Le film de Wyhl (0131FI0013) : Différence entre versions

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Avertissement[1]

Résumé


Nous avons ici un film tourné en Super 8mm, en couleur et muet. Il dure 30 minutes et 34 secondes, et date de 1975, avec comme intitulé « Le Film de Wyhl ». Ce film met en scène l’occupation du site de construction d’une centrale nucléaire dans la forêt de Wyhl, une commune allemande située directement à la frontière franco-allemande, à la hauteur de Marckolsheim.

Métadonnées

N° support :  0131FI0013
Date :  Entre 18 février 1975 et 21 février 1975
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:30:35
Cinéastes :  Fernex, Solange
Format original :  Super 8 mm
Genre :  Documentaire
Thématiques :  Ecologie
Institution d'origine :  Archiv soziale Bewegungen Freiburg

Contexte et analyse


Solange Fernex

Ce film a été tourné par Solange Fernex, une femme qui était une activiste politique environnementaliste. Elle est née en 1934 à Strasbourg, avec comme parents Evrard de Turckheim et Marguerite Vogel. Son père est mort au front en 1940 et elle était donc orpheline de guerre. Elle est rapidement devenue consciente de l’importance de la nature, de la place de la femme dans la société et de la non-violence, pacifisme qui est fortement influencé par Gandhi. Elle s’est mariée à Michel Fernex, un médecin suisse spécialisé dans la médecine tropicale, et elle est partie avec lui à Dakar pendant 12 ans. À son retour, elle s’est notamment engagée contre l’utilisation de l’énergie nucléaire et a plusieurs fois fait recours à des grèves de la faim pour protester contre le nucléaire, que ce soit son usage civil comme à Fessenheim ou son usage militaire. Elle était politiquement active avec un engagement chez le parti des Verts en France et également comme députée européenne. Elle est décédée en 2006, à l’âge de 72 ans, suite à un cancer.

Voir la fiche Autour du jeûne illimité de Fessenheim pour une biographie plus détaillée de Solange Fernex.

Contexte : large et restreint

Pendant les années 1970, il y a d’un côté une poussée gouvernementale conséquente en Europe occidentale en faveur de la construction de centrales nucléaires, et d’un autre, une réaction de la part de la populace locale contre ces projets. Il y a une volonté d’industrialiser davantage la vallée du Rhin pour en faire une "seconde Ruhr", et ces nouvelles usines ont besoin d’énergie pour les alimenter. Ceci inclut par exemple la construction de la centrale nucléaire de Fessenheim entre 1970 et 1977, le projet de construire une usine de plomb à Marckolsheim en 1974 et le projet de construire une centrale nucléaire à Wyhl en 1975.

Cette centrale devait être originellement construite à la ville de Breisach, mais suite à une opposition de la populace locale, ceci s’est traduit par un changement de plans pour la construire à Wyhl. Le 18 février 1975, le site où la construction doit avoir lieu est occupé par à peu près 200 personnes, qui sont chassées par la police deux jours plus tard. Le 23 février, des milliers de personnes viennent, occupent le site et s’organisent jusqu’en novembre pour s’assurer que rien ne puisse être construit dans la forêt de Wyhl.

La vallée du Rhin et ses habitants, une culture commune ?

La vallée du Rhin est un endroit où vivent historiquement des peuples germanophones, qui parlent des dialectes alémaniques. Ces dialectes alémaniques sont relativement similaires en Alsace, en Bade et en Suisse du Nord, avec une intelligibilité mutuelle. Ceci explique d’abord que les manifestants qui contestent la construction de la centrale nucléaire de Wyhl, qui viennent majoritairement de Suisse, d’Alsace et de Bade, peuvent se coordonner suffisamment pour organiser une occupation dans la longueur.

Malgré la perte progressive de l’influence des dialectes en Alsace française et en Bade, il y a encore en 1975 une présence conséquente du dialecte chez les populations rurales qui sont, dans un premier temps, celles qui opposent la construction de la centrale. On peut dire qu’il y a un sentiment d’identité transfrontalière commune, malgré un siècle de nationalismes prononcés.

Wyhl, un symbole

Wyhl était un village sans grande importance avant l’annonce du plan de construction de la part du gouvernement, mais suite à la contestation réussie de la construction de la centrale nucléaire, Wyhl est devenu un symbole majeur en Allemagne dans la lutte contre le nucléaire. La lutte qui a eu lieu était la première victoire conséquente contre un gouvernement jugé comme trop centralisateur et non-démocratique.

La forêt de Wyhl, l’archétype de la nature mis en danger par l’industrie

La forêt de Wyhl était aussi un endroit sans importance particulière avant son occupation. En Allemagne, depuis les années 70, la forêt en général est considérée comme un endroit qu’il faut protéger à tout prix. Dans le film, il y a une pancarte qui porte l’attention sur la destruction de l’environnement naturel (17:23), « Solche Natur durch ein KKW zu ersetzen, ist das ein Sieg ? », ce qui donne en français « Remplacer une telle nature par une centrale nucléaire, est-ce une victoire ? », avec une représentation d’une forêt sur la banderole, ce qui symbolise ici la destruction de la forêt de Wyhl pour la remplacer par une centrale nucléaire. Ceci est donc perçu comme un double mal, avec la perte de la forêt au nom d’un progrès au caractère douteux.

La police, « Dein Freund und Helfer“?

La devise allemande de la police comme "ton amie et ton aide" est encore globalement acceptée chez la population rurale allemande. La police fait face aux occupants du chantier. Elle est d’abord présente pour chasser les premiers occupants du chantier, et ensuite pour défendre l’accès au chantier à ces derniers. L’organisation policière en question est la Landespolizei de Bade-Wurtemberg, la police régionale qui chasse les premiers occupants du chantier après deux jours d’occupation. Les policiers utilisent des méthodes violentes pour faire évacuer le camp : ils traînent les occupants qui sont assis (20:50, 21:14) et ils aspergent les manifestants avec des canons à eau (ceci en février, ce qui rend la chose d’autant plus agressive en vue des températures). Les policiers sont aussi parfois des connaissances et des membres de familles des manifestants, ce qui cause des situations où la tension entre les forces de police et les contestataires est encore plus forte puisque cette opposition fracture la communauté locale sur plusieurs niveaux.

Les militants, un groupe hétérogène

Les militants sont un groupe qui est fortement hétérogène : il y a des habitants de Wyhl (même si la majorité du village vote en faveur de la construction de la centrale nucléaire dans un référendum avec 883 habitants pour, soit 55 % et 692 contre, soit 43 %), des vignerons des environs, des activistes alsaciens dont Solange Fernex fait partie et également des activistes suisses (9 :42 et 9 :52, présence d’un drapeau suisse et d’une banderole qui proclame le support de la G.A.K, la Gewaltfreie Aktion Kaiseraugst, une organisation suisse qui est aussi impliquée dans un mouvement de résistance à la construction d’une centrale nucléaire en Suisse à Kaiseraugst).

L’action pacifique dans un contexte allemand de violences

L’action pacifique de ceux qui occupent le chantier est un acte de désobéissance civile. Cette occupation est illégale mais n’utilise pas de violence pour imposer ses buts. Par son illégalité, elle est réprimable par la police mais c’est justement cette répression policière qui donne sa force au mouvement. Le mouvement n’est plus seulement contre le nucléaire mais aussi contre la répression policière et contre le centralisme incarné par la personne du ministre-président Filbinger, qui est derrière le projet de construction de la centrale nucléaire. Ceci rend le mouvement plus fédérateur.

La non-violence de l’occupation sert à légitimer le mouvement, qui est dénoncé par le gouvernement badois comme un mouvement qui n’est pas local, ou s’il l’est, qu’il est un mouvement composé d’extrémistes dangereux. Il faut noter que la République fédérale d’Allemagne a des problèmes de terrorisme au début des années 70, avec les actions de la Fraction Armée Rouge et le massacre de Munich en septembre 1972 tout comme un climat de tension générale suite aux grands mouvements sociaux de la fin des années 60. Ceci fait que le gouvernement et les forces de l’ordre ont une attitude plus sévère, plus méfiante, envers ceux qui contestent ce que fait le gouvernement.

Les moyens de l’action politique

La contestation de la construction de la centrale nucléaire se décline en plusieurs phases, avant d’atteindre le paroxysme par l’occupation du chantier. D’abord, le lieu de construction de la centrale est annoncé pour Breisach, mais la population locale s’y oppose par le biais de manifestations et de collecte de signatures, et la centrale est donc planifiée pour Wyhl, où le maire est réceptif à l’idée. À Wyhl, un référendum est organisé par le maire dans un contexte de démonstrations de force de la part de la police, mais ce référendum est une défaite pour le mouvement antinucléaire. La construction commence donc, avec des ouvriers qui abattent les premiers arbres : c’est après ceci que le site est occupé pour la première fois. L’occupation est violemment dispersée, mais ces images sont filmées et diffusées sur la télévision allemande, ce qui cause une indignation nationale lorsque les téléspectateurs constatent que ce ne sont pas des extrémistes aux cheveux longs qui occupent le chantier mais des personnes de milieux divers, des citoyens concernés qui ne devraient pas se faire brutaliser d’une telle façon.

Le but de Solange Fernex, en filmant l’occupation du chantier dans la forêt de Wyhl, pourrait être d’assurer une documentation des faits pour le futur, afin de combattre les perceptions négatives du mouvement dans les médias : le film semble prouver que les contestataires ont bien respecté leur engagement de non-violence.

Lieux ou monuments


Wyhl; Endingen am Kaiserstuhl

Bibliographie


BROM, Jean-Marie. « Solange Fernex : une vie d’engagement pour le respect de la vie et les droits de la personne », Sortir du Nucléaire no 33. Décembre 2006. http://www.sortirdunucleaire.org/Solange-Fernex-une-vie-d (consulté le 24/05/2020).

JUNGJOHANN, Arne et MORRIS, Craig. Energy Democracy, Palgrave Macmillan, Londres, 2016.

MILDER, Stephen. The “Example of Wyhl”. dans E. CONZE, M. KLIMKE, et J. VARON (Ed.), Nuclear Threats, Nuclear Fear and the Cold War of the 1980s (p. 167-185). Cambridge University Press, Cambridge, 2016.

MILDER, Stephen. Onto the Site and into Significance? The Wyhl Occupation in Its Contexts, from Strasbourg to Kaiseraugst and Constance to Kiel. dans Greening Democracy: The Anti-Nuclear Movement and Political Environmentalism in West Germany and Beyond, 1968–1983 (p. 92-128). Cambridge University Press, Cambridge, 2017.

TOMPKINS, Andrew S. Better Active than Radioactive! Oxford University Press, Oxford, 2016.


Article rédigé par

Christoph Schirmer, 24 mai 2020


  1. Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.