Volerie des aigles (0083FI0005)
Résumé
Description
La séquence commence par un gros plan sur un panneau de présentation « Présentation… de la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS ». A la septième seconde, le film bascule sur le blason de la Volerie des Aigles. Il représente un aigle est (au centre), avec en arrière-plan le château de Kintzheim, qui abrite la Volerie, le tout encerclé par un ovale jaune avec inscrit en haut « Volerie des Aigles » et en bas « Château de Kintzheim ». Sous le logo, on peut lire « Ouvert au public tous les jours ».
Le film suit la visite du cinéaste. La façade du château est montrée, puis la cour intérieure et les ruines et enfin, un panorama de la vallée avec une plongée sur le village de Kintzheim.
Après 31 secondes, le cinéaste fait des gros plans et des plans plus larges sur les oiseaux, attachés par l'une de leurs serres pour éviter une fuite. On peut voir des rapaces nocturnes et des oiseaux de proie (buses, hiboux, aigles, vautours, etc.).
A la 57ème seconde, le spectacle débute. Un fauconnier tient un aigle sur son gant devant les spectateurs. Le rapace est filmé en vol et plonge vers le public, surpris. Les artistes continuent de faire voler les rapaces, qui surprennent le public à plusieurs reprises. Ils laissent les oiseaux s’approcher du public puis les rappellent. Le public sort les parapluies, la météo n’est pas bonne.
Après deux minutes de film sur le spectacle, un gros plan est fait sur un Circaète Jean-le-Blanc qui mange une vipère. Il essaie de l’avaler et se bat avec pour l’achever devant les spectateurs. Un des responsables semble intervenir, alors que cela fait partie du spectacle.
Contexte et analyse
Dans le village alsacien de Kintzhiem, l'aigle a une importance particulière. Il est, en effet, le symbole de la commune et une chapelle porte même le nom de Chapelle de l'Aigle. Il n'est donc pas étonnant que le village se soit employer à la création d'une volerie, notamment par l'intermédiaire de Jacques Renaud et du maire de l'époque, René Koenig (de 1947 à 1977)[2] dans les ruines du château datant du XIIIème siècle.
I. Le premier parc animalier de Kintzheim
La Volerie des Aigles est le premier des trois parcs animaliers de Kintzheim à ouvrir ses portes. Installée dans les ruines du château surplombant le village à 260 mètres d'altitude, elle est accessible au public à partir de juillet 1968[3]. Il faut attendre 1969 pour la Montagne des Singes et 1974 pour la première version de l'actuel parc d'attraction et animalier Cigoland. C'est un endroit stratégique pour le tourisme local, qui bénéficie de la proximité de la ville de Sélestat (4 km de séparation) mais surtout de la Route des vins (inaugurée en 1953), dont Kintzheim fait partie et est connu surtout pour son vin blanc Praelatenberg, classé parmi les grands crus d'Alsace[4]. D'ailleurs, le village est filmé en plongée depuis le château, et on peut entre-apercevoir le vignoble alentour.
La séquence suit une visite du couple Leammel à Volerie des Aigles en 1969. Les visiteurs présents film font partie des premiers spectateurs, puisqu'en 1969, la Volerie n'en est qu'à sa deuxième saison. Les spectateurs assistent au spectacle debout, derrière des cordes, contrairement à aujourd'hui où des bancs sont installés. Ils observent le spectacle avec attention, malgré le mauvais temps, et se laissent surprendre par les oiseaux en plein vol. Comme l'indique le panneau visible au début de la séquence, les visiteurs viennent pour voir «la plus Belle COLLECTION de RAPACES VIVANTS».
Le spectacle existe pour les visiteurs, et en regardant certaines images, on peut noter qu'en 1969, il n'est pas si différent de celui que l'on peut observer aujourd'hui, bien qu'actuellement, il y a plus que deux fauconniers qui travaillent pour le parc. Par exemple, l'oiseau qui passe sur les jambes des spectateurs est une partie qui existe toujours, de même que la démonstration de vol. En revanche, on ne voit pas la mise en scène de la chasse pour les oiseaux de proies, et pourtant, à la fin de la séquence, un des employés du parc semble intervenir car un oiseau, probablement une Circaëte Jean-le-Blanc (Circaetus gallicus)[5], s'attaque à une vipère et tente de le tuer et de l'avaler devant les spectateurs, bien qu'il s'agisse d'un élément du spectacle.
II. Une Volerie unique en France
L'ouverture de la Volerie s'est décidée après un constat alarmant fait dans les années 1960 : la baisse rapide des populations d'oiseaux de proies en Alsace et dans le monde, notamment liée à des pratiques de chasses non-autorisées, à l'utilisation du piégeage et à une forte expansion de l'agriculture sur certains lieux de reproduction.
La Volerie a donc plusieurs objectifs dès son ouverture. Premièrement, permettre la reproduction, la protection et le dressage de ces espèces menacées. Les spectacles assurent un soutient financier au parc, mais toutes les images filmées, toutes les photos prises pendant le spectacle reflètent un caractère naturel des oiseaux. Autrement dit, les fauconniers ne vont jamais à l'encontre des instincts des oiseaux. Chaque numéro exécuté que l'on voit dans la séquence ou en direct dans le parc peut se retrouver dans la nature, que ce soit la démonstration de vitesse qui effraye tant les spectateurs présents sur la pellicule, une attaque de proie ou encore un vol en altitude.
Le spectacle assure aussi, en partie, la seconde fonction du parc à savoir la transmission des connaissances sur les rapaces, et notamment sur les espèces menacées, et sensibiliser un public à la nécessité de préserver la biodiversité locale[6]. En 1968, Kintzheim est alors le seul endroit en France où se trouve une volerie. L'autre partie de la pédagogie se fait par des pancartes passées devant les abris des oiseaux présents dans les ruines du château et que l'on peut entrevoir tout au long de la première partie de la séquence (avant le spectacle), que les visiteurs peuvent observer pendant leur passage dans les ruines du château, en même temps que les oiseaux eux-mêmes. Dans le film, on remarque qu'il n'y a pas autant d'espèces qu'aujourd'hui (ou alors, le réalisateur a fait le choix de ne pas toutes les montrer) et que les cages n'existent pas encore, les oiseaux étant tous attachés par l'une de leurs serres avec une chaîne ou une corde.
Le parc accueille de nombreuses espèces de rapaces, diurnes comme nocturnes, chasseurs comme charognards. On en voit un certain nombre dans le film, notamment des aigles, des buses, des faucons, des chouettes et hiboux, ou encore des vautours et des condors. Certains sont filmés de très près par Hippolyte Louis Laemmel. Le parc se qualifie de pionnier en matière de sauvegarde et de protection des espèces.
Enfin, on peut noter que le cinéaste a fait de nombreux choix pour son films. En effet, la visite dure environ une heure, pour une séquence ici de 2 minutes 46. Il y a donc beaucoup d'éléments manquants, comme par exemple les pancartes explicatives pour chaque espèce, qui ne sont que partiellement visibles ou enocre le choix de filmer seulement certaines espèces parmi la cinquantaine présentée[7]. Le film a tout de même l'avantage de capter un art en disparation aujourd'hui : la fauconnerie.
Le film se concentre essentiellement sur les rapaces et le spectacle alors que d'autres films sur la Volerie, comme celui présent dans le fonds Weinmann réalisé en 1972/73 par exemple, montrent quand à eux plutôt la famille dans la Volerie au lieu des espèces et du divertissement. On pourrait faire la même analyse avec des séquences provenant de la Montagne des Singes, autre parc animalier de Kintzheim ouvert en 1969, dans lesquelles les cinéastes se concentrent soit sur leur famille dans le parc en interaction avec les singes, soit sur les magots eux-mêmes dans leur habitat et en interaction avec les visiteurs.
III. Le réalisateur et le ciel : une histoire entrelacée
Hippolyte Louis Laemmel, né en 1910, a commencé sa carrière comme instituteur à Niederbronn. On peut s'étonner de l'intérêt porté à la Volerie des Aigles par le réalisateur. Pourtant, sa biographie peut donner quelques explications.
Durant la Seconde Guerre Mondiale, il est incorporé en qualité de navigateur de pilote pour des missions d'observation. Cette fonction lui a peut-être permis de découvrir l'univers de l'ornithologie. En effet, durant la guerre, l'utilisation d'oiseaux est régulière, notamment pour transmettre des messages. Laemmel est également un chasseur, et il a donc pu développer son intérêt pour les rapaces à partir de sa pratique de la chasse. La réalisation d'un film à la Volerie par un chasseur, alors que la chasse est l'une des causes premières de disparition des oiseaux contre laquelle la Volerie lutte, est un peu paradoxale.
Tout cela relève de l'hypothèse, mais la chasse et sa carrière dans l'aviation montre qu'il a peut-être des connaissances en ornithologie et le film relèverait donc d'une passion plutôt que de la simple visite touristique.Lieux ou monuments
Bibliographie
Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans Bêtes et nature à travers l'Alsace, n°87, Strasbourg, Juillet 1971, p. 10- 14
Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, 192 p
Kecir-Lepetit Emmanuelle , Les rapaces, Grenouille éditions, Chamalières, 2016
La Volerie des aigles : Château de Kintzheim, S.A.E.P., Colmar-Ingersheim, 1970
LPO Alsace, Rapaces d'Alsace, Ligue pour la protection des oiseaux Alsace, Strasbourg, 2001
Toursel-Harster Dominique , Beck Jean-Pierre , Bronner Guy , Dictionnaire des monuments historiques d’Alsace, La Nuée Bleue, Strasbourg, 1995, p. 198
Site de la Volerie des Aigles
Article rédigé par
Reynald Derain, 05 février 2019
- ↑ Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.12
- ↑ Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.17
- ↑ Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.146
- ↑ Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.123
- ↑ La Volerie des Aigles : Le château de Kintzheim, S.A.E.P., Colmar-Ingersheim, 1970
- ↑ Commune de Kintzheim, Kintzheim, toute une histoire, Carré Blanc, Strasbourg, 2004, p.147
- ↑ Argel Fred, "L'éclat et le panache de la Volerie des Aigles", dans Bêtes et nature à travers l'Alsace, n°87, Juillet 1971, p.14