Bas:Champ du Feu (0083FI0002)
Résumé
Point culminant du Bas-Rhin à 1 099 mètres d'altitude et unique station de ski alpin du département, le Champ du Feu est situé à soixante-trois kilomètres de Strasbourg. Propice à la pratique du ski alpin, du ski de fond et des longues balades en raquettes à neige, le domaine skiable du Champ du Feu s'étend sur environ cinquante hectares et trois secteurs : Le Vieux-Prés, la Serva et les Myrtilles. En 1968, quatre remontées mécaniques desservent huit pistes de ski, se répartissant en trois vertes, deux bleues et trois rouges, et dont une partie est équipée de canons à neige.
Contexte et analyse
Le développement du ski au Champ du Feu
Le ski, venant des pays scandinaves, s’est répandu vers le reste de l’Europe via l’Allemagne et a atteint le Champ du Feu dès les années 1880, époque à laquelle l’Alsace faisait partie du Deuxième Reich. Le Champ du Feu est le terrain de ski des Strasbourgeois qui venaient le dimanche en train jusque dans la vallée de la Bruche avant de gagner les hauteurs à pied et de refaire le chemin inverse le soir. C’est pour pouvoir rester sur place plusieurs jours que les premiers clubs ont aménagé ou construit des chalets au Champ du Feu. En effet, les stations de sports d'hivers n'existant pas, les adeptes du ski trouvent peu ou prou un moyen de se loger sur les ballons en plein hiver. Les Hautes Vosges ne comptent que quelques établissements hôteliers : l'hôtel du Grand Ballon, l'hôtel Freppel au lac Blanc, l'hôtel Hazemann au Champ du Feu, l'hôtel Welleda au Donon, en plus des auberges du col de la Schlucht et du Hohneck. Ces maisons offrent le gîte et le couvert aux excursionnistes de l'été. Elles sont souvent fermées en janvier. Jusqu'en 1914, personne ne s'aventure sur les crêtes gelées hormis quelques centaines de skieurs. Mais les hôtels ne sont qu'une solution provisoire car onéreuse. Chaque soir, les skieurs sans fortune doivent redescendre dans la vallée pour prendre le train de la ville. Ils ont tôt fait de conclure qu'il leur serait préférable de disposer d'un toit sur les sommets, un refuge, une hutte, où ils pourraient dormir et préparer un repas chaud. Les seules maisons qui peuplent les champs de neige sont les fermes. Ces quelques marcairies, condamnées à la solitude par le fermier fin septembre, seront leurs premiers chalets. Des accords sont signés avec les communes. Moyennant un loyer, les skieurs sont autorisés à y loger.
Le Champ du Feu est un des berceaux du ski européen, les premiers moniteurs de ski autrichiens ayant d’ailleurs été formés par des Strasbourgeois. Le premier club a été crée en 1896, il s’agit du Ski Club Vosgien 1896 de Strasbourg. Son président, l’Allemand Offerman, qui avait appris le ski en Thuringe dès 1888, est considéré comme le premier skieur du Bas-Rhin. La pratique des sports d’hiver au Champ du Feu restait le privilège d’hommes, rarement de femmes – on en dénombre quinze sur les trois-cent-trente adhérents du Ski Club Vosgien 1896 de Strasbourg en 1910 – issus de la bourgeoisie strasbourgeoise, qui avaient les moyens de venir en train jusqu’à Rothau. En 1898, une tour d’observation d’une hauteur de vingt-trois mètres est construite par le Club Vosgien. Après la Première Guerre mondiale, le Ski Club Vosgien 1896 de Strasbourg s’installe au Champ du Feu, en acquérant en 1921 la ferme Morel vacante, qu’elle garde comme refuge jusqu’en 1963. En 1933, deux nouvelles sociétés s’installent au Champ du Feu avec un refuge : l’Aurora et les Skieurs de Strasbourg. Le poids du massif des Vosges et de l’Alsace dans la Fédération française de ski est alors important. En 1932, la Fédération des skieurs des Vosges compte six mille membres, ce qui en fait la première fédération régionale, avant les Alpes séparées il est vrai en plusieurs fédérations. En 1935-36, le restaurant Zimmermann voit le jour au Champ du Feu. Après la Seconde Guerre mondiale, d’autres installations s’imposent, un nombre toujours plus considérable de touristes et de skieurs étant déversés en masse par les autos et les cars venus par les nouvelles routes commencées avant guerre et depuis terminées, qui montent de Klingenthal, Saint-Nabor ou Grendelbruch par la Rotlach, de Natzwiller par le Struthof, ou de Waldersbach voire Villé par la Charbonnière, rendant ainsi le Champ du Feu accessible par tous les versants de la montagne.
En 1950, un parking en face de la ferme Morel ainsi que ceux de part et d’autre de la route sont créés pour permettre de garer les cars et voitures privées. Après une première installation sommaire, un fil neige avec une ficelle sans câble, qui fonctionne sur la Petite Serva jusqu’en 1961, la compagnie de transports strasbourgeoise Astra installe en 1954-55 le remonte-pente de la Grande Serva. Elle crée pour l’occasion, sans le savoir, un nouveau métier : celui de chauffeur perchiste. Le conducteur du bus convoie les skieurs jusqu’au Champ du Feu puis change de casquette pour manœuvrer le monte-pente. En 1963, deux remonte-pentes démontables sont installés sur le pré de la Petite Serva, alors qu’une installation de type Grande Serva était attendu depuis 1961 pour remplacer le « pionnier agonisant ». Ces deux installations sont deux téléskis, l’un de trente perches et l’autre de quarante perches, pouvant ensemble remonter de quatre-cent-cinquante à six-cents skieurs par heure. Entre la Charbonnière et la Tour du Champ du Feu se trouve le point d’arrivée du remonte-pente du Hochfeld, établit en 1961 pour desservir la pente de la Chaume des Veaux, alors que pour cette dernière piste un téléski démontable, de type fil neige est à l’étude. Dès 1963, deux pistes, l’une à l’avant Serva, l’autre à la Chaume des Veaux, peuvent être recouvertes de neige artificielle en cas d’enneigement défavorable. Il s’agit là de la première implantation de canons à neige en Europe, qui a d’ailleurs suscité l’intérêt d’une délégation d’Autrichiens venue sur place pour découvrir cette technologie et s’en inspirer en vue des Jeux Olympiques d’hiver d’Innsbruck quelques mois plus tard. En 1965, l’illumination de nuit d’une piste de ski alpin est possible, et un téléski supplémentaire de cent-quarante perches pouvant remonter de mille à mille-deux-cents skieurs par heure est installé sur l’arrière Serva. De 1950 à 1965, routes, parkings, remonte-pentes et chalets ont profondément modifié l’aspect des chaumes du Champ du Feu, appelé à être, surtout en hiver, le haut-lieu du tourisme bas-rhinois, ce que symbolise en particulier le « Tour du Champ du Feu », épreuve de ski par laquelle les Vosges-Trotters de Strasbourg, première société implantée sur ses pentes, inaugurent chaque année dans le cadre de la Fédération Française de ski les activités hivernales pour les Vosges entières.
Le regard d'un cinéaste amateur
Lieux ou monuments
Bibliographie
Bernard Michon, Thierry Terret, Pratiques sportives et identités locales, Paris, L'Harmattan, 2004
Claude Kauffmann, Grégoire Gauchet, Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace, Pontarlier, Belvédère, 2016.
Grégoire Gauchet, L’aventure du ski dans les Vosges, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2001.
Gonthier Ochsenbein, Le Champ-du-Feu : Ses roches et sa végétation : Ses légendes et son histoire, Strasbourg, 1965.
Daniel Pontoreau, Le Champ du Feu, Strasbourg, Centre européen d'actions artistiques contemporaines, 1992.
Jean-Paul Haas, Le Champ du Feu, Schiltigheim, Mueh-le-Roux, 1990.
Article rédigé par
Mael Schuster, 04 mai 2021
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