Paysans à Hoffen (0026FN0004) : Différence entre versions

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'''Les lavandières...'''
 
'''Les lavandières...'''
  
Avec l'apparition d'une politique hygiéniste, les communes se dotent principalement de lavoirs en Alsace durant la seconde partie du 19e siècle surtout et jusqu’au milieu du 20e siècle. Jusqu'à l'apparition de la machine à laver dans les environs des années 1950, les lessives se faisaient à la main et au lavoir, et étaient l'apanage des femmes, qu'on appelait alors les lavandières.
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Avec la mise en place de politiques hygiénistes, les communes se dotent principalement de lavoirs en Alsace durant la seconde partie du 19e siècle surtout et jusqu’au milieu du 20e siècle. Les lessives se faisaient à la main et au lavoir, et étaient l'apanage des femmes, qu'on appelait alors les lavandières. Dans les villages alsaciens, seuls les pièces de linge blanches étaient lavés lors de ces grandes lessives bi-annuelles : chemises, chaussettes, tabliers…  Les éléments les plus fins, comme les bonnets, n’étaient jamais nettoyés. La lavandière n'a pas d'âge : on voit sur la séquence des jeunes filles, des femmes et même une femme beaucoup plus âgée, ainsi qu'une enfant.  
Les femmes issues de classes aisées confient leur linge peu délicat à ces lavandières que l'on nomme aussi laveuses ou buandières quand elles en font leur métier. Quant au linge le plus fin, c'est la blanchisseuse qui en a la charge. La lavandière n'a pas d'âge : On voit sur la séquence des jeunes filles, des femmes et une dame beaucoup plus âgée, ainsi qu'une enfant.  
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Les femmes issues de classes plus aisées confient leur linge peu délicat à ces lavandières que l'on nomme aussi laveuses ou buandières quand elles en font leur métier. Quant aux toilettes les plus délicates, c'est la blanchisseuse qui en a la charge.  
 
Le lavoir de Châtenois a été immortalisé en 1945 par Robert Doisneau.  
 
Le lavoir de Châtenois a été immortalisé en 1945 par Robert Doisneau.  
  
Jusqu'au début du 20e siècle, dans le milieu rural en particulier le lavage du linge n’avait lieu que deux à trois fois par an et était appelé « la buée ».  
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Jusqu'au début du 20e siècle, dans le milieu rural en particulier, la lessive n’avait lieu que deux à trois fois par an et était appelé « la buée ».  
 
[[Fichier:Une Lessive à Metzeral Lix Frédéric btv1b102008454.jpg|vignette|droite|Lix Frédéric Théodore, Une lessive à Metzeral, 1889. Source gallica.BnF.fr / BNUS]]
 
[[Fichier:Une Lessive à Metzeral Lix Frédéric btv1b102008454.jpg|vignette|droite|Lix Frédéric Théodore, Une lessive à Metzeral, 1889. Source gallica.BnF.fr / BNUS]]
Cette grande lessive durait en principe trois jours et consistait au lavage du linge de maison et des vêtements peu délicats. Dans les villages alsaciens, seuls les pièces de linge blanches étaient lavés lors de ces grandes buées : chemises, chaussettes, tabliers… Les éléments les plus fins, comme les bonnets, n’étaient jamais nettoyés. Elle était composée de trois étapes aux noms plutôt évocateurs au vu de la dureté de la tâche. D’abord, lors du « Purgatoire », les lavandières laissent tremper le linge dans des grandes cuves en terre ou dans des baquets de bois le plus généralement à domicile, dans un espace dédié ou dans la cuisine, pour le décrasser. La cuve était ensuite recouverte d’un drap plein de cendres de bois fin dont les propriétés (carbonate de potasse) sont nettoyantes et font office de lessive. Alors, c’est l’enfer et ses vapeurs qui débutent : la lavandière verse sur les cendre de l’eau bouillante. Dans les années 1920 cependant, apparaît le savon en paillette, ce qui diminue la longueur de cette étape. Le lendemain enfin, le linge est chargé dans des bassines et des hottes sur des brouettes et amené au lavoir afin d’y être battu et d’en extraire le maximum de lessive, rincé puis essoré auprès d’une source d’eau. Ici, on remarque bien au bord du lavoir les brouettes et les bassines. Le linge retrouve sa pureté : c’est le " Paradis ", après quoi le linge était suspendu ou étalé sur l’herbe pour sécher, ou blanchi. Même s'il existait dans les villages des lavoirs privés pour les habitations ayant directement accès à l’eau d’une rivière, il est à noter que le rinçage dans des lavoirs publics était une nécessité, puisque l’eau courante et potable n’était pas généralisée. Il a fallu attendre 1935 à Strasbourg pour que les ménages disposent de canalisations reliées à leurs intérieurs <ref>BLOCH-RAYMOND Anny. « Bateaux-lavoirs, buanderies et blanchisseries. Des relations entre espaces publics, espaces privés » in ''Revue des Sciences sociales'', n°13, n°13bis, 1984, p.10</ref>.  
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Elle durait en principe trois jours et était composée de trois étapes aux noms plutôt évocateurs au vu de la dureté de la tâche. D’abord, lors du « Purgatoire », les lavandières laissent tremper le linge dans des grandes cuves en terre ou dans des baquets de bois le plus généralement à domicile, dans un espace dédié ou dans la cuisine, pour le décrasser. La cuve était ensuite recouverte d’un drap plein de cendres de bois fin dont les propriétés (carbonate de potasse) sont nettoyantes. Alors, c’est « l’Enfer »  et ses vapeurs qui débutent : la lavandière verse sur les cendre de l’eau bouillante pour les diffuser. Dans les années 1920 cependant, apparaît le savon en paillette, ce qui diminue la longueur de cette étape. Le lendemain enfin, le linge ainsi mouillé et imbibé est chargé dans des bassines et des hottes sur des brouettes et amené au lavoir afin d’y être battu pour en extraire le maximum de lessive, rincé puis essoré auprès d’une source d’eau. Ici, on remarque bien au bord du lavoir les brouettes et les bassines. Le linge retrouve sa pureté : c’est le " Paradis ", après quoi le linge était suspendu ou étalé sur l’herbe pour sécher, ou blanchir.  
On le voit sur cette séquence, l'accès à l'eau est encore rudimentaire en 1928 : une femme à Hoffen pompe de l'eausur un puits à balancier, ou ''Schwenkelbrunne'', comme il en existe de nombreux dans la région de l’Outre Forêt, et la porte ensuite dans un seau. Pourtant, c'est à cette période que le lavage du linge devient hebdomadaire, comme cela doit être le cas ici à Châtenois. Les techniques changent avec la laveuse, la possibilité d'acheter et d'entreposer plus de linge dans des buanderies et l'apparition graduelle de l'eau courante. Les fermes possédaient parfois leur propre buanderie. Les lavoirs communaux étaient gratuits dans les campagnes. Puis, à partir des années 1950, le lave-linge se démocratise. Néanmoins, en 1961, 26% des ménages alsaciens possèdent un lave-linge (BLOCH-RAYMOND, Anny, op. cit. p.14). Encore dans les années 1970, il fait figure d’exception dans la campagne alsacienne. Un film produit par l’Electricité de Strasbourg en 1975, montre l’arrivée et la révolution de l’électricité dans le village d’Oberseebach, avec entre autres, le lave-linge (voir fonds ES, 0030NN0001 : droits ?).  
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Même s'il existait dans les villages des lavoirs privés pour les habitations ayant directement accès à l’eau d’une rivière, il est à noter que le rinçage dans des lavoirs publics était une nécessité, puisque l’eau courante et potable n’était pas généralisée. On le voit sur cette séquence, l'accès à l'eau est encore rudimentaire en 1928 : une femme à Hoffen pompe de l'eau sur un puits à balancier, ou ''Schwenkelbrunne'', comme il en existe de nombreux dans la région de l’Outre Forêt, et la porte ensuite dans un seau. Il a fallu attendre 1935 à Strasbourg pour que les ménages disposent de canalisations reliées à leurs intérieurs <ref>BLOCH-RAYMOND Anny. « Bateaux-lavoirs, buanderies et blanchisseries. Des relations entre espaces publics, espaces privés » in ''Revue des Sciences sociales'', n°13, n°13bis, 1984, p.10</ref>. Ainsi, les lavoirs communaux étaient gratuits dans les campagnes. Le lavoir pouvait être à ciel ouvert, comme ici, ou au fil d'un simple cours d'eau (voir Hugel, 0010NN0006 à 0010NN0009, ''Lessive dans la Fecht'', 1930 env.), aménagé ou non. Dans cet extrait, on voit que le lavoir a été agencé : de part et d'autre du cours d'eau ont été installées de larges dalles. Le ruisseau communal passant à Châtenois a, de mémoire d’homme, toujours été utilisé pour laver le linge et pour éteindre les incendies. Les femmes y venaient encore dans les années 1950 pour faire leur linge, jusqu’à la condamnation du ruisseau au moment de la canalisation de la ville dans les années 1970 <ref>d’après Jean-Philippe Dussourd, Président du Groupe patrimoine de Châtenois, entretien réalisé le 3 août 2018 </ref>. Les lavoirs pouvaient aussi simplement consister en un bassin bénéficiant de l'écoulement d'une fontaine ou d'une source ou être couverts par une toiture<ref>A ce propos voir : http://espritdepays.com/patrimoines-en-perigord/patrimoine-bati-du-perigord/les-lavoirs-du-perigord/typologie-des-lavoirs</ref>.
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Le travail est difficile, on le voit bien ici. Les femmes sont sur les genoux, courbées vers l’eau et frottent vigoureusement le linge sur les planches à laver. On note que certaines sont agenouillées dans des boîtes à laver, caisses de bois qui servent à les protéger des de l’eau, et qui, agrémentées de paille et de tissus, rendent leur position moins inconfortable. Mais elles devaient encore battre le linge puis ramener les lourds baquets dans des charrettes.
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C'est dans les années 1930 que le lavage du linge devient hebdomadaire, comme cela doit être le cas ici à Châtenois. Les techniques changent avec la laveuse, la possibilité d'acheter et d'entreposer plus de linge dans des buanderies et l'apparition graduelle de l'eau courante. Les fermes possédaient parfois leur propre buanderie. Puis, à partir des années 1950, le lave-linge se démocratise. Néanmoins, en 1961, 26% des ménages alsaciens possèdent un lave-linge (BLOCH-RAYMOND, Anny, op. cit. p.14). Encore dans les années 1970, il fait figure d’exception dans la campagne alsacienne. Un film produit par l’Electricité de Strasbourg en 1975, montre l’arrivée et la révolution de l’électricité dans le village d’Oberseebach, avec entre autres, le lave-linge (voir fonds ES, 0030NN0001 : droits ?).  
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Le travail est difficile, on le voit bien ici. Les femmes sont sur les genoux, courbées vers l’eau et frottent vigoureusement le linge sur les planches. On note que certaines sont agenouillées dans des boîtes à laver, caisses de bois qui servent à les protéger des de l’eau, et qui agrémentées de paille et de tissus, rendait leur position moins inconfortable. Mais elles devaient encore battre le linge puis ramener les lourds baquets dans des charrettes. Le ruisseau communal passant à Châtenois a, de mémoire d’homme, toujours été utilisé pour laver le linge et pour éteindre les incendies. Les femmes y venaient encore dans les années 1950 pour faire leur linge, jusqu’à la condamnation du ruisseau au moment de la canalisation de la ville dans les années 1970 <ref>d’après Jean-Philippe Dussourd, Président du Groupe patrimoine de Châtenois, entretien réalisé le 3 août 2018 </ref>.
 
  
 
La lavandière est devenue une image d'Epinal lorsqu'on évoque la vie rurale d'antan. Elle est même entourée de vieilles croyances comme celle des Lavandières de nuit, revenantes lavant le linge des défunts la nuit, annonciatrice d’une mort prochaine ou expiant un pêché, comme avoir lavé le linge un dimanche. Dans les Vosges du nord, à Oberbronn, l’apparition d’une dame blanche lavant son linge était présage de décès dans la famille d’une laveuse<ref>GIRAUDON Daniel, Lavandières de jour, lavandières de nuits. Bretagne et pays celtiques. Mémoire, CRBC, 1996, p.20</ref>.
 
La lavandière est devenue une image d'Epinal lorsqu'on évoque la vie rurale d'antan. Elle est même entourée de vieilles croyances comme celle des Lavandières de nuit, revenantes lavant le linge des défunts la nuit, annonciatrice d’une mort prochaine ou expiant un pêché, comme avoir lavé le linge un dimanche. Dans les Vosges du nord, à Oberbronn, l’apparition d’une dame blanche lavant son linge était présage de décès dans la famille d’une laveuse<ref>GIRAUDON Daniel, Lavandières de jour, lavandières de nuits. Bretagne et pays celtiques. Mémoire, CRBC, 1996, p.20</ref>.

Version du 9 août 2018 à 11:04

Métadonnées

Son :  Muet
Durée :  00:01:11
Cinéastes :  Spindler Paul
Format original :  9,5 mm
Institution d'origine :  MIRA

Personnages identifiés


Spindler Charles (1865-1938); Elzingre Edouard (1880-1966)

Lieux ou monuments


Hoffen; Oberseebach; Châtenois