Jérusalem (0016FH0017)

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[1] Avertissement[2]

Résumé


Visite filmée par Étienne Klein de Jérusalem et de ses environs en 1962.

Description


Des gens ramassent des pommes de terre dans un kibboutz à Beït Shean à environ 130 km au nord de Jérusalem. Lent panoramique droit sur les vitraux de la synagogue du centre médical Hadassah Ein Kérem réalisés par Marc Chagall. Plan pris depuis l’entrée de la Crypte du souvenir à Yad Vashem. Ensuite, toujours dans la même séquence, un plan sur la Flamme éternelle qui se situe à l’intérieur de la Crypte du souvenir. Des habitations du village d’Ein Kérem, au sud du Mont Herzl, juste à côté de la clinique Hadassah. La route de Latroun qui passait par Ein Kérem avec sur le côté des véhicules détruits. Tombeau de Theodor Herzl se situant sur le Mont Herzl. Dernière séquence, encore une fois, sur les vitraux de la synagogue du centre médical Hadassah Ein Kérem.

Métadonnées

N° support :  0016FH0017
Date :  1962
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:00:49
Cinéastes :  Klein, Etienne
Format original :  8 mm
Thématiques :  Sites patrimoniaux et touristiques
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Les Britanniques présents depuis 1917 sur le sol palestinien, subissent au courant de la Seconde Guerre mondiale, d’un côté, la pression des groupes paramilitaires juifs installés sur les terres palestiniennes et de l’autre, celle de la Maison Blanche, voyant dans la Palestine la terre originelle du peuple Juif sur laquelle les rescapés de la Shoah doivent s’établir. La Grande-Bretagne, étant affaiblie par le conflit, cède à ces différentes pressions et transmet le dossier palestinien à l’ONU au courant du mois de février 1947. Dès lors, fin août 1947, le Comité spécial des Nations unies sur la Palestine propose le partage de cette terre en deux États économiquement liés, avec pour Jérusalem et sa région, un statut spécial. Directement administrée par l’ONU, la région de Jérusalem doit constituer un corpus separatum. La résolution sur le partage de la Palestine est adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU le 29 novembre 1947. Le lendemain, la guerre civile éclate entre les nationalistes juifs et palestiniens, sonnant le début du premier conflit israélo-arabe. La proclamation, par David Ben Gourion, de l’indépendance de l’État d’Israël, le 14 mai 1948, donne une nouvelle dimension au conflit. En effet, le lendemain, cinq armées arabes dont l’Égypte, la Transjordanie, la Syrie, le Liban et l’Irak attaquent l’État hébreu. L’issue de ce conflit est catastrophique pour les Arabes palestiniens, puisqu’environ 750 000 d’entre eux doivent quitter leurs foyers au cours de cette guerre. S’ajoute à ces réfugiés, le lourd tribut payer par les Arabes et les Juifs. Les pertes arabes s’élèvent à près de 10 000 personnes dont deux tiers de Palestiniens. Du côté israélien, 6 000 soldats et civils perdent la vie soit 1 % de la population juive de l’époque. Toutefois, si sur le plan politique, Israël a, en plus d’avoir définitivement gagné son indépendance, élargi ses frontières de 6 000 km2 par rapport au plan de partage de 1947, les régimes en place dans les États arabes sortent fragilisés par une défaite humiliante et le peuple palestinien se retrouve brisé, fragmenté et dispersé. Enfin, la partition de la ville de Jérusalem amène les Juifs à se regrouper à l’ouest et au sud de la ville, l’est étant entre les mains du royaume jordanien. Dès lors, le centre médical Hadassah, anciennement installé sur le mont Scopus, emménage, en 1961, à l’ouest de la ville dans le village d’Ein Kérem. En 1949, la dépouille de Theodor Herzl est, conformément à ses vœux, emmenée en Israël où elle repose sur une colline, elle aussi située à l’ouest de Jérusalem, rebaptisé en son honneur en 1951, mont Herzl. C’est d’ailleurs sur cette même colline qu’est construit, en 1953, le mémorial de Yad Vashem.

Des symboles forts du judaïsme et de l’identité juive israélienne

Les vitraux de la synagogue du centre médical Hadassah Ein Kérem

Les vitraux de la synagogue du centre médical Hadassah Ein Kérem ont été fabriqués, selon la technique traditionnelle du verre plaqué, en 1961, par Charles Marq et Brigitte Simon. Ils ne sont arrivés à Jérusalem qu’en 1962 pour l’inauguration officiel du temple, ayant avant été exposés au musée des Arts décoratifs de Paris ainsi qu’au Museum of Modern Art[3]. Réalisés par Marc Chagall, ces douze vitraux en plein-cintre, groupés par trois et orientés selon les quatre points cardinaux, représentent, autour du tabernacle, la répartition les douze tribus d’Israël dans le campement du désert[4]. Pour cela, Chagall se fonde sur les bénédictions prononcées, successivement par Jacob et Moïse, à la veille de leur mort. De plus, il ne choisit de ne représenter que les douze fils directs de Jacob, ces derniers étant les fondateurs des douze tribus, et oblitère délibérément les tribus de Manassé et d’Ephraïm[5], toutes deux fondées par leur père, Joseph. Ainsi, ces vitraux nous racontent l’installation des Hébreux, plus précisément des douze tribus d’Israël, au Pays de Canaan, correspondant approximativement aujourd’hui aux territoires de l’État d’Israël, Territoires palestiniens, l’ouest de la Jordanie, le Liban et l’ouest de la Syrie.

Sur le mur est, sont représentées les tribus de Ruben, Siméon et Lévi. Sur le mur sud les tribus de Juda, Zabulon et Issachar. Sur le mur ouest les tribus de Dan, Gad et Asher. Sur le mur nord les tribus de Nephtali, Joseph et Benjamin[6]. Cependant, sur le film, les vitraux représentants les tribus de Ruben, Issachar et Dan n’apparaissent pas, peut-être à cause d’un problème au montage ou tout simplement parce que le caméraman ne les a pas filmés. Nous penchons pour la première option étant donné que les vitraux apparaissent sur la deuxième séquence avant de réapparaître sur la dernière.

L’entrée du temple se situant au sud, l’espace architectural accorde de fait une primauté au mur nord sur lequel se porte d’emblée le regard. En plaçant la figure de Joseph en son centre et au-dessus du tabernacle, Chagall confirme la désignation élective de ce dernier au sein des tribus d’Israël[7]. Sur les vitraux un cycle iconographique mêlant le bestiaire attaché aux fils de Jacob et les objets cérémoniels propres au culte hébraïque se développe. Ne tenant ni compte des couleurs des bannières des tribus, ni de celles des douze pierres du pectoral du grand-prêtre, Chagall interprète librement les bénédictions de Jacob et de Moïse et en extrait des couleurs – le bleu, le rouge, le jaune et le vert – dans un véritable cycle chromatique qui couronne le plan carré de l’édifice[8].

Les kibboutzim

Lors de la deuxième alya (1904-1914), les Juifs venus majoritairement de Russie établissent les fondations du futur État hébreu, encore sous mandat Britannique (1920-1948). En effet, leur première tâche est d’établir une base économique autonome. Cette dernière amène à la naissance d’une nouvelle forme d’organisation agricole, la kvoutza, l’ancêtre du kibboutz[9]. La constitution d’une nation juive souveraine passe donc en premier lieu par l’indépendance économique, liée, bien évidemment, aux moshavim et au kvoutzavim[10]. Depuis la mort de Theodor Herzl en 1904, l’Organisation sioniste mondiale dirigée par David Wolffsohn (1856-1914), s’est attelée à l’achat systématique de terres et au lancement de nouvelles expériences de colonisation agricole comme le moshav ou la kvoutza, forme ancienne du kibboutz, appelés à devenir les formes emblématiques de l’habitat rural sioniste entre les deux guerres mondiales[11]. De plus, n’apercevions-nous pas déjà sur les cartes d’entrée du premier congrès sioniste organisé par Theodor Herzl à Bâle en 1897, l’effigie d’un fermier juif labourant la terre de Palestine, préfigurant les premiers kibboutzim[12] ?

Les Juifs, étant à l’origine un peuple de paysans, s’étaient, après deux mille ans de diaspora, peu à peu détachés de la terre. L’idéologie sioniste, se dressant contre la vie en diaspora, prône quant à elle, un retour à l’état « originel » des Juifs par la création d’un homme nouveau, un paysan-soldat qui retrouve son honneur en même temps que sa terre[13]. Dès lors, les kibboutzim permettent, en plus de créer des emplois pour les nouveaux immigrants, d’occuper des endroits stratégiques tout en assurant une certaine sécurité alimentaire. Ainsi, le développement agricole est, depuis la période mandataire, lié à ces deux structures : le kibboutz, signifiant littéralement « rassemblement » et le moshav, « établissement », fonctionnant, pour le premier, comme une communauté collectiviste et pour le second comme un village coopératif. Kibboutzim et moshavim constituent le cœur de l’essor agricole juif israélien, si bien qu’avec l’indépendance de l’État hébreu et l’immigration massive des années 1950, le nombre de communautés agricoles passe de 300 à 600[14].

La politique mémorielle d’Israël. De la mémoire sioniste et guerrière à la mémoire de la Shoah

La mémoire nationale après la guerre d’Indépendance

Après 1948, la mémoire nationale israélienne se focalise surtout les événements ayant eu lieu après les années 1940[15]. Les héros du siège de Massada, en 73 de notre ère, qui, préférant se rendre aux Romains, s’étaient donnés la mort ou même Yosef Trumpleldor érigé en héros après sa disparition ainsi que de celle de cinq de ses compagnons durant la bataille de Tel Haï en 1920 qui opposait des colons juifs à un groupe d’Arabes[16] semblent, en 1948, d’une autre époque. Ils ne disparaissent pas totalement de l’espace mémoriel, mais leur importance décline. Dorénavant, le héros national symbolisant le nouvel Israélien est incarné d’une part, par le soldat ayant combattu les Arabes pendant la guerre d’Indépendance et, d’autre part, par les révoltés des ghettos qui se sont soulevés contre les nazis durant le dernier conflit mondial[17]. Le soldat de la guerre d’Indépendance représente tout de même la figure symbolique la plus stable et la plus estimée. La commémoration des soldats tombés pendant la guerre de 1948 commence avant même la fin de la guerre et s’amplifie d’une guerre à l’autre[18].

Alors que dans les années 1950, l’État hébreu étant occupé, en plus de la construction du pays, à la défense de son territoire, la mémoire de la Shoah n’occupe qu’une place de figurant dans la mémoire nationale[19]. Bien que la loi de 1951, instaurant la « Journée de commémoration de la Shoah et de la révolte des ghettos » et celle de 1953, créant Yad Vashem, la mémoire du génocide juif ne bénéficie pas d’une représentation appropriée. En effet, comme l’indiquent le nom et la date de la « Journée de commémoration de la Shoah et de la révolte des ghettos » fixée le 27 du mois de Nissan, en l’honneur des insurgés de la révolte du ghetto de Varsovie en 1943, la majeure partie de la commémoration se concentre sur les combattants des ghettos, considérés comme les précurseurs en diaspora des héros de la guerre d’Indépendance. Quant aux autres victimes, ils sont, dans l’indifférence générale, qualifiés avec mépris de « troupeaux qui s’étaient laissé conduire à l’abattoir »[20].

Grâce à une nouvelle loi votée en 1959 sur la « Journée de commémoration de la Shoah et de l’héroïsme » et au très fort impact du procès Eichmann en 1961 à Jérusalem, la Shoah se retrouve au centre de la mémoire nationale[21]. Désormais, le génocide juif est indissociable de la construction de l’État d’Israël. Malgré le fait que la Shoah ne soit pas la cause de la création de l’État hébreu, elle a indéniablement accéléré la construction de l’État juif.

Les espaces mémoriaux

Le Mont Herzl constitue le site central de commémoration de l’État d’Israël. En effet, y sont situés, en plus du cimetière militaire et les tombes des dirigeants de la nation, les tombes des pères du sionisme dont celle de Theodor Herzl ainsi que Yad Vashem. Enfin, lors de la guerre de 1948, de nombreux combats se sont déroulés le long des axes routiers, notamment sur la route de Latroun qui reliait Tel-Aviv à Jérusalem en passant par Ein Kérem. Cette route servait au ravitaillement de Jérusalem lors du siège de la ville par les Jordaniens. En souvenir de ces combats, une partie des véhicules détruits sont, le long de cette route, laissés sur le bas-côté, faisant d’elle un véritable musée à ciel ouvert. Aujourd’hui, il y à côté de cet axe, une voie rapide moderne, mais certains véhicules détruits sont encore visibles.

En 1953, la loi de Yad Vashem est votée par la Knesset (Parlement israélien). Les mots Yad et Vashem, qui en hébreu, veulent respectivement dire main ou mémorial et nom, s’inspirent de la prophétie d’Isaïe (56:5) : « Et je leur accorderai [le Seigneur] dans ma maison et dans mes murs une place (Yad) et un nom (Shem) qui ne périra jamais ». Cette loi mène à la création d’un centre de la mémoire pour les martyrs et les héros de la Shoah et accorde le droit de commémorer la Shoah à un niveau national[22] faisant, par la même occasion, de Yad Vashem le centre national de la mémoire de la Shoah[23]. Le mémorial de Yad Vashem a été bâti, de manière significative, sur le Mont Herzl juste à côté du tombeau du père du sionisme moderne, Theodor Herzl, soulignant de facto la relation entre la renaissance de l’État d’Israël et le génocide des Juifs d’Europe[24].

La Crypte du souvenir a été inaugurée en 1961. Les architectes ont voulu ériger cette crypte comme un monument qui symbolise les six millions de victimes et la guerre menée par le peuple juif contre le nazisme[25]. De plus, le fait que des cendres de victimes reposent à l’intérieur de la Crypte rend, selon la loi juive, le lieu sacré, le transformant en cimetière. Le caractère sacré du lieu est renforcé par la Flamme éternelle en l’honneur de tous les disparus[26], laquelle se situant juste derrière la pierre tombale sous laquelle reposent les cendres de victimes. Enfin, figurent à l’intérieur du bâtiment, les noms de vingt-deux camps de concentration et d’extermination gravés en grandes lettres dans le sol. Les noms, écrits en caractère latin et hébreu, sont placés sur le sol de la Crypte selon un code géographique, correspondant à leur emplacement sur la carte de l’Europe[27].

Personnages identifiés


Rolande Klein.

Lieux ou monuments


Israël, Beït Shean, Jérusalem, Mont Herzl, Tombeau de Theodor Herzl, Yad Vashem, Crypte du souvenir, Flamme éternelle, Ein Kérem, synagogue du centre médical Hadassah Ein Kérem.

Bibliographie


ABITBOL Michel, Histoire d’Israël, Paris, Perrin, 2018.

BEN RAFAEL Eliezer et KONOPNICKI Maurice, Jérusalem, Paris, Presses Universitaires de France, 1997 [1987].

DIECKHOFF Alain (dir.), L’État d’Israël, Paris, Fayard, 2008.

FORESTIER Sylvie, HAZAN-BRUNET Nathalie et alii, Les vitraux de Chagall, Paris, Citadelles & Mazenod, 2016.

NEUMAN Eran, Shoah Presence: Architectural Representations of the Holocaust, Farnham, Burlington, Ashgate, 2014.


Article rédigé par

Nicolas Laugel, 05 janvier 2020


  1. En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
  2. Cette fiche est considérée comme achevée par son auteur, mais elle n'a pas encore été validée par une autorité scientifique.
  3. FORESTIER Sylvie, HAZAN-BRUNET Nathalie et alii, Les vitraux de Chagall, Paris, Citadelles & Mazenod, p. 78.
  4. Id.
  5. Id.
  6. Id.
  7. Id.
  8. Id.
  9. DIECKHOFF Alain (dir.), L’État d’Israël, Paris, Fayard, p. 15-16.
  10. Ibid., p. 16.
  11. ABITBOL Michel, Histoire d’Israël, Paris, Perrin, p. 80.
  12. Ibid., p. 66.
  13. DIECKHOFF (dir.), op. cit., p. 238.
  14. Ibid., p. 238-239.
  15. Ibid., p. 85.
  16. Ibid., p. 84.
  17. Ibid., p. 85.
  18. Ibid., p. 86.
  19. Id.
  20. Id.
  21. Ibid., p. 87.
  22. NEUMAN Eran, Shoah Presence: Architectural Representations of the Holocaust, Farnham, Burlington, Ashgate, p. 71.
  23. Ibid., p. 74.
  24. Id.
  25. Ibid., p. 75.
  26. Ibid., p. 76.
  27. Ibid., p. 77.