Verdun (0021FN0002)

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Résumé


La famille Breesé visite le complexe mémoriel de Douaumont, monument national de la bataille de Verdun.

Description


Plans de la stèle André Maginot. Pano ossuaire de Douaumont. Monument à la Victoire depuis la rue. Façade d'un bâtiment.

Métadonnées

N° support :  0021FN0002
Date :  1939
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:00:31
Cinéastes :  Breesé, Emile
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Première Guerre mondiale, Seconde Guerre mondiale : avant-guerre, Sites patrimoniaux et touristiques
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


1939. La guerre se rapproche et l’Alsace est sur le pied de guerre. Quatre ans auparavant, alors que le gouvernement Laval laissait la Sarre proche voter le rattachement à l’Allemagne de Hitler, celui-ci commandait un plan de réarmement à Goering. À Pâques 1936, il a fait remilitariser la Rhénanie, avant de procéder en 1938 à l’Anschluss de l’Autriche et de faire plier les puissances occidentales à Munich au sujet des Sudètes. Du côté français du Rhin, le ministre André Maginot a fait ériger en 1931-1932 une double ligne de défense bétonnée qui matérialise la stratégie défensive des gouvernements. Or nul en Alsace n’a oublié 14-18, l’éphémère reconquête de Mulhouse, les combats acharnés sur les crêtes des Vosges (Linge, Hartmannswillerkopf, Zillisheim), la révolution du 9 novembre 1918 et la soudaine entrée des troupes françaises en Alsace. L’unique séquence de paix tournée par Émile Breesé en 1939 filme une excursion touristique dans la Meuse – avant sa « drôle de guerre » du côté de Morhange.

Verdun, symbole équivoque de la victoire

Imaginée par le général allemand Falkenhayn, l’offensive devait surprendre les alliés franco-britanniques[1]. Le 21 février, quatre mois avant la bataille de la Somme, ce sont les troupes du Kaiser qui s’attaquent à un point saillant du front mal desservi par le chemin de fer. Il s’en faut de peu que le plan réussisse : les forts de Vaux et Douaumont tombent après des bombardements intensifs. Mais quand l’ennemi doit acheminer des renforts dans la Somme, c’est aux Français, sans alliés sur ce front, de prendre l’initiative. Le 12 décembre, la ligne de front est rétablie sur son tracé initial, la cote 304 et le Mort-Homme exceptés. Victoire ? 73 divisions se sont succédées grâce à la Voie sacrée, 163 000 Français ont péri (et 207 000 Allemands) dans cet enfer mécanique et archaïque (rats, combats à l’arme blanche). Surtout, c’est une bataille que l’état-major ne voulait pas perdre, comme en témoigne la décision de défendre la rive droite de la Meuse. Cette détermination et la violence de l’offensive allemande ont fait de cette bataille semblable à tant d’autres un enjeu crucial dont se sont emparés politiques et journalistes. Verdun a fait frémir au jour le jour une opinion chauffée à blanc. La ville reçoit la légion d’honneur le 13 septembre 1916, puis l’ossuaire de Douaumont prend le relais. En 1936, une cérémonie très forte unit les anciens combattants des deux camps dans une dénonciation pacifiste de la bataille. Les Breesé n’ignorent sans doute rien du symbole qu’ils viennent visiter.

Un tourisme pacifiste

Le tourisme de guerre est né pendant le conflit même. Les zones de front ont vu certains civils passer quelques jours : autorisés comme les correspondants de guerre, tolérés comme quelques privilégiés venus chercher les sépultures de leurs proches, infiltrés dans le cas des femmes venues voir leurs maris. Dès la fin du conflit, les Français ont voulu voir de leurs yeux cet espace fantasmé, toucher du doigt l’horreur que ne pouvaient relater les combattants, se recueillir sur les tombes des disparus. La firme Michelin édite dès 1920 une série de guides touristiques des champs de bataille, où les monuments locaux ne sont mentionnés que comme repères : le but des visites n’est alors pas culturel, mais mémoriel.

Avec le classement comme monument national d’un certain nombre de sites, entamé en 1920 à Zillisheim, le gouvernement a initié une politique de célébration de la victoire et de souvenir des victimes qui s’est décliné dans toutes les communes françaises avec les monuments aux morts[2]. Des circuits ont été balisés autour des principaux et des nécropoles abritant les dépouilles des soldats de toutes les armées, chacun avec son type de croix. L’idée d’établir un ossuaire à Douamont, lancée dès 1918 par l’évêque de Verdun, est réalisée en 1932 ; le monument contient les restes de 130 000 soldats inconnus des deux armées, tandis que la nécropole nationale inaugurée en 1929 comprend 16 142 croix honorant des soldats français. Les architectes Léon Azéma, Max Edrei et Jacques Hardy ont imaginé un ensemble s’inspirant de l’esthétique romane, et dressé une tour culminant à 46 mètres où les Breesé ne semblent pas être montés – le panorama sur le champ de bataille n’a pas été fixé sur pellicule. Le monument à André Maginot, engagé de la Grande Guerre, blessé le 9 novembre 1914 et deux fois ministre de la guerre (1922 et 1929), a été érigé à Fleury-sous-Douaumont en 1935, trois ans après son décès. Le souvenir de la guerre d’avant imprègne le sentiment aigu d’une guerre imminente.


Article rédigé par

ALEXANDRE SUMPF, 23 novembre 2018


  1. Antoine Prost, « Verdun », in Pierre Nora (dir.) Les Lieux de mémoire, Tome II « La Nation », vol. 3, Paris, Gallimard, 1986, p. 110-141.
  2. Annette Becker, Les Monuments aux morts : mémoire de la Grande Guerre, Paris, Errance, 1991.