Centenaire du Club Vosgien (0083FI0005)
Avertissement[1]
Événements filmés ou en lien
Résumé
Description
Carton manuscrit « Centenaire du Club Vosgien. 1872-1972 ». Fanion vert « Rally du Centenaire Club Vosgien du 2 au 4 juin 1972 », médaillon central avec tente et feuille de houx vert. Gros plan sur l’écriteau « Hôtel-Restaurant Château du Haut-Barr. Spécialités d’Alsace. Ouvert toute l’année. Tel : 911761 ». Beaucoup de personnes sur un chemin de terre bordé d’arbres, notamment des randonneurs. Un musicien du Rallye Trompes des Vosges en tenue rouge. Panorama sur la droite. Un groupe en tenue du dimanche. Les personnes se retournent et regardent l’opérateur. Un mur du château du Haut-Barr à l’arrière-plan. Foule de randonneurs et officiels en lisière de forêt. Un chien de chasse coure au premier-plan. Gros plan sur des musiciens en veste rouge, bottes et bombe noire, cors de chasses dorés sous le bras. Plans sur des randonneurs qui discutent. Des personnes en tenue de ville aussi. Plan serré sur le trou creusé pour le sapin. Terrain délimité par une corde autour de laquelle est massé le public. Plan serré sur un homme en costume qui fume. Une dame bien habillée tient le chien de chasse en laisse. Gros plan sur une femme avec lunettes teintées. Un homme « teste » le micro puis joue de l’harmonica. Les officiels derrière la cordelette attendent, texte à la main. Une photographe. Un officiel fait un discours au micro. Deux hommes, dont un gendarme, plantent le sapin du centenaire. Gros plan sur le panneau « Sapin du centenaire 23 avril 1972 Alt. 428 ». Les officiels en rang derrière le sapin. Un stand de nourriture, bâche de couleurs jaune et rouge « Sinalco Saverne fils ». Gros plan sur deux femmes assises dans l’herbe qui fument. Gros plan sur un four sur roue qui fume. Gros plan sur l’écriteau « Maison forestière Schaeferplatz ». Des personnes mangent autour d’une table de pique-nique. Les hommes qui fument d’un côté, les femmes de l’autre. Thermos, café, gâteau. Plan large sur un village en fond de vallée. Des maisons au premier plan, un terrain de camping à l’arrière plan. Zoom in sur les caravanes. Vue sur le terrain de camping. Maison jaune avec drapeau européen et drapeau français. Une allée du camping, on s’installe. Des hommes prenant l’apéritif près de l’entrée d’une tente, bières à la main. Un groupe de dos, les hommes discutent en cercle. Longue table de repas sur le terrain de camping autour de laquelle sont assis les campeurs. Chaises de camping en cercle. Gros plan sur une femme qui sert du vin. Plan sur les hommes en cercle qui discutent. Table de repas.
Contexte et analyse
Succès d’une association fondée il y a 100 ans
Cette séquence tournée par Robert Laemmel, ancien instituteur et grand amoureux des images, témoigne de la réussite et du rayonnement du Club Vosgien (C.V.) dans les années 1970. L’association est fondée en 1872 avec la mission de rendre les Vosges accessibles au tourisme pédestre, pratique de loisir qui connaît un fort succès auprès des élites urbaines à la fin du XIXe siècle grâce à l’extension du réseau ferroviaire. Sa tâche principale consiste à créer, baliser et entretenir des sentiers de randonnée. Elle entreprend également de dégager des points de vue et de construire refuges et chalets pour accueillir les nouveaux visiteurs. L’excursion en montagne devient rapidement, grâce à ce type d’associations, un loisir très apprécié des Alsaciens. Bien qu’elle concerne avant la Seconde Guerre mondiale surtout la bourgeoisie venue de Strasbourg, cette activité dominicale se démocratise lentement avec l’arrivée de la voiture. Grâce à un maillage territorial très dense fondé sur des sections locales, le Club Vosgien touche un grand nombre de personnes dans l’Est de la France. Il comptabilise 17 000 membres en 1972[2]. L'association choisit de célébrer le centenaire de sa fondation en publiant un ouvrage collectif[3] et en organisant tout au long de l’année 1972 différentes manifestations publiques, dont deux nous sont restituées ici.
Saverne, berceau du Club Vosgien
La première manifestation, qui a lieu près du château du Haut-Barr, non loin de Saverne, présente une dimension hautement symbolique pour l’association. C’est en effet à Saverne que Richard Stieve, juge d’origine allemande au tribunal de grande instance de la ville, lance en octobre 1872 un appel pour la création d’une société touristique dans les Vosges sous le nom de Vogesenclub. Un siècle plus tard, la plantation du sapin du centenaire sur le passage du parcours principal Nord-Sud des Vosges, entre le sémaphore Chappe et le Grand Géroldseck, attire beaucoup de monde. Des randonneurs bien sûr – ils sont reconnaissables à leur équipement : sacs à dos, bâtons, chaussures de marche et chaussettes hautes - mais aussi des membres dirigeants du C.V., comme en témoignent les tenues du dimanche. Il s’agit en effet d’une cérémonie officielle au cours de laquelle différentes personnalités de l’association prennent la parole. Un microphone a d’ailleurs été rapporté pour l’occasion. Le choix de planter un arbre est lui aussi chargé de symboles. Le sapin, principal arbre des Vosges, est censé représenter la pérennité du C.V., comme l’écrit Paul Huy dans la revue interne de l’association dans un style quasi religieux : « A peine sorti de germe, te voilà symbole des trois temps de notre éternité : passé, présent, avenir. Car nous t’avons planté au profit d’un autre âge, afin que ceux qui viendront après nous, puissent reconnaître dans ta droiture, la nôtre, et voir dans ta vigueur l’œuvre de tes aînés et savoir ainsi que la forêt qui leur donne asile n’est pas du petit bois, mais invite au respect de la nature et de la création »[4]. Il s’agit par ailleurs d’un moment festif et convivial. Un stand alimentaire venu de Saverne est là pour l’occasion afin de restaurer les randonneurs.
Le camping : loisir de plein air et lieu de convivialité
C’est aussi la convivialité qui est au cœur de la séquence filmée lors du Rallye Camping International à Niederbronn-les-Bains du 2 au 4 juin 1972, manifestation internationale de la Fédération Internationale de Camping et Caravaning. Cette activité de plein air très appréciée des randonneurs a sa propre commission au sein du comité central du Club Vosgien. Le camping est une pratique de loisir née à la fin du XIXe siècle dont l’origine est étroitement liée à celle de la randonnée. C’est en effet en réaction à l’industrialisation et à l’urbanisation croissantes qu’un mouvement excursionniste prônant le retour à la nature se met en place dans les milieux bourgeois urbains, encouragé par le discours hygiéniste qui prescrit le « grand air » pour échapper aux nuisances de la ville. A l’origine pratique pédagogique venue des Etats-Unis qui vise à éduquer les jeunes hommes, le camping se propage en France à travers les mouvements de jeunesse chrétiens tels que le scoutisme, mais aussi à travers le Camping club français créé en 1910. En Alsace, l’influence allemande des associations excursionnistes et naturistes explique le développement précoce de cette pratique dans la région. Après la Seconde Guerre mondiale, surtout grâce à la mise en place des congés payés en 1936, le camping devient une forme de loisir populaire qui connaît une croissance rapide. La pratique se sédentarise largement, notamment grâce à la multiplication des terrains municipaux. Nombre de citadins alsaciens possèdent dans les années 1970 un terrain dans les campings près des Vosges ou bien une caravane, qui font souvent office de résidence secondaire pour les week-ends ou les vacances. Il se développe alors une réelle industrie touristique du camping qui repose notamment sur un matériel technique adapté à la pratique[5]. Ces objets en tout genre sont bien visibles dans la séquence : chaises, tables, toile de tente, ustensiles de cuisine en aluminium. Ils contribuent à ritualiser la pratique en instaurant des moments de convivialité, en famille ou entre amis, autour de leur utilisation : repas autour d’une grande table ou bien apéritif sur les chaises de camping. On y pratique également des loisirs de plein air tels que la pêche comme on le devine vers 00:02:42, le tout dans une ambiance souvent bon enfant.
Un cinéaste amateur en reportage
Dans cette séquence, Hippolyte Laemmel, ancien instituteur de Niederbronn originaire de Berstheim, choisit de suivre les manifestations du centenaire dans sa région. On a ici affaire à un cinéaste amateur qui connaît les codes du cinéma et les techniques de montage. Il commence en effet son film par un carton manuscrit et l’image d’un fanion vert afin de présenter le contexte dans lequel sont tournées les images. L’ordre de ces dernières est très important puisqu’il suit l’ordre d’apparition des événements dans la suite du film. Par ailleurs, l’opérateur prend toujours le soin d’indiquer les lieux en filmant les panonceaux et écriteaux présents sur les sites, tels « Hôtel-Restaurant Château du Haut-Barr […] » ou « Maison forestière Schaeferplatz ». Ce souci constant de documentation des images dénote d’un vrai travail journalistique. Hippolyte Laemmel filme en effet les événements à la manière d’un reporter, choisissant ses plans et angles de vue avec précision. Le plan large sur le village de Niederbronn-les-Bains avec le terrain de camping à l’arrière-plan puis le zoom sur les caravanes sont, par exemple, très caractéristiques des reportages télévisés. Le caméraman suit également les concertations d’un groupe d’hommes en costumes, certainement des membres de la Fédération Internationale de Camping et de représentants du Club Vosgien, sur le terrain de camping. Il construit ainsi, à l’aide des images, un vrai discours journalistique. Ce n’est pas la première fois que ce proche du C.V. procède de la sorte puisqu’il avait déjà « couvert » l’inauguration de la plaque commémorative en l’honneur de Robert Redslob, président du Club Vosgien de 1935 à 1962, au Grand Ballon en 1970.
Le regard d’un adepte de la chasse
Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que l’opérateur focalise son intérêt sur un groupe d’hommes en habit traditionnel de chasseurs à courre, un cor sous le bras, lors de l’inauguration du sapin du centenaire. On observe également à plusieurs reprises un chien de type épagneul, race souvent utilisée pour la chasse, qui court devant la caméra. En grand amateur de chasse, Hippolyte Laemmel filme en effet ce qui capte son attention. Ces hommes vêtus de redingotes rouges, de bombes noires et de bottes en cuir sont en fait des membres du Rallye Trompes des Vosges[6], formation musicale de trompes de chasse créée en 1957 dans le petit village de Fellering dans les Vosges . Le groupe avait déjà assuré l’ouverture musicale de la cérémonie en hommage à Robert Redslob au Grand Ballon deux ans plus tôt. Bien que ces musiciens ne revendiquent aucune affiliation au milieu de la chasse et qu’aucun chasseur ne soit visible dans le film, il est intéressant d’interroger les liens qu’entretient l’association de randonnée avec le monde de la chasse, particulièrement celui de la chasse à courre représentée ici symboliquement par le Rallye Trompe des Vosges. Aussi appelé vénerie, ce divertissement mondain est pratiqué depuis le XVe siècle par la noblesse française, puis reprise par la bourgeoisie. L’animal chassé est poursuivi par une meute de chiens jusqu’à épuisement. Contrairement à son pendant armé qui est assez populaire dans la seconde partie du XXe siècle, la chasse à courre ne concerne qu’une élite de propriétaires terriens, souvent très conservatrice et traditionnelle. Si le Club Vosgien s’adresse bien sûr à un public beaucoup plus large dans les années 1970, il n’en reste pas moins qu’il rassemble plutôt la petite bourgeoisie et les classes moyennes que les milieux vraiment populaires. La présence de ce groupe de musiciens le prouve bien.Lieux ou monuments
Bibliographie
CORBIN Alain, « Les vacances et la nature revisitée (1830-1939) », dans : CORBIN Alain (dir.), L'avènement des loisirs : 1850-1960, Paris, Flammarion, 2009
RICHEZ Jean-Claude, « Les Vosges comme espace de loisir au XIXe siècle », dans : RAUCH André (dir.), Sports et loisirs en Alsace au 20ème siècle, Revue EPS ; Strasbourg : Centre de recherches européennes en éducation corporelle, 1994, p.91-102
RICHEZ Jean-Claude, STRAUSS Léon, « Promenades et excursions dominicales des ouvriers alsaciens avant la Seconde Guerre mondiale », dans : RAUCH André (dir.), Sports et loisirs en Alsace au 20ème siècle, Revue EPS ; Strasbourg : Centre de recherches européennes en éducation corporelle, 1994, p.79-89
RICHEZ Jean-Claude, STRAUSS Léon, « Tradition et renouvellement des pratiques de loisirs en milieu ouvrier dans l’Alsace des années 1930 », Revue d’Alsace, n°113, 1987, Strasbourg, p.217-237
HUCK Joseph Louis (dir.), Les Vosges et le Club Vosgien : autour d’un centenaire, 1872-1972, Strasbourg, Club Vosgien, 1972
« Les manifestations du Centenaire », Les Vosges, revue de tourisme éditée trimestriellement par le Club Vosgien, n°3, 1972, p.22-24
LEYMONERIE Claire, RENAUX Thierry, « Les objets du campeur. De l'explorateur au nomade des loisirs », Cahiers d'histoire de l'aluminium, 2012/1 (N° 48), p. 4a-37a. Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-histoire-de-l-aluminium-2012-1-page-4a.htm [consulté le 05/03/2019]
Article rédigé par
Amélie Kratz, 07 mars 2019
- ↑ Cette fiche est considérée comme achevée par son auteur, mais elle n'a pas encore été validée par une autorité scientifique.
- ↑ « Les manifestations du Centenaire », Les Vosges, revue de tourisme éditée trimestriellement par le Club Vosgien, n°3, 1972, p.22
- ↑ HUCK Joseph Louis (dir.), Les Vosges et le Club Vosgien : autour d’un centenaire, 1872-1972, Strasbourg, Club Vosgien, 1972
- ↑ HUY Paul, « Adresse à l’arbre du Centenaire du Club Vosgien », Les Vosges, n°3, 1972, p.11
- ↑ SIROST Olivier, « Les débuts du camping en France : du vieux campeur au village de toile », Ethnologie française, 2001/4 (Vol. 31), p. 607-620.Disponible sur : https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2001-4-page-607.htm [consulté le 05/03/2019]
- ↑ Voir site internet de la formation musicale actuelle: http://www.rallyetrompesdesvosges.com/.