Folklore à Wissembourg (0104FH0003)
Résumé
Description
Ce film débute par un plan en plongée d’un enfant maniant un tricycle à traction manuelle et portant un chiot devant ce qui semble être une grange, cette séquence est sûrement intégrée au montage par soucis d’économie de pellicule. On assiste ensuite au défilé durant lequel le cinéaste opère à une distance très proche de l’événement en question, il conserve cependant un plan fixe qui lui permet de capturer chaque groupe de la même manière bien qu’il change de position au bout de deux minutes de film afin de capturer la scène sous un autre angle. Le défilé s’ouvre par la présence de cavaliers de la Renaissance et de paroissiens de Wissembourg affiliés à l’église Saint-Paul comme indiqué sur l’écriteau porté par le jeune garçon, processus qui est répété par la suite pour la plupart des groupes et des chars qui défilent. S’en suivent plusieurs groupes représentant le folklore local où diverses tenues traditionnelles et corps de métiers sont observables. On y retrouve les éleveurs, les agriculteurs ou encore les vignerons. Ces groupes sont accompagnés de fanfares et de chars comme celui représentant la Suisse, signe de la dimension internationale de la culture et du folklore rhénan, une perspective confirmée par le groupe suivant défilant au couleur du Land bavarois. On note même par la suite la présence du Union Jack sur un char puis d’autres à l’effigie de la Norvège, des Pays-Bas, et de la Yougoslavie, témoignages de la volonté de célébrer le folklore de manière internationale. Différentes localités alsaciennes sont représentées, notamment Blaesheim, Truchtersheim, Berstett et Colmar dont les danseurs folkloriques assurent le spectacle, le défilé étant clôturé par le char du pays de Wissembourg. Par la suite, on assiste à la performance de plusieurs groupes de danseurs folkloriques qui sont premièrement filmés en contre-plongée parmi la foule puis en plongée depuis un poste en hauteur qui permet de distinguer le spectacle de manière plus nette.
Contexte et analyse
Cette 93e édition du week-end folklorique, fêté traditionnellement à la Pentecôte depuis 1865 à Wissembourg est l’occasion pour Jean-Georges Fritz de capturer en format 8mm des manifestations de la culture alsacienne, rhénane, française et européenne à travers un défilé et diverses danses. La présence de nombreuses cultures et nations met en exergue la dimension internationale du concept de folklore au lendemain d’un grand événement de la construction européenne, le traité de Rome de 1957.
Fêter le folklore à Wissembourg, plusieurs échelles pour un même concept
Le défilé de la fête du folklore à Wissembourg nous renseigne sur la volonté de penser le folklore à trois échelles différentes. Premièrement, l’échelle locale qui regroupe les villages alsaciens dont les représentants sont présents pour fêter le folklore régional. On retrouve des communes relativement peu peuplées comme Berstett ou Blaesheim mais aussi des localités plus importantes au niveau de la démographie et de la superficie comme Colmar. Dans le cas de Wissembourg, la ville sous-vosgienne exerçait déjà une influence prépondérante au début du XVIIe siècle, c’est-à-dire quand la région faisait encore partie du Saint-Empire romain germanique. C’est dans ce contexte que Wissembourg se développe autour de la viticulture et du commerce du vin. Son accroissement est également dû au manque de concurrence urbaine dans une région de l’Alsace qui reste alors majoritairement rurale et paysanne. On dénote aussi de nombreuses corporations d’artisans et de commerçants qui sont représentés au début du défilé. Par la suite, la Révolution française fait de la ville un chef-lieu d’arrondissement et cette dernière compte 6000 habitants en 1821 tandis que les autres villes frontalières du Nord ne dépassent pas les 4500 âmes. Wissembourg, véritable ‘’ville-frontière’’ comme la qualifie le géographe Michel Rochefort affirme que les périodes de croissances et de déclins de la ville correspondent aux changements de frontières entre France et Allemagne. Ainsi, on dénote un essor considérable au XVIIIe siècle avec l’entrée dans le giron français, puis une décadence de 1820 à 1870, une recrudescence lors du retour sous influence allemande, puis un nouveau déclin après la Première Guerre mondiale. L’intégration de la ville dans une interface rhénane ne fait donc aucun doute, de nos jours cette dernière ne se trouve qu’à trois kilomètres de l’Allemagne. Cette proximité avec l’Allemagne et la Suisse transparaît dans les images de Jean-Georges Fritz où l’on aperçoit tour à tour des chapeaux au couleurs allemandes, des drapeaux bavarois et un char Suisse, signes d’une proximité culturelle. Enfin, on observe une dimension internationale par la diversité des chars qui représentent de nombreux pays des quatre coins de l’Europe. Les chars Anglais, Néerlandais, Norvégiens et Yougoslaves témoignent d’une volonté de célébrer le folklore comme un concept transcendant les frontières dans une Europe qui l’année précédente, posait les bases de la construction européenne avec le traité de Rome instituant la Communauté économique européenne.
Les danses et les costumes alsaciens, expressions de la tradition
La danse folklorique alsacienne est avant tout codifiée par la tenue des participants. Pour les hommes, le pantalon est à la mode sous la révolution puis attesté par l’iconographie du XIXe siècle, il est assez large et se ferme par un pont appelé Latz. Les jours de fête on revêt traditionnellement le pantalon blanc bien que celui-ci tend à disparaître de manière générale à la Belle Epoque au profit d’une coupe plus moderne excepté dans les cantons les plus conservateurs où il est encore porté les jours de fête. Le gilet trouve son origine au XVIe siècle, il est appelé le Brutschi qui est un terme unisexe. C’est un élément de référence du costume alsacien qui au XIXe siècle connaîtra une évolution avec l’incrustation de dessins dans un Brutschi taillé dans du velours pour les grandes occasions. S’ajoutent à cela les redingotes longues appelées Mutze symbolisant l’habit bien ajusté et élancé ‘’à la française’’. Lors des jours de fête, on chausse la Rinckenschüeh, apparue au XVIIIe siècle, ces chaussures sont décolletées sur le dessus et arborent une boucle métallique sur le coup de pied. Enfin, le chapeau traditionnel est le Dreimachster, littéralement trois mâts qui se généralise au XVIIe siècle pour les dimanches et les jours de fête. Le costume féminin est quant à lui composé d’une chemise blanche dont l’encolure est appelée le Nackmäntele, littéralement le ‘’manteau de nuque’’, parfois accompagné du Flor qui est une écharpe de soie. La jupe jouit quant à elle de deux dénominations en fonction de l’appartenance confessionnelle de celle qui la porte. Ainsi, les protestantes portent une Rock tandis que les catholiques arborent une Kutt. L’industrie textile mulhousienne permet au XIXe siècle la démocratisation de la jupe en cotonnade imprimée taillée assez large. Le corselet ou Rockbruscht vient compléter la tenue. Typiquement paysan, il trouve son origine dans la cotte paysanne du XIIIe siècle puis demeure un élément de la tenue de travail bien qu’il soit remplacé par le corset baleiné porté sous la chemise pour les jours de fête à partir du XIXe siècle. Les bas et les chaussures ne sont pas spécifiquement paysans a contrario du corselet, bien que les bas tricotés, les Zwickelstrümpfe, soient à l’origine des réalisations de paysannes. Au XIXe siècle apparaissent les bas industriels grâce à l’industrie mulhousienne et les bottines appelées Bottinle qui arborent souvent un nœud au coup de pied. Enfin, la coiffe portée les jours de fête est appelée le Hüb ou Haube qui se porte nouée sous le menton. La danse folklorique fait quant à elle partie intégrante du patrimoine culturel alsacien. Déjà au XVIIe siècle, elle est décrite par le notable français Lazare de la Salle qui la qualifie ‘’d’étrange bal (…) composé de quinze ou vingt personnes (…) tournant tous ensemble à la ronde (…) avec des contorsions de corps, de têtes, de bras, si déréglés et en faisant un tel charivari de leurs pieds qu’à peine entendait-on les instruments, quoiqu’il y en eût sept qui jouaient comme des désespérés’’. La danse alsacienne est primitivement liée à des rites religieux qui étaient souvent réprimées voir interdits par l’autorité ecclésiastique locale puisque teintée d’une certaine forme de paganisme. On cherche au XVIe siècle à la réguler en imposant des rythmes ternaires, danses autorisées puisque leurs structures évoquent la Trinité. Les danses folkloriques contemporaines conservent cependant bien des aspects de ces danses païennes tels les cris stridents pour éloigner les esprits mauvais ou le fait de tourner dans le sens des aiguilles d’une montre pour respecter l’ordre cosmique. Ainsi, la danse folklorique, loin de constituer un simple amusement est à l’origine extrêmement symbolique et accompagne les rites de fécondités comme le Sewensprung, la danse des sept sauts lors de laquelle les participants se roulent par terre pour invoquer la fertilité ou encore le Schüffelniner, le neuf de pique, où les danseuses frappent neuf fois dans leurs mains symbolisant les neufs mois de gestation. Les influences étrangères sont aussi à noter, ainsi le XIXe siècle permet l’apparition et la popularisation dans la région de danses polonaises comme la polka ou la scottisch qui provient d’Ecosse. La transmission de cette culture de la danse est encore aujourd’hui assurée par bon nombre de groupes folkloriques dont les prestations s’enchaînent lors des fêtes ou pour des besoins touristiques.Bibliographie
LEGIN Philippe, Coutumes et costumes alsaciens, Ingersheim-Colmar, Éd. SAEP, 1993, 125 p.
Article rédigé par
Guillaume Bapst, 05 janvier 2020
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