Noël chez les Breesé (0021FN0002) : Différence entre versions
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|Resume_fr=Cette séquence montre la soirée de Noël chez les Breesé en 1933. Le réalisateur filme ses fils et leurs jouets, parmi lesquels des petits trains électriques. On y remarque également la place importante du sapin de noël dans le foyer, dont Mme Breesé allume les bougies. | |Resume_fr=Cette séquence montre la soirée de Noël chez les Breesé en 1933. Le réalisateur filme ses fils et leurs jouets, parmi lesquels des petits trains électriques. On y remarque également la place importante du sapin de noël dans le foyer, dont Mme Breesé allume les bougies. | ||
|Description_fr=Deux garçons jouent au petit train électrique au sol, devant un sapin très décoré. L’un d’eux actionne une manette qui fait avancer le train sur ses rails, l’autre regarde le train avancer. Le plus grand fait accélérer le train. Les deux enfants sont dos à la caméra, debout et devant le sapin décoré, une femme se tient à côté du sapin et allume des bougies sur l’arbre, ils sont tous apprêtés. Les deux enfants tiennent des cierges magiques allumés. Court plan fantôme comme une maladresse du caméraman, le plus grand garçon s’amuse avec les deux cierges dans les mains, la femme continue à allumer les bougies du sapin. Les deux enfants sont assis à une table dressée et décorée. La femme arrange la table, elle porte des vêtements plus communs. Les deux enfants prennent la pose derrière la table dressée pour six personnes. La femme s’affaire à l’arrière-plan et pose les dernières pièces du service qu’elle sort d’un buffet. Les deux enfants prennent la pose devant le sapin décoré, tandis que la femme s’apprête à craquer une allumette. La femme allume des bougies et des cierges magiques sur le sapin en arrière-plan. Les deux garçons ont des objets dans les mains. Le plus jeune vise la caméra avec un petit canon. Le plus grand inspecte une montre à gousset, l’écoute, et la met dans sa poche. Plan très sombre dans lequel des cierges magiques diffusent leurs étincelles sur le sapin. Le garçon le plus âgé est quasiment de dos à la caméra devant le sapin et devant un buffet à miroir dans lequel son visage se reflète. Il tourne quelques pages d’un livre. Un autre circuit de train est filmé en plongée, le train est différent, le circuit est plus grand et est complété par d’autres jouets (maison, voitures, panneaux, petits bonshommes). La caméra effectue un mouvement panoramique et fini par suivre le petit train qui avance sur les rails. | |Description_fr=Deux garçons jouent au petit train électrique au sol, devant un sapin très décoré. L’un d’eux actionne une manette qui fait avancer le train sur ses rails, l’autre regarde le train avancer. Le plus grand fait accélérer le train. Les deux enfants sont dos à la caméra, debout et devant le sapin décoré, une femme se tient à côté du sapin et allume des bougies sur l’arbre, ils sont tous apprêtés. Les deux enfants tiennent des cierges magiques allumés. Court plan fantôme comme une maladresse du caméraman, le plus grand garçon s’amuse avec les deux cierges dans les mains, la femme continue à allumer les bougies du sapin. Les deux enfants sont assis à une table dressée et décorée. La femme arrange la table, elle porte des vêtements plus communs. Les deux enfants prennent la pose derrière la table dressée pour six personnes. La femme s’affaire à l’arrière-plan et pose les dernières pièces du service qu’elle sort d’un buffet. Les deux enfants prennent la pose devant le sapin décoré, tandis que la femme s’apprête à craquer une allumette. La femme allume des bougies et des cierges magiques sur le sapin en arrière-plan. Les deux garçons ont des objets dans les mains. Le plus jeune vise la caméra avec un petit canon. Le plus grand inspecte une montre à gousset, l’écoute, et la met dans sa poche. Plan très sombre dans lequel des cierges magiques diffusent leurs étincelles sur le sapin. Le garçon le plus âgé est quasiment de dos à la caméra devant le sapin et devant un buffet à miroir dans lequel son visage se reflète. Il tourne quelques pages d’un livre. Un autre circuit de train est filmé en plongée, le train est différent, le circuit est plus grand et est complété par d’autres jouets (maison, voitures, panneaux, petits bonshommes). La caméra effectue un mouvement panoramique et fini par suivre le petit train qui avance sur les rails. | ||
− | |Contexte_et_analyse_fr | + | |Contexte_et_analyse_fr==== Noël entre deux guerres === |
La séquence est tournée en 1933, dans l’entre-deux-guerres en Alsace. Les deux enfants qui y apparaissent n’ont pas connu la guerre qui s’est achevée quinze années auparavant, et donc n’ont pas vécu dans l’Alsace allemande. Pourtant, en cette période de Noël, Émile Breesé immortalise des moments privés qui révèlent des traditions en particulier germaniques, présentes en Alsace depuis longtemps. | La séquence est tournée en 1933, dans l’entre-deux-guerres en Alsace. Les deux enfants qui y apparaissent n’ont pas connu la guerre qui s’est achevée quinze années auparavant, et donc n’ont pas vécu dans l’Alsace allemande. Pourtant, en cette période de Noël, Émile Breesé immortalise des moments privés qui révèlent des traditions en particulier germaniques, présentes en Alsace depuis longtemps. | ||
− | + | === De l’utilisation du sapin de Noël === | |
L’origine de l’utilisation du sapin au moment de Noël est complexe et pose encore des problèmes. Entre vision païenne de la mœurs, ou agrégation de multiples coutumes locales d’utilisation d’arbres ou de branches lors de la période, le sapin de noël semble en tout cas provenir des espaces germaniques. Progressivement affilié aux croyances chrétiennes, il ne fut pas tout de suite accepté par les institutions religieuses, aussi bien catholiques que protestantes. La première mention qui tend à faire penser à l’utilisation d’un arbre lors de la période de Noël date de 1521, à Sélestat. Plus tard, au XIXe siècle, le sapin de noël est présent sporadiquement sur le territoire français. L’arrivée massive d’Alsaciens et de Lorrains en France après la guerre de 1870-1871 acclimata le sapin à l’ensemble du territoire . En Alsace et en Lorraine, la coutume du sapin de Noël ne semble pas différente suivant l’orientation religieuse au sein du christianisme. Protestants et catholiques l’utilisent de manières équivalentes. En revanche, la coutume sembla obéir à une logique linguistique. Ainsi, Georges L’Hôte mit en évidence qu’en Lorraine, région liée à l’Alsace par son histoire, l’arbre de Noël est attesté dans les villages de langue maternelle allemande tandis que ceux de langue française ne voit le sapin s’implanté qu’après la seconde guerre mondiale . Le sapin des Breesé est grand, richement décoré et la mère y allume des bougies réelles. Devant l’arbre majestueux, les deux enfants tiennent dans leurs mains des « cierges magiques », petits bâtons enduits qui diffusent des étincelles pour un petit moment. Noël est une fête au cours de laquelle le sapin est devenu roi, et la lumière l’embellit sous toutes ses formes, reflétée dans les boules et les guirlandes qui le décorent. | L’origine de l’utilisation du sapin au moment de Noël est complexe et pose encore des problèmes. Entre vision païenne de la mœurs, ou agrégation de multiples coutumes locales d’utilisation d’arbres ou de branches lors de la période, le sapin de noël semble en tout cas provenir des espaces germaniques. Progressivement affilié aux croyances chrétiennes, il ne fut pas tout de suite accepté par les institutions religieuses, aussi bien catholiques que protestantes. La première mention qui tend à faire penser à l’utilisation d’un arbre lors de la période de Noël date de 1521, à Sélestat. Plus tard, au XIXe siècle, le sapin de noël est présent sporadiquement sur le territoire français. L’arrivée massive d’Alsaciens et de Lorrains en France après la guerre de 1870-1871 acclimata le sapin à l’ensemble du territoire . En Alsace et en Lorraine, la coutume du sapin de Noël ne semble pas différente suivant l’orientation religieuse au sein du christianisme. Protestants et catholiques l’utilisent de manières équivalentes. En revanche, la coutume sembla obéir à une logique linguistique. Ainsi, Georges L’Hôte mit en évidence qu’en Lorraine, région liée à l’Alsace par son histoire, l’arbre de Noël est attesté dans les villages de langue maternelle allemande tandis que ceux de langue française ne voit le sapin s’implanté qu’après la seconde guerre mondiale . Le sapin des Breesé est grand, richement décoré et la mère y allume des bougies réelles. Devant l’arbre majestueux, les deux enfants tiennent dans leurs mains des « cierges magiques », petits bâtons enduits qui diffusent des étincelles pour un petit moment. Noël est une fête au cours de laquelle le sapin est devenu roi, et la lumière l’embellit sous toutes ses formes, reflétée dans les boules et les guirlandes qui le décorent. | ||
− | + | === L’absence des figures de Noël === | |
Figure emblématique de noël aujourd’hui, le Père Noël est le grand absent dans ce film. Vers la fin du XIXe siècle, le Weichnachtsmann apparaît en Alsace . Version allemande et profane du Saint-Nicolas, son rôle est le même, à savoir la remise de cadeaux aux enfants. Il est progressivement remplacé par le Père Noël français pendant la période de l’entre-deux-guerres où on le remarque de plus en plus souvent dans les grands magasins d’Alsace. Il commence alors à cohabiter aisément avec Saint-Nicolas, ''Hanz Trapp'' et ''Christkindel'', figures locales de la période. Mais il n’apparaît pas chez les Breesé ce qui tend à nuancer l’ampleur de la tradition, ou bien l’ampleur du recours d’une telle figure dans les milieux privés alsaciens des années 1930. En revanche, si ces figures sont absentes de la séquence, on remarque que des personnes sont tout de même attendues pour le repas de Noël, preuve qu’il s’agit-là d’une fête qui rassemble les proches et les familles et ce, depuis longtemps. C’est l’occasion pour sortir les plus beaux vêtements des garde-robes, pour dresser des tables décorées à proximité d’un sapin triomphant dans les milieux privés. | Figure emblématique de noël aujourd’hui, le Père Noël est le grand absent dans ce film. Vers la fin du XIXe siècle, le Weichnachtsmann apparaît en Alsace . Version allemande et profane du Saint-Nicolas, son rôle est le même, à savoir la remise de cadeaux aux enfants. Il est progressivement remplacé par le Père Noël français pendant la période de l’entre-deux-guerres où on le remarque de plus en plus souvent dans les grands magasins d’Alsace. Il commence alors à cohabiter aisément avec Saint-Nicolas, ''Hanz Trapp'' et ''Christkindel'', figures locales de la période. Mais il n’apparaît pas chez les Breesé ce qui tend à nuancer l’ampleur de la tradition, ou bien l’ampleur du recours d’une telle figure dans les milieux privés alsaciens des années 1930. En revanche, si ces figures sont absentes de la séquence, on remarque que des personnes sont tout de même attendues pour le repas de Noël, preuve qu’il s’agit-là d’une fête qui rassemble les proches et les familles et ce, depuis longtemps. C’est l’occasion pour sortir les plus beaux vêtements des garde-robes, pour dresser des tables décorées à proximité d’un sapin triomphant dans les milieux privés. | ||
− | + | === Le jouet à Noël === | |
Conséquence du développement de la mécanisation des industries, les machines entrent dans le milieu des jouets très tôt. L’Anglais Franck Hornby dépose un brevet de « jouet ou appareil d’éducation mécanique pour enfant et jeunes gens » en 1901 . Sept années plus tard, il dépose en France la marque Meccano. Mais il n’est pas seul sur le marché, car d’autres l’imitent rapidement, aussi bien français (Metallic en 1912, Constructor en 1921, Trix en 1933), qu’allemands (Märkling en 1930). Progressivement, toutes ces entreprises diversifient leurs productions et commencent à vendre des trains de chemins de fer et des voitures miniatures, pour rendre plus vivantes les constructions . Hornby crée même une presse qui permet de lier les adeptes de ses jeux et sa société, il s’agit du journal Meccano Magazine. Outil de vente de ses produits où apparaît les dernières nouveautés en termes de pièces métalliques, trains et accessoires de chemins de fer, ce journal commence à être publié en France vers la fin des années 1920. Outre le fait qu’il diffuse une publicité non négligeable, le périodique contient des articles illustrés traitant de chemins de fer, de mécanique, d’électricité, d’aviation, d’inventions, etc. donc tout ce qui est susceptible d’intéresser les jeunes garçons. Cet intérêt semble confirmé chez les Breesé puisque le garçon le plus âgé dispose d’une montre à gousset, ouvrage de mécanique fine par excellence. Mais la grande nouveauté à cette époque est l’entrée progressive de la « fée électricité » dans les jouets, qui cohabite puis remplace progressivement l’entrainement mécanique des trains miniatures. C’est d’ailleurs un train électrique que les enfants d’Émile Breesé font avancer sur les rails. On remarque deux trains sur des parcours différents dans la séquence. Si le premier visible est indubitablement électrique car actionné par une simple manette par l’enfant, le deuxième se déplace sur un parcours à trois rails, le troisième rail servant de contact électrique pour le véhicule. | Conséquence du développement de la mécanisation des industries, les machines entrent dans le milieu des jouets très tôt. L’Anglais Franck Hornby dépose un brevet de « jouet ou appareil d’éducation mécanique pour enfant et jeunes gens » en 1901 . Sept années plus tard, il dépose en France la marque Meccano. Mais il n’est pas seul sur le marché, car d’autres l’imitent rapidement, aussi bien français (Metallic en 1912, Constructor en 1921, Trix en 1933), qu’allemands (Märkling en 1930). Progressivement, toutes ces entreprises diversifient leurs productions et commencent à vendre des trains de chemins de fer et des voitures miniatures, pour rendre plus vivantes les constructions . Hornby crée même une presse qui permet de lier les adeptes de ses jeux et sa société, il s’agit du journal Meccano Magazine. Outil de vente de ses produits où apparaît les dernières nouveautés en termes de pièces métalliques, trains et accessoires de chemins de fer, ce journal commence à être publié en France vers la fin des années 1920. Outre le fait qu’il diffuse une publicité non négligeable, le périodique contient des articles illustrés traitant de chemins de fer, de mécanique, d’électricité, d’aviation, d’inventions, etc. donc tout ce qui est susceptible d’intéresser les jeunes garçons. Cet intérêt semble confirmé chez les Breesé puisque le garçon le plus âgé dispose d’une montre à gousset, ouvrage de mécanique fine par excellence. Mais la grande nouveauté à cette époque est l’entrée progressive de la « fée électricité » dans les jouets, qui cohabite puis remplace progressivement l’entrainement mécanique des trains miniatures. C’est d’ailleurs un train électrique que les enfants d’Émile Breesé font avancer sur les rails. On remarque deux trains sur des parcours différents dans la séquence. Si le premier visible est indubitablement électrique car actionné par une simple manette par l’enfant, le deuxième se déplace sur un parcours à trois rails, le troisième rail servant de contact électrique pour le véhicule. | ||
Autres jouets présents à l’écran : les jouets militaires. Ceux-ci sont bien plus anciens que les petits trains. Le plus jeune des deux enfants vise la caméra avec son canon miniature, de forme ancienne et obsolète, révélant toute son innocence, lui qui n’a pas connu la guerre passée. Nous pouvons nous demander si la diffusion de tels jouets est plus importante ou équivalente aux autres régions dans les espaces frontaliers, davantage militarisés. Car il convient de rappeler qu’au même moment, la Ligne Maginot apparaît dans le paysage alsacien, et il n’est pas impossible que les Breesé en aient vu quelques éléments. | Autres jouets présents à l’écran : les jouets militaires. Ceux-ci sont bien plus anciens que les petits trains. Le plus jeune des deux enfants vise la caméra avec son canon miniature, de forme ancienne et obsolète, révélant toute son innocence, lui qui n’a pas connu la guerre passée. Nous pouvons nous demander si la diffusion de tels jouets est plus importante ou équivalente aux autres régions dans les espaces frontaliers, davantage militarisés. Car il convient de rappeler qu’au même moment, la Ligne Maginot apparaît dans le paysage alsacien, et il n’est pas impossible que les Breesé en aient vu quelques éléments. |
Version du 19 décembre 2018 à 16:00
Résumé
Description
Deux garçons jouent au petit train électrique au sol, devant un sapin très décoré. L’un d’eux actionne une manette qui fait avancer le train sur ses rails, l’autre regarde le train avancer. Le plus grand fait accélérer le train. Les deux enfants sont dos à la caméra, debout et devant le sapin décoré, une femme se tient à côté du sapin et allume des bougies sur l’arbre, ils sont tous apprêtés. Les deux enfants tiennent des cierges magiques allumés. Court plan fantôme comme une maladresse du caméraman, le plus grand garçon s’amuse avec les deux cierges dans les mains, la femme continue à allumer les bougies du sapin. Les deux enfants sont assis à une table dressée et décorée. La femme arrange la table, elle porte des vêtements plus communs. Les deux enfants prennent la pose derrière la table dressée pour six personnes. La femme s’affaire à l’arrière-plan et pose les dernières pièces du service qu’elle sort d’un buffet. Les deux enfants prennent la pose devant le sapin décoré, tandis que la femme s’apprête à craquer une allumette. La femme allume des bougies et des cierges magiques sur le sapin en arrière-plan. Les deux garçons ont des objets dans les mains. Le plus jeune vise la caméra avec un petit canon. Le plus grand inspecte une montre à gousset, l’écoute, et la met dans sa poche. Plan très sombre dans lequel des cierges magiques diffusent leurs étincelles sur le sapin. Le garçon le plus âgé est quasiment de dos à la caméra devant le sapin et devant un buffet à miroir dans lequel son visage se reflète. Il tourne quelques pages d’un livre. Un autre circuit de train est filmé en plongée, le train est différent, le circuit est plus grand et est complété par d’autres jouets (maison, voitures, panneaux, petits bonshommes). La caméra effectue un mouvement panoramique et fini par suivre le petit train qui avance sur les rails.
Contexte et analyse
Noël entre deux guerres
La séquence est tournée en 1933, dans l’entre-deux-guerres en Alsace. Les deux enfants qui y apparaissent n’ont pas connu la guerre qui s’est achevée quinze années auparavant, et donc n’ont pas vécu dans l’Alsace allemande. Pourtant, en cette période de Noël, Émile Breesé immortalise des moments privés qui révèlent des traditions en particulier germaniques, présentes en Alsace depuis longtemps.
De l’utilisation du sapin de Noël
L’origine de l’utilisation du sapin au moment de Noël est complexe et pose encore des problèmes. Entre vision païenne de la mœurs, ou agrégation de multiples coutumes locales d’utilisation d’arbres ou de branches lors de la période, le sapin de noël semble en tout cas provenir des espaces germaniques. Progressivement affilié aux croyances chrétiennes, il ne fut pas tout de suite accepté par les institutions religieuses, aussi bien catholiques que protestantes. La première mention qui tend à faire penser à l’utilisation d’un arbre lors de la période de Noël date de 1521, à Sélestat. Plus tard, au XIXe siècle, le sapin de noël est présent sporadiquement sur le territoire français. L’arrivée massive d’Alsaciens et de Lorrains en France après la guerre de 1870-1871 acclimata le sapin à l’ensemble du territoire . En Alsace et en Lorraine, la coutume du sapin de Noël ne semble pas différente suivant l’orientation religieuse au sein du christianisme. Protestants et catholiques l’utilisent de manières équivalentes. En revanche, la coutume sembla obéir à une logique linguistique. Ainsi, Georges L’Hôte mit en évidence qu’en Lorraine, région liée à l’Alsace par son histoire, l’arbre de Noël est attesté dans les villages de langue maternelle allemande tandis que ceux de langue française ne voit le sapin s’implanté qu’après la seconde guerre mondiale . Le sapin des Breesé est grand, richement décoré et la mère y allume des bougies réelles. Devant l’arbre majestueux, les deux enfants tiennent dans leurs mains des « cierges magiques », petits bâtons enduits qui diffusent des étincelles pour un petit moment. Noël est une fête au cours de laquelle le sapin est devenu roi, et la lumière l’embellit sous toutes ses formes, reflétée dans les boules et les guirlandes qui le décorent.
L’absence des figures de Noël
Figure emblématique de noël aujourd’hui, le Père Noël est le grand absent dans ce film. Vers la fin du XIXe siècle, le Weichnachtsmann apparaît en Alsace . Version allemande et profane du Saint-Nicolas, son rôle est le même, à savoir la remise de cadeaux aux enfants. Il est progressivement remplacé par le Père Noël français pendant la période de l’entre-deux-guerres où on le remarque de plus en plus souvent dans les grands magasins d’Alsace. Il commence alors à cohabiter aisément avec Saint-Nicolas, Hanz Trapp et Christkindel, figures locales de la période. Mais il n’apparaît pas chez les Breesé ce qui tend à nuancer l’ampleur de la tradition, ou bien l’ampleur du recours d’une telle figure dans les milieux privés alsaciens des années 1930. En revanche, si ces figures sont absentes de la séquence, on remarque que des personnes sont tout de même attendues pour le repas de Noël, preuve qu’il s’agit-là d’une fête qui rassemble les proches et les familles et ce, depuis longtemps. C’est l’occasion pour sortir les plus beaux vêtements des garde-robes, pour dresser des tables décorées à proximité d’un sapin triomphant dans les milieux privés.
Le jouet à Noël
Conséquence du développement de la mécanisation des industries, les machines entrent dans le milieu des jouets très tôt. L’Anglais Franck Hornby dépose un brevet de « jouet ou appareil d’éducation mécanique pour enfant et jeunes gens » en 1901 . Sept années plus tard, il dépose en France la marque Meccano. Mais il n’est pas seul sur le marché, car d’autres l’imitent rapidement, aussi bien français (Metallic en 1912, Constructor en 1921, Trix en 1933), qu’allemands (Märkling en 1930). Progressivement, toutes ces entreprises diversifient leurs productions et commencent à vendre des trains de chemins de fer et des voitures miniatures, pour rendre plus vivantes les constructions . Hornby crée même une presse qui permet de lier les adeptes de ses jeux et sa société, il s’agit du journal Meccano Magazine. Outil de vente de ses produits où apparaît les dernières nouveautés en termes de pièces métalliques, trains et accessoires de chemins de fer, ce journal commence à être publié en France vers la fin des années 1920. Outre le fait qu’il diffuse une publicité non négligeable, le périodique contient des articles illustrés traitant de chemins de fer, de mécanique, d’électricité, d’aviation, d’inventions, etc. donc tout ce qui est susceptible d’intéresser les jeunes garçons. Cet intérêt semble confirmé chez les Breesé puisque le garçon le plus âgé dispose d’une montre à gousset, ouvrage de mécanique fine par excellence. Mais la grande nouveauté à cette époque est l’entrée progressive de la « fée électricité » dans les jouets, qui cohabite puis remplace progressivement l’entrainement mécanique des trains miniatures. C’est d’ailleurs un train électrique que les enfants d’Émile Breesé font avancer sur les rails. On remarque deux trains sur des parcours différents dans la séquence. Si le premier visible est indubitablement électrique car actionné par une simple manette par l’enfant, le deuxième se déplace sur un parcours à trois rails, le troisième rail servant de contact électrique pour le véhicule.
Autres jouets présents à l’écran : les jouets militaires. Ceux-ci sont bien plus anciens que les petits trains. Le plus jeune des deux enfants vise la caméra avec son canon miniature, de forme ancienne et obsolète, révélant toute son innocence, lui qui n’a pas connu la guerre passée. Nous pouvons nous demander si la diffusion de tels jouets est plus importante ou équivalente aux autres régions dans les espaces frontaliers, davantage militarisés. Car il convient de rappeler qu’au même moment, la Ligne Maginot apparaît dans le paysage alsacien, et il n’est pas impossible que les Breesé en aient vu quelques éléments.Lieux ou monuments
Bibliographie
LALOUETTE, Jacqueline, Jours de fête, Paris, Tallandier, 2010.
LESER, Gérard, Noël-Wihnachte en Alsace, Mulhouse, Éditions du Rhin, 1989.
THEIMER, François, Les Jouets (collection « Que-sais-je ? »), Vendôme, Presses Universitaires de France, 1996.