Cour de récréation (0024FS0002)
Résumé
Contexte et analyse
Ce petit court-métrage met en scène des enfants dans une cour de récréation à Colmar dans les années 1950 et s'il laisse transparaître une certaine simplicité quant à son sujet, la qualité du travail fourni par le cinéaste n'en reste pas moins remarquable. La technique mise en œuvre dans ce film par le cinéaste révèle des connaissances très pointues du langage cinématographique. La construction des plans et la propreté des images conjuguées à une parfaite maîtrise du montage donnent une valeur plus semi-professionnelle qu’amateur à cette production.
La cour de récréation, place de jeu
Le film débute sur la succession d’un panorama parfaitement exécuté – on ne perçoit aucun tremblement de la part du cinéaste – d’un ciel radieux et d’empreintes animales laissées dans une neige fondante sous la chaleur du soleil. Ces deux plans, muets, annoncent très clairement au spectateur le retour des beaux jours, situant temporellement la suite du film. On peut y voir des enfants profiter du réconfort de ce soleil printanier pour jouer dehors avec une petite ferme miniature auprès d’arbrisseaux en fleurs. S’en suivent alors des scènes de jeux ludiques, montrant ainsi que dans cette école à Colmar – dont nous ignorons le nom – les enfants jouent et ont à leur disposition tout le matériel pour vivre une enfance à la fois heureuse et enrichissante. Des cerceaux de bois sont distribués aux enfants provoquant une explosion de joie auprès des écoliers qui s’empressent de les faire rouler dans la cour, avant de passer à un jeu de balle qui semble les amuser tout autant. Cet enthousiasme n’empêchent cependant pas les enfants de faire preuve de respect les uns envers les autres, démontrant une parfaite entente entre tous. Par ailleurs cette retenue constante présente chez les enfants, tout comme la mise en avant de leur épanouissement peut amener le spectateur à se questionner sur les intentions de ce film : ces images se concentrent sur la place du ludique dans une éducation pédagogique et bienveillante, n’étant pas incompatible avec une bonne éducation.
Il y a cependant une chose très importante à noter : la mixité. Il semblerait – au moins dans la cour de récréation – que cette école colmarienne propose ses enseignements aussi bien aux filles qu'aux garçons. Tous ensemble dans la cour, ils semblent profiter de l’espace leur étant dédié en parfaite harmonie. Deux causes peuvent expliquer cette mixité : la gémination scolaire, c'est-à-dire un nombre insuffisant d’écolier en zone rurale pour former deux écoles, mais cette théorie semble tout de même peu probable pour la région de Colmar. Il peut aussi s’agir du reflet de la mentalité de cette école que l’on devine déjà très portée sur la pédagogie et les activités manuelles, comme en témoigne le film.
Pédagogie et activités manuelles : la cour de récréation comme lieu d’apprentissage
La deuxième partie du court-métrage se concentre sur des activités peu conventionnelles pour une cour de récréation classique. D’ailleurs s’agit-il encore de l’heure de la récréation ou d’une heure de classe ?
Face à ce film, on devine aussi l’intention derrière l’histoire raconté par ces images. Dans cette école, les enfants ne sont pas assis sur une chaise à l’intérieur et ils apprennent à vivre au rythme des saisons. C’est le printemps, un nouveau cycle commence : on récolte le bois mort de l’hiver passé pour le prochain, on plante des fleurs qu’on arrose, on s’active et on participe et on vit au plus près de la nature. Dans cette école, on ne fait pas que des calculs et de la dicté, on apprend aussi les gestes de la vie rurale et traditionnelle. On n’apprend pas sur les bancs de l’école, on participe et on mime les activités de la vie quotidienne des adultes.
Les élèves ont ici une place qu’on valorise, on comprend leur force qu’on appréhende avec patience par une méthode d’apprentissage plus douce et intuitive et ces enfants s’en sortent tout aussi bien : ils sont disciplinés, participent et ne flânent pas. Aussi bien les filles que les garçons s’adonnent à des activités manuelles, et ce encore une fois en mixité même si on peut remarquer un certain partage des tâches : quatre garçons chargent une charrette de bois, une activité peur-être traditionnellement plus masculine, qu'ils ramènent à l’aide de deux adultes auprès d’une maisonnette pour décharger le bois et le ranger. Puis lorsque les garçons et filles s’organisent pour réaliser un parterre de fleurs, chacun déplaçant des pierres pour former un cercle, ce sont les filles qui s’occupent d’arroser les graines fraichement plantées.
Dans la séquence suivante, les enfants forment une chaine pour ranger dans la même maisonnette des branches, faisant preuve encore une fois d’organisation et de rigueur, signant une bonne éducation que le cinéaste a sans aucun doute cherché à mettre en valeur. De manière plus générale, l’entraide est aussi mise en avant, comme par exemple lorsque ce garçon en difficulté en tirant la charrette de branchage est rejoint par son camarade.
La mise en œuvre de ce film a certainement nécessité un temps important ainsi qu’une bonne participation des enfants laissant planer le doute quant à la réelle organisation de cette école qui semble peu ordinaire pour son temps. Ces scènes sont-elles entièrement mises en scènes ou reflétèrent-elles la réalité d’une pédagogie différente ?
Si des plans apparaissent clairement comme mis en scène, comme par exemple dans cette dernière séquence où des fillettes marchent dans les hautes herbes, cueillant un bouquet avant d’être rejointe par leurs camarades, la réalité du quotidien de cette école n’en ai pas pour le moins certainement dépeinte. Les aspects éclairés par la mise en scène semblent vouloir répondre aux critiques d’une éducation peu conventionnelle, contrastant avec les attentes reposant sur les écoliers des années 1950 en Alsace.Bibliographie
ILLICH (Ivan), Une société sans école, Seuil, Paris, 1971.
MURACCIOLE (Jean-François), Les Enfants de la défaite. La Résistance, l’éducation et la culture, Presses de Sciences Po, Paris, 1998.
Article rédigé par
Clara Picarles, 03 janvier 2020
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