Carnaval de Strasbourg (0020FH0012)
Avertissement[1]
Événements filmés ou en lien
Résumé
Description
[00:03] Insert de l'affiche du Carnaval de Strasbourg. L'affiche très colorée indique la tenue de "grands bals travestis" du samedi 27 février au mardi 1er mars 1960.
Les séquences qui suivent sont toutes tournées sur un mode similaire, alliant des plans fixes et des plans panoramiques. Postée sur un trottoir, en face de la Banque Fédérative Rurale située au numéro 25 de la Rue du Vieux-Marché-aux-Vins, et surplombant une foule très dense, la caméra fixe les chars qui défilent.
[00:10] Un premier char surmonté d'un couple de géants en papier mâché est suivi de près par quatre personnes déguisées en verres de bière sur lesquels on distingue "pêcheur" ; il s'agit du char promotionnel de la Brasserie du Pêcheur, ou Brasserie Fischer, une brasserie alsacienne fondée en 1821 et installée à Schiltigheim. Depuis le char, quelques personnes lancent ce qui semble être des prospectus dans la foule. D'autres personnes déguisées accompagnent le cortège en dansant et jetant des confettis sur les spectateurs.
[00:23] Un second char aux couleurs de la Brasserie Fischer et surmonté du logo, le Fischermannele, défile. Il transporte une fanfare et trois femmes portant le costume traditionnel des Alsaciennes, tandis que trois autres personnes, également déguisées en pintes de bière, lui succèdent.
[00:32] Un char en forme de bateau pirate avec une ancre dessinée sur la coque - certainement le char de la Brasserie de l'Espérance fondée en 1746 à Schiltigheim et dont la bière traditionnelle est l'Ancre. Un homme situé en poupe du bateau lance des papiers dans la foule.
[00:42] Large plan panoramique sur la foule, dense et couverte de confettis. Elle est très hétérogène et compte aussi bien des adultes que des enfants, des femmes que des hommes. Tous portent des vêtements d'hiver, il fait sans doute froid. Des sourires se dessinent sur les lèvres. Certains sont perchés sur des rebords de fenêtres afin de mieux apercevoir le défilé.
[00:54] Un char décoré d'une grosse tête en papier mâché, celle d'homme replet au sourire grinçant ; en fonds, un paysage lunaire et une fusée. Dessus, deux hommes saluent la foule.
[01:04] Un char représentant une femme blonde tenant une énorme pièce à la main ; derrière, une balance telle qu'il en existe dans les marchés. Le char est suivi de sept personnes déguisées en ce qui semble être des quilles colorées et numérotées.
[01:21] Un char en forme de paon orné d'une tête d'homme énorme et d'une silhouette de femme.
[01:25] Un char en forme de canard lequel a le bec fermé par un cadenas. L'allégorie du canard fait écho a la deuxième partie du char : un journal illustré - certainement de la presse à scandale - tenu par un vieil homme aux yeux exorbités.
[01:43] Un char décoré de deux danseuses de cabaret, d'un homme portant le béret et la marinière - symbolisant la France - et de deux autres portant des hauts-de-forme, l'un aux couleurs du Royaume-Uni et l'autre à celles des Etats-Unis. Tous se tiennent la main et semblent danser ensemble.
[01:59] Un char représentant une tour Eiffel surmontée de la tête et des bras du Général De Gaulle.
[02:07] Plusieurs personnes à pied portant des masques de papier mâché ; des musiciens prennent aussi part au cortège.
[02:17] Un char décoré de trois têtes de monstres semblables à des escargots dentus ; le char est pourvu d'un mécanisme faisant tournoyer deux astronautes, l'un aux couleurs des Etats-Unis, l'autre portant l'étoile rouge communiste, autour d'une sphère, elle-même posée sur un croissant de Lune, laquelle sur trouve sur la tête d'un homme.
[02:39] Quatre personnes déguisées en chef cuisinier portant des mets dans leurs bras.
[02:46] Un char représentant un personnage portant à la fois le chapeau du bouffon et la couronne du roi sur une chaise à porteur laquelle est portée par trois valets à la mine triste.
[02:59] Un char en forme de carrosse sur lequel prennent place une fanfare et trois jeunes femmes vêtues de robes longues. A l'arrière du char, un personnage en papier mâché avec un nez rouge et disproportionné.
Contexte et analyse
Le carnaval, une tradition séculaire
Se déroulant au cours d'une période comprise entre le milieu de l'hiver et le début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Au-delà de l'anarchie ambiante, le carnaval tient un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire.
Le carnaval de Strasbourg
A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »[2] est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale relativement germanophobe.
En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « De Barabli » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organisent une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Toutefois ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.
Le « Carnaval des Marchands » - Eve Cerf
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de retenter l'expérience et de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'une opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. Le carnaval est ainsi financé par les commerçant eux-mêmes, en attestent les nombreux chars « sponsorisés », arborant le nom d'enseignes et d'entreprises strasbourgeoises. Il s'agit dans ce film du carnaval du dimanche 28 février 1960. L'insert de l'affiche au début du film permet de dater avec précision l'événement. D'ailleurs, si le carnaval a lieu le dimanche seulement, ce sont en réalité quatre jours successifs de festivité, du samedi 27 février au mardi 1er mars, qui sont proposés aux Strasbourgeois et autres touristes. Les images témoignent aussi de l'attrait de la fête urbaine : les chars peinent à avancer à travers la foule, très dense. On note aussi le caractère tout public de cette manifestation, les spectateurs étant, de façon surprenante, surtout des adultes davantage que des enfants.
Un carnaval discipliné
Lieux ou monuments
Bibliographie
Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, pp.24-37
Eve Cerf, « Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp.40-47
Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris : Fayard, 1983
Freddy Raphaël et Geneviève Herberich-Marx, « Éléments pour une sociologie du rire et du blasphème », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp. 4-10
Article rédigé par
Valentine Vis, 02 janvier 2019
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- ↑ Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p.27
- ↑ Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p.30