Cinq cent Club Heiligenstein(0033FN0009)


Avertissement[1]

Résumé


En 1951, Charles Veltz profite d'une excursion du groupe strasbourgeois "Cinq cent Club "D'Stindler" au vert pour filmer la ligne ferroviaire Rosheim-Saint-Nabor. Le groupe randonne de Ottrott à Heiligenstein, et partage des moments de loisirs qui closent la journée, dans cette région connue pour ses crus prestigieux.

Description


Carton : « Excursion 1951 du Cinq Cent Club ‘’D’Stindler ». Un groupe de personnes pose dans la rue avec des sacs. D’autres les rejoignent. Certaines femmes saluent en direction de la caméra. Court mouvement panoramique sur un enfant. Il regarde vers la caméra, l’air dubitatif. Les adultes le poussent à marcher. Un petit enfant tient la main de sa mère. Il porte un short. Mouvement panoramique vers une femme qui s’approche de l’enfant, elle lui fait un signe de la main et lui touche la joue. Travelling depuis un train. On voit un village, une tour/porte médiévale, un enfant à bicyclette. Travelling depuis le train, plan sur un bâtiment avec l’enseigne « Rosheim-ville ». Travelling depuis le train, on voit la campagne, des champs, des poteaux électriques et ferroviaires, des maisons et des montagnes au loin. Façade d’un bâtiment avec l’enseigne « Ottrott » et l’écriteau « Buffet – bière du pêcheur ». Longue séquence sur les personnes de tout âge qui descendent du train, avec une coupure. Plan court sur les gens qui marchent. Mouvement panoramique lent sur les jeunes qui mangent des sandwichs ensemble, sur des tables et chaises à l’extérieur. Même type de plan sur les adultes. Une femme coupe du pain. Les adultes mangent et boivent du vin. Plan fixe sur un panneau : « Heiligenstein 5, Barr 7 ». Les filles et les garçons marchent en posant sur la route. On marche tous sur un sentier. Un court mouvement panoramique permet de voir le paysage, le village et la montagne au loin. Des bâtiments se devine sur la crête de la montagne. On s’approche d’un village au pied d’une colline. Une église blanche dépasse des maisons. On marche dans la rue. Court plan avec une coupe maladroite. Un homme marche en chantant et en faisant des grands gestes. Plus loin les autres suivent. On chahute. On marche, sans manteau et plus à l’aise. Panneau : « Saint-Nabor, D 103 ». Mouvement panoramique du bas vers le haut sur le clocher d’une église. Mouvement panoramique gauche droite sur des arbres en fleurs. On continue à marcher. Les enfants sur les épaules des adultes. On se protège du soleil. Panneau : « Heiligenstein, D 35 ». Panoramique gauche droite sur des vignes taillées. Un cheval boit dans une fontaine. Un homme tient sa bride. Plan en plongée sur les gens qui montent des escaliers. On grimace et on regarde le paysage. On danse la valse sur une grande terrasse. Puis on danse en sautillant. On joue à la pêche à ligne avec un bâton, du fil et des objets au sol. Plan fixe sur le clocher d’une église. Les enfants et les femmes jouent au même jeu. On joue à Colin-maillard. Mouvement panoramique du bas vers l’horizon et la plaine d’Alsace.

Métadonnées

N° support :  0033FN0009
Date :  1951
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:10:02
Cinéastes :  Veltz, Charles
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Activités de plein-air, Sites patrimoniaux et touristiques
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Une association strasbourgeoise visite l'Alsace


En 1951, Charles Veltz profite d’une excursion du groupe strasbourgeois « Cinq cent Club ‘’d’Stindler » pour sortir sa caméra et capturer des images de villages touristiques locaux. Le club se rassemble dans les rues de Strasbourg pour partir vers la région de Molsheim. C’est l’occasion de rencontres et de partages entre petits et grands. Tandis qu’on salue la caméra, on en profite également pour montrer comment les enfants ont grandi. Les gens qui composent le groupe sont apprêtés et plutôt chaudement habillés. La démarche est celle de citadins qui vont prendre l’air au vert dans le milieu rural proche de Strasbourg. Il s'agit sûrement du printemps puisqu'il apparaît un arbre en fleur au cours de la séquence.

Le but de cette association reste pour l’instant inconnu. S’agit-il d’une association sportive ? D’une association culturelle ? Quelques éléments du film nous permettent quelques hypothèses : le Cinq cent club D’Stindler ne serait-il pas une émanation de la CTS : car si on se place dans la perspective de motivation du film, il pourrait s’agir d’une petite production ou commande de la part du groupe de transports pour promouvoir ses lignes qui font visiter la région. En effet, la ligne ferroviaire utilisée par le groupe est en train de péricliter au moment du tournage, ce qui motiverait un coup de publicité ! Autre hypothèse : s'agirait-il d'un "Spar Club", c'est-à-dire un club d'épargne entre particuliers, qui siégeait généralement dans les bistrots, cafés ou restaurants ? Dans ce cas, l'épargne du club aurait alors servi à financer des excursions annuelles...

La ligne ferroviaire de Rosheim à Saint-Nabor


Le groupe strasbourgeois emprunte le train pour visiter les collines viticoles dans la région de Molsheim. Plus précisément, le réalisateur capture des images de la ligne secondaire de Rosheim à Saint-Nabor. Ouverte le 20 juillet 1902, la ligne s’étendait sur 11,7 kilomètres et reliait plusieurs localités : Rosheim, Boersch, Ottrott et Saint-Nabor. Initialement exploitée par la firme allemande Vering & Waechter jusqu’en 1918, elle fut ensuite intégrée au réseau de la CTS (Compagnie des tramways strasbourgeois) dès 1924. En 1947, le service fut supprimé entre Ottrott et Saint-Nabor. C’est pour cela que la troupe descend à Ottrott et privilégie la marche à pied pour la suite. Sept années plus tard, en 1954, c’est au tour de l’autre section entre Rosheim et Ottrott d’être arrêtée. Charles Veltz filme donc des images qui seront parmi les dernières à montrer cette ligne secondaire en activité. Outre relier les petites localités entre elles, cette courte ligne ferroviaire servait aussi et surtout à amener le train jusqu’à la carrière de Saint-Nabor, pour en transporter les pierres extraites.

Horaires de la ligne Rosheim - St-Nabor publiés dans l'édition allemande des DNA à l'occasion de la mise en service de la ligne en 1902, Microfilm conservé à la BNU.


Plan allemand de la ligne secondaire de Rosheim à Saint-Nabor, BNU de Strasbourg.

La ville de Rosheim est la première traversée par le groupe strasbourgeois. Deux gares la desservaient : une gare au centre-ville et la gare SNCF située à deux kilomètres, par laquelle les strasbourgeois arrivent. Cette dernière était située sur ligne principale Strasbourg-Obernai-Sélestat. C’est de cette gare que commence la ligne secondaire qui desservait la gare du centre-ville et les localités dans le prolongement. Rosheim présente des restes de son enceinte datant de 1361-1362 : la porte inférieure (Untertor) et la porte du Lion (Loewentor). C’est cette dernière que filme le réalisateur depuis le train.

La ligne ferroviaire de Rosheim à Saint-Nabor


Vers 1950, la randonnée est une activité qui n’est habituellement pratiquée que par quelques initiés. Dans l’inconscient collectif, il s’agit alors d’une affaire d’hommes, qui marchent en groupe dans des milieux montagneux. Souvent liée à l’activité du campeur ; le randonneur partait avec ses bagages sur le dos pendant deux semaines, voire un mois. Le temps passant, cette activité se démocratise peu à peu. En effet, trente ans plus tard, la randonnée devient plus familiale et est pratiquée par un public plus large. Il n’est alors pas rare de croiser, sur les chemins des Vosges, des femmes et des jeunes, mais aussi des retraités parfois âgés. Les durées des randonnées ont diminué et l’itinéraire est choisi en fonction des possibilités d’hébergement confortable et des intérêts touristiques.

Davantage que dans d’autres régions françaises, les Alsaciens aiment marcher. On retrouverait dans la région la Wanderlust allemande (Marc LIENHARD, Histoire & aléas de l’identité alsacienne…). Les Vosges présentes à l’ouest de l’Alsace sont parcourues par des centaines de kilomètres de chemin balisés. La marche y est répandue depuis si longtemps que, déjà au temps du Reich allemand, une société fut créée pour promouvoir ce loisir : Le Club Vosgien. En revanche, l’excursion du club, filmée dans cet extrait, est davantage une longue promenade de plusieurs kilomètres qu’une grande randonnée, comme on l’entendait dans les années 1950.

De manière générale, l’attachement à la région est important en Alsace. Il s’exprime dans des chansons telles que Des Elsass unser Ländel (Que notre Alsace est belle). Les lieux de mémoires sont chers à ses habitants qui s’y rendent souvent au gré de leurs marches. D’ailleurs, le site le plus fréquenté est le mont Saint-Odile, lieu important de pèlerinage que l’on aperçoit sur la crête des montagnes dans le film.

Autre particularité de l’identité alsacienne, un large intérêt est porté à la vie associative. Ce fait est encore très palpable aujourd’hui. En effet, vers 2008, la moitié des Alsaciens faisait partie d’une association contre seulement un tiers des Français de plus de 16 ans.

Au sortir de la guerre, l’identité alsacienne fut touchée par la répression importante de l’allemand et de l’alsacien. Celle-ci s’effectua non seulement à l’école, mais également dans le domaine public en général. Beaucoup protestèrent, notamment au niveau politique (conseils généraux, députés, etc.). Cette insatisfaction se manifesta aussi par le moyen de l’ironie, par les chansons et les pièces de théâtre. Citons ici le célèbre Barabli, cabaret de Germain Muller, dans lequel les spectateurs pouvaient voir sa pièce Enfin, redde m’r nimmi devun (Enfin, n’en parlons plus). Celle-ci fut représentée pour la première fois en 1949. Elle témoigna de la volonté de tourner la page de la guerre, et ce, en mobilisant l’alsacien pour le texte. C’est probablement pour célébrer l’alsacien comme élément identitaire qu’un mot du dialecte est utilisé dans le nom de l’association « Cinq cent Club D’Stindler ».

Le tourisme œnologique à Ottrott et Heiligenstein


Le groupe strasbourgeois descend du train à Ottrott. Il en profite pour s’y restaurer et pour y boire avant la marche qui les attend. Le village est connu pour sa production d’un cru spécifique : « le rouge d’Ottrott », un pinot rouge se rapprochant du Beaujolais. Le groupe profite du beau temps pour manger à l’extérieur, dans un village où l’hôtellerie fournit l’essentiel du travail puisqu’il est doté d’un important équipement d’accueil. Charles Veltz filme ensuite un panneau indiquant la direction d’Heiligenstein. Le groupe commence sa marche de cinq kilomètres vers ce village qui ne bénéficie pas de la desserte du train. Après le village de Saint-Nabor, la troupe arrive enfin au village viticole. Là, le réalisateur en profite pour filmer les vignes à l’entrée de localité. Celles-ci sont taillées, ce qui indique que cette excursion à lieu plutôt dans la première moitié de l’année. Le lieu est connu pour un cépage particulier et unique : le « Klevener ». Introduit en 1742 par Ehrard Wantz, qui en avait apporté un plant d’origine italienne, ce cépage fait la renommée du village.

Saint-Nabor


Au cours de sa marche, le groupe traverse Saint-Nabor. Il s’agit d’un village situé au pied du Mont Saint-Odile, lieu de pèlerinage important que l’on aperçoit sur la crête d’une montagne dans la séquence. Charles Veltz capture quelques images du passage du groupe dans la localité, notamment à l’église catholique Saint-Nabor, un édifice qui comprend un large clocher et des contreforts anciens (XIIe et XVIe siècles). Le village n’a pas pour activité principale la production de vin mais l’extraction à ciel ouvert de roches dures. Paradoxalement, le réalisateur ne filme pas la carrière, peut-être parce qu’on ne peut pas l’observer depuis le village. Cette carrière continuera son activité jusqu’en 2002.

Danses et jeux


Jeu de pêche à la ligne, image tirée du film, MIRA.
Heiligenstein est la destination finale de l’excursion. Le chemin emprunté par le groupe est plus laborieux et pentu que les précédents. Les vêtements portés ne sont pas particulièrement adaptés à ce type de marche plus sportive. En effet, les gens enlèvent leurs vestes volontiers, et cherchent à se protéger d’un soleil apparemment éprouvant. Dans le village, le réalisateur filme les activités que le groupe décide de faire. Les adultes dansent d’abord la valse sur une terrasse, puis ils s'adonnent à une danse plus énergique : c’est l’occasion de faire participer les enfants. Puis, on pratique des jeux. Les hommes jouent d’abord à la pêche à la ligne avec des objets au sol. Les femmes et les enfants sont ensuite invités à tester le jeu. Enfin, l’ensemble du groupe joue à Colin-Maillard, jeu où une personne à les yeux bandés et doit attraper les autres. Le réalisateur finit par un mouvement panoramique vers la plaine d’Alsace, pour montrer le panorama qui s’ouvre devant lui. Ce sont des moments de convivialité, intergénérationnelle, que Charles Veltz capture. Les images ont une dimension particulière six années après la fin d’un conflit éprouvant pour la région et l’Europe en général.

Lieux ou monuments


Rosheim; Ottrott; Saint-Nabor; Heiligenstein

Bibliographie


Chemins de fer d'Alsace et de Lorraine : guide officiel illustré, préface de M.M. Monmarché, Paris, P. Mayeux, 1927.

Antoine DE BAECQUE, Une histoire de la marche, Paris, Perrin, 2016.

J.-M. DUPUY (dir.), 150 ans de chemin de fer dans la région de Molsheim : histoire des voies ferrées de Strasbourg-Saâles et de Saverne-Sélestat, Molsheim, SHAME, 2014.

Marc LIENHARD, Histoire & aléas de l’identité alsacienne, Strasbourg, Nuée Bleue, 2011.

J.-M. MONTAVON, C. CLAERR, M. DOERFLINGER, « Heiligenstein » dans Agnès ACKER (dir.), Encyclopédie de l’Alsace, Vol. 6, Strasbourg, Editions Publitotal, 1984, p. 3807-3808.

M.-D. RISS, T. RIEGER, D. RAY, « Ottrott » dans Agnès ACKER (dir.), Encyclopédie de l’Alsace, Vol. 10, Strasbourg, Editions Publitotal, 1985, p. 5769-5771.

M.-D. RISS, T. RIEGER, « Saint-Nabor » dans Agnès ACKER (dir.), Encyclopédie de l’Alsace, Vol. 11, Strasbourg, Editions Publitotal, 1985, p. 6584.

M.-D. RISS, C. JEUNESSE, B. NORMAND, C. CLAERR, etc., « Rosheim » dans Agnès ACKER (dir.), Encyclopédie de l’Alsace, Vol. 11, Strasbourg, Editions Publitotal, 1985, p. 6511-6519.

Lucien SITTLER, La route du vin d’Alsace, Colmar-Ingersheim, Éditions SAEP, 1969.

François UBERFILL, Rosheim 1870-1914 : une ville au temps du Reichsland, Rosheim, Les Amis de Rosheim ; Bernardswiller, I.D. l'Édition, 2017.


Article rédigé par

Arthur Durand, 27 décembre 2019


  1. Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.