Journées du lait de qualité(0009FS0003)


[1] Avertissement[2]

Résumé


Convention dans un village du Bas-Rhin d'agriculteurs et de firmes spécialisées dans le matériel agricole ou la commercialisation du lait afin de promouvoir une filière qualité en Alsace.

Métadonnées

N° support :  0009FS0003
Date :  1953
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Timecode :  01:41:00
Durée :  00:01:47
Cinéastes :  Gerber, Armand
Format original :  16 mm
Langue :  Français
Genre :  Film amateur
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


En 1953, la France sort de la période de reconstruction et dit adieu aux cartes d’alimentation. Roland Barthes consacre une de ses Mythologies au Président du Conseil, Pierre Mendès-France, qui choque le milieu viticole en faisant l’apologie du lait. L’Europe du plan Monnet de 1950 va bientôt bouleverser les économies nationales avec la Politique agricole commune (1962). En 1957, le sociologue Henri Mendras sème le désarroi et déclenche le débat avec La Fin des paysans ?, qui expose que ce groupe autrefois majoritaire doit se moderniser ou renoncer, et disparaîtra en tant que civilisation à court terme.

L’Alsace reste une terre profondément rurale en dépit de la forte industrialisation de la région. L’économie agricole y pâtit, selon les mots du géographe Etienne Juillard en 1953, de « cinquante années d’inertie ». Le constat d’un retard dans la productivité au regard de régions déjà modernisées, riches (Bassin parisien) ou moins (Sud-Ouest), mobilise la Direction des Services agricoles du Bas-Rhin dont Armand Gerber est l’ingénieur principal. Comme Juillard dans son ultime chapitre « Pour une politique agricole », le technicien livre dans ce film et son jumeau de 1952 (Progrès agricole) un plaidoyer pour la fin des maux d’une agriculture qui n’a pas su évoluer depuis son apogée au milieu du XIXe siècle : révolution verte (engrais, mécanisation, choix des semences et sélection des races d’élevage), remembrement et spécialisation des exploitations pour l’essor de la qualité et du rendement.

La filière lait en Alsace

La sélection des races commence à s’imposer dans une région où l’élevage est resté longtemps subordonné à la culture, fournissant donc force de traction et fumure. La race suisse s’impose comme standard en 1928 avec le Herdbook de la Simmenthal de la race tachetée de l’est. Elle accroît le rendement de lait de 50% et sa densité en matière grasse de 30%. L’élevage en série est rendu possible par l’insémination artificielle qui procure des bêtes mesurant le double de la race vosgienne – les centres d’insémination ont été inaugurés entre 1950 et 1952 à Baldenheim, Matzerheim, Berstett, Ittenheim, Altorf et Gries[3]. En parallèle se produit une révolution fourragère qui régularise la nourriture des bêtes grâce au stockage qui préside à la fondation en 1905 de l’Union agricole de l’Est ; ou à l’import, typique de Sanders. Le Bas-Rhin concentre une bonne partie de l’élevage laitier qu’il livre aux laiteries régionales, servant un ample bassin de consommation. Une partie seulement du lait collecté sert à la fabrication du munster géromé. À X, bourg électrifié bien desservi par la route, se rencontrent les autorités politiques (le sous-préfet), les acteurs économiques venus dans des véhicules aux couleurs de leur marque et les agriculteurs amenés par cars rouges spécialement affrétés. Quatre jeunes gens en costume traditionnel donnent une légère coloration locale à un rassemblement se répétant à l’identique partout en France. Tous se retrouvent devant le stand du lait Cassano, une marque belge établie en 1926 par la laiterie Lacsoons, à Wijgmaal (près de Louvain), fameuse pour ses yaourts et son lait longue conservation. On le déguste ici à la paille, comme le font les enfants et les jeunes consommateurs de produits lactés dans les drugstores à l’américaine : une petite incongruité qui détend l’atmosphère d’une rencontre placée sous le signe de la modernité commerciale.

La modernisation de l’élevage, priorité absolue

Ces journées ne s’adressent pas en priorité au consommateur, mais aux éleveurs. Elles participent de la vaste entreprise de propagande pour la modernisation des exploitations. Les exposants sont donc des entreprises commercialisant des machines, comme la Semeuse (Schiltigheim) ou André Weil (Strasbourg). Si les agriculteurs sont poussés à la spécialisation, on leur suggère malgré tout de combler l’important retard régional en la matière en s’équipant des outils qui libéreront les bêtes du travail de trait, et permettront d’étendre les terres servant à produire leur nourriture. D’autres stands présentent des sociétés qui offrent des kits complets aux éleveurs, de la nourriture, spécialité de Sanders, à tous les éléments de la révolution verte : engrais, produits phytosanitaires, semences sélectionnées – offre faite ici par le comptoir agricole de P. Le principal représentant local de cette dynamique est l’Union agricole de l’Est fondée en 1905 par Hubert d’Andlau, le maire de Stotzheim, alarmé par la crise des prix agricoles. Le succès immédiat a encouragé les agriculteurs à rejoindre les premiers adhérents de cette coopérative qui comptait en 1948 plus d’une centaine de coopératives locales et se dote en 1950 d’une section machinisme agricole. Le progrès, encore et toujours, au profit des exploitants et donc des consommateurs.

Bibliographie


Etienne Juillard, La Vie rurale en Basse-Alsace, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 1992 (1ère éd.: 1953).

Henri Nonn, Robert Specklin, "Les industries agro-alimentaires en Alsace. Anciennes divisions alsaciennes", Revue Géographique de l'Est, 1982, vol. 22, n°3-4, p. 315-331.

Roland Oberlé, Terres d'Alsace. Mutations du monde paysan et enjeux agroalimentaires, Strasbourg, Serengeti, 1994.


Article rédigé par

ALEXANDRE SUMPF, 22 novembre 2018


  1. En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
  2. Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.
  3. Etienne Juillard, p. 338