Carnaval de Strasbourg (0050FH0002) : Différence entre versions
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− | |Contexte_et_analyse_fr=Se déroulant au cours d'une période allant du milieu de l'hiver au début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Derrière | + | |Contexte_et_analyse_fr=Se déroulant au cours d'une période allant du milieu de l'hiver au début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Derrière l'anarchie ambiante, le carnaval tient en réalité un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire. |
− | A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »<ref>Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p. 27</ref> est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale | + | A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du ''Reichsland'' et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »<ref>Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p. 27</ref> est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale relativement germanophobe. |
− | En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « | + | En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « ''De Barabli'' » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organisent une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec. |
− | [[Fichier:Carnaval - Kronenbourg.png|vignette|gauche|Une camionnette aux couleurs de la Brasserie Kronenbourg prend part au cortège.]]L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d' | + | [[Fichier:Carnaval - Kronenbourg.png|vignette|gauche|Une camionnette aux couleurs de la Brasserie Kronenbourg prend part au cortège.]]L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident retenter l'expérience et de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. [[Fichier:Carnaval - Tintin.png|vignette|droite|Un char à l'effigie des personnages de la bande dessinée d'Hergé, ''Tintin'' : le capitaine Haddock, Tintin, Milou et [non visible sur la photo] le professeur Tournesol. ]]Le carnaval est ainsi financé par les commerçants eux-mêmes, en attestent certains chars faisant de la publicité pour quelques enseignes strasbourgeoises. Les autres chars et déguisements s'éloignent des thèmes carnavalesques traditionnels, préférant le spectaculaire au monstrueux. Ils reprennent donc des thèmes issus du quotidien voire de la culture populaire, des "''motifs que le public associe aux loisirs et aux divertissements''"<ref>Eve Cerf, "Carnaval en Alsace : tradition, évolution, manipulation", ''Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est'', n°7, 1978, p.30</ref>. |
− | Tombant traditionnellement au cours des sept jours gras, à savoir la semaine précédant le Carême, le carnaval est aussi l'occasion de repas de famille copieux et festifs. [[Fichier:Carnaval - repas.png|vignette|gauche|Une table de fête décorée de serpentins et parsemée de bouteilles vides.]]Une partie de ce film amateur est justement | + | Tombant traditionnellement au cours des sept jours gras, à savoir la semaine précédant le Carême, le carnaval est aussi l'occasion de repas de famille copieux et festifs. [[Fichier:Carnaval - repas.png|vignette|gauche|Une table de fête décorée de serpentins et parsemée de bouteilles vides.]]Une partie de ce film amateur est justement consacrée à une soirée familiale. Le film dévoile une table décorée et festive, comptant une vingtaine de couverts, de nombreux plats et bouteilles de vin. Le repas « gras » se traduit ainsi par une certaine opulence des mets et de l'alcool. Peut-être moins par strict respect des coutumes religieuses que par opportunité, le carnaval permet aux familles de se réunir, de dîner ensemble et de faire la fête. Ivres, les gens s'amusent et dansent, de façon presque frénétique pour certains et rappelant à cet égard les traditionnelles danses ubuesques du carnaval. [[Fichier:Carnaval - fête.png|vignette|droite|Après avoir enlevé son pantalon et être monté sur une chaise, un homme, décidément ivre, fait mine d'uriner dans une bassine.]]Cette scène de repas, si elle n'est pas nécessairement représentative de ce que font toutes les familles strasbourgeoises un soir de carnaval, est donc assez judicieusement insérée dans ce film dédié au carnaval. Tandis qu'on reproche au « Carnaval des Marchands » d'être trop bon enfant, cette famille semble finalement faire davantage honneur à l'esprit frondeur et licencieux du carnaval traditionnel. |
− | Ainsi, jugée coûteuse et trop éloignée de son rôle social originel, cette manifestation, qui ressemble davantage à une gentille fête familiale qu' à un véritable carnaval, finit par lasser les Strasbourgeois et disparaît après 1962. | + | Ainsi, jugée coûteuse et trop éloignée de son rôle social originel, cette manifestation, qui ressemble davantage à une gentille fête familiale qu'à un véritable carnaval, finit par lasser les Strasbourgeois et disparaît après 1962. |
|Bibliographie=Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », ''Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est'', n°7, 1978, pp.24-37 | |Bibliographie=Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », ''Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est'', n°7, 1978, pp.24-37 | ||
Version du 6 janvier 2019 à 23:59
Événements filmés ou en lien
Résumé
Contexte et analyse
Se déroulant au cours d'une période allant du milieu de l'hiver au début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Derrière l'anarchie ambiante, le carnaval tient en réalité un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire.
A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »[2] est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale relativement germanophobe.
En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « De Barabli » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organisent une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident retenter l'expérience et de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère.
Lieux ou monuments
Bibliographie
Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, pp.24-37
Eve Cerf, « Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp.40-47
Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris : Fayard, 1983
Freddy Raphaël et Geneviève Herberich-Marx, « Éléments pour une sociologie du rire et du blasphème », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp. 4-10
- Aller ↑ En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
- Aller ↑ Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p. 27
- Aller ↑ Eve Cerf, "Carnaval en Alsace : tradition, évolution, manipulation", Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p.30