Joëlle et Chantal Noël 1960 (0075FH0016) : Différence entre versions

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|Description_fr=Fondu d'ouverture au noir sur une maison de poupées qui modélise un intérieur meublé (cuisine, salle à manger), ustensiles, deux poupées, zoom sur la deuxième. Dézoom à partir de la première, et panoramique de bas en haut sur le sapin décoré. À ses pieds sont deux grandes poupées de robes identiques (noires à pois rouges). Le sapin est décoré de guirlandes électriques et de quelques boules de noël. La porte de la pièce s'ouvre, deux petites filles s'avancent, poussées par leur mère. La plus grande a les cheveux longs tandis que la seconde à une coupe au bol. Panoramique qui les suit, puis descend sur la maison de poupée. Elles s'en approchent. La grande en prend une. La deuxième se dirige hors cadre, mais elle est immédiatement ramenée par sa mère devant le jouet. La mère donne les grandes poupées aux filles. La plus jeune inspecte l'une des petites poupées. Elles les montrent à la caméra. Elles les posent sur les chaises modélisées. La mère ouvre le placard de la maison de poupée. Plan parasite, maladresse du caméraman. Dézoom à partir d'une boule du sapin. La mère arrange la coupe de cheveux de la plus grande des filles, tandis que celle-ci joue en compagnie de sa sœur. La table de la maison de poupée est dressée avec la dinette, autour desquelles sont installées les poupées. Tenue fermement par le bras, la plus grande des filles tente de se soustraire à sa mère pour aller jouer. Les filles servent les assiettes de leurs dinettes. Zoom sur les ustensiles. La mère fait une queue-de-cheval à la plus grande. La plus grande des filles décroche une casserole de la dinette accrochée au mur de la maison de poupées. Elle sert les assiettes des poupées. Elle raccroche la casserole, tandis que sa mère s'affaire à terminer la queue-de-cheval de la fille. La plus grande des filles et la mère déballe un cadeau. Il s'agit d'une petite planche décorée sur laquelle est fixé un crucifix. La mère l’inspecte et regarde ce qu'il y a derrière l'objet. Les filles s’enlacent, s’embrassent avec vigueur. Elles entament une danse. Puis elles se bagarrent pour accéder à la maison de poupées.
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|Contexte_et_analyse_fr=Au cours du XXe siècle, le cadeau de Noël des enfants change de statut. D’abord récompense non obligée, il devient peu à peu un dû jusqu’à devenir un élément indispensable de la fête . L’avènement de la société de consommation contribua fortement à transformer la fête de Noël en agissant sur les comportements des gens en accentuant un appétit des dépenses. Pour les catégories sociales aisées, le phénomène est ancien. Mais les changements devinrent plus importants et se généralisèrent d’abord au lendemain de la Première Guerre mondiale, puis surtout à la suite de la Seconde Guerre mondiale, dans une France qui connaissait encore des problèmes de pauvreté. Il en alla ainsi durant toute la période que Jean Fourastié nomma « les Trente Glorieuses », et même au-delà .
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=== La poupée, jouet traditionnel des petites filles ===
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Il semble que le choix des cadeaux réponde depuis longtemps à des normes totalement intégrées par les donateurs. Les enquêtes sociologiques de Théodore Caplow au milieu des années 1970 ont révélé l’observation inconsciente de règles implicites en matière de choix de cadeaux. Ceux-ci sont offerts aussi selon des règles fixes. Les cadeaux sont emballés dans du papier coloré, et entouré de ruban. La distribution des cadeaux se fait dans un lieu décoré, en réunion familiale . De même, le jouet par excellence pour les filles reste la poupée. Ce sont les cadeaux que reçoivent Joëlle et Chantal Kugler ce jour de Noël 1960, mais les poupées ne sont pas emballées, ce qui nuance la tendance généralisée.
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À l’effigie de petites filles, ou quasiment de bébés, ces poupées sont loin du modèle en vogue de la poupée « mannequin », marque du développement de l’émancipation féminine de l’époque. Impossible de parler de ce style de jouet sans évoquer « Barbie ». Créée en 1959 aux États-Unis, ce jouet de Mattel n’arrive sur le marché français qu’en 1963 . Plus qu’une poupée évoquant une silhouette féminine élancée, « Barbie » est également un symbole de la poupée en plastique, descendant direct du celluloïde utilisé dans la fabrication des poupées dès la fin du XIXe siècle. Les poupées que reçoivent les deux jeunes filles se rapprochent davantage du « bébé articulé » ou des poupées françaises telles que la « Bleuette », célèbre encore aujourd’hui parmi les connaisseurs. Elles sont en plastique, mais habillées de vêtements en tissu, révélant un vecteur de mode vestimentaire qu’incarnera parfaitement la « Barbie » d’outre-Atlantique. Les jeunes filles, avec ses poupées, miment le comportement de leurs parents, en particulier celui de la mère qui câline son enfant. Les tailles du jouet diffèrent du simple au double, puisque les deux jeunes filles, qui reçoivent chacune une grande poupée quasiment identique - sans doute dans un but d’égalité entre les deux – reçoivent des plus petites, à la taille du décor qui les accompagne.
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=== La maison de poupée, modélisation de la vie d’adulte ===
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Accompagnant la poupée, la maison de poupée est présente anciennement aux Pays-Bas, en Allemagne et en Angleterre. Elle se révèle être un outil pédagogique pour les adultes qui permet d’enseigner les arts de la décoration et l’apprentissage ménager aux enfants, surtout aux petites filles. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que les maisons de poupées apparaissent dans les catalogues de jouets en France. Elles relèvent alors d’un véritable travail d’artisans qui se voient commander ces ouvrages par les grandes enseignes du début du siècle. Souvent réalisée à l’échelle 1/43ème, il s’agit alors de répliques d’intérieur bourgeois . En 1960, Joëlle et Chantal Kugler font évoluer leurs poupées dans une réplique d’intérieur, en bois, et simulant un foyer plutôt commun. L’intérieur modélisé est aménagé de meubles et décoré d’une foule d’ustensiles. Ainsi, on remarque une véritable dinette, des casseroles en métal émaillé, ainsi que plusieurs éléments en véritable tissu. L’heure n’est pas encore au plastique dans ces répliques d’intérieur. En revanche, malgré un contexte de développement de l’émancipation féminine, la fonction première de la maison de poupée ne semble pas avoir changé en 1960. En effet, les deux jeunes filles s’empressent d’imiter les adultes, et se comportent en véritables ménagères, dressant la table aux poupées et servant les assiettes en victuailles imaginaires. Ces jouets pourraient être considérés comme sexistes de nos jours, car ils conditionnent les petites filles à devenir de parfaites épouses et ménagères.
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=== Noël : entre « profanisation » et religion ===
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Noël est d’abord une fête religieuse dans notre société occidentale, puisqu’il s’agit de la célébration de l’anniversaire de la Nativité de Jésus. La date de cet anniversaire n’a pas été celle du 25 décembre à l’origine, mais les autorités religieuses anciennes ont progressivement assimilé la fête chrétienne au calendrier païen dans lequel le 25 décembre revêt une importance particulière, et ce, afin de pénétrer de manière plus profonde les sociétés rurales de leurs temps. Paradoxalement au XXe siècle, on assiste à une « profanisation » progressive de Noël malgré quelques reliquats religieux, parmi lesquels la messe de minuit, ou les références sporadiques pendant la période. C’est d’ailleurs un crucifix que déballe la mère dans cette séquence, ce qui prouve qui si la société s’approprie Noël et le privatise, la religion perdure par endroits et par moments. En revanche, aucune crèche n’apparaît dans cette séquence. Le sapin de Noël, quant à lui, est le symbole même de cette paradoxale dualité entre « profanisation » et religion. S’il trône, décoré, dans la maison pendant la période, il semble cette fois équipé d’une guirlande électrique, contrairement à celui des Breesé en 1933 (séquence « Noël chez les Breesé »). Les innovations technologiques et la consommation de masse entrent même dans la décoration d’une période les plus appréciés des sociétés, car elles s’y prêtent parfaitement. En revanche, le grand absent de cette séquence est le Père Noël qui, en 1960, est déjà bien implanté dans la société occidentale d’après-guerre. Cela laisserait envisager une découverte des cadeaux au matin du 25 décembre, après le passage du vieil homme imaginaire dans la nuit. Cependant, la séquence ne permet pas de déterminer exactement à quel moment des trois jours de festivité, les fillettes ont reçu les cadeaux. Étant donné l’obscurité et la nuit visible à la fenêtre, on peut supposer que l’épisode se déroule après la tombée de la nuit.
 
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Version du 29 décembre 2018 à 13:39

Événements filmés ou en lien


Noël

Description


Fondu d'ouverture au noir sur une maison de poupées qui modélise un intérieur meublé (cuisine, salle à manger), ustensiles, deux poupées, zoom sur la deuxième. Dézoom à partir de la première, et panoramique de bas en haut sur le sapin décoré. À ses pieds sont deux grandes poupées de robes identiques (noires à pois rouges). Le sapin est décoré de guirlandes électriques et de quelques boules de noël. La porte de la pièce s'ouvre, deux petites filles s'avancent, poussées par leur mère. La plus grande a les cheveux longs tandis que la seconde à une coupe au bol. Panoramique qui les suit, puis descend sur la maison de poupée. Elles s'en approchent. La grande en prend une. La deuxième se dirige hors cadre, mais elle est immédiatement ramenée par sa mère devant le jouet. La mère donne les grandes poupées aux filles. La plus jeune inspecte l'une des petites poupées. Elles les montrent à la caméra. Elles les posent sur les chaises modélisées. La mère ouvre le placard de la maison de poupée. Plan parasite, maladresse du caméraman. Dézoom à partir d'une boule du sapin. La mère arrange la coupe de cheveux de la plus grande des filles, tandis que celle-ci joue en compagnie de sa sœur. La table de la maison de poupée est dressée avec la dinette, autour desquelles sont installées les poupées. Tenue fermement par le bras, la plus grande des filles tente de se soustraire à sa mère pour aller jouer. Les filles servent les assiettes de leurs dinettes. Zoom sur les ustensiles. La mère fait une queue-de-cheval à la plus grande. La plus grande des filles décroche une casserole de la dinette accrochée au mur de la maison de poupées. Elle sert les assiettes des poupées. Elle raccroche la casserole, tandis que sa mère s'affaire à terminer la queue-de-cheval de la fille. La plus grande des filles et la mère déballe un cadeau. Il s'agit d'une petite planche décorée sur laquelle est fixé un crucifix. La mère l’inspecte et regarde ce qu'il y a derrière l'objet. Les filles s’enlacent, s’embrassent avec vigueur. Elles entament une danse. Puis elles se bagarrent pour accéder à la maison de poupées.

Métadonnées

N° support :  0075FH0016
Date :  1960
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:04:23
Cinéastes :  Kugler, Jean-Georges
Format original :  8 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Noël
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Au cours du XXe siècle, le cadeau de Noël des enfants change de statut. D’abord récompense non obligée, il devient peu à peu un dû jusqu’à devenir un élément indispensable de la fête . L’avènement de la société de consommation contribua fortement à transformer la fête de Noël en agissant sur les comportements des gens en accentuant un appétit des dépenses. Pour les catégories sociales aisées, le phénomène est ancien. Mais les changements devinrent plus importants et se généralisèrent d’abord au lendemain de la Première Guerre mondiale, puis surtout à la suite de la Seconde Guerre mondiale, dans une France qui connaissait encore des problèmes de pauvreté. Il en alla ainsi durant toute la période que Jean Fourastié nomma « les Trente Glorieuses », et même au-delà .

La poupée, jouet traditionnel des petites filles

Il semble que le choix des cadeaux réponde depuis longtemps à des normes totalement intégrées par les donateurs. Les enquêtes sociologiques de Théodore Caplow au milieu des années 1970 ont révélé l’observation inconsciente de règles implicites en matière de choix de cadeaux. Ceux-ci sont offerts aussi selon des règles fixes. Les cadeaux sont emballés dans du papier coloré, et entouré de ruban. La distribution des cadeaux se fait dans un lieu décoré, en réunion familiale . De même, le jouet par excellence pour les filles reste la poupée. Ce sont les cadeaux que reçoivent Joëlle et Chantal Kugler ce jour de Noël 1960, mais les poupées ne sont pas emballées, ce qui nuance la tendance généralisée.

À l’effigie de petites filles, ou quasiment de bébés, ces poupées sont loin du modèle en vogue de la poupée « mannequin », marque du développement de l’émancipation féminine de l’époque. Impossible de parler de ce style de jouet sans évoquer « Barbie ». Créée en 1959 aux États-Unis, ce jouet de Mattel n’arrive sur le marché français qu’en 1963 . Plus qu’une poupée évoquant une silhouette féminine élancée, « Barbie » est également un symbole de la poupée en plastique, descendant direct du celluloïde utilisé dans la fabrication des poupées dès la fin du XIXe siècle. Les poupées que reçoivent les deux jeunes filles se rapprochent davantage du « bébé articulé » ou des poupées françaises telles que la « Bleuette », célèbre encore aujourd’hui parmi les connaisseurs. Elles sont en plastique, mais habillées de vêtements en tissu, révélant un vecteur de mode vestimentaire qu’incarnera parfaitement la « Barbie » d’outre-Atlantique. Les jeunes filles, avec ses poupées, miment le comportement de leurs parents, en particulier celui de la mère qui câline son enfant. Les tailles du jouet diffèrent du simple au double, puisque les deux jeunes filles, qui reçoivent chacune une grande poupée quasiment identique - sans doute dans un but d’égalité entre les deux – reçoivent des plus petites, à la taille du décor qui les accompagne.

La maison de poupée, modélisation de la vie d’adulte

Accompagnant la poupée, la maison de poupée est présente anciennement aux Pays-Bas, en Allemagne et en Angleterre. Elle se révèle être un outil pédagogique pour les adultes qui permet d’enseigner les arts de la décoration et l’apprentissage ménager aux enfants, surtout aux petites filles. Ce n’est qu’au début du XXe siècle que les maisons de poupées apparaissent dans les catalogues de jouets en France. Elles relèvent alors d’un véritable travail d’artisans qui se voient commander ces ouvrages par les grandes enseignes du début du siècle. Souvent réalisée à l’échelle 1/43ème, il s’agit alors de répliques d’intérieur bourgeois . En 1960, Joëlle et Chantal Kugler font évoluer leurs poupées dans une réplique d’intérieur, en bois, et simulant un foyer plutôt commun. L’intérieur modélisé est aménagé de meubles et décoré d’une foule d’ustensiles. Ainsi, on remarque une véritable dinette, des casseroles en métal émaillé, ainsi que plusieurs éléments en véritable tissu. L’heure n’est pas encore au plastique dans ces répliques d’intérieur. En revanche, malgré un contexte de développement de l’émancipation féminine, la fonction première de la maison de poupée ne semble pas avoir changé en 1960. En effet, les deux jeunes filles s’empressent d’imiter les adultes, et se comportent en véritables ménagères, dressant la table aux poupées et servant les assiettes en victuailles imaginaires. Ces jouets pourraient être considérés comme sexistes de nos jours, car ils conditionnent les petites filles à devenir de parfaites épouses et ménagères.

Noël : entre « profanisation » et religion

Noël est d’abord une fête religieuse dans notre société occidentale, puisqu’il s’agit de la célébration de l’anniversaire de la Nativité de Jésus. La date de cet anniversaire n’a pas été celle du 25 décembre à l’origine, mais les autorités religieuses anciennes ont progressivement assimilé la fête chrétienne au calendrier païen dans lequel le 25 décembre revêt une importance particulière, et ce, afin de pénétrer de manière plus profonde les sociétés rurales de leurs temps. Paradoxalement au XXe siècle, on assiste à une « profanisation » progressive de Noël malgré quelques reliquats religieux, parmi lesquels la messe de minuit, ou les références sporadiques pendant la période. C’est d’ailleurs un crucifix que déballe la mère dans cette séquence, ce qui prouve qui si la société s’approprie Noël et le privatise, la religion perdure par endroits et par moments. En revanche, aucune crèche n’apparaît dans cette séquence. Le sapin de Noël, quant à lui, est le symbole même de cette paradoxale dualité entre « profanisation » et religion. S’il trône, décoré, dans la maison pendant la période, il semble cette fois équipé d’une guirlande électrique, contrairement à celui des Breesé en 1933 (séquence « Noël chez les Breesé »). Les innovations technologiques et la consommation de masse entrent même dans la décoration d’une période les plus appréciés des sociétés, car elles s’y prêtent parfaitement. En revanche, le grand absent de cette séquence est le Père Noël qui, en 1960, est déjà bien implanté dans la société occidentale d’après-guerre. Cela laisserait envisager une découverte des cadeaux au matin du 25 décembre, après le passage du vieil homme imaginaire dans la nuit. Cependant, la séquence ne permet pas de déterminer exactement à quel moment des trois jours de festivité, les fillettes ont reçu les cadeaux. Étant donné l’obscurité et la nuit visible à la fenêtre, on peut supposer que l’épisode se déroule après la tombée de la nuit.

Personnages identifiés


Joëlle Kugler; Chantal Kugler

Lieux ou monuments


Ribeauvillé