Les Libellules de Strasbourg, un club de sport au féminin (0021FN0004) : Différence entre versions

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Un groupe de cinq femmes embarqué sur un aviron. L'aviron s'éloigne et prend de la vitesse à mesure que les femmes rament.
 
Un groupe de cinq femmes embarqué sur un aviron. L'aviron s'éloigne et prend de la vitesse à mesure que les femmes rament.
 
Deux équipes s'opposent pendant une course, les rameuses accélèrent avant d'atteindre la ligne d'arrivée.
 
Deux équipes s'opposent pendant une course, les rameuses accélèrent avant d'atteindre la ligne d'arrivée.
|Contexte_et_analyse_fr=Une brève histoire des Libellules de Strasbourg
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|Contexte_et_analyse_fr='''Le Club des Libellules de Strasbourg, un cercle sportif féminin à l’avant-garde.'''
  
 
Le cercle sportif des Libellules est fondé en 1925 à Strasbourg par la Comtesse Pisani, qui voulait offrir aux jeunes femmes la possibilité de pratiquer une activité sportive au même titre que les hommes. Au moment de sa création, le club fédère une seule équipe de Yole féminine. La yole est l’appellation donnée à l’embarcation légère et allongée, à l’image des insectes glissant au ras de l’eau, qui donnera son nom au club.  
 
Le cercle sportif des Libellules est fondé en 1925 à Strasbourg par la Comtesse Pisani, qui voulait offrir aux jeunes femmes la possibilité de pratiquer une activité sportive au même titre que les hommes. Au moment de sa création, le club fédère une seule équipe de Yole féminine. La yole est l’appellation donnée à l’embarcation légère et allongée, à l’image des insectes glissant au ras de l’eau, qui donnera son nom au club.  
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[[Fichier:Libellules6.jpg|vignette|1ère équipe féminine de basket, 1950-51]]
 
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[[Fichier:Libellules 3.jpg|vignette|L'équipe séniors avec Josée Haessler, présidente du club, 1955]]
 
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'''La pratique sportive féminine : un développement tardif'''
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La grande majorité des films sur le sport dans les fonds Mira donnent à voir des entraînements et des compétitions sportives masculines. La présence des femmes dans ces archives filmées se limitent bien souvent aux compétitions de gymnastique - hormis cette séquence d’un match de basket féminin en 1947. Fonds Eber - 0033FN0002.
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L’activité sportive des femmes commence à se développer timidement à la fin du 19ème siècle mais elle se cantonne presque exclusivement à la pratique de la gymnastique et remplit avant tout une fonction utilitaire et nationale.
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Outre la gymnastique ou la danse, l’activité sportive est considérée comme trop physique et anti-féminine. Les professionnels de santé vont entériner l’idée d’une pratique sportive inadaptée à l’anatomie féminine et incompatible avec sa vocation de mère. Le sport féminin va ainsi se heurter durant longtemps à une pensée conservatrice qui freine voire empêche son développement : des considérations « scientifiques » de l’époque sur le corps féminin à l’image d’un idéal féminin – grâce, décence, moralité, beauté - à laquelle la femme doit satisfaire.
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Pourtant c’est bien la gymnastique, qui va ouvrir une brèche dans la possibilité d’une pratique sportive féminine et ce dans le cadre de démonstrations d’exercices gymniques. Les femmes sont exposées au regard d’autrui et donnent à voir leurs capacités physiques lors de ces manifestations publiques, qui vont amorcer un changement dans les mentalités.
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La séquence tournée par M. Breesé s’ouvre sur ce groupe de femmes qui exécutent des mouvements chorégraphiés. La technicité de la gym s’allie ici au charme et à l’élégance de la danse. Les membres du club des Libellules pratiquaient probablement cette activité en plus du basket et de l’aviron. Mais nous n’avons à ce jour pas assez de sources sur l’histoire du club pour en attester.
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Ce que l’on peut dire par contre, en observant plus attentivement la séquence, c’est que le public est au rendez-vous. Plusieurs voitures sont garées aux alentours et on aperçoit les têtes des spectateurs au premier plan de l’image, hommes et femmes coiffés d’un couvre-chef, qui semblent s’être apprêtés pour l’occasion. D’autres spectateurs, plus à distance, sur un petit talus qui surplombe le terrain, observent de loin la manifestation.
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Nous sommes à la fin des années 30 et les moeurs ont déjà bien évolué comme en témoignent les tenues des joueuses et l’exposition du corps féminin pendant cette manifestation publique.
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Les gymnastes sont vêtues d’un débardeur laissant leurs épaules dénudées et la jupe est portée au-dessus du genou. Les basketteuses sont habillées d’un short et d’un chemisier – quand l’équipe adverse revêt une robe - tout comme les avironneuses, qui exposent donc leurs jambes aux yeux du public.
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Au début du 20ème siècle, la pratique sportive féminine est encore très marginale et se structure quasi exclusivement autour de sections rattachées aux clubs masculins. « Nombre d’institutions (le mouvement olympique, le sport ouvrier, les fédérations existantes) s’opposeront au développement de ces activités pour celles qui demeurent avant tout des mères destinées au foyer. » <ref>« Inégalités sur la ligne de départ : femmes, origines sociales et conquête du sport » de Catherine Louveau in Revue CLIO Histoires, Femmes et Sociétés - Le genre du sport 23/2006 – Presses Universitaires du Mirail </ref>
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L’existence de ces clubs exclusivement féminins est donc singulier dans le paysage sportif de l’époque, et bien souvent le fait de la volonté de femmes - comme la Comtesse Pisani pour Les Libellules - qui oeuvrent pour la légitimité et la reconnaissance d’une pratique sportive féminine.
 
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[[Fichier:Libellules 5.jpg|vignette|Championnes d'Alsace, saison 1975-76]]
 
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Version du 17 octobre 2018 à 12:18

Résumé


Dans la séquence tournée par Emile Breesé à la fin des années 30, des femmes pratiquent la gymnastique, le basket et l'aviron au sein du cercle féminin d’aviron et de culture physique « Les Libellules de Strasbourg », lors d'une manifestation publique.

Description


Un groupe de femmes, en tenue sportive sur un terrain de basket, exécute des mouvements de gymnastique en suivant une chorégraphie. Deux équipes de basket féminines prennent la pose sur le terrain, se tenant côte-à-côte par les épaules. Les deux équipes s'affrontent pendant un match.

Un groupe de cinq femmes embarqué sur un aviron. L'aviron s'éloigne et prend de la vitesse à mesure que les femmes rament. Deux équipes s'opposent pendant une course, les rameuses accélèrent avant d'atteindre la ligne d'arrivée.

Métadonnées

N° support :  0021FN0004
Date :  Entre 1936 et 1938
Son :  Muet
Durée :  00:00:00
Cinéastes :  Breesé, Emile
Format original :  9,5 mm
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Le Club des Libellules de Strasbourg, un cercle sportif féminin à l’avant-garde.

Le cercle sportif des Libellules est fondé en 1925 à Strasbourg par la Comtesse Pisani, qui voulait offrir aux jeunes femmes la possibilité de pratiquer une activité sportive au même titre que les hommes. Au moment de sa création, le club fédère une seule équipe de Yole féminine. La yole est l’appellation donnée à l’embarcation légère et allongée, à l’image des insectes glissant au ras de l’eau, qui donnera son nom au club.

La spécificité féminine du club dans un monde sportif à l’époque largement dominé par des hommes, va se poursuivre jusque dans les années 90. Et ce sont deux femmes qui vont occuper successivement la présidence du club à ses débuts. La Comtesse Pisani de 1925 à 1947, avec qui les Libellules remportent leur premier titre de Championnes de France en Yole de mer en 1932 puis en Outrigger - nom donné aux bateaux de compétition - en 1933. Et Josée Haessler jusqu’en 1977, Championne de France d’aviron en 1933, qui a consacré une grande partie de sa vie au club.

Dans cette séquence tournée par M. Breesé à la fin des années 30, on aperçoit Mme Haessler à 00 : 22 au centre de l'image, jeune joueuse de basket - la plus grande et la plus charpentée de toutes - prenant la pose avec ses coéquipières. Un peu plus tard, en 1948, elle fait entrer officiellement la discipline dans le club et devient entraîneur de l’équipe.

La section basket des Libellules prend son essor avec la constitution d’équipes de jeunes aussi bien que de seniors, bientôt consacrées par des titres départementaux et régionaux. En 1969, suite à un incendie du hangar à bateaux, la section aviron du club s’arrête. Les Libellules devient un club de basket, qui garde sa particularité féminine jusqu’au début des années 90. Aujourd’hui, ce cercle historique de sport amateur, toujours en activité, compte 22 équipes et 300 licenciés aussi bien de filles que de garçons.

Championnes de France d'Outriggers et la comtesse Pisani au centre, 13 août1933
1ère équipe féminine de basket, 1950-51
L'équipe séniors avec Josée Haessler, présidente du club, 1955


La pratique sportive féminine : un développement tardif

La grande majorité des films sur le sport dans les fonds Mira donnent à voir des entraînements et des compétitions sportives masculines. La présence des femmes dans ces archives filmées se limitent bien souvent aux compétitions de gymnastique - hormis cette séquence d’un match de basket féminin en 1947. Fonds Eber - 0033FN0002.

L’activité sportive des femmes commence à se développer timidement à la fin du 19ème siècle mais elle se cantonne presque exclusivement à la pratique de la gymnastique et remplit avant tout une fonction utilitaire et nationale.

Outre la gymnastique ou la danse, l’activité sportive est considérée comme trop physique et anti-féminine. Les professionnels de santé vont entériner l’idée d’une pratique sportive inadaptée à l’anatomie féminine et incompatible avec sa vocation de mère. Le sport féminin va ainsi se heurter durant longtemps à une pensée conservatrice qui freine voire empêche son développement : des considérations « scientifiques » de l’époque sur le corps féminin à l’image d’un idéal féminin – grâce, décence, moralité, beauté - à laquelle la femme doit satisfaire.

Pourtant c’est bien la gymnastique, qui va ouvrir une brèche dans la possibilité d’une pratique sportive féminine et ce dans le cadre de démonstrations d’exercices gymniques. Les femmes sont exposées au regard d’autrui et donnent à voir leurs capacités physiques lors de ces manifestations publiques, qui vont amorcer un changement dans les mentalités.

La séquence tournée par M. Breesé s’ouvre sur ce groupe de femmes qui exécutent des mouvements chorégraphiés. La technicité de la gym s’allie ici au charme et à l’élégance de la danse. Les membres du club des Libellules pratiquaient probablement cette activité en plus du basket et de l’aviron. Mais nous n’avons à ce jour pas assez de sources sur l’histoire du club pour en attester.

Ce que l’on peut dire par contre, en observant plus attentivement la séquence, c’est que le public est au rendez-vous. Plusieurs voitures sont garées aux alentours et on aperçoit les têtes des spectateurs au premier plan de l’image, hommes et femmes coiffés d’un couvre-chef, qui semblent s’être apprêtés pour l’occasion. D’autres spectateurs, plus à distance, sur un petit talus qui surplombe le terrain, observent de loin la manifestation.

Nous sommes à la fin des années 30 et les moeurs ont déjà bien évolué comme en témoignent les tenues des joueuses et l’exposition du corps féminin pendant cette manifestation publique.

Les gymnastes sont vêtues d’un débardeur laissant leurs épaules dénudées et la jupe est portée au-dessus du genou. Les basketteuses sont habillées d’un short et d’un chemisier – quand l’équipe adverse revêt une robe - tout comme les avironneuses, qui exposent donc leurs jambes aux yeux du public.

Au début du 20ème siècle, la pratique sportive féminine est encore très marginale et se structure quasi exclusivement autour de sections rattachées aux clubs masculins. « Nombre d’institutions (le mouvement olympique, le sport ouvrier, les fédérations existantes) s’opposeront au développement de ces activités pour celles qui demeurent avant tout des mères destinées au foyer. » [1]

L’existence de ces clubs exclusivement féminins est donc singulier dans le paysage sportif de l’époque, et bien souvent le fait de la volonté de femmes - comme la Comtesse Pisani pour Les Libellules - qui oeuvrent pour la légitimité et la reconnaissance d’une pratique sportive féminine.

Documents annexes


1ère équipe de jeunes, au premier rang, en 1965
Championnes d'Alsace, saison 1975-76
Tournoi des Libellules, 1986
1ère équipe masculine, saison 1992-93



  1. « Inégalités sur la ligne de départ : femmes, origines sociales et conquête du sport » de Catherine Louveau in Revue CLIO Histoires, Femmes et Sociétés - Le genre du sport 23/2006 – Presses Universitaires du Mirail