Dernier tram de Strasbourg (0119FH0012) : Différence entre versions

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La circulation du dernier tram a une visée symbolique. On peut le voir à travers les différentes inscriptions marquées sur les voitures qui circulent : « Chacun son destin », « Je m’en vais », « On ne veut plus de moi », « 82 ans de loyaux services »… Le dernier plan de ce document n’est pas anodin : on filme en gros plan l’inscription « ADIEU AU TRAMWAY ». Le tramway devient alors un moyen de transmissions de messages par ses voitures. Le rôle de la langue est aussi important à travers l’inscription en alsacien « Ich komm nimmi », c’est-à-dire « je ne viens plus », référence donc au fait que c’est la dernière fois que passera sans doute le tramway dans les rues de la ville. A la place, le transport en commun privilégié et mis en valeur fut le bus, déjà présent depuis les années 1950 .
 
La circulation du dernier tram a une visée symbolique. On peut le voir à travers les différentes inscriptions marquées sur les voitures qui circulent : « Chacun son destin », « Je m’en vais », « On ne veut plus de moi », « 82 ans de loyaux services »… Le dernier plan de ce document n’est pas anodin : on filme en gros plan l’inscription « ADIEU AU TRAMWAY ». Le tramway devient alors un moyen de transmissions de messages par ses voitures. Le rôle de la langue est aussi important à travers l’inscription en alsacien « Ich komm nimmi », c’est-à-dire « je ne viens plus », référence donc au fait que c’est la dernière fois que passera sans doute le tramway dans les rues de la ville. A la place, le transport en commun privilégié et mis en valeur fut le bus, déjà présent depuis les années 1950 .
  
Le parallèle entre un véritable enterrement peut être fait. En effet, comme à un enterrement, on assiste à une sorte de procession funéraire composée d’une fanfare, habillée en noir, et on peut noter la présence d’un homme portant une gerbe de fleurs ou encore d’une voiture marquée par l’inscription « de profondis », pouvant évoquer le « de profundis ». Le « de profundis » est une référence à une des prières prononcées lors d’enterrements chrétiens.  
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Le parallèle entre un véritable enterrement peut être fait. En effet, comme à un enterrement, on assiste à une sorte de procession funéraire composée d’une fanfare, habillée en noir, et on peut noter la présence d’un homme portant une gerbe de fleurs ou encore d’une voiture marquée par l’inscription « de profondis », pouvant évoquer le « ''de profundis'' ». Le « ''de profundis'' »peut être une référence à une des prières prononcées lors d’enterrements chrétiens.  
  
 
La dernière traversée du tramway donna également lieu à une promotion pour deux brasseries alsaciennes situées à Schiltigheim, ville voisine de Strasbourg. Cette promotion peut être vue par les deux publicités sur les deux bus bleus qui circulent entre les voitures de tramway. Ce sont donc deux publicités pour d’un côté la bière Schützenberger et de l’autre à travers la bière Ancre Pils la brasserie de l’Espérance. Les publicités furent bien présentes dès la fin du XIXe siècle notamment à travers des affiches à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des voitures . En outre, une voiture de tramway met également en scène deux hommes en costume et hauts de forme qui tiennent un énorme ouvrage. On peut émettre l’hypothèse qu’il s’agisse de prometteurs immobiliers.  
 
La dernière traversée du tramway donna également lieu à une promotion pour deux brasseries alsaciennes situées à Schiltigheim, ville voisine de Strasbourg. Cette promotion peut être vue par les deux publicités sur les deux bus bleus qui circulent entre les voitures de tramway. Ce sont donc deux publicités pour d’un côté la bière Schützenberger et de l’autre à travers la bière Ancre Pils la brasserie de l’Espérance. Les publicités furent bien présentes dès la fin du XIXe siècle notamment à travers des affiches à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des voitures . En outre, une voiture de tramway met également en scène deux hommes en costume et hauts de forme qui tiennent un énorme ouvrage. On peut émettre l’hypothèse qu’il s’agisse de prometteurs immobiliers.  
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Autre référence économique mais aussi historique, on peut évoquer la présence d’une locomotive au début du film. Celle-ci est tirée par un cheval blanc, parée de fleurs pour l’occasion,  ouvrant la dernière traversée. Elle porte le nom de Colette grâce à son inscription sur le côté « Je m’appelle Colette, j’ai 74 ans ». D’après une photographie trouvée sur le site des archives de Strasbourg, Colette était une locomotive créée en 1886 pour transporter la production de sucre de la sucrerie d’Erstein jusqu’à la gare de la ville .  
 
Autre référence économique mais aussi historique, on peut évoquer la présence d’une locomotive au début du film. Celle-ci est tirée par un cheval blanc, parée de fleurs pour l’occasion,  ouvrant la dernière traversée. Elle porte le nom de Colette grâce à son inscription sur le côté « Je m’appelle Colette, j’ai 74 ans ». D’après une photographie trouvée sur le site des archives de Strasbourg, Colette était une locomotive créée en 1886 pour transporter la production de sucre de la sucrerie d’Erstein jusqu’à la gare de la ville .  
  
Sur cette locomotive, se trouve également inscrit deux dates mises en parallèle : 1878 et 1960. 1960 semble être évidemment la date de la dernière circulation de ce tramway mais on peut se demander ce que signifie et symbolise l’année 1878. Par conséquent, il faut s’intéresser à l’histoire du tramway de Strasbourg et tout particulièrement ses origines. De par sa date, le tramway de Strasbourg est donc né lorsque la ville était annexée à l’Empire allemand de Guillaume Ier. En effet, on note la création en 1877 de la « Strasburger Pferdereisenbahngeselshafft », c’est-à-dire la « Compagnie Strasbourgeoise de Chemin de Fer Hippomobile ». Le nom indique ainsi que les tramways étaient alors tirés par des chevaux dans le centre-ville alors que dans les faubourgs des locomotives à vapeur étaient autorisées, de taille plus petite toutefois que celles arrivant dans les gares . Le chantier débuta alors en l’année 1878, date qui se trouve donc sur la locomotive Colette.  
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Sur cette locomotive, se trouve également inscrit deux dates mises en parallèle : 1878 et 1960. 1960 semble être évidemment la date de la dernière circulation de ce tramway mais on peut se demander ce que signifie et symbolise l’année 1878. Par conséquent, il faut s’intéresser à l’histoire du tramway de Strasbourg et tout particulièrement ses origines. De par sa date, le tramway de Strasbourg est donc né lorsque la ville était annexée à l’Empire allemand de Guillaume Ier. En effet, on note la création en 1877 de la « ''Strasburger Pferdereisenbahngeselshafft'' », c’est-à-dire la « Compagnie Strasbourgeoise de Chemin de Fer Hippomobile ». Le nom indique ainsi que les tramways étaient alors tirés par des chevaux dans le centre-ville alors que dans les faubourgs des locomotives à vapeur étaient autorisées, de taille plus petite toutefois que celles arrivant dans les gares . Le chantier débuta alors en l’année 1878, date qui se trouve donc sur la locomotive Colette.  
  
 
Le tramway connaît un développement important au début du XXe siècle notamment grâce à l’électrification du réseau mais aussi l’étalement du réseau vers d’autres villes du Bas-Rhin, comme par exemple Erstein mentionnée plus tôt ou encore Obernai. Néanmoins, la Seconde Guerre Mondiale fragilisa la Compagnie des Transports Strasbourgeois et donc les différentes lignes du tramway. On estima alors au moins quinze kilomètres de voies qui furent détruites mais surtout 79 kilomètres de lignes qui se virent privées d’électricité et 26 ponts furent détruits par les conflits ou encore les bombardements . Néanmoins, malgré les tentatives de reconstruction au cours des années 1950 et la mise en place pour un temps du trolleybus, le tramway disparût peu à peu du paysage strasbourgeois, faute d’une politique d’aménagement et entrainant par conséquent une chute de son utilisation. Le tramway de Strasbourg arrêta donc sa circulation le 1er mai 1960, suivi également peu de temps après par le trolleybus en mars 1962 .  
 
Le tramway connaît un développement important au début du XXe siècle notamment grâce à l’électrification du réseau mais aussi l’étalement du réseau vers d’autres villes du Bas-Rhin, comme par exemple Erstein mentionnée plus tôt ou encore Obernai. Néanmoins, la Seconde Guerre Mondiale fragilisa la Compagnie des Transports Strasbourgeois et donc les différentes lignes du tramway. On estima alors au moins quinze kilomètres de voies qui furent détruites mais surtout 79 kilomètres de lignes qui se virent privées d’électricité et 26 ponts furent détruits par les conflits ou encore les bombardements . Néanmoins, malgré les tentatives de reconstruction au cours des années 1950 et la mise en place pour un temps du trolleybus, le tramway disparût peu à peu du paysage strasbourgeois, faute d’une politique d’aménagement et entrainant par conséquent une chute de son utilisation. Le tramway de Strasbourg arrêta donc sa circulation le 1er mai 1960, suivi également peu de temps après par le trolleybus en mars 1962 .  

Version du 19 mars 2020 à 14:56


[1] Avertissement[2]

Résumé


Le film est un compte-rendu amateur de plus de trois minutes, muet et en couleurs, sur la cérémonie entourant la circulation du dernier tram dans les rues de Strasbourg le 1er mai 1960. Le tramway s’arrêta alors de circuler dès le lendemain, remplacé par des autobus, avant de finalement revenir dans les discussions au cours des années 1980.

Métadonnées

N° support :  0119FH0012
Date :  01 mai 1960
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:03:55
Cinéastes :  Klein, René
Format original :  8 mm
Genre :  Documentaire
Thématiques :  Fêtes locales

Contexte et analyse


Ce document filmé peut être tout d’abord divisé en deux parties, une très courte d’à peine douze secondes et l’autre, plus longue, durant tout le reste du temps du document. Il s’agit d’un montage réalisé par la suite par le réalisateur René Klein pour permettre de mieux comprendre les images filmées au cœur de la ville de Strasbourg par la suite. En effet, la première partie est simplement un plan d’une une de journal, plus précisément la une des Dernières Nouvelles d’Alsace, un des plus importants journaux régionaux, datée du 1er mai 1960. La seconde partie, quant à elle, peut être résumée par un compte-rendu filmé de manière amateur de la journée de ce 1er mai 1960 dans les rues strasbourgeoises.

La une des Dernières Nouvelles d’Alsace du dimanche 1er mai 1960 est donc consacrée à « Strasbourg : le dernier tram a vécu. » et indique en sous-titre que « des autobus prendront le relai ».

On peut mettre en parallèle cette une de presse écrite avec le fait que ce dernier tram fut également filmé par la télévision française à travers la Radiodiffusion-télévision française et d’un reportage court de moins de deux minutes. Ce reportage est disponible gratuitement sur le site de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) . On y voit également la fanfare, la dernière voiture tirée par un cheval, la foule, une locomotive à vapeur et des plans également sur les voitures passant dans le centre-ville notamment par la place Kléber.

Ainsi, la circulation du dernier tram est un événement non seulement médiatique de par l’exposition dans la presse mais aussi un événement social qui rassemble la population (dont des familles). On peut le voir ainsi par la foule présente dans les différentes images et au passage de ce dernier tram mais aussi des différentes voitures derrière lui. En effet, la voiture du dernier tram n’est pas la seule à circuler. Plusieurs voitures de tramway peuvent être aperçues dans ce film. Pourtant, il faut noter qu’il s’agit d’une véritable mise en scène de la dernière circulation de ce tramway ; les derniers trams ont véritablement circulé la veille ; cette fois, le 1er mai, c’est une procession symbolique qui a lieu .

La circulation du dernier tram a une visée symbolique. On peut le voir à travers les différentes inscriptions marquées sur les voitures qui circulent : « Chacun son destin », « Je m’en vais », « On ne veut plus de moi », « 82 ans de loyaux services »… Le dernier plan de ce document n’est pas anodin : on filme en gros plan l’inscription « ADIEU AU TRAMWAY ». Le tramway devient alors un moyen de transmissions de messages par ses voitures. Le rôle de la langue est aussi important à travers l’inscription en alsacien « Ich komm nimmi », c’est-à-dire « je ne viens plus », référence donc au fait que c’est la dernière fois que passera sans doute le tramway dans les rues de la ville. A la place, le transport en commun privilégié et mis en valeur fut le bus, déjà présent depuis les années 1950 .

Le parallèle entre un véritable enterrement peut être fait. En effet, comme à un enterrement, on assiste à une sorte de procession funéraire composée d’une fanfare, habillée en noir, et on peut noter la présence d’un homme portant une gerbe de fleurs ou encore d’une voiture marquée par l’inscription « de profondis », pouvant évoquer le « de profundis ». Le « de profundis »peut être une référence à une des prières prononcées lors d’enterrements chrétiens.

La dernière traversée du tramway donna également lieu à une promotion pour deux brasseries alsaciennes situées à Schiltigheim, ville voisine de Strasbourg. Cette promotion peut être vue par les deux publicités sur les deux bus bleus qui circulent entre les voitures de tramway. Ce sont donc deux publicités pour d’un côté la bière Schützenberger et de l’autre à travers la bière Ancre Pils la brasserie de l’Espérance. Les publicités furent bien présentes dès la fin du XIXe siècle notamment à travers des affiches à l’intérieur mais aussi à l’extérieur des voitures . En outre, une voiture de tramway met également en scène deux hommes en costume et hauts de forme qui tiennent un énorme ouvrage. On peut émettre l’hypothèse qu’il s’agisse de prometteurs immobiliers.

Autre référence économique mais aussi historique, on peut évoquer la présence d’une locomotive au début du film. Celle-ci est tirée par un cheval blanc, parée de fleurs pour l’occasion, ouvrant la dernière traversée. Elle porte le nom de Colette grâce à son inscription sur le côté « Je m’appelle Colette, j’ai 74 ans ». D’après une photographie trouvée sur le site des archives de Strasbourg, Colette était une locomotive créée en 1886 pour transporter la production de sucre de la sucrerie d’Erstein jusqu’à la gare de la ville .

Sur cette locomotive, se trouve également inscrit deux dates mises en parallèle : 1878 et 1960. 1960 semble être évidemment la date de la dernière circulation de ce tramway mais on peut se demander ce que signifie et symbolise l’année 1878. Par conséquent, il faut s’intéresser à l’histoire du tramway de Strasbourg et tout particulièrement ses origines. De par sa date, le tramway de Strasbourg est donc né lorsque la ville était annexée à l’Empire allemand de Guillaume Ier. En effet, on note la création en 1877 de la « Strasburger Pferdereisenbahngeselshafft », c’est-à-dire la « Compagnie Strasbourgeoise de Chemin de Fer Hippomobile ». Le nom indique ainsi que les tramways étaient alors tirés par des chevaux dans le centre-ville alors que dans les faubourgs des locomotives à vapeur étaient autorisées, de taille plus petite toutefois que celles arrivant dans les gares . Le chantier débuta alors en l’année 1878, date qui se trouve donc sur la locomotive Colette.

Le tramway connaît un développement important au début du XXe siècle notamment grâce à l’électrification du réseau mais aussi l’étalement du réseau vers d’autres villes du Bas-Rhin, comme par exemple Erstein mentionnée plus tôt ou encore Obernai. Néanmoins, la Seconde Guerre Mondiale fragilisa la Compagnie des Transports Strasbourgeois et donc les différentes lignes du tramway. On estima alors au moins quinze kilomètres de voies qui furent détruites mais surtout 79 kilomètres de lignes qui se virent privées d’électricité et 26 ponts furent détruits par les conflits ou encore les bombardements . Néanmoins, malgré les tentatives de reconstruction au cours des années 1950 et la mise en place pour un temps du trolleybus, le tramway disparût peu à peu du paysage strasbourgeois, faute d’une politique d’aménagement et entrainant par conséquent une chute de son utilisation. Le tramway de Strasbourg arrêta donc sa circulation le 1er mai 1960, suivi également peu de temps après par le trolleybus en mars 1962 . Dès le 2 mai 1960, on décida alors de détruire et de brûler les anciennes voitures, devenus désormais inutiles . Il faudra alors attendre la fin des années 1980 pour que l’idée de réaliser de nouvelles lignes de tramway réapparaisse à Strasbourg .

Toutefois, il faudra noter que ce film provient d’un réalisateur amateur, René Klein. Ce dernier a réalisé pour son propre plaisir de nombreux films, comme par exemple un film dédié au Carnaval de Strasbourg se déroulant quelques mois plus tôt que la circulation du dernier tramway de Strasbourg . Ici, il a placé sa caméra dans le centre-ville de Strasbourg, plus précisément ce qui semble être l’angle du Pont de Saverne et la Rue du Vieux Marché aux Vins, lieux qui existent encore de nos jours. René Klein décide également de filmer ses proches lors de son reportage, tout particulièrement à 2.51 du film : on peut y voir ainsi sa femme, Mathilde Klein, mais aussi les beaux-parents de René : Florence et Eugène Leimgruber . Les trois remarquèrent qu’ils furent filmés et les deux femmes regardèrent en souriant et en rigolant le caméraman, rappelant ainsi le lien et les relations qui les unissent à celui-ci. On peut également souligner qu’Eugène Leimgruber fut ancien traminot, c’est-à-dire conducteur de tramway, il ne fut donc peut-être pas anodin de le voir assister de ce fait à la fin de la première période du tramway à Strasbourg.

Lieux ou monuments


Strasbourg

Bibliographie


COMPAGNIE DES TRANSPORTS STRASBOURGEOIS, Le tram de Strasbourg. Un chantier et des hommes, Strasbourg, La Nuée Bleue, 1994.

LAMBOLEY, Christian, Strasbourg tramway, Strasbourg, Contades, 1989.

SCHEURER, Ch., Cinquantenaire des tramways strasbourgeois 1878-1928 (Aperçu historique sur la fondation et le développement de la Compagnie des tramways strasbourgeois publié à l’occasion du Cinquantenaire de la société), Strasbourg, C.T.S, 1983.

Autre source :

Entretien réalisée sous formes de courriels avec la belle-fille de René KLEIN au cours du mois de mars 2020. Cette dernière a souhaité rester anonyme.



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