Carnaval de Strasbourg (0050FH0002)

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Événements filmés ou en lien


Carnaval de Strasbourg

Résumé


Il s'agit d'un film amateur qui se déroule pendant le Carnaval de Strasbourg, entre 1958 et 1962. Une partie du film se focalise sur le cortège de chars tandis qu'une autre se concentre sur un repas de famille.
Développer

Métadonnées

N° support :  0050FH0002
Date :  Entre 1958 et 1962
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:11:30
Cinéastes :  Kling, Charles
Format original :  8 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Activités de plein-air, Art de vivre - Gastronomie, Carnaval, Habit traditionnel
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Le carnaval, une tradition séculaire

Se déroulant au cours d'une période allant du milieu de l'hiver au début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Derrière l'anarchie ambiante, le carnaval tient en réalité un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire.

Le carnaval de Strasbourg

A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »[2] est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale relativement germanophobe.

En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « De Barabli » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organisent une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.

Le « Carnaval des Marchands » - Eve Cerf

Une camionnette aux couleurs de la Brasserie Kronenbourg prend part au cortège.
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident retenter l'expérience et de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère.
Un char à l'effigie des personnages de la bande dessinée d'Hergé, Tintin : le capitaine Haddock, Tintin, Milou et [non visible sur la photo] le professeur Tournesol.
Le carnaval est ainsi financé par les commerçants eux-mêmes, en attestent certains chars faisant de la publicité pour quelques enseignes strasbourgeoises. Mais tous ne sont pas commerciaux : les autres chars et déguisements s'éloignent des thèmes carnavalesques traditionnels, préférant le spectaculaire au monstrueux. Ils reprennent donc des thèmes issus du quotidien, du folklore alsacien voire de la culture populaire, des "motifs que le public associe aux loisirs et aux divertissements"[3]. Enfin, l'esprit frondeur du carnaval, même s'il reste discret, est tout de même perceptible sur certains chars un peu plus politisés.
On distingue parfaitement Konrad Adenauer et son homologue belge, Achille Van Acker. De Gaulle se tient derrière eux.
On pense par exemple à ceux quatre vieillards qui semblent mal en point. Parmi eux, on reconnaît Konrad Adenauer, Chancelier fédéral d'Allemagne de 1949 à 1963, qui porte une écharpe aux couleurs de la République Fédérale d'Allemagne. A ses côtés, derrière les lunettes rondes, se cache Achille Van Acker, Premier Ministre belge pour la troisième fois de 1954 à 1958 - peut-être sa présence nous permet-elle d'ailleurs de dater avec plus de précision ce film : il s'agirait alors de l'année 1958. Est aussi présent le Général De Gaulle, dont on ne distingue que les oreilles décollées et le nez proéminent tandis qu'il dépasse tous les autres d'une tête,


Un repas festif et "gras"

Tombant traditionnellement au cours des sept jours gras, à savoir la semaine précédant le Carême, le carnaval est aussi l'occasion de repas de famille copieux et festifs.
Une table de fête décorée de serpentins et parsemée de bouteilles vides.
Une partie de ce film amateur est justement consacrée à une soirée familiale. Le film dévoile une table décorée et festive, comptant une vingtaine de couverts, de nombreux plats et bouteilles de vin. Le repas « gras » se traduit ainsi par une certaine opulence des mets et de l'alcool. Peut-être moins par strict respect des coutumes religieuses que par opportunité, le carnaval permet aux familles de se réunir, de dîner ensemble et de faire la fête. Ivres, les gens s'amusent et dansent, de façon presque frénétique pour certains et rappelant à cet égard les traditionnelles danses ubuesques du carnaval.
Après avoir enlevé son pantalon et être monté sur une chaise, un homme, décidément ivre, fait mine d'uriner dans une bassine.
Cette scène de repas, si elle n'est pas nécessairement représentative de ce que font toutes les familles strasbourgeoises un soir de carnaval, est donc assez judicieusement insérée dans ce film dédié au carnaval. Tandis qu'on reproche au « Carnaval des Marchands » d'être trop bon enfant, cette famille semble finalement faire davantage honneur à l'esprit frondeur et licencieux du carnaval traditionnel. Ainsi, jugée coûteuse et trop éloignée de son rôle social originel, cette manifestation, qui ressemble davantage à une gentille fête familiale qu'à un véritable carnaval, finit par lasser les Strasbourgeois et disparaît après 1962.

Lieux ou monuments


Place Kléber, Strasbourg; Rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg; Grand'Rue, Strasbourg; Avenue de la Paix, Strasbourg; Grande Synagogue de la Paix, Strasbourg

Bibliographie


Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, pp.24-37

Eve Cerf, « Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp.40-47

Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris : Fayard, 1983

Freddy Raphaël et Geneviève Herberich-Marx, « Éléments pour une sociologie du rire et du blasphème », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp. 4-10
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  1. Aller En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
  2. Aller Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p. 27
  3. Aller Eve Cerf, "Carnaval en Alsace : tradition, évolution, manipulation", Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p.30