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L’historien, a écrit Marc Bloch, est comme l’ogre de la légende : il est assoiffé de chair fraîche. Par cette image forte, le professeur de l’université de Strasbourg redevenue française en 1919 nous rappelle que la matière de l’histoire, c’est l’homme. L’homme de sa naissance à sa mort, dans tous ses âges et états sociaux, dans ses pratiques culturelles et sa foi. Il se situe donc au cœur des films réanimés par cette cinémathèque partagée. Ancré dans un territoire et une histoire singuliers, il vit, ressent et filme d’une manière particulière la complexe notion de frontière, la déclinaison des identités régionales et locales, le rapport au corps et à la santé. Ces trois grilles de (re)lecture nous ont semblé propices à la réflexion sur les images comme source de l’histoire du Rhin Supérieur – sans pour autant les figer dans telle ou telle catégorie.

Frontières

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L’époque couverte par les films réalisés dans le Rhin Supérieur, des années 1900 aux années 1980, voit s’intensifier l’enjeu géopolitique représenté par le fleuve.

Réunie à la France par le traité de Westphalie en 1648, l’Alsace se mue en champ de bataille militaire et culturel entre 1870 et 1945.

Vu de Paris et de Berlin, la question de l’appartenance se pose en termes de langue, de religion et d’adhésion politique.

Mais ce conflit entre nations ignore la réalité d’une frontière qui ne se réduit pas à une limite fortifiée que l’on franchit dans le feu et le sang.

Les régions de part et d’autre du Rhin partagent une culture datant du Moyen Age et de la Renaissance.

Surtout, depuis l’Antiquité, elles forment un nœud d’échanges économiques, un axe de transport majeur en Europe, et un territoire d’exploitation féconde des ressources naturelles.

Corps et santé

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À côté des paysages parcourus et des lieux visités, les hommes sont les principaux sujets des films amateurs du Rhin supérieur.

Au domicile, les cinéastes amateur s’attardent souvent sur les actes quotidiens d’hygiène, les pratiques sportives individuelles comme la gymnastique ou encore les manières de s’alimenter.

En extérieur, les compétitions sportives professionnelles et amateur donnent de belles occasions de sortir la caméra pour saisir le plaisir de l’effort et de la performance, les corps en mouvement.

Le Rhin supérieur est par ailleurs doté de structures de santé comme l’Hôpital civil de Strasbourg où les proches filment les malades ou les jeunes parturientes, les médecins fixent sur pellicule certains épisodes clefs de leur activité soignante.

De part et d’autre du Rhin, enfin, se noue un rapport singulier à l’environnement.

L’eau est présente partout, dans les stations thermales comme dans la production d’eaux minérales.

Sur fond de prise de conscience des pollutions nocives au corps, l’activisme écologiste connaît un essor tout particulier dans des régions précocement industrialisées où la production d’énergie atomique a toujours fait débat.

Identité

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Le Rhin supérieur se compose de trois régions à la géographie singulière dont les hauts lieux comme les sommets des Vosges ou de la Forêt-Noire, les berges du fleuve et les vastes étendues boisées ont de longue date été visités, et filmés.

Ces régions sont également unies par une culture germanique ayant émergé au Moyen Âge qui s’inscrit dans le paysage par un patrimoine architectural abondamment représenté dans les collections.

Ces territoires partagent certaines coutumes, notamment les fêtes familiales et les carnavals, que films de famille et chroniques locales amateur aiment souvent à fixer sur pellicule.

Au-delà de ces rapprochements et comparaisons se dessine aussi plus finement une authentique identité locale mêlant le rapport à l’histoire et les activités économiques.

Des deux côtés du Rhin, l’agriculture s’est maintenue jusqu’à nos jours, la vigne imprime sa marque aux coteaux, les produits régionaux (vin, choucroute, charcuterie) affirment une appartenance qui séduit les consommateurs au-delà des frontières régionales.

Les pays du Rhin supérieur se distinguent aussi par le développement précoce de l’extraction minière, de l’industrie textile et mécanique, et par l’utilisation du fleuve, aménagé avec de vastes ports, comme voie majeure de transport de pondéreux et de produits transformés