Carnaval de Strasbourg (0050FH0002) : Différence entre versions

m (Enregistré en utilisant le bouton "Sauvegarder et continuer" du formulaire)
m (Enregistré en utilisant le bouton "Sauvegarder et continuer" du formulaire)
Ligne 112 : Ligne 112 :
 
En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « "De Barabli" » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organise une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.
 
En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « "De Barabli" » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organise une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.
  
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'une opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. Le carnaval est ainsi financé par les commerçant eux-mêmes, en attestent les nombreux chars « sponsorisés », arborant le nom d'enseignes et d'entreprises strasbourgeoises
+
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'une opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. Le carnaval est ainsi financé par les commerçant eux-mêmes, en attestent les nombreux chars « sponsorisés », arborant le nom d'enseignes et d'entreprises strasbourgeoises.
 
|Bibliographie=Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », ''Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est'', n°7, 1978, pp.24-37
 
|Bibliographie=Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », ''Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est'', n°7, 1978, pp.24-37
  

Version du 6 janvier 2019 à 18:17


[1]

Événements filmés ou en lien


Carnaval de Strasbourg

Résumé


Il s'agit d'un film amateur qui se déroule pendant le Carnaval de Strasbourg, entre 1958 et 1962. Une partie du film se focalise sur le cortège de chars tandis qu'une autre se concentre sur un repas de famille.

Description


Les premières séquences sont tournées sur un mode similaire : il s'agit de plans d'ensemble fixes, assez courts. Postée sur un trottoir - en face de la Brasserie du Pêcheur et de la boutique de "Vêtements Klotz", toutes deux situées à l'angle de Grand'Rue et de la rue des Francs-Bourgeois - et surplombant une foule très dense, la caméra suit les chars qui défilent. Ces premières images sont très floues et on distingue mal ce qu'il s'y passe.

[00:00] Vue d'ensemble de la foule de part et d'autre de la rue des Francs-Bourgeois, assistant au défilé des chars. Au milieu, un homme pédale sur un grand-bi. [00:02] Une camionnette aux couleurs de la Brasserie Kronenbourg - brasserie alsacienne fondée en 1664 à Strasbourg - suivie par une voiture ornée d'une grande bouteille de bière, Kronenbourg également, sur le toit. [00:10] Une fanfare dont les membres portent des déguisements aux couleurs vives. [00:16] Deux plans successifs et très courts de la foule, entassée sur les trottoirs, couverte de confettis. [00:18] Premier char tiré par une voiture décorée avec un croissant de Lune sur le toit ; la remorque quant à elle a été transformée en lit géant et deux personnes en pyjama y sont installées. [00:21] Une seconde remorque, cette fois-ci tirée par un tracteur, transporte un personnage de papier mâché relativement joufflu et semblant faire une chute à ski. [00:28] Un char en forme de dragon d'inspiration chinoise ; sur le dos du dragon, une marmite sur le feu contenant deux personnages habillés en cuisinier. [00:35] Un char en forme de cage sur laquelle se tient un singe, langue tirée et yeux exorbités ; quelques personnes semblent quant à elles prisonnières de la cage. [00:42] Un char orné d'une danseuse de papier mâché autour de laquelle quatre figures masculines pivotent et semblent danser ; un cinquième personnage, plus imposant, est posté à l'arrière du char, les bras levés. [00:47] Des personnes déguisées déambulent, dont une est déguisée en meule de fromage. [00:48] Un char représentant une femme vêtue du costume traditionnel alsacien, à cru sur un taureau bleu, allégorie de l'Europe. [00:54] Un char transportant quatre vieux géants de papier mâché, dont l'un porte l'écharpe tricolore des maires français et un autre qui porte une écharpe autour du cou aux couleurs de la République Fédérale Allemande. [00:59] Un char sur lequel un personnage arborant un chapeau blanc sur la tête prend dans ses bras une sorte de pièce montée rose. [01:03] Des femmes habillées avec le costume traditionnel alsacien sont suivies par un fanfare dont les membres arborent eux aussi le costume traditionnel. [01:06] Un char en forme de bateau ; la figure de proue est une femme nue, rousse à la peau verte semblant jouer d'un instrument à vent – sans doute une trompette – et à la poupe, un géant ouvrant les bras porte une couronne rayonnante. [01:13] Des individus déguisés en arlequin dansent. [01:16] Une fanfare dont les membres sont vêtus de déguisement très colorés joue et défile. [01:23] Quelques personnes font des acrobaties sur des bicyclettes, des grand-bi et des monocycles. [01:37] Un char représentant un enfant déguisé en chevalier sur un cheval à bascule. [01:45] Un char en forme de tigre immense sur lequel prennent place trois jeunes femmes portant le long manteau de pourpre et d'hermine royal et trois autres portant des déguisements de panthères. [01:49] Un char représentant une femme allongée nonchalamment, la tête sur un croissant de Lune ; face à elle, un second personnage lui tourne le dos et lui montre ses fesses. [01:54] Plan non cadré ; on y voit des façades d'immeubles. [01:55] Un char orné de deux énormes têtes d'hommes portant un haut-de-forme derrière lesquelles un personnage féminin ailé prend place sur un siège aux couleurs des États-Unis. [01:58] Un char en forme de chameau qui porte une danseuse orientale quasiment nue et derrière elle, un homme blanc, une raquette de tennis à la main. [02:04] Un char sur lequel des hommes sont portent les vêtements et le calot rayés des bagnards ; deux autres portent l'uniforme des gendarmes. [02:12] Un tracteur tire une remorque sur laquelle des hommes et des femmes sont installés et agitent des filets à papillons.

Les séquences suivantes sont filmées sur la Place Kléber, depuis l'angle de la Rue des Francs-Bourgeois, face à l'Aubette. Les chars précédemment décrits y défilent. La caméra est à hauteur d'homme et plus proche encore du cortège.

[02:24] Plan rapproché sur le char de la danseuse et des cinq hommes. [02:27] Un second plan du même char, vu de derrière cette fois, partant vers la Place de l'Homme de fer. [02:31] Les individus déguisés en meules de fromage. [02:36] Plan rapproché sur le char de l'Alsacienne sur le taureau. [02:42] Le char des quatre vieillards aux attributs politiques (écharpes tricolores) vu de derrière. [02:46] Le char de l'homme à la pièce montée rose vu de derrière. [02:51] Plan rapproché sur une femme, relativement âgée, qui sourit et tente d'enlever les confettis de son manteau. Elle se retourne enfin et jette une poignée de confettis au visage de son voisin. Aucun regard caméra. [02:58] Le char en forme de bateau vu de derrière. [03:05] Le char de l'enfant sur le cheval à bascule vu de derrière. [03:08] Plan rapproché sur le char en forme de tigre. Les jeunes femmes saluent la foule. [03:20] Le char de la femme allongée vue de derrière. [03:26] Un char surmonté d'un lion derrière lequel deux hommes se tiennent debout, l'un a un chapeau de trappeur canadien sur la tête, l'autre une coiffe d'Indien d'Amérique. [03:40] Plan rapproché sur le char de la femme ailée. [03:48] Plan rapproché sur le char du chameau. [03:53] Plan rapproché sur le char des bagnards.

Les séquences suivantes sont filmées en intérieur, lors d'un repas de famille.

[03:57] Une table de fête est dressée et décorée, la pièce est vide. Gros plan sur le centre de table composé de branches de sapin et de cierges colorés. Plan panoramique de la table qui compte au moins 18 couverts. [04:11] Plan filmé depuis le même point de vue que le précédent. La fête bat son plein. Les lumières sont allumées, il semblerait qu'il fait nuit. Sur la table envahie de serpentins, les assiettes sont vides, les bouteilles aussi. Certains sont encore assis tandis que d'autres sont debout, une coupe de champagne ou de crémant à la main, un chapeau en carton sur la tête. Les visages sont rouges et souriants. Les gens s'embrassent et dansent. Certains semblent ivres. Un homme et une femme se font boire mutuellement leur verre. [05:19] Hommes et femmes dansent et forment une chenille. Les jupes se soulèvent face à la caméra. [05:31] Ils dansent tous, à deux voire à trois, sur un rythme assez rapide. Certains se bousculent ou manquent de tomber. [05:50] Un homme se met à danser seul, sautillant et gesticulant ; le style est plus libéré, plus moderne. [06:10] Debout sur une chaise, sans pantalon, un homme fait semblant d'uriner dans une petite bassine. Les autres l'encouragent et rient. [06:21] Un autre homme soulève celui qui n'a plus de pantalon, lui donne quelques fessées et le repose. L'homme sans pantalon sourit et continue de danser. [06:50] Lendemain matin, il fait jour. La pièce est vide, les chaises sont empilées dans un coin. [06:57] Gros plan sur un grand panier rempli de bouteilles vides. [07:13] Les restes de nourriture sont disposés sur la table, à la façon d'un buffet. [07:21] Trois femmes font la vaisselle.

Les séquences suivantes se focalisent à nouveau sur le cortège du carnaval. La caméra surplombe la foule et suit le défilé au loin – à environ 20 mètres. On se situe à l'angle de la Rue Turenne et de l'Avenue de la Paix, à côté de la Grande Synagogue de la Paix.

[07:25] Un char avec une pancarte sur laquelle est écrit « WAS IM GEIMEINDEROOD GERED WURD ESCH ? » [Traduction de l'alsacien : « Ce qui a été dit au conseil municipal ? »]. Sur ce même char, deux hommes à chapeau melon saluent la foule. [07:38] Un char représentant un animal – un renard ? - déguisé en roi assis sur son trône. Les confettis pleuvent. [07:47] Un char qui transporte une caricature de l'homme allemand, replet, joufflu et vêtu du costume traditionnel bavarois – le Lederhose et le Steyrer Hut – et d'une chope de bière à la main. Devant lui, une tête de voleur, et derrière, un femme, caricature de la touriste allemande, accroupie et dont la jupe se soulève. [08:03] Un char sur lequel prennent place deux géantes habillées avec le costume alsacien traditionnel. [08:08] Retour sur le char des caricatures allemandes, vu de derrière : on aperçoit les fesses nues de l'Allemande. [08:15] Un char en forme de coq sur lequel prend place un géant, à savoir un vieux monsieur en complet rouge. [08:26] Un char représentant deux brancardiers portant l'uniforme français bleu horizon de la Première guerre mondiale et transportant un blessé à la peau verdâtre. [08:34] Un char représentant un vieil homme, assis sur une chaise, les bras croisés. [08:44] Une remorque transportant une fanfare. [08:46] Un char issu du monde de Tintin : le Professeur Tournesol fait office de figure de proue, Tintin et Milou sont au milieu et le Capitaine Haddock est à l'arrière, assis, en train de boire une bouteille – de rhum sans doute. [08:55] Un char représentant un ring de boxe ; deux hommes à moitié nus se battent, un arbitre les sépare et un vautour les survole. [09:05] Un char en forme de kangourou, un ballon de volley-ball à la main et un visage humain à lunette. Le char, très haut, est pris dans une guirlande de fanions et s'en dégage difficilement. [09:28] Un char en forme d'éléphant sur lequel sont assises trois jeunes femmes dont une est déguisée en reine. [09:42] Le cortège continue de défiler mais la caméra est très loin, on ne voit que le haut des têtes et parmi elles, un personnage de papier mâché – une femme au gros nez – virevolte. [09:52] Plan rapproché sur la foule en mouvement ; elle est composée à la fois d'enfants, d'adultes et de personnes âgées. Chacun s'amuse à envoyer des confettis sur les autres. Les chapeaux, les manteaux et les trottoirs en sont couverts. [10:09] Un char sur lequel cinq hommes déguisés prennent place, l'un porte un uniforme militaire, un autre un déguisement de motard, un autre encore arbore un haut-de-forme. Ils lancent des poignées de confettis sur la foule. [10:15] Plan rapproché sur la foule. Ce sont davantage les adultes et les personnes âgées, non les enfants, qui jouent avec les confettis. Viennent devant la caméra des visages connus et souriants, ceux de la fête de famille. [10:43] Plan rapproché sur un enfant à vélo qui tente d'enlever les confettis de ses vêtements et de son béret. [10:48] Plan rapproché sur un individu portant un carton décoré en guise de déguisement. [10:52] Sur les trottoirs, les adultes ont presque tous un sachet en papier contenant des confettis dans les mains ; ils les jettent autour d'eux et chahutent joyeusement ensemble.

Métadonnées

N° support :  0050FH0002
Date :  Entre 1958 et 1962
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:11:30
Cinéastes :  Kling, Charles
Format original :  8 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Activités de plein-air, Art de vivre - Gastronomie, Carnaval, Habit traditionnel
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Se déroulant au cours d'une période allant du milieu de l'hiver au début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Derrière un certain aspect anarchique, le carnaval tient en réalité un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire.

A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »[2] est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale et donc au rejet de la culture et de l'autorité allemandes.

En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « "De Barabli" » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organise une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.

L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. La manifestation fait figure d'une opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. Le carnaval est ainsi financé par les commerçant eux-mêmes, en attestent les nombreux chars « sponsorisés », arborant le nom d'enseignes et d'entreprises strasbourgeoises.

Lieux ou monuments


Place Kléber, Strasbourg; Rue des Francs-Bourgeois, Strasbourg; Grand'Rue, Strasbourg; Avenue de la Paix, Strasbourg; Grande Synagogue de la Paix, Strasbourg

Bibliographie


Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, pp.24-37

Eve Cerf, « Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp.40-47

Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris : Fayard, 1983

Freddy Raphaël et Geneviève Herberich-Marx, « Éléments pour une sociologie du rire et du blasphème », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp. 4-10



  1. En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
  2. Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p. 27