Communion à Cronenbourg (0021FN0006)

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Résumé


Le film nous montre une cérémonie de communion catholique dans le quartier de Cronenbourg, à Strasbourg en 1942. Le réalisateur filme les évènements mais également sa famille qui est présente avec lui.

Description


Le film commence par un plan d’ensemble sur un attroupement de personnes. D’abords de jeunes garçons (adolescents) habillés cérémoniellement pour la communion. La caméra se déplace doucement vers la gauche pour nous montrer le nombre de participants. On peut ainsi observer les tenues des communiants qui se composent d’un costume noir, d’une chemise blanche, d’une fleur blanche accrochée à la poitrine, et un brassard blanc accroché au bras droit ; ils tiennent également un cierge. Derrière les rangs masculins, nous pouvons apercevoir les rangs féminins. Les jeunes femmes sont habillées également pour la circonstance avec des robes blanches avec un voile, signe de la vocation religieuse de l’évènement. On notera que les femmes sont moins nombreuses que les hommes ; à noter aussi que certaines semblent tout juste arriver dans la file ce qui laisse supposer que le rassemblement n’est pas encore fini. Le point de vue subjectif du plan ne permet pas de distinguer les visages, d’autant que le contraste lumineux au centre avec les bords du cadre plus sombres ne permet pas d’établir une description précise. Ensuite un autre plan d’ensemble sur la rue où se place les participants de la cérémonie. On aperçoit des hommes en costume noir, mais aussi des enfants plus jeunes en habits de servants de messe, et un garde suisse qui tient dans sa main droite un bâton servant à donner le rythme de marche et dans sa main gauche une hallebarde. Dans le même plan on remarque une femme tenant une ombrelle et observant la scène sur le côté gauche du cadre. A la toute fin du plan, les personnes commencent à se mettre en ordre de marche. Après une coupe, on a un plan d’ensemble presque identique au précédent qui suit la file de personnes en train d’avancer sous la direction du garde suisse. Le rythme de la marche est, bien évidemment, lent car il s’agit d’une cérémonie religieuse. La marche est calme, silencieuse, les enfants et adultes suivent doucement le rythme. On remarque que les adultes ont tous une bible entre les mains. Les adultes forment huit rangs de profondeur, et derrière on aperçoit sans doute le prêtre en habit de cérémonie, et on distingue derrière d’autres enfants pareillement habillés, avec peut-être les adolescents en costume noir derrière. Une nouvelle coupe introduit un plan moyen sur le début du cortège, avec le garde suisse, suivit de près par deux enfants tenants chacun un objet : le garçon situé à droite de l’image tient un crucifix et celui situé à gauche un cierge. Le plan suivant est également un plan moyen, qui se concentre sur le groupe des garçons en train d’avancer ; le plan qui suit reste dans le même ordre mais se concentre plus sur le début de cette partie du cortège. Dans le plan qui va suivre la caméra est toujours au même endroit, en témoigne l’arrière-plan où l’on peut distinguer une maison et un arbre qui sont visibles dans les deux plans précédemment évoqués. La seule différence réside dans le cortège qui introduit maintenant les jeunes filles dans leurs robes blanches. Le cortège des femmes passe, on remarque qu’elles sont moins nombreuses que les garçons. A la fin du plan, on peut apercevoir deux enfants servants de messe et les prêtres catholiques qui semblent fermés le cortège. On a ensuite un changement de cadre, ce qui montre que le cinéaste s’est déplacé. Il s’agit d’un angle en contre plongée (vue d’en dessous) sur deux enfants, probablement deux frères et sans doute les fils du cinéaste, le plus grand en costume noir avec une fleur blanche au col et un brassard blanc au bras gauche et le plus jeune est habillé simplement ; il est possible que l’un d’eux effectue sa communion. On peut apercevoir de façon très brève une femme (peut-être leur mère ou un membre de la famille) sur le côté gauche de l’image. Le plan se termine sur un gros plan du plus petit garçon. Le plan d’ensemble qui suit est en angle de vue plongé (vue de dessus) ; l’objectif se déplace de droite à gauche puis de gauche à droite ; de cette manière on distingue la rue, une femme qui n’est pas la même que celle aperçue précédemment, et de nouveaux les deux enfants avec le petit qui sautille, signe de sa joie. On a ensuite un plan moyen sur deux femmes, dont une en robe blanche de cérémonie, accompagné d’une femme qui semble plus âgée. L’objectif le suit jusqu’à qu’elles atteignent le bord du cadre. Le dernier plan est centré sur la plus jeune femme qui semble attendre que le cinéaste lui donne le signal pour avancer et qui donc s’avance jusqu’au bord du cadre.

Métadonnées

N° support :  0021FN0006
Date :  Entre 1942 et 1943
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:01:19
Cinéastes :  Breesé, Emile
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Fêtes et évènements religieux
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


En 1940 l’Alsace est rattaché au Reich nazi à la suite de la signature de l’armistice du 22 Juin à Rethondes. Le quotidien des habitants est immédiatement affecté : purge des ennemis du régime (communistes, pro-français, juifs…), contrôle totale sur l’éducation, mesures administratives anti-religion et à partir de 1942 l’enrôlement des jeunes alsaciens au sein de la Wehrmacht et de la SS. Malgré cette situation de terreur et d’incertitude, la vie alsacienne suit son cours normalement, ou du moins en apparence. Le film de Breesé Emile nous offre la possibilité d’imaginer une partie de la vie religieuse de l’époque à travers une suite de séquences montrant une cérémonie de communion.

Une vie religieuse affectée mais vivante :

La manière de filmer du cinéaste nous permet d'apprécier un peu plus l'aspect cérémoniel de l'évènement.

En tant que nouveau territoire de l’Allemagne hitlérienne, l’Alsace doit faire face à une violente politique anti-religieuse. Le national-socialisme se situe, en raison de son idéologie à l’opposé complet de la doctrine chrétienne, notamment en prônant le culte de la force et de la personnalité. Le régime concordataire est aboli de même que le statut scolaire de l’enseignement religieux. De plus l’administration diocésaine manque de membres pour exercer les fonctions ecclésiastiques. L’évêque Ruch n’est pas autorisé à revenir en Alsace, et en 1942 un total de 135 prêtres se trouvent hors du diocèse sur les 1250 qu’il compte avant la guerre[1] ; à cela s’ajoute les quelques 120 prêtres internés par les nazis dans des prisons ou des camps. La vie religieuse des habitants est donc très affectée mais pas éteinte. Le film présenté nous donne la preuve que cette vie se poursuit pendant l’annexion. Les costumes traditionnels que l’on distingue dans le film, à savoir un costume noir pour les communiants avec cierges, fleurs blanches à la poitrine et brassards blancs, et une longue robe blanche avec un voile et un bouquet de fleurs blanches pour les communiantes, montrent la continuité des cérémonies de communion. On distingue également sur les visages du film l’intérêt des participants et surtout des plus jeunes. Comme le film se déroule en 1942, on peut supposer que les jeunes effectuant leur communion ont de bons souvenirs de la période de l’entre-deux guerres et du passé français de leur terre ; au passage, on remarque que sans la date du film il est quasi impossible de savoir que cela se déroule pendant la guerre car aucun symbole de l’annexion n’est présent. Le cinéaste semble avoir soigneusement choisi ses plans de cadrage pour immortaliser l’essentiel du film : la communion, la culture chrétienne de l’Alsace et le moment en famille. En effet, des éléments du films laissent supposer que cet évènement a une importance particulière pour le réalisateur. Dans le dernier quart du film, les deux garçons qui apparaissent devant la caméra sont sans nul doute les fils du cinéaste. Le plus grand des deux doit sans doute être Gilbert Breesé, né en 1927 et ayant donc 15 ans lors de l'évènement. On peut supposer qu'il effectue sa communion[2] au moment où les images sont tournées. Un point qui illustre la nature même des films amateurs, qui sont très souvent réalisés dans le cadre familial[3]. Il s’agit également d’un témoignage de la vie religieuse alsacienne sous la botte nazie, qui affiche un semblant de normalité dans un contexte difficile et inquiétant.

Un socle pour la jeunesse :

L'apparition des deux probables fils du cinéaste, avec à droite de l'image Gilbert Breesé le fils ainé et lui aussi futur cinéaste amateur, illustre la dimension familiale de l'évènement.

Pour beaucoup de jeunes gens de cette époque, la vie religieuse est un moyen de ne pas perdre pied. Un moyen d’échapper à la politisation brutale du régime, qui s’illustre à la fois dans la vie de tous les jours et à l’école. Il faut rappeler que dès le 16 Juin 1940, le Reich prononce la dissolution de tous les mouvements de jeunesse en Alsace, puis de toutes les associations sportives (religieuses et laïques). A leur place, le régime hitlérien instaure la Hitlerjugend (la jeunesse hitlérienne) pour inculquer le culte de la force chez les jeunes garçons, et la Bund Deutscher Mädel (la ligue des jeunes femmes allemandes) pour faire des jeunes filles de futures bonnes épouses, et ce dès l’âge de 10 ans. Le but étant bien évidemment de soustraire la jeunesse alsacienne au dogme catholique pour les élever dans l’idéologie national-socialiste[4]. Dans ce contexte oppressant, l’exercice de la religion et sa pratique par les jeunes générations est d’autant plus symbolique. Le fait que les jeunes, garçons et filles, présent dans ce film effectuent leur communion montrent un attachement de leur part, et de leurs familles à la continuité de la vie religieuse ; la dernière partie du film, centrée sur la jeune communiante en robe blanche avec le voile, illustre la volonté du cinéaste de mettre en évidence l’aspect traditionnelle, familiale et aussi émotionnel de l’évènement. Cette continuité semble d’autant plus importante pour les familles, à mesure que la guerre avance et que les effets se font ressentir à l’arrière ; par exemple le manque de matières premières et de nourriture, les arrestations, déportations, et enrôlements de force.

Le fait de voir cette tradition, cette vie religieuse, perdurer offre aux jeunes générations et aussi aux adultes une aide spirituelle non négligeable pour supporter un quotidien difficile ; l’aide spirituelle de la religion occupe une place importante dans le redressement psychologique des alsaciens après le conflit.

Lieux ou monuments


Cronenbourg

Bibliographie


DREYFUS, François-Georges ; EPP René ; LIENHARD Marc ; RAPHAEL Freddy ; « Catholiques, protestants et juifs en Alsace » ; Strasbourg ; Alsatia ; 1992.

EPP, René ; « L’église d’alsace sous l’oppression nazie » ; Pomezia ; Editions du Digne ; 2000.

GOZILLON-FRONSACQ, Odile ; « Les petits écrans d’Alsace » ; Les Saisons d’Alsace, n°68 ; Strasbourg ; Editions DNA ; Mai 2016.

REUMAUX, Bernard ; WAHL, Alfred ;« Alsace la grande encyclopédie des années de guerre (1939-1945). » ; Strasbourg ; « Saisons d’Alsace », éditions La Nuée bleue ; 2009.


Article rédigé par

Florian Weber, 04 novembre 2019


  1. EPP, René ; « L’église d’Alsace sous l’occupation nazie, (1940-1945) » ; Editions du Signe ; 2000 ; page 39.
  2. La seconde communion, aussi appelée communion solennelle, conscerne les jeunes entre 12 et 14 ans. Il est donc possible que Gilbert effectue plutôt sa confirmation.
  3. GOZILLON-FRONSACQ, Odile ; « Les petits écrans d’Alsace » ; Les Saisons d’Alsace, n°68 ; Strasbourg ; Editions DNA ; Mai 2016 ; page 105.
  4. DREYFUS, François-Georges ; EPP René ; LIENHARD Marc ; RAPHAEL Freddy ; « Catholiques, protestants et juifs en Alsace » ; Strasbourg ; Alsatia ; 1992 ; page 93.