Paysans à Hoffen (0026FN0004) : Différence entre versions

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A partir du 18e siècle, la condition des paysans alsaciens s’améliore : ils se permettent l'achat d'étoffes plus fines et se vêtissent avec plus de fastes pour les grandes occasions, les fêtes de village ou le dimanche. Dans les musées régionaux, les costumes ayant été conservés sont bien sûr ces tenues de fête, mieux entretenues et moins usées que l’habit de travail qui était jeté une fois usé ou transformé en chiffon<ref>''Op. cit'' WOLFF, Anne p.20</ref>. Pour ces raisons et parce que pendant longtemps ils ont suscité un intérêt moindre, ils sont peu représentés dans les musées de la région. Les images tournées par Paul Spindler sont donc essentielles pour comprendre comment était porté cet habit, et comment le paysan se mouvait avec. Les quelques costumes de travail conservés dénotent d’un état d’usure et de saleté qui nous rappelle qu’ils étaient beaucoup reprisés et peu lavés.  
 
A partir du 18e siècle, la condition des paysans alsaciens s’améliore : ils se permettent l'achat d'étoffes plus fines et se vêtissent avec plus de fastes pour les grandes occasions, les fêtes de village ou le dimanche. Dans les musées régionaux, les costumes ayant été conservés sont bien sûr ces tenues de fête, mieux entretenues et moins usées que l’habit de travail qui était jeté une fois usé ou transformé en chiffon<ref>''Op. cit'' WOLFF, Anne p.20</ref>. Pour ces raisons et parce que pendant longtemps ils ont suscité un intérêt moindre, ils sont peu représentés dans les musées de la région. Les images tournées par Paul Spindler sont donc essentielles pour comprendre comment était porté cet habit, et comment le paysan se mouvait avec. Les quelques costumes de travail conservés dénotent d’un état d’usure et de saleté qui nous rappelle qu’ils étaient beaucoup reprisés et peu lavés.  
 
Dans cet extrait, les costumes portés sont des vêtements du quotidien, à l’inverse par exemple de plusieurs autres séquences qui nous montrent les villageois dans leur costume de fête (voir Spindler 0026FN0003, ''Paysans'', 1928).  
 
Dans cet extrait, les costumes portés sont des vêtements du quotidien, à l’inverse par exemple de plusieurs autres séquences qui nous montrent les villageois dans leur costume de fête (voir Spindler 0026FN0003, ''Paysans'', 1928).  
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La tenue de travail est de silhouette identique à la tenue de fête, mais plus allégée et dans des tissus moins fins, plus solides, et moins décorés. La coiffe alsacienne des femmes, très décorative certes, mais peu pratique, est remplacée par un foulard blanc ou un chapeau de paille, ou une sorte de grande coiffe blanche, aussi appelée une quichenotte ou une halette, portée aussi ailleurs en France, comme en Vendée. On l’appelle en Alsace la ''Schindelkapp'' : elle permet de se protéger du soleil et est composé avec du tissu et des lattes de bois qui maintiennent le tout vers l’avant. D’ailleurs, on peut noter la présence d’une lavandière portant ce type de bonnet sur la séquence du lavoir, ainsi qu’à Hoffen sur la paysanne marchant derrière Edouard Elzingre. Bien entendu, pour les divers travaux, les femmes, comme dans d’autres régions de France, portaient aussi des foulards blancs. La coiffure féminine est aussi typique de la région dans laquelle on se trouve, ainsi en Outre-Forêt, les femmes relevaient leurs cheveux nattés sur la tête, comme on le voit ici dans la séquence tournée à Hoffen.  
 
La tenue de travail est de silhouette identique à la tenue de fête, mais plus allégée et dans des tissus moins fins, plus solides, et moins décorés. La coiffe alsacienne des femmes, très décorative certes, mais peu pratique, est remplacée par un foulard blanc ou un chapeau de paille, ou une sorte de grande coiffe blanche, aussi appelée une quichenotte ou une halette, portée aussi ailleurs en France, comme en Vendée. On l’appelle en Alsace la ''Schindelkapp'' : elle permet de se protéger du soleil et est composé avec du tissu et des lattes de bois qui maintiennent le tout vers l’avant. D’ailleurs, on peut noter la présence d’une lavandière portant ce type de bonnet sur la séquence du lavoir, ainsi qu’à Hoffen sur la paysanne marchant derrière Edouard Elzingre. Bien entendu, pour les divers travaux, les femmes, comme dans d’autres régions de France, portaient aussi des foulards blancs. La coiffure féminine est aussi typique de la région dans laquelle on se trouve, ainsi en Outre-Forêt, les femmes relevaient leurs cheveux nattés sur la tête, comme on le voit ici dans la séquence tournée à Hoffen.  
 
L'habit de travail masculin consiste principalement en une blouse bleue brodée et un bonnet.  
 
L'habit de travail masculin consiste principalement en une blouse bleue brodée et un bonnet.  
 
L'habit de fête des hommes est moins varié que le costume féminin mais il évolue dans le temps en suivant la mode française et l’uniforme militaire, comme les très typiques rangées de boutons sur les vestes et les gilets. L’homme se coiffe également avec un bonnet, différents selon les régions. On peut voir ici à Hoffen, deux costumes typiquement alsaciens portés par deux hommes, dont l'un balaie sa cour. Comme les hommes et enfants de la région de Wissembourg, ils sont parés d’une calotte, appelée le ''Marschelskapp'' ou ''Morischelkapp'', ou coiffe à morille, en laine tricotée. A Seebach, on retrouve aussi une autre coiffe masculine notable, la fameuse toque en fourrure de putois (voir Meyer 0052FN0035, ''Oberseebach'', 1937).  
 
L'habit de fête des hommes est moins varié que le costume féminin mais il évolue dans le temps en suivant la mode française et l’uniforme militaire, comme les très typiques rangées de boutons sur les vestes et les gilets. L’homme se coiffe également avec un bonnet, différents selon les régions. On peut voir ici à Hoffen, deux costumes typiquement alsaciens portés par deux hommes, dont l'un balaie sa cour. Comme les hommes et enfants de la région de Wissembourg, ils sont parés d’une calotte, appelée le ''Marschelskapp'' ou ''Morischelkapp'', ou coiffe à morille, en laine tricotée. A Seebach, on retrouve aussi une autre coiffe masculine notable, la fameuse toque en fourrure de putois (voir Meyer 0052FN0035, ''Oberseebach'', 1937).  
 
Les sabots sont utilisés pour les travaux dans les champs, autrement les paysans se chaussent de chaussures à lacets comme on en voit ici. On note que dans la séquence à Hoffen, nombreux sont les habitants à porter les sabots, renforçant l’impression forte de ruralité qui émane de cette séquence. A l’inverse, à Châtenois, ville beaucoup plus industrialisée, le sabot n’est pas porté, sauf par un petit groupe de personnes âgées.
 
Les sabots sont utilisés pour les travaux dans les champs, autrement les paysans se chaussent de chaussures à lacets comme on en voit ici. On note que dans la séquence à Hoffen, nombreux sont les habitants à porter les sabots, renforçant l’impression forte de ruralité qui émane de cette séquence. A l’inverse, à Châtenois, ville beaucoup plus industrialisée, le sabot n’est pas porté, sauf par un petit groupe de personnes âgées.
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'''Les lavandières'''
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Avec l'apparition d'une politique communale hygiéniste, les communes se dotent de lavoirs en Alsace durant la seconde partie du 19e siècle surtout et jusqu’au milieu du 20e siècle. (« ).
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La machine à laver est apparue dans les environs des années 1950, ce qui signifie que jusque là, les lessives se faisaient à la main et au lavoir. Il existait dans les villages des lavoirs privés pour les habitations ayant directement accès à l’eau d’une rivière.
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Les lavandières sont l’appellation pour toutes les femmes qui lavent leur linge à la main, sans que cela ne soit forcément leur métier. Bien sûr, les femmes issues de classes aisées faisaient appel à des professionnelles. Ici d’ailleurs, il semble que les femmes frottant leur linge le font comme une tâche domestique, non pas pour gagner leur vie à l’instar de la laveuse, de la buandière qui lavaient le linge peu délicat de leurs clients, voire de la blanchisseuse, qui elle, traitait le linge plus fin et délicat. Le lavage du linge est bien sûr une activité réservée aux femmes, qui le pratique à tous âges : on voit sur la séquence des jeunes filles, des femmes et une dame plus âgée, portant un bonnet blanc.
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Le lavoir de Châtenois a été immortalisé en 1945 par Robert Doisneau.
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Dans le milieu rural, comme ici, le lavage du linge n’avait lieu que deux à trois fois par an et était appelé « la buée », jusqu’au début du 20e siècle, à des périodes clés. Au printemps, avant les fêtes de métiers, en été, avant la moisson et parfois en automne.
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Cette grande lessive durait en principe trois jours et consistait principalement  au lavage du linge de maison et des vêtements et était composée de trois étapes aux noms plutôt évocateurs au vu de la dureté de la tâche. D’abord, lors du « Purgatoire », les lavandières laissent tremper le linge dans des grandes cuves en terre ou dans des baquets de bois le plus généralement à domicile, dans un espace dédié ou dans la cuisine, pour le décrasser. La cuve était ensuite recouverte d’un drap plein de cendres de bois fin dont les propriétés (carbonate de potasse) sont nettoyantes et font office de lessive. Alors, c’est l’enfer et ses vapeurs qui débutent : la lavandière verse sur les cendre de l’eau bouillante. Dans les années 1920 cependant, apparaît le savon en paillette, ce qui diminue la longueur de cette étape. Le lendemain enfin, le linge est chargé dans des bassines et des hottes sur des brouettes et amené au lavoir afin d’y être battu et d’en extraire le maximum de lessive, rincé puis essoré auprès d’une source d’eau. Il retrouve sa pureté : c’est le paradis. Ici, on remarque bien au bord du lavoir les brouettes et les bassines. Il est à noter que cette étape du rinçage dans des lavoirs publics était une nécessité, puisque l’eau courante et potable n’étaient pas généralisée. Il a fallu attendre 1935 à Strasbourg pour que les ménages disposent de canalisations reliées à leurs intérieurs (BLOCH-RAYMOND Anny. op. cit.. p.10). Enfin, le linge était suspendu ou étalé sur l’herbe pour sécher, ou blanchit.
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Mais dans les années 1930, le lavage du linge devient hebdomadaire : il est entreposé dans des buanderies propres aux fermes ou dans les caves. Ainsi à Strasbourg, en 1900 des logements nouvellement construits sont équipés de buanderies (BLOCH-RAYMOND Anny, op. cit. p.7), c’est d’ailleurs certainement le cas ici. Les lavoirs communaux étaient gratuits dans les campagnes. Puis, à partir des années 1950, le lave-linge se démocratise. Néanmoins, en 1961, 26% des ménages alsaciens possèdent un lave-linge (BLOCH-RAYMOND, Anny, op. cit. p.14). Encore dans les années 1970, il fait figure d’exception dans la campagne alsacienne. Un film produit par l’Electricité de Strasbourg en 1975, montre l’arrivée et la révolution de l’électricité dans le village d’Oberseebach, avec entre autres, le lave-linge (voir fonds ES, 0030NN0001 : droits ?). Pompage de l'eau sur un puits à balancier, ou « Schwenkelbrunne », comme il en existe de nombreux dans la région de l’Outre Forêt à Hoffen, qui dispose de trois cours d’eau communaux.
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Le travail est difficile, on le voit bien ici. Les femmes sont sur les genoux, courbées vers l’eau et frottent vigoureusement le linge sur les planches. On note que certaines sont agenouillées dans des caisses, qui servent à les protéger des giclures de l’eau. Elles devaient encore battre le linge puis ramener les baquets dans la charrette.
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Il est à noter aussi la présence d’un petit enfant, accompagnant certainement sa mère et qui lui aussi frotte le linge. Laver le linge est une transmission de mère en fille. Fait
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Ainsi, ce que l’on peut voir à l’image dans la rue ici est l’étape du rinçage. Le ruisseau communal passant à Chatenois a, de mémoire d’homme, toujours été utilisé pour laver le linge et pour éteindre les incendies. Les femmes y venaient encore dans les années 1950 pour faire leur linge, jusqu’à la condamnation du ruisseau au moment de la canalisation de la ville dans les années 1970(d’après Jean-Philippe Dussourd, Président du Groupe patrimoine de Châtenois, interview réalisée le 3 août 2018).
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Concernant le costume alsacien, seul les éléments en blanc étaient lavés lors de ces grandes buées : chemises, chaussettes, tabliers… Les pièces plus fines, comme les bonnets, n’étaient jamais nettoyés.
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La lavandière est aussi entourée de vieilles croyances comme celle de la Lavandière de nuit, revenantes lavant le linge la nuit ou celui des défunts était annonciatrice d’une mort prochaine ou expiant un pêché, comme avoir lavé le linge un dimanche. Dans les Vosges du nord, à Oberbronn, l’apparition d’une dame blanche lavant son linge était présage de décès dans la famille d’une laveuse (source : GIRAUDON Daniel, Lavandières de jour, lavandières de nuits. Bretagne et pays celtiques. Mémoire, CRBC, 1996, p.20).
 
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|bibliographie={{HTmulti3
 
|bibliographie={{HTmulti3
 
|Langue=fr
 
|Langue=fr
|Texte=IGERSHEIM, François. « Laugel (Anselme), Spindler (Charles), Costumes et coutumes d’Alsace. Suivi de Réflexion sur le costume alsacien (1937) par Charles Spindler ». ''Revue d’Alsace'', n° 135, 2009, 533-537
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|Texte=BLOCH-RAYMOND Anny. « Bateaux-lavoirs, buanderies et blanchisseries. Des relations entre espaces publics, espaces privés » in Revue des Sciences sociales, n°13, n°13bis, 1984
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IGERSHEIM, François. « Laugel (Anselme), Spindler (Charles), Costumes et coutumes d’Alsace. Suivi de Réflexion sur le costume alsacien (1937) par Charles Spindler ». ''Revue d’Alsace'', n° 135, 2009, 533-537
  
 
WOLFF, Anne. ''Costumes d'Alsace : étoffes d'un monde'', catalogue d'exposition, Strasbourg, Musées de la ville de Strasbourg, 2018. 25 p.
 
WOLFF, Anne. ''Costumes d'Alsace : étoffes d'un monde'', catalogue d'exposition, Strasbourg, Musées de la ville de Strasbourg, 2018. 25 p.
 
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Version du 7 août 2018 à 16:43

Métadonnées

Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:01:11
Cinéastes :  Spindler Paul
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Identité
Institution d'origine :  MIRA

Personnages identifiés


Spindler Charles (1865-1938); Elzingre Edouard (1880-1966)

Lieux ou monuments


Hoffen; Oberseebach; Châtenois