Tour de France à Saint-Louis ou Huningue(0127FS0017)
Événements filmés ou en lien
Résumé
Description
Plan 1 : Passage de 8 cyclistes acclamés par la foule
Plan 2 : Plan opposé au précédent (vers la droite). Panorama vers la droite. La foule est au centre de l’image. On constate que les spectateurs sont bien habillés.
Plan 3 : Passage d’un camion publicitaire « encre Waterman ».
Plan 4 : Passage d’un camion publicitaire OCB. La caméra suit le mouvement du camion.
Plan 5 : Passage d’un deuxième camion OCB. La caméra suit également le mouvement du camion. Un policier patrouille le long de la route.
Plan 6 : Une femme en tenue traditionnelle alsacienne marche sur la route.
Plan 7 : Passage d’un camion publicitaire pour l’insecticide « Timon ». Un homme est assis sur le capot du camion et divertit la foule.
Plan 8 : Passage d’un camion publicitaire qui semble être pour un club de randonnée. On constate qu’une femme en tenue traditionnelle alsacienne est assise à l’avant.
Plan 9 : On constate la présence de multiples policiers (4 sont visibles et on en devine un 5ème hors champs). Passage d’un camion publicitaire.
Plan 10 : Passage d’un camion publicitaire pour le magazine l’Équipe.
Plan 11 : Passage d’une voiture du magazine l’Équipe.
Plan 12 : Passage d’un camion publicitaire pour des soins cosmétiques les « Férets frères ». La publicité propose de la mousse à raser ainsi que de la cire pour les cheveux aux hommes et des bandes épilatoires « taky » aux femmes. La publicité propose ainsi à ces dernières de se « takiser ».
Plan 13 : Passage de deux camions publicitaires identiques roulant côte à côte, faisant de la publicité pour « Royal Bubble-Gum »
Plan 14 : Passage de deux cyclistes. La caméra fait un panorama de droite afin de suivre le mouvement.
Plan 15 : Passage d’un cycliste.
Plan 16 : Passage d’un cycliste et d’une voiture décapotable, transportant probablement une équipe de caméra.
Plan 17 : Passade de deux cyclistes à contre-sens de la course portant des fleurs.
Plan 18 : Passage d’un cycliste seul.
Plan 19 : Passage de deux cyclistes
Plan 20 : Passage de 18 cyclistes.
Plan 21 : Le cinéaste continue de filmer le passage des cyclistes. Un cyclomoteur suit les cycliste (peut-être une équipe de journalistes ou de commentateurs ?)
Plan 22 : La caméra filme la route de face en étant légèrement sur la chaussée de gauche. Deux cyclistes arrivent.
Plan 23 : Départ de deux cyclistes. La caméra les films de dos. Cela semble être la ligne « d’arrivée ».
Plan 24 : Arrivée de deux cyclistes sous applaudissements.
Plan 25 : Le cinéaste film le camion des « Frères Férets » qui est maintenant garé au milieu de la foule. Deux hommes sur le toit semblent donner un petit spectacle. L’un joue de l’accordéon tandis que l’autre chante dans un micro.
Plan 26 : Idem.
Plan 27 : Panorama de gauche à droite sur la foule. Les gens semblent très bien habillés et la foule est nombreuse. On distingue de nombreux camions publicitaires garés au milieu de la foule.
Contexte et analyse
Brève histoire du Tour de France
Le Tour de France est aujourd’hui un événement sportif majeur, connu et suivis dans de nombreux pays, et dont la popularité ne semble pas décroître. Son historiographie est très diverse : alors que certains travaux abordent le Tour de France en ne se restreignant qu’aux aspects organisationnels et sportifs, la majeure partie d’entre eux traite le Tour comme un révélateur des évolutions géographiques, économiques, sociales, politiques et culturelles. Le Tour est créé en 1903, de l’initiative d’un industriel du cycle, Jules-Albert de Dion, largement antidreyfusard, dans le but de faire de la pub pour un journal dont il était le propriétaire : l’Auto. Idée de Henri Desgranges, ancien agent de publicité et de son trésorier Victor Goddet, le Tour rencontre immédiatement une grande popularité parmi le public français. Depuis, il se déroule tous les ans, généralement en juillet, mis à part les interruptions liés à des événements très spécifiques comme les Guerres Mondiales ou les reconstructions qui suivent ces dernières. Ainsi, le Tour de France a été absent des périodes 1914-1918 et 1940-1947. Cette création en elle-même est révélatrice de l’essor d’une culture de masse, alors qu’émergent une société de consommation ainsi qu’une véritable « civilisation des loisirs. ». Le Tour de France est, à ses débuts et jusqu’au début des années 30, retranscrit via le quotidien l’Auto. Il s’agit donc pour les organisateurs du Tour de faire commencer la course très tôt (généralement la veille au soir) afin de laisser du temps aux journalistes pour faire le récit écrit de l’épopée aux lecteurs du lendemain. Les conditions de course sont donc très éprouvantes pour les coureurs, dont on interdit également toute aide durant la course afin de pouvoir raconter aux lecteurs des histoires épiques. Les choses changent progressivement avec l’arrivée de la radio qui rend moins les horaires du Tour moins contraignants pour les cyclistes. Enfin, l’arrivée de la retransmission de la course à la télévision dans les années 50 change encore une fois les modalités et le règlement de la course, qui se met progressivement aux normes que nous connaissons aujourd’hui.
La place du vélo dans la société française
À la fin du XIX et au début du XXe, la société française connaît une prise de vitesse importante de la croissance d’une société de consommation, qui s’explique avant tout par l’augmentation drastique du niveau de vie de la population à cette époque. Par exemple, sur la période 1890-1914, le PIB moyen français augmente de 1,3% puis de 1,6% entre 1914 et 1939. Cette augmentation du pouvoir d’achat français se traduit, entre autres, par l’achat de plus en plus massif de bicyclette, dont la production est rapidement mécanisée puis industrialisée. Le vélo occupe ainsi une place grandissante dans l’esprit des Français. Au début des années 1870 et jusqu’aux années 1890, la bicyclette est bien symbole de « modernité technologique » (Mignot, 2014) et de la « vitesse bourgeoise » (Gaboriau, 1991). Le début du XXe siècle voit le prix de ce moyen de transport chuter drastiquement, et de ce fait, se popularise. Alors que la classe privilégiée commence à lui préférer d’autres sports comme l’automobile et l’aviation, le vélo devient le moyen de locomotion individuel par excellence, bon marché pour la liberté de mouvement qu’il procure. Cependant, les années 1950-1960 amorcent un déclin du vélo. Les achats baissent alors fortement, et le parc passe de 30 à moins de 20 bicyclettes pour 100 habitants. Le vélo est alors concurrencé par d’autres transports devenant accessible au grand public : l’automobile et le cyclomoteur.
Analyse du film
C’est dans ce contexte des années 50 – probablement en 1955 lors de l’étape Colmar-Zürich – que se déroule cette étape alsacienne du Tour de France qui nous est présentée ici par le cinéaste Charles Messmer. Le film se déroule à Saint-Louis, une petite ville d’environ 14 000 habitants, située à l’extrême sud du Haut-Rhin. Composé de 27 plans et long de 3 minutes 14, ce document est filmé grâce à une caméra 16 mm. C’est un matériel professionnel très cher, et généralement réservé aux documentaires, ce qui laisse supposer que ce film a peut-être été tourné pour des actualités locales (un commentaire était probablement donné en même temps que les images défilaient à l’écran). Le film peut être grossièrement divisé en trois parties, qui sont systématiquement marquées par un changement de position du cinéaste : le passage des coureurs et des camions publicitaires [00 :00 :00] – [00 :02 :33], l’arrivée des coureurs à la sortie de la ville [00 :02 :33] – [00 :02 :46] et la célébration de fin avec la présentation des produits publicitaires à la foule par les camions filmés précédemment. On peut constater d’entrer de jeu que le cinéaste travaille de manière très fixe : il ne change en effet que trois fois de position durant l’entièreté du document. La stabilité de l’image est également remarquable, à la fois lorsque l’image est fixe et lorsque Messmer opère un panorama, ce qui pourrait impliquer que le cinéaste utilise un trépied. Outre son aspect technique, ce document permet de visualiser l’impact que pouvait avoir un événement sportif sur les masses durant les années 50. On peut ainsi observer que les gens viennent tous habillés comme lors de grandes occasions pour observer le passage des cyclistes, signe peut-être de leur anticipation de l’évènement et de l’importance qu’est ce dernier pour eux. De plus, ce film montre le déploiement de gros moyen publicitaire, sous la forme de camions et de présentations de produits pendant la course, à la fois en faisant partie du cortège, mais aussi en s’arrêtant au milieu des spectateurs une fois les cyclistes sortis de la ville. A ces produits publicitaires sont mêlés des éléments de régionalisme, comme par exemple les alsaciennes en tenue traditionnelle que l’on retrouve à deux reprises dans le film ([00 :00 :26] – [00 :00 :28] et [00 :00 :39] – [00 :00 :43]). Le film révèle également que la sécurité est relativement importante pour ce genre d’évènement, et le nombre de policiers (peut-être suisses ?) présents à l’écran est d’autant plus surprenant que la scène se passe dans une petite ville.
Ainsi, nous pouvons conclure que Charles Messmer ait eu comme ambition en filmant cette étape de montrer au spectateur cet événement inédit pour les habitants de Saint-Louis et l’excitation qui en découlait. Le rassemblement si nombreux de personnes, leur habillement et la joie qui est brièvement montrée via le film sous forme d’acclamations ou d’applaudissement confirme cette hypothèse. Outre l’objectif du cinéaste, ce film nous permet d’observer et de comparer comment était perçu et vécu un événement sportif en Alsace au milieu des années 50.Lieux ou monuments
Bibliographie
MIGNOT Jean-François, Histoire du Tour de France, Paris, La Découverte, 2014
OLLIVIER Jean-Paul, Histoire du cyclisme, Paris, Flammarion, 2003
PATURLE Hervé et REBIERE Guillaume, Un siècle de cyclisme, Paris, Calmann-Lévy, 2011
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