Coeurs vaillants de Saint Etienne en sortie à Heiligenberg(43AV1) : Différence entre versions

 
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|Resume_fr=Le groupe des Cœurs Vaillants de la paroisse Saint-Etienne de Strasbourg en sortie à Heilingenberg, le 13 mai 1956.
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|Resume_fr=Le groupe des Cœurs Vaillants du Collège Saint-Etienne de Strasbourg en sortie à Heilingenberg, le 13 mai 1956.
 
|Contexte_et_analyse_fr='''Les Coeurs Vaillants et le patronage : l'Eglise catholique au service de la jeunesse'''
 
|Contexte_et_analyse_fr='''Les Coeurs Vaillants et le patronage : l'Eglise catholique au service de la jeunesse'''
  
Le mouvement des Coeurs Vaillants, issus des patronages et de nature profondément catholique, s'intègre en réalité dans une dimension plus large d'un nouveau rapport à l'enfance. Associé au catholicisme social, le patronage vise à redynamiser les rapports éducatifs entre l'Eglise et les populations - et plus particulièrement auprès de la jeunesse - dans le but d'offrir un cadre à la fois structurant mais aussi ludique aux enfants des différentes paroisses. Par cette prise en charge éducative, l'Eglise s'octroie une place nouvelle auprès de ses fidèles : les parents confient leurs enfants à des encadrants qui s'attachent à leur transmettre des valeurs chrétiennes, des valeurs en lesquelles les adultes croient et qu'ils désirent voir transmises à leurs progénitures.  
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Le mouvement des Coeurs Vaillants, issus des patronages et de nature profondément catholique, s'intègre en réalité dans une dimension plus large d'un nouveau rapport à l'enfance. Associé au catholicisme social, le patronage vise à redynamiser les rapports éducatifs entre l'Eglise et les populations - et plus particulièrement auprès de la jeunesse - dans le but d'offrir un cadre à la fois structurant mais aussi ludique aux enfants catholiques. Par cette prise en charge éducative, l'Eglise s'octroie une place nouvelle auprès de ses fidèles : les parents confient leurs enfants à des encadrants qui s'attachent à leur transmettre des valeurs chrétiennes, des valeurs en lesquelles les adultes croient et qu'ils désirent voir transmises à leurs progénitures.  
  
 
[[Fichier:Tintinmilou.jpg|300px|thumb|right|"Tintin et Milou au Pays de l'Or Noir" dans le numéro des Coeurs Vaillants sur 6 octobre 1940.]]
 
[[Fichier:Tintinmilou.jpg|300px|thumb|right|"Tintin et Milou au Pays de l'Or Noir" dans le numéro des Coeurs Vaillants sur 6 octobre 1940.]]
  
Après avoir perdu le terrain de l'école depuis la fin du XIXe siècle avec la succession des lois soulevant les questions de la laïcité de l'enseignement (lois Falloux, Goblet et Ferry notamment), l'Eglise s'arroge le domaine de l'éducation extra-scolaire dans le but de s'approcher des jeunes. Ainsi, par le biais de la presse enfantine, l'Eglise peut directement s'adresser à la jeunesse catholique prenant pour cible ses centres d'intérêts. Le journal ''Coeurs Vaillants'' voit alors le jour en 1927 sous un format hebdomadaire dans lequel on peut retrouver à la sortie de la messe les aventures de "Tintin et Milou". L'idée derrière ce petit illustré est de créer une sorte d'esprit unificateur où des valeurs communes sont partagées. C'est donc en toute logique que l'esprit "Coeur Vaillant" se transforme au-delà des images en un véritablement mouvement de jeunesse à partir de 1936.  
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Dans la France de l'intérieur, après avoir perdu le terrain de l'éducation scolaire depuis la fin du XIXe siècle avec la succession des lois soulevant les questions de la laïcité de l'enseignement (lois Falloux, Goblet et Ferry notamment), s'ajoute en 1905 la séparation des Eglises et de l'Etat, mettant un terme à la collaboration entre le clergé et les écoles. Ce bouleversement organique ne concerne pas l'Alsace et la Moselle, allemandes à ce moment-là, et protégées à leur retour par le Concordat. Pour faire face à cette perte d'influence en France, l'Eglise s'arroge alors le domaine de l'éducation extra-scolaire dans le but de s'approcher des jeunes, et cette ambition ne va pas sans profiter à l'Alsace et son organisation scolaire qui dépend encore largement des institutions religieuses. En choisissant le biais de la presse enfantine, l'Eglise peut directement s'adresser à la jeunesse catholique prenant pour cible ses centres d'intérêts. Le journal Coeurs Vaillants voit alors le jour en 1927 sous un format hebdomadaire dans lequel on peut retrouver à la sortie de la messe les aventures de "Tintin et Milou". L'idée derrière ce petit illustré est de créer une sorte d'esprit unificateur où des valeurs communes sont partagées. C'est donc en toute logique que l'esprit "Coeur Vaillant" se transforme au-delà des images en un véritablement mouvement de jeunesse à partir de 1936.  
  
Les Coeurs Vaillants, cette fois en tant que mouvement, se concentrent pour beaucoup sur la vie paroissiale et moins sur des activités pratiques, à la différence du scoutisme. Les excursions des Coeurs Vaillants se limitent plus à des sorties qu'à des camps de vacances, comme ici à Heiligenberg.  
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Les Coeurs Vaillants, cette fois en tant que mouvement, se concentrent plus à former un esprit de groupe impliqué dans la vie locale qu'à s'exercer à des activités physiques et pratiques. Les excursions des Coeurs Vaillants se limitent en général à des sorties comme ici à Heiligenberg, laissant les camps de vacances aux scouts.  
  
'''Une sortie à la Montagne Sainte'''
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'''Une sortie à la montagne'''
  
Ce film retrace donc la sortie à Heiligenberg, littéralement "La Montagne Sainte" des Coeurs Vaillants de Saint-Etienne (on devine facilement qu'il s'agit du Collège Saint-Etienne de Strasbourg) pour profiter d'activités extérieure à la ville, profitant des quelques jours de congés offert par le week-end de l'Ascension. La joyeuse troupe s'y rend en train, en témoigne ce très long plan sur le quai de gare en attendant l'arrivée d'un train qui n'est pas sans rappeler ''L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat'' des frères Lumières (1896). En arrière-plan légèrement surexposé, on peut apercevoir la bourgade et le clocher de l'église Saint-Vincent, la bâtisse apparaissant en contre-haut et cette séquence narrative nous indique que le groupe s'est rendu à Heiligenberg par le train.
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Ce film retrace la sortie des Coeurs Vaillants du Collège de Saint-Etienne à Heiligenberg le 13 mai 1956 dans un petit village situé dans les hauteurs du massif vosgien, afin de profiter d'activités extérieure à la ville le temps des quelques jours de congés offert par le week-end de l'Ascension. La joyeuse troupe s'y rend en train, en témoigne ce très long plan sur le quai de gare en attendant l'arrivée d'un train qui n'est pas sans rappeler ''L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat'' des frères Lumières (1896). Dans cette première séquence narrative, on peut apercevoir en arrière-plan légèrement surexposé la bourgade et le clocher de l'église Saint-Vincent, la bâtisse apparaissant en contre-haut.  
Le convoi arrivant en gare ne semble pas être celui par lequel sont arrivés les enfants et leurs encadrants, d'autant plus que la longueur du plan laisse penser que le cinéaste avait une idée très précise de ce qu'il souhaitait pour construire son plan narratif, bien établi dans son esprit. Le film et ses plans successifs ne sont pas mis en scène, comme en témoigne l'attitude spontanée des enfants : grands sourires, ils semblent ravis de voir la caméra pointée sur eux. Mais cela ne signifie pas pour autant que le choix des différents plans est laissé au hasard !
 
En effet, le cinéaste souhaite retracer le déroulement de la journée, de manière chronologique, tout en utilisant les secondes de sa bobine avec parcimonie. Ces plans choisis mais non mis en scène apportent une certaine naïveté au film, tout comme ses petites erreurs techniques : la main tremble beaucoup, certains plans sont surexposés et d'autres trop longs. On devine alors une passion récente pour le cinéma et un apprentissage en cours dans lequel cette journée apparait comme un parfait exercice. Par la même occasion, le carton introductif dénote d'une attention particulière accordée au montage.
 
  
Réalisé par Paul Ringeissen, l'Abbé du Collège Saint-Etienne de Strasbourg ayant introduit le mouvement des Cœurs Vaillants au sein de l'établissement scolaire la même année, ce film n’avait certainement pas de vocation plus ambitieuse que de faire revivre cette journée à un public très restreint, comme des parents d’enfants ou les élèves eux-mêmes. Les plans ne sont pas très recherchés mais nous livrent tout de même un certain nombre de détails, notamment sur l’organisation du mouvement.
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Le convoi arrivant en gare ne semble pas être celui par lequel est arrivé le cinéaste, l'Abbé Paul Ringeissen. Familier avec ces excursions, le professeur a pour habitude de se charger de l’approvisionnement - qu’il achemine avec son éternelle 2CV - et de réceptionner le groupe d'enfants et d'encadrants à la gare. La longueur du plan laisse aussi penser que le réalisateur a une idée très précise de ce qu'il souhaite pour construire son plan narratif, bien établi dans son esprit. Le film et ses plans successifs ne sont pas mis en scène, comme en témoigne l'attitude spontanée des enfants, habitués à la caméra de l'enseignant : grands sourires, ils semblent ravis de voir la caméra pointée sur eux. Mais cela ne signifie pas pour autant que le choix des différents plans est laissé au hasard ! En effet, le cinéaste souhaite retracer le déroulement de la journée, de manière chronologique, tout en utilisant les secondes de sa bobine avec parcimonie. Ces plans choisis mais non mis en scène apportent une certaine naïveté au film, tout comme ses petites erreurs techniques : la main tremble beaucoup, certains plans sont surexposés et d'autres trop longs. Mais le carton introductif dénote tout de même d'une attention particulière accordée au montage. Paul Ringeissen n'est pas un grand cinéaste et n'aspire pas à le devenir, il aime filmer pour ses souvenirs tout comme il apprécie le cinéma et ces quelques jours de sorties ne dérogent pas à ses habitudes.  
Le groupe des Cœurs Vaillants, exclusivement masculin présente une différence d’âge notable entre tous les enfants. Les plus jeunes sont plus enthousiastes que les grands qui, plus calmes, restent entre eux.
 
Les plans sur les enfants se succèdent : les garçons jouent, se défoulent. Sur tous les plans, les jeunes Coeurs Vaillants s'amusent avec des bâtons, chahutent mais semblent plus vouloir attirer l’attention de la caméra que faire preuve de mauvaise conduite. Les encadrants - qui restent très jeunes conformément à l'organisation du mouvement - sont filmés de très près et on peut voir leurs expressions se durcirent, demandant aux jeunes de faire preuve de discipline malgré ce contexte d’excursion. Les enfants sont alors focalisés sur les adultes qui rappellent quelques règles de conduite avant de partir pour la randonnée qui suit. Pour illustrer cette promenade, le cinéaste effectue quelques panoramas, notamment sur la vallée de Bruche et sur ce qui ressemble à un rocher, très nombreux dans le massif vosgien. Mais la nature ne semble pas être le sujet principal de ce film et le peu d'éléments topographiques ne nous permettent pas d'identifier avec certitudes les différents lieux de tournage.  
 
  
Et comme "après l'effort, le réconfort", on peut voir les plus jeunes des garçons, habillés de culotte-bretelle, arriver en courant pour le goûter. Aussi appelé ''lederhose'', cet accoutrement tout droit venu d’Allemagne constitue depuis le début des années 1950 l’habit typique des adhérents aux mouvements de jeunesse et dont on doit sa popularisation dans le reste de la France à l'Alsace.
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C'est l’abbé lui-même qui a introduit la section des Cœurs Vaillants au sein du Collège Saint-Etienne, la même année en 1956, profitant du Concordat pour construire ce groupe au sein même de l’établissement dans lequel il enseigne. Ce film n’avait certainement pas de vocation plus ambitieuse que de faire revivre cette journée à un public très restreint, comme des parents d’enfants ou les élèves eux-mêmes lors des séances cinéma qu’il organisait toutes les semaines dans la crypte du collège pour les internes. Les plans ne sont pas très recherchés mais nous livrent tout de même un certain nombre de détails, notamment sur l’organisation du mouvement. Le groupe des Cœurs Vaillants, exclusivement masculin - tout comme le collège - présente une différence d’âge notable entre tous les enfants. Les plus jeunes sont plus enthousiastes que les grands qui, plus calmes, restent entre eux. Les plans sur les enfants se succèdent : les garçons jouent, se défoulent. Sur tous les plans, les jeunes Coeurs Vaillants s'amusent avec des bâtons, chahutent mais semblent plus vouloir attirer l’attention de la caméra que faire preuve de mauvaise conduite. Les encadrants, ne sont autre que les surveillants du collège, sont filmés de très près où l’on peut voir leurs expressions se durcirent, demandant aux jeunes de faire preuve de discipline malgré ce contexte d’excursion. Les enfants sont alors focalisés sur les adultes qui rappellent quelques règles de conduite avant de partir pour la randonnée qui suit. Pour illustrer cette promenade, le cinéaste effectue quelques panoramas, notamment sur la vallée de Bruche et sur ce qui ressemble à un rocher, très nombreux dans la région. Mais la nature ne semble pas être le sujet principal de ce film qui se concentre essentiellement sur les enfants et le peu d'éléments topographiques ne nous permet pas d'identifier avec certitudes les différents lieux de tournage.
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Et comme "après l'effort, le réconfort", les plus jeunes des garçons, habillés de culotte-bretelle, arrivent en courant pour le goûter. Aussi appelé ''lederhose'', cet accoutrement tout droit venu d’Allemagne constitue depuis le début des années 1950 l’habit typique des adhérents aux mouvements de jeunesse et dont on doit sa popularisation dans le reste de la France à l'Alsace.
 
|Bibliographie=CHOVLY (Gérard), dir., Mouvements de jeunesses. Chrétiens et juifs : sociabilité juvénile dans un cadre européen, 1799-1968, Le Cerf, Paris, 1988. <br>
 
|Bibliographie=CHOVLY (Gérard), dir., Mouvements de jeunesses. Chrétiens et juifs : sociabilité juvénile dans un cadre européen, 1799-1968, Le Cerf, Paris, 1988. <br>
  
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FEROLDI (Vincent), La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’A.C.E., Éditions ouvrières, Paris, 1987.
 
FEROLDI (Vincent), La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’A.C.E., Éditions ouvrières, Paris, 1987.
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Entretien avec Monsieur Louis Schlaefli, collègue et ami de longue date de l'Abbé Paul Ringeissen, le 15 janvier 2020 à Strasbourg.
 
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Version actuelle datée du 6 mars 2020 à 17:31

Résumé


Le groupe des Cœurs Vaillants du Collège Saint-Etienne de Strasbourg en sortie à Heilingenberg, le 13 mai 1956.

Métadonnées

N° support :  43AV1
Date :  1956
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:02:06
Cinéastes :  Ringeissen, Paul
Format original :  8 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Mouvement de jeunesse - Education Scoutisme
Institution d'origine :  Archives départementales du Bas-Rhin

Contexte et analyse


Les Coeurs Vaillants et le patronage : l'Eglise catholique au service de la jeunesse

Le mouvement des Coeurs Vaillants, issus des patronages et de nature profondément catholique, s'intègre en réalité dans une dimension plus large d'un nouveau rapport à l'enfance. Associé au catholicisme social, le patronage vise à redynamiser les rapports éducatifs entre l'Eglise et les populations - et plus particulièrement auprès de la jeunesse - dans le but d'offrir un cadre à la fois structurant mais aussi ludique aux enfants catholiques. Par cette prise en charge éducative, l'Eglise s'octroie une place nouvelle auprès de ses fidèles : les parents confient leurs enfants à des encadrants qui s'attachent à leur transmettre des valeurs chrétiennes, des valeurs en lesquelles les adultes croient et qu'ils désirent voir transmises à leurs progénitures.

"Tintin et Milou au Pays de l'Or Noir" dans le numéro des Coeurs Vaillants sur 6 octobre 1940.

Dans la France de l'intérieur, après avoir perdu le terrain de l'éducation scolaire depuis la fin du XIXe siècle avec la succession des lois soulevant les questions de la laïcité de l'enseignement (lois Falloux, Goblet et Ferry notamment), s'ajoute en 1905 la séparation des Eglises et de l'Etat, mettant un terme à la collaboration entre le clergé et les écoles. Ce bouleversement organique ne concerne pas l'Alsace et la Moselle, allemandes à ce moment-là, et protégées à leur retour par le Concordat. Pour faire face à cette perte d'influence en France, l'Eglise s'arroge alors le domaine de l'éducation extra-scolaire dans le but de s'approcher des jeunes, et cette ambition ne va pas sans profiter à l'Alsace et son organisation scolaire qui dépend encore largement des institutions religieuses. En choisissant le biais de la presse enfantine, l'Eglise peut directement s'adresser à la jeunesse catholique prenant pour cible ses centres d'intérêts. Le journal Coeurs Vaillants voit alors le jour en 1927 sous un format hebdomadaire dans lequel on peut retrouver à la sortie de la messe les aventures de "Tintin et Milou". L'idée derrière ce petit illustré est de créer une sorte d'esprit unificateur où des valeurs communes sont partagées. C'est donc en toute logique que l'esprit "Coeur Vaillant" se transforme au-delà des images en un véritablement mouvement de jeunesse à partir de 1936.

Les Coeurs Vaillants, cette fois en tant que mouvement, se concentrent plus à former un esprit de groupe impliqué dans la vie locale qu'à s'exercer à des activités physiques et pratiques. Les excursions des Coeurs Vaillants se limitent en général à des sorties comme ici à Heiligenberg, laissant les camps de vacances aux scouts.

Une sortie à la montagne

Ce film retrace la sortie des Coeurs Vaillants du Collège de Saint-Etienne à Heiligenberg le 13 mai 1956 dans un petit village situé dans les hauteurs du massif vosgien, afin de profiter d'activités extérieure à la ville le temps des quelques jours de congés offert par le week-end de l'Ascension. La joyeuse troupe s'y rend en train, en témoigne ce très long plan sur le quai de gare en attendant l'arrivée d'un train qui n'est pas sans rappeler L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat des frères Lumières (1896). Dans cette première séquence narrative, on peut apercevoir en arrière-plan légèrement surexposé la bourgade et le clocher de l'église Saint-Vincent, la bâtisse apparaissant en contre-haut.

Le convoi arrivant en gare ne semble pas être celui par lequel est arrivé le cinéaste, l'Abbé Paul Ringeissen. Familier avec ces excursions, le professeur a pour habitude de se charger de l’approvisionnement - qu’il achemine avec son éternelle 2CV - et de réceptionner le groupe d'enfants et d'encadrants à la gare. La longueur du plan laisse aussi penser que le réalisateur a une idée très précise de ce qu'il souhaite pour construire son plan narratif, bien établi dans son esprit. Le film et ses plans successifs ne sont pas mis en scène, comme en témoigne l'attitude spontanée des enfants, habitués à la caméra de l'enseignant : grands sourires, ils semblent ravis de voir la caméra pointée sur eux. Mais cela ne signifie pas pour autant que le choix des différents plans est laissé au hasard ! En effet, le cinéaste souhaite retracer le déroulement de la journée, de manière chronologique, tout en utilisant les secondes de sa bobine avec parcimonie. Ces plans choisis mais non mis en scène apportent une certaine naïveté au film, tout comme ses petites erreurs techniques : la main tremble beaucoup, certains plans sont surexposés et d'autres trop longs. Mais le carton introductif dénote tout de même d'une attention particulière accordée au montage. Paul Ringeissen n'est pas un grand cinéaste et n'aspire pas à le devenir, il aime filmer pour ses souvenirs tout comme il apprécie le cinéma et ces quelques jours de sorties ne dérogent pas à ses habitudes.

C'est l’abbé lui-même qui a introduit la section des Cœurs Vaillants au sein du Collège Saint-Etienne, la même année en 1956, profitant du Concordat pour construire ce groupe au sein même de l’établissement dans lequel il enseigne. Ce film n’avait certainement pas de vocation plus ambitieuse que de faire revivre cette journée à un public très restreint, comme des parents d’enfants ou les élèves eux-mêmes lors des séances cinéma qu’il organisait toutes les semaines dans la crypte du collège pour les internes. Les plans ne sont pas très recherchés mais nous livrent tout de même un certain nombre de détails, notamment sur l’organisation du mouvement. Le groupe des Cœurs Vaillants, exclusivement masculin - tout comme le collège - présente une différence d’âge notable entre tous les enfants. Les plus jeunes sont plus enthousiastes que les grands qui, plus calmes, restent entre eux. Les plans sur les enfants se succèdent : les garçons jouent, se défoulent. Sur tous les plans, les jeunes Coeurs Vaillants s'amusent avec des bâtons, chahutent mais semblent plus vouloir attirer l’attention de la caméra que faire preuve de mauvaise conduite. Les encadrants, ne sont autre que les surveillants du collège, sont filmés de très près où l’on peut voir leurs expressions se durcirent, demandant aux jeunes de faire preuve de discipline malgré ce contexte d’excursion. Les enfants sont alors focalisés sur les adultes qui rappellent quelques règles de conduite avant de partir pour la randonnée qui suit. Pour illustrer cette promenade, le cinéaste effectue quelques panoramas, notamment sur la vallée de Bruche et sur ce qui ressemble à un rocher, très nombreux dans la région. Mais la nature ne semble pas être le sujet principal de ce film qui se concentre essentiellement sur les enfants et le peu d'éléments topographiques ne nous permet pas d'identifier avec certitudes les différents lieux de tournage.

Et comme "après l'effort, le réconfort", les plus jeunes des garçons, habillés de culotte-bretelle, arrivent en courant pour le goûter. Aussi appelé lederhose, cet accoutrement tout droit venu d’Allemagne constitue depuis le début des années 1950 l’habit typique des adhérents aux mouvements de jeunesse et dont on doit sa popularisation dans le reste de la France à l'Alsace.

Bibliographie


CHOVLY (Gérard), dir., Mouvements de jeunesses. Chrétiens et juifs : sociabilité juvénile dans un cadre européen, 1799-1968, Le Cerf, Paris, 1988.

FAUVEL-ROUIF (Denise), dir., La jeunesse et ses mouvements : influence sur l’évolution des sociétés aux XIXe et XXe siècle, Commission internationale d’histoire des mouvements sociaux et des structures sociales, Éditions du CNRS, Paris, 1992.

FEROLDI (Vincent), La Force des enfants. Des Cœurs vaillants à l’A.C.E., Éditions ouvrières, Paris, 1987.

Entretien avec Monsieur Louis Schlaefli, collègue et ami de longue date de l'Abbé Paul Ringeissen, le 15 janvier 2020 à Strasbourg.


Article rédigé par

Clara Picarles, 22 décembre 2019