Manifestation sportive à Hoerdt : course et saut en hauteur (0033FN0002) : Différence entre versions

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'''Hoerdt, une visite touristique ?'''
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Sur les images de Rombourg, on remarque que la ville de Hoerdt semble avoir été épargnée par les combats. Il insiste particulièrement sur le monument aux morts local qui est très fleuri. Par ailleurs, un groupe de deux hommes et de trois femmes étrangement bien habillés pour une manifestation sportive, en costumes et en tailleurs, transportent avec eux un bouquet de fleurs. Les deux conflits mondiaux ont coûté la vie à 187 habitants<ref>https://www.hoerdt.fr/hoerdt/histoire/</ref>. Ce chiffre peut paraître conséquent pour une ville qui comptait 2823 habitants en 1921 et 3104 en 1946. Dans ses autres films, Rombourg semble particulièrement attiré par tout ce qui touche à la commémoration et aux mémoires des deux guerres mondiales notamment dans son film dédié à la fête du Linge de 1848 ainsi qu'aux hommes tués pendant la Première Guerre mondiale dans la bataille du même nom. Une bonne partie de son film ne porte pas sur la compétition en elle-même mais sur la visite de la petite ville. Ainsi il effectue un plan large progressif en contre-plongée de l’église. Il s’attarde également sur le buste de Louis Gustave Heyler, pasteur alsacien qui a introduit la culture de l’asperge dans la région en 1873 et tout particulièrement à Hoerdt participant au développement économique de la ville<ref>https://www.hoerdt.fr/hoerdt/histoire/le-pasteur-heyler/</ref>. Cette statue a par ailleurs été fabriquée par le célèbre sculpteur alsacien Alfred Marzolff. Il n’est probablement pas originaire de Hoerdt, fait intéressant car cette compétition semble donc avoir une certaine portée.
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Il est essentiel de rappeler l’importance de telles manifestations au sortir de la guerre. Elle peut donc attirer des visiteurs du reste de l’Alsace par exemple. Mais la caméra de Rombourg va au-delà des monuments de la ville, il a notamment filmé une séquence où on voit un habitant transporter du foin dans une remorque. Les habitants semblent étonnés par la présence de la caméra, en témoignent les curieux observant le cinéaste depuis leur fenêtre ou encore le sourire gêné de l’homme âgé quand il se rend compte qu’il est filmé.
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'''La compétition d’athlétisme'''
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La manifestation est organisée dans un champ à l’extérieur de la ville. Rombourg effectue un plan progressif de gauche à droite mettant en évidence Hoerdt et ses deux églises, catholique et protestante. Les lignes des couloirs sont de simples traces dans la terre. Les spectateurs sont au bord de la piste et il y a du monde pour assister à l’événement. Quand bien même les infrastructures sportives semblent rudimentaires, la compétition est prise très au sérieuse. Les concurrents portent des dossards et des tenues adaptées, les participants semblent appartenir à d’autres clubs d’athlétisme que l’association sportive de Hoerdt. Il est vraisemblable que cela reste des amateurs, en témoignent les techniques de saut. Si certains utilisent la technique du ciseau, plus vieille technique de saut en hauteur, un autre saute les pieds joints en avant sans réelle maîtrise. Détail très intéressant dans la façon dont est filmée la compétition. Rombourg emploie déjà des plans comme le progressif ou la contre-plongée dans le but de varier les images. Il utilise également le montage comme avec l’incrustation de textes au début du film lorsqu’il rend hommage à un certain M. Torderotot, président d’honneur du club. Il enchaîne les petites séquences rapidement afin de donner du dynamisme à la compétition, la rendre plus vivante. Il termine même par un dernier plan où un sauteur abandonne devant la barre. Les techniques qu’il emploie dans la production de son film témoigne d’une certaine maîtrise mettant en évidence son expérience dans le tournage encore rare chez les amateurs de cette époque.
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'''Les manifestations sportives dans l’Alsace d’après-guerre'''
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Il est important de rappeler à nouveau que ce genre de compétition est un moyen d’aider à la reconstruction de l’Alsace. Ainsi, selon l’historien Julien Fuchs, « dans un environnement politique complètement différent de celui des années 1930, la préoccupation à l’origine de la relance des groupements de jeunesse est de contribuer activement à la reconstruction de l’Alsace.»<ref>Fuchs Julien, « Jeune Alsace, école de la Nation (1944-1947) », ''Agora débats/jeunesses. La démocratie associative ? Perspectives historiques'', 40, 2006, p. 23.</ref>. Le groupement de jeunesse le plus important à cette époque est la ''Jeune Alsace''. Mais cette reconstruction va de pair avec la réintégration de l’Alsace dans la communauté nationale. Le stéréotype assimilant l’Alsacien à l’ennemi allemand se développa dès la fin de la guerre. Outre la culture alsacienne manifestement germanique via la langue notamment, l’histoire des « malgré-nous » a également été un facteur déterminant dans l’ancrage de ces clichés. Les Alsaciens étaient en effet considérés comme des ''Volskdeutsche'' par les théoriciens du nazisme et donc intégrés à la communauté nationale allemande. Il ne s’agissait pas seulement d’un titre mais d’une réalité administrative permettant donc d’intégrer les jeunes alsaciens à la jeunesse hitlérienne.  Il y a donc une question de « refrancisation » dans l’Alsace d’après-guerre inhérent à la reconstruction matérielle de la région. Cela passe donc par des manifestations sportives et par la promulgation d’une jeunesse française, loin de cette jeunesse « germanisée » par la ''hitlerjugend''.
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|Bibliographie=Dietschy Paul et Clastres Patrick, ''Sport, société et culture en France du XIXe siècle à nos jours'', Paris, Hachette Supérieur, 2006, (coll. « Carré Histoire »), 254 p.
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Fuchs Julien, « Jeune Alsace, école de la Nation (1944-1947) », ''Agora débats/jeunesses. La démocratie associative ? Perspectives historiques'', 40, 2006, p. 22-36.
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Lepage Jean-Denis, ''La « Hitler Jugend », la jeunesse hitlérienne 1922-1945'', Paris, Grancher, 2004, (coll. « Témoignages pour l’Histoire »), 238 p.
 
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Version actuelle datée du 7 mars 2020 à 13:13

Résumé


Compétition d'athlétisme à Hoerdt le 31 août 1947 organisée par l'association sportive de Hoerdt avec des courses et du saut en hauteur.

Métadonnées

N° support :  0033FN0002
Date :  31 août 1947
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:02:50
Cinéastes :  Rombourg, Victor
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Athlétisme
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Dans l’Alsace d’après-guerre, la reconstruction de la région très durement touchée par le second conflit mondial est difficile. D’une part d’un point de vue matériel du fait des combats qui ont eu lieu seulement trois ans auparavant, mais également d’un point de vue mental. Les Alsaciens sortent de quatre années d’occupation où toutes les activités, notamment sportives, étaient strictement contrôlées par le régime nazi en particulier chez les jeunes où l’instauration en Alsace des jeunesses hitlériennes a été effective dès 1940. Il paraissait donc nécessaire pour la population de reprendre une vie relativement normale après les événements de la Seconde Guerre mondiale.

Hoerdt, une visite touristique ?

Sur les images de Rombourg, on remarque que la ville de Hoerdt semble avoir été épargnée par les combats. Il insiste particulièrement sur le monument aux morts local qui est très fleuri. Par ailleurs, un groupe de deux hommes et de trois femmes étrangement bien habillés pour une manifestation sportive, en costumes et en tailleurs, transportent avec eux un bouquet de fleurs. Les deux conflits mondiaux ont coûté la vie à 187 habitants[1]. Ce chiffre peut paraître conséquent pour une ville qui comptait 2823 habitants en 1921 et 3104 en 1946. Dans ses autres films, Rombourg semble particulièrement attiré par tout ce qui touche à la commémoration et aux mémoires des deux guerres mondiales notamment dans son film dédié à la fête du Linge de 1848 ainsi qu'aux hommes tués pendant la Première Guerre mondiale dans la bataille du même nom. Une bonne partie de son film ne porte pas sur la compétition en elle-même mais sur la visite de la petite ville. Ainsi il effectue un plan large progressif en contre-plongée de l’église. Il s’attarde également sur le buste de Louis Gustave Heyler, pasteur alsacien qui a introduit la culture de l’asperge dans la région en 1873 et tout particulièrement à Hoerdt participant au développement économique de la ville[2]. Cette statue a par ailleurs été fabriquée par le célèbre sculpteur alsacien Alfred Marzolff. Il n’est probablement pas originaire de Hoerdt, fait intéressant car cette compétition semble donc avoir une certaine portée.

Statue du pasteur Louis Gustave Heyler située à Hoerdt (67).

Il est essentiel de rappeler l’importance de telles manifestations au sortir de la guerre. Elle peut donc attirer des visiteurs du reste de l’Alsace par exemple. Mais la caméra de Rombourg va au-delà des monuments de la ville, il a notamment filmé une séquence où on voit un habitant transporter du foin dans une remorque. Les habitants semblent étonnés par la présence de la caméra, en témoignent les curieux observant le cinéaste depuis leur fenêtre ou encore le sourire gêné de l’homme âgé quand il se rend compte qu’il est filmé.

La compétition d’athlétisme

La manifestation est organisée dans un champ à l’extérieur de la ville. Rombourg effectue un plan progressif de gauche à droite mettant en évidence Hoerdt et ses deux églises, catholique et protestante. Les lignes des couloirs sont de simples traces dans la terre. Les spectateurs sont au bord de la piste et il y a du monde pour assister à l’événement. Quand bien même les infrastructures sportives semblent rudimentaires, la compétition est prise très au sérieuse. Les concurrents portent des dossards et des tenues adaptées, les participants semblent appartenir à d’autres clubs d’athlétisme que l’association sportive de Hoerdt. Il est vraisemblable que cela reste des amateurs, en témoignent les techniques de saut. Si certains utilisent la technique du ciseau, plus vieille technique de saut en hauteur, un autre saute les pieds joints en avant sans réelle maîtrise. Détail très intéressant dans la façon dont est filmée la compétition. Rombourg emploie déjà des plans comme le progressif ou la contre-plongée dans le but de varier les images. Il utilise également le montage comme avec l’incrustation de textes au début du film lorsqu’il rend hommage à un certain M. Torderotot, président d’honneur du club. Il enchaîne les petites séquences rapidement afin de donner du dynamisme à la compétition, la rendre plus vivante. Il termine même par un dernier plan où un sauteur abandonne devant la barre. Les techniques qu’il emploie dans la production de son film témoigne d’une certaine maîtrise mettant en évidence son expérience dans le tournage encore rare chez les amateurs de cette époque.

Les manifestations sportives dans l’Alsace d’après-guerre

Il est important de rappeler à nouveau que ce genre de compétition est un moyen d’aider à la reconstruction de l’Alsace. Ainsi, selon l’historien Julien Fuchs, « dans un environnement politique complètement différent de celui des années 1930, la préoccupation à l’origine de la relance des groupements de jeunesse est de contribuer activement à la reconstruction de l’Alsace.»[3]. Le groupement de jeunesse le plus important à cette époque est la Jeune Alsace. Mais cette reconstruction va de pair avec la réintégration de l’Alsace dans la communauté nationale. Le stéréotype assimilant l’Alsacien à l’ennemi allemand se développa dès la fin de la guerre. Outre la culture alsacienne manifestement germanique via la langue notamment, l’histoire des « malgré-nous » a également été un facteur déterminant dans l’ancrage de ces clichés. Les Alsaciens étaient en effet considérés comme des Volskdeutsche par les théoriciens du nazisme et donc intégrés à la communauté nationale allemande. Il ne s’agissait pas seulement d’un titre mais d’une réalité administrative permettant donc d’intégrer les jeunes alsaciens à la jeunesse hitlérienne. Il y a donc une question de « refrancisation » dans l’Alsace d’après-guerre inhérent à la reconstruction matérielle de la région. Cela passe donc par des manifestations sportives et par la promulgation d’une jeunesse française, loin de cette jeunesse « germanisée » par la hitlerjugend.

Bibliographie


Dietschy Paul et Clastres Patrick, Sport, société et culture en France du XIXe siècle à nos jours, Paris, Hachette Supérieur, 2006, (coll. « Carré Histoire »), 254 p.

Fuchs Julien, « Jeune Alsace, école de la Nation (1944-1947) », Agora débats/jeunesses. La démocratie associative ? Perspectives historiques, 40, 2006, p. 22-36.

Lepage Jean-Denis, La « Hitler Jugend », la jeunesse hitlérienne 1922-1945, Paris, Grancher, 2004, (coll. « Témoignages pour l’Histoire »), 238 p.


Article rédigé par

Vincent Sarbach, 05 janvier 2020


  1. https://www.hoerdt.fr/hoerdt/histoire/
  2. https://www.hoerdt.fr/hoerdt/histoire/le-pasteur-heyler/
  3. Fuchs Julien, « Jeune Alsace, école de la Nation (1944-1947) », Agora débats/jeunesses. La démocratie associative ? Perspectives historiques, 40, 2006, p. 23.