Carnaval de Strasbourg (0020FH0012)
Événements filmés ou en lien
Résumé
Contexte et analyse
Se déroulant au cours d'une période comprise entre le milieu de l'hiver et le début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Au-delà de l'anarchie ambiante, le carnaval tient un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire.
A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »[1] est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale relativement germanophobe.
En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « De Barabli » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organisent une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de retenter l'expérience et de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'une opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. Le carnaval est ainsi financé par les commerçant eux-mêmes, en attestent les nombreux chars « sponsorisés », arborant le nom d'enseignes et d'entreprises strasbourgeoises. Il s'agit dans ce film du carnaval du dimanche 28 février 1960. L'insert de l'affiche au début du film permet de dater avec précision l'événement. D'ailleurs, si le carnaval a lieu le dimanche seulement, ce sont en réalité quatre jours successifs de festivité, du samedi 27 février au mardi 1er mars, qui sont proposés aux Strasbourgeois et autres touristes. Les images témoignent aussi de l'attrait de la fête urbaine : les chars peinent à avancer à travers la foule, très dense. On note aussi le caractère tout public de cette manifestation, les spectateurs étant, de façon surprenante, surtout des adultes davantage que des enfants.
Lieux ou monuments
Bibliographie
Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, pp.24-37
Eve Cerf, « Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp.40-47
Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris : Fayard, 1983
Freddy Raphaël et Geneviève Herberich-Marx, « Éléments pour une sociologie du rire et du blasphème », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp. 4-10
Article rédigé par
Valentine Vis, 02 janvier 2019