Bas:Le Rhin (0132FI0016)

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[1] Avertissement[2]

Résumé


Il s’agit d’un extrait du documentaire réalisé par Albert Schott en 1976, dans les environs de la commune de Mutzig, près de Molsheim. Le film présente la pratique des vendanges et la production de divers produits agricoles.

Métadonnées

N° support :  0132FI0016
Date :  1976
Coloration :  Couleur
Son :  Sonore
Durée :  00:00:00
Cinéastes :  Schott, Albert
Format original :  Super 8 mm
Genre :  Film amateur
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Le film est tourné à l’automne de 1976, au moment des vendanges, très probablement dans les environs de Mutzig, par Albert Schott. À cette époque, c’est un instituteur à la retraite qui se dédie à plein temps à la réalisation des documentaires sur la vie locale, les traditions et les pratiques. Sa passion du cinéma ne se limite pas juste à une consommation familiale, car ces films sont projetés dans les salles de cinémas locaux et ont une grande popularité. Il y a un véritable investissement dans la réalisation du film, en couleur, sonore et doté de commentaires enregistrés au magnétoscope. La commune de Mutzig, bien qu’étant peuplé par environ 3 800 habitants au moment du tournage, abrite une brasserie importante et est entourée par des nombreux champs et vignes. Les années 1970 se caractérisent par des changements importants dans les milieux agricoles français. Si le processus de l’exode rural a été entamé dans les années après-guerre, il se poursuit encore dans les années soixante-dix, accompagné par une restructuration des espaces ruraux, une modernisation importante et une implantation des nouveaux habitants venant des milieux urbains. Ce film à visée documentaire, cherchant à rendre hommage à des pratiques agricoles traditionnelles, révèle en réalité un espace en proie à des transitions majeures qui se reflètent dans les émotions transmises par le réalisateur.

Un documentaire en hommage aux traditions

Le film commence avec un son d’orchestre et un plan montrant un champ de tabac avec deux travailleurs, qui font cueillir les feuilles à l’alsacienne, en commençant par casser les feuilles situées dans la partie basse de la tige. S’ensuivent quelques plans de coupe montrant un enfant traverser le champ avec en arrière-plan un tracteur. Dès le début du film, il est visible que son auteur maîtrise le maniement de la caméra et consacre une quantité importante du temps à la réalisation de son œuvre. Il y a une bande de son qui accompagne les images du film, donnant une ambiance festive. Le film est réalisé dans des conditions optimales du beau temps permettant un bon éclairage. L’auteur propose un documentaire: le choix de scènes filmés n’est pas anodin. En occurrence, il s’agit de rendre compte d’un ensemble de pratiques liées à la période de vendanges. Ainsi, après avoir montré le champ de tabac, l’image change pour montrer l’entrée vers un séchoir, où sont regroupées les feuilles de tabac. De nouveau, il y a un focus sur la technique en mettant au premier plan une grand-mère et une fille entrain de lier les feuilles par un fil pointu. La caméra montre, en plan large, le travail à la main et accompagne alors le commentaire de l’auteur qui évoque des « mains agiles et travailleuses ». L’idée est de montrer une technique de conservation des feuilles, en insistant sur une transmission de génération en génération. Cette même approche se répète pour la présentation de la culture de vigne à partir de 2'50 du film. On voit arriver des charrettes avec des cuves, tirées par un cheval ou un tracteur. Des participants de plusieurs générations assistent à la cueillette à la main avant de transporter des grappes de vigne en cuves vers le lieu où elles seront très probablement écrasées pour obtenir du moût. Le réalisateur montre sa maîtrise de la technique cinématographique car il parvient à combiner le visuel, le son et son propre commentaire pour illustrer un paysage agricole traditionnel, où l’ensemble de la famille participe à la récolte dans la joie et de la bonne humeur. Il s’agit de rendre un hommage à un passé agricole qui est entrain de changer. L’auteur commenté bien la présence des machines agricoles, qui sont à cette époque largement présentes dans l’espace agricole, qui subit des transformations majeures depuis au moins 20 ans.

Montrant un rural en transformation

Le sujet agricole est bien de la thématique principale abordée par le film. Le film est tourné dans plusieurs endroits. Dans des champs, au sein des coopératives, près de la brasserie de Mutzig, sur les vignes situées sur la colline au nord du Mutzig, dont le quartier pavillonnaire est visible à 4'52. Il s’agit d’un cadre rural qui est bien alsacien. En effet, la variété de productions agricoles souligne la spécificité de la région, qui se caractérise par la polyculture. Le film s’apparente, par sa démonstration régulière des charrettes tirées par les chevaux ou les tracteurs, à un défilé de feuilles de tabac, du houblon, des grappes de vigne, des betteraves et des pommes. Le cadre alsacien est particulièrement souligné à 2'07, où est visible l’entrée dans la brasserie de Mutzig. Il s’agit à la fois d’un repère pour l’auditoire mais aussi d’une manière d’insister sur la production locale, bien que la brasserie à été racheté par le groupe Heineken en 1972. En présentant tous ces produits en mouvement, le réalisateur souligne, au passage, le maillage qui s’établit entre les agriculteurs et les producteurs agroalimentaires. Les produits bruts sont collectés sur les champs avant de passer par des coopératives locales afin d’être expédiés vers des centres de transformation, à l’image de la brasserie de Mutzig, ou des usines à tabac situés, par exemple, à Strasbourg. Ce maillage connait des transformations importantes depuis les années 1950. Ces transformations sont visibles à travers la mécanisation, à l’exemple de la machine batteuse ou des tracteurs, mais elle est aussi présente dans la population. Jusqu’aux années 1960, la France connait un exode rural important qui fait craindre à certain nombre de géographes un dépeuplement des campagnes. Dans les années 1970, il y a un retour vers les campagnes qui s’observe avec l’extension des aires urbaines et puis l’arrivé des urbains dans les campagnes. Ces déplacements de la population modifient la structure des campagnes. Il s’agit de moins en moins d’aller s’occuper d’un champ avec toute sa famille: les exploitants professionnels qui travaillent des parcelles plus grandes, plus productives, et dont la production est orientée vers le marché extérieur. L’image socio-économique des campagnes change avec la diminution du métier d’agriculteur et une montée des métiers ouvriers et ceux des cadres. À cela s’ajoute une part des retraités plus importante. Ces transformations s’opèrent sur plusieurs décennies et de manière variable selon les régions. Des changements que Albert Schott remarque, car à 1' du film, il commente de manière admirative sur le fait que dans le passé proche, la cueillette des houblons se faisait à la main. Né dans les années 1920 et ayant vécu dans ses espaces de campagne alsacienne, il a pu assister à toutes ces transformations. C’est ici qu’on peut se poser la réalité de ce qui est filmé. Est-ce qu’on a affaire ici à des pratiques réelles de l’époque, ou une volonté de recréer un passé ? L’observation des habits des acteurs, leurs gestes très naturels et l’utilisation bien souligné de machines laisse à croire qu’il s’agit bien une réalité de la vie agricole qui est montrée. Une réalité qui devient un témoignage émotionnel.

Par la transmission des émotions

Tout le long du film, l’auteur apporte ses commentaires par rapport à ce qu’est montré. En commentant la récolte du houblon, il évoque « un travail de patience », par la suite, avec les dernières images du film, il dit « Pour les joyeuses vendanges de mon enfance » montrant son rapport personnel à ce qu’il filme. Il exprime ici à la fois un sentiment de nostalgie, de respect vis-à-vis de la vie à la campagne, et un bonheur. Un sentiment de bonheur, qui est transmis à la fois par la musique d’orchestre au début du film et puis par une chanson paillarde sur le vin, à partir de 2'54. Puis, la joie est aussi exprimée par une partie des acteurs présents dans le film, en particulier des enfants tel que le garçon à 3'14, assis sur la charrette qui se dirige vers la vigne. Une expression de joie, qui tranche avec les expressions plus réservées des adultes. La participation des acteurs au tournage peut s’exprimer par la proximité qui existe entre le réalisateur et ses lieux de tournage. C’est quelqu’un qui a grandi et a exercé son métier d’enseignant dans les environs. Ces films sont projetés dans les cinémas locaux, lui donnant une grande popularité. Ainsi, le jeune garçon peut se réjouir par l’idée de faire des vendanges mais aussi par l’idée d’apparaître dans un film et de pouvoir se voir. Il s’agit ici d’un film, qui est une production locale pour une consommation locale. Il y aussi une glorification du petit agriculteur qui peut être fier de sa production. C’est d’ailleurs avec de la fierté que Albert Schott annonce que l’Alsace est le premier producteur de la bière en France, ce que tout à fait possible car encore aujourd’hui, 60 % de la bière brassée en France provient d’Alsace. Le documentaire joue alors un rôle à la fois de divertissement pour les locaux mais aussi de témoignage pour une époque qui évolue. En une décennie, l’image de Mutzig change. La brasserie Mutzig ferme en 1989. La production des feuilles de tabac diminue au profil des exportations étrangères. Et le visage même des acteurs socio-économiques des campagnes change avec une diminution de la part des agriculteurs, qui se spécialisent et se professionnalisent de plus en plus.

Cet extrait de film laisse apparaître beaucoup plus, qu’une simple image folklorique de la campagne alsacienne. Le film montre des anciennes pratiques agricoles à côté des nouvelles pratiques. Il témoigne de la transformation des campagnes françaises dans la deuxième moitié du XXe siècle. Ainsi, cet extrait du documentaire sert à rendre hommage et à être pédagogique.

Bibliographie


Ouvrages généraux :

ADOUMIE (Vincent)dir, Géographie de la France, Hachette supérieur, Paris, 2015

FREMONT (Armand), Portrait de la France tome 1, Champs essais, Paris, 2011

SMITH (Paul)et alii., La manufacture des tabacs de Strasbourg et les patrimoines du tabac en Alsace, Lieux dits, Lyon, 2017

Articles généraux :

[CORNU (Pierre), La géographie rurale française en perspective historique , Géoconfluences, avril 2018 ; URL : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/france-espaces-ruraux-periurbains/articles-scientifiques/histoire-geographie-rurale]

[ENTZ (François), La bière en Alsace , Revue d’Alsace [En ligne], 137 2011, mis en ligne le 01 septembre 2014, consulté le 12 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/alsace/1212 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsace.1212]

[HENRI (Mendras), La fin des paysans. Vingt ans après , EcoRev, 2019/1 (N° 47), p. 101-104. DOI : 10.3917/ecorev.047.0101. URL : https://www.cairn.info/revue-ecorev-2019-1-page-101.htm]


[Autres ressources]

[Bas-Rhin : profil agricole 1976, Direction départementale de l’agriculture, Service statistiques]

[Photo aérienne en couleur de la brasserie de Mutzig (date pas précisé), https://www.capsulesdebieres.fr/cbf/brasseries/mutzig.htm]


Article rédigé par

Nikolaj Orlov, 18 avril 2021


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