Fête de la bière à Schiltigheim(0021FN0005) : Différence entre versions
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Version du 9 janvier 2020 à 09:40
Résumé
Description
Ce film débute par des images en noir et blanc de cavaliers en costume de la Renaissance portant des étendards publicitaires de la brasserie schilikoise historique Perle suivis par la fanfare des pompiers locaux reconnaissables à leurs uniformes. A ces plans larges en noir et blanc succèdent des plans plus resserrés en couleur qui se concentrent sur les chars, les fanfares ou les danseurs folkloriques. On constate que le cinéaste change de nombreuses fois de position en effectuant des prises de vues courtes afin de présenter une vision d’ensemble de l’élément filmé. Pour filmer les chars en mouvement il suit leur trajectoire en effectuant plusieurs travellings sur l’axe gauche-droite et vice-versa. Le cortège est composé de manière particulièrement hétéroclite, on observe tout d’abord des chars fleuris avec des jeunes femmes en robe bouffantes, une maison alsacienne traditionnelle avec son nid de cigogne puis une locomotive et un moulin. Ensuite, des chars à l’effigie de plusieurs pays et époques deviennent l’objet de la caméra qui cette fois-ci capture en plongée afin de saisir l’intégralité des éléments. Le premier char représente la Hongrie, puis un pays slave, peut-être la Russie, vient un char africain et un défilé de soldats de l’Ancien Régime qui devancent ce qui semble être un char représentant Louis XVI, Marie-Antoinette et la Cour. La séquence se termine avec le passage d’un char asiatique.
Contexte et analyse
L’Alsace, et plus particulièrement le Bas-Rhin, sont des régions brassicoles par excellence. La commune de Schiltigheim est ainsi surnommée la cité des Brasseurs en raison de son nombre important de brasseries aussi bien artisanales qu’internationales qui s’implantent dans la commune dès le XVIIIe siècle. Afin de célébrer la prospérité de l’industrie de la bière, on organise une fête alors même que les brasseries schilikoises sont sur le déclin comme la brasserie Perle qui d’après le film d’Emile Breesé sponsorise l’événement et qui cependant met la clef sous la porte en 1971.
Schiltigheim, une cité brassicole
La prospérité de Schiltigheim dès l’implantation des premières brasseries au XVIIIe siècle est dû à plusieurs facteurs qui font de la ville un endroit parfait pour produire le breuvage. Premièrement, elle bénéficie d’un environnement géologique favorable à la production et à la conservation de la bière. Elle est également à la pointe des innovations scientifiques en termes de techniques de fermentation comme la fermentation basse qui induit la réalisation d’une bière blonde peu alcoolisée, la Pils, ou encore en termes de pasteurisation. L’équipement est lui aussi perfectionné et l’industrie schilikoise profite dès la Révolution industrielle de l’emploi du verre et du chemin de fer pour commercer avec des contrées éloignées et acquérir une renommée jusqu’à Paris qui en 1854 ne se trouve plus qu’à un jour de train de Strasbourg grâce à l’ouverture de la ligne ferroviaire. On sélectionne l’orge, le houblon, l’engrais qui sert à les faire pousser, l’eau que l’on utilise dans les brasseries et les levures afin d’obtenir un résultat toujours plus optimal qui garantit la prospérité à Schiltigheim.
C’est ainsi que se produit une constante applicable à plusieurs grandes cités brassicoles à travers l’Europe, les locaux des brasseries Strasbourgeoises devenant trop étroits pour une production toujours plus importante, la plupart s’implantent dans les communes adjacentes de Cronenbourg, Koenigshofen et bien sûr Schiltigheim. Cette délocalisation est telle qu’à la fin du XIXe siècle, la moitié des bières dites ‘’de Strasbourg’’ proviennent en réalité de Schiltigheim. Après la Seconde Guerre mondiale, la bière alsacienne connaît un regain d’intérêt grâce à un rééquipement industriel et une modernisation qui résultent à 80% d’un autofinancement des brasseurs en moyenne. Ainsi, la production passe de 1 025 000 hectolitres en 1949 à 2 226 700 hectolitres en 1956 sur 12 000 000 d’hectolitres produits en France, la bière alsacienne représente cependant 45% des bières vendues en France alors qu’elle ne constitue que 21% de la production, signe évident de son succès dans l’hexagone. L’Alsacien est également un grand buveur en ce milieu de XXe siècle puisqu’il consomme en moyenne 150 litres de bière par an, dépassant le record national européen détenu par les Belges avec 135 litres par an contre 21 litres pour les Français, au-delà de l’intérêt économique qu’elle apporte à la région, la bière est une véritable culture en Alsace. A propos de culture, on constate grâce aux études de Robert Zeyl que la culture du houblon est prédominante dans le Bas-Rhin et quasiment inexistante dans le Haut-Rhin, département axé sur l’exploitation de la vigne. C’est entre Haguenau et Strasbourg, dans la région du Kochersberg, que se trouve la majorité des houblonnières alsaciennes qui ensemble atteignent 4185 hectares de superficie en 1913 pour une moyenne de trois mille pieds de houblon par hectare.
La fête de la bière, une mobilisation schilikoise
Il est en conséquence pertinent pour une cité brassicole telle que Schiltigheim d’organiser une fête de la bière, boisson qui assure le développement et la stabilité économique mais aussi l’influence culturelle de la ville. On remarque à travers le film d’Emile Breesé que la fête de la bière est non seulement une mobilisation citoyenne schilikoise, en témoigne la présence des sapeurs-pompiers et des figurants, mais également une fête qui tient à rappeler non seulement la dimension universelle de la bière grâce aux chars représentant différents pays et continents, mais aussi la dimension historique du breuvage soulignée par le char de l’Ancien Régime. Cette prospérité et cette joie qui émane de ce film amateur se retrouvent mis à mal durant les décennies suivantes lorsque plusieurs brasseries schilikoises ferment leurs portes comme la brasserie Perle en 1971 et Schutzenberger en 2006 ou finissent rachetés par des compagnies internationales tel que les brasseries l’Espérance et Fischer, rachetées par Heineken respectivement en 1972 et en 1996.Bibliographie
BEAUJEU-GARNIER (Jacqueline), « La bière d’Alsace », dans L’Information Géographique, n° 2, vol. 22, 1958, p. 71.
CLERY (Pierre), KOEHL (Chanel) et JARRY (Xavier), La bière: du Nil antique à Schiltigheim, Tours, Éditions Sutton, 2019.
ZEYL (Robert), « La culture du houblon en Alsace », dans Annales de géographie, n° 222, vol. 39, 1930, p. 569-578.
Article rédigé par
Guillaume Bapst, 05 janvier 2020
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