au Journal Officiel de la République Française du 9 décembre 1983.

Site de l’Eurométropole de Strasbourg : https://www.strasbourg.eu/histoire-quartier-neudorf-schluthfeld-port-du-rhin-musau

« Tabac – Alcool – Toxicomanie » dans Tableaux de l’Économie Française. Édition 2010, INSEE, Paris, 2010. Article accessible en ligne et paru le 24/03/2010 sur https://www.insee.fr/fr/statistiques/1373390?sommaire=1373438&q=tabac+alcool+toxicomanie