Régiment dragon à Erstroff (0021FN0002) : Différence entre versions

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|Resume_fr=Scènes de la vie militaire en Lorraine pendant la Drôle de guerre.
 
|Contexte_et_analyse_fr=Les années précédant la Seconde Guerre mondiale répètent d’une certaine manière celles menant à l’embrasement du premier conflit mondial. Malgré l’action de la Société des Nations fondée en 1920, l’Allemagne nazie noue des partenariats stratégiques avec ses alliés italien et japonais en 1936, procède à l’annexion des Sudètes et de l’Autriche en 1938, et fait pression sur la Slovaquie et la Hongrie pour qu’elles se rangent du côté de l’Axe. De leurs côtés, les anciens vainqueurs de 1918 restent noués par des pactes d’assistance étendus aux nouvelles nations nées au lendemain de la guerre, comme la Pologne. Alors que les pourparlers patinent entre l’URSS officiellement leader du camp antifascistes et les deux dernières grandes puissances démocratiques du continent, le pacte germano-soviétique est signé à Moscou le 23 août 1939. Son protocole secret partageant des zones d’influence en Europe orientale est le prélude à l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre et à la déclaration de guerre des Français et des Britanniques deux jours plus tard.  
 
|Contexte_et_analyse_fr=Les années précédant la Seconde Guerre mondiale répètent d’une certaine manière celles menant à l’embrasement du premier conflit mondial. Malgré l’action de la Société des Nations fondée en 1920, l’Allemagne nazie noue des partenariats stratégiques avec ses alliés italien et japonais en 1936, procède à l’annexion des Sudètes et de l’Autriche en 1938, et fait pression sur la Slovaquie et la Hongrie pour qu’elles se rangent du côté de l’Axe. De leurs côtés, les anciens vainqueurs de 1918 restent noués par des pactes d’assistance étendus aux nouvelles nations nées au lendemain de la guerre, comme la Pologne. Alors que les pourparlers patinent entre l’URSS officiellement leader du camp antifascistes et les deux dernières grandes puissances démocratiques du continent, le pacte germano-soviétique est signé à Moscou le 23 août 1939. Son protocole secret partageant des zones d’influence en Europe orientale est le prélude à l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre et à la déclaration de guerre des Français et des Britanniques deux jours plus tard.  
  
Ces deux nations, entravées par leur stratégie défensive, restent plongées dans l’illusion d’un possible règlement diplomatique, qui empêche toute initiative. Commence alors une période tôt qualifiée de « drôle de guerre », au cours de laquelle cinq millions de mobilisés perdent leur temps et leur moral dans une attente vaine. Pendant que la Wehrmacht s’active à l’Est, elle reste sur ses positions à l’Ouest et laisse passer l’hiver, en ne menant qu’une offensive minime dans la Sarre. Quelques villages comme Lauterbach sont pris, mais l’armée fait connaissance avec les mines antipersonnelles qui structurent une défense à coût très réduit. L’état-major allemand rompt la trêve le 10 mai 1940 et conquiert en quelques semaines la Belgique, les Pays-Bas et une partie de la France. L’Alsace se retrouve à nouveau annexée au Reich, ce qui place les anciens mobilisés de l’armée française, comme Émile Breesé ou [[Alex Schwobthaler]], dans une situation très délicate.
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Ces deux nations, entravées par leur stratégie défensive, restent plongées dans l’illusion d’un possible règlement diplomatique, qui empêche toute initiative. Commence alors une période tôt qualifiée de « drôle de guerre », au cours de laquelle cinq millions de mobilisés perdent leur temps et leur moral dans une attente vaine. Pendant que la Wehrmacht s’active à l’Est, elle reste sur ses positions à l’Ouest et laisse passer l’hiver, en ne menant qu’une offensive minime dans la Sarre. Quelques villages comme Lauterbach sont pris, mais l’armée fait connaissance avec les mines antipersonnelles qui structurent une défense à coût très réduit. L’état-major allemand rompt la trêve le 10 mai 1940 et conquiert en quelques semaines la Belgique, les Pays-Bas et une partie de la France. L’Alsace se retrouve à nouveau annexée au Reich, ce qui place les anciens mobilisés de l’armée française, comme Émile Breesé ou [[https://rhinedits.u-strasbg.fr/w/index.php/Schwobthaler,_Alex|Alex Schwobthaler]], dans une situation très délicate.
  
 
'''À l’Est rien de nouveau'''
 
'''À l’Est rien de nouveau'''
 
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[[Fichier:Screenshot 2019-03-07 La Cage à douilles (F P RES 163) - Mnesys.png|vignette|''La Cage à douille'', journal de tranchée © La Contemporaine]]
 
Si un certain nombre de militaires de carrière et de mobilisés effectuent leurs premières semaines de guerre en poste sur la Ligne Maginot, d’autres comme Breesé se retrouvent cantonnés plus loin en arrière – en l’occurrence à Erstroff à quelques kilomètres de Morhange au sud-est de Metz (6ème région militaire), en soutien au 12ème secteur de défense de la Ligne qui se situe à une trentaine de kilomètres. La région a peu changé de visage, une dame endimanchée vient faire tranquillement sa visite à l’unité. L’histoire s’est comme arrêtée. Seules rappellent l’état de guerre l’arrivée des populations évacuées des environs de la Ligne Maginot, notamment de Strasbourg, et l’omniprésence des hommes en uniformes arrachés à leurs familles et à leurs activités professionnelles. Ces déplacés apportent la guerre dans des villages en paix, modifiant les règles de déplacement et imposant aux petites communautés locales le poids de dizaines d’hommes inconnus. La drôle de guerre plonge ces régions menacées par l’ennemi dans une attente trompeuse, avant que la déferlante de soldats allemands ne vienne bousculer comme un fétu l’armée française, et que la Moselle, tout comme l’Alsace, se retrouvent annexées.
 
Si un certain nombre de militaires de carrière et de mobilisés effectuent leurs premières semaines de guerre en poste sur la Ligne Maginot, d’autres comme Breesé se retrouvent cantonnés plus loin en arrière – en l’occurrence à Erstroff à quelques kilomètres de Morhange au sud-est de Metz (6ème région militaire), en soutien au 12ème secteur de défense de la Ligne qui se situe à une trentaine de kilomètres. La région a peu changé de visage, une dame endimanchée vient faire tranquillement sa visite à l’unité. L’histoire s’est comme arrêtée. Seules rappellent l’état de guerre l’arrivée des populations évacuées des environs de la Ligne Maginot, notamment de Strasbourg, et l’omniprésence des hommes en uniformes arrachés à leurs familles et à leurs activités professionnelles. Ces déplacés apportent la guerre dans des villages en paix, modifiant les règles de déplacement et imposant aux petites communautés locales le poids de dizaines d’hommes inconnus. La drôle de guerre plonge ces régions menacées par l’ennemi dans une attente trompeuse, avant que la déferlante de soldats allemands ne vienne bousculer comme un fétu l’armée française, et que la Moselle, tout comme l’Alsace, se retrouvent annexées.
  
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Les images tournées par Émile Breesé sous l’œil parfois interrogateur, et souvent complice de ses camarades de régiment, trahissent un état d’impréparation et une certaine relâche de la discipline, typiques de la « dépression d’hiver ». Dès octobre, il apparaît clair que les combats du genre de ceux de la Grande Guerre – dont Morhange a été un théâtre sanglant le 20 août 1914 – ne se produiront pas à brève échéance. Les unités placées sur le front même ont la malchance d’être à ce moment envoyées à des travaux de fortification pénible qui épargnent Breesé et ses camarades. Sur ce point de ravitaillement au moyen d’une roulante, on constate que les soldats portent toujours godillots et bandes molletières, loin des bottes qui équipent l’armée allemande. La plupart sont manifestement désœuvrés, libres hors exercices d’entraînement. L’atmosphère est terriblement plate, l’ambiance entreprise à la routine et au spleen qui se lit sur les visages. Deux soldats tentent bien de se distraire en s’essayant à monter un cheval. L’animal ainsi maltraité rejette ces cavaliers mal assurés qui tranchent avec le port altier des professionnels s’affrontant dans un concours d’obstacles sans doute organisé pour tromper l’ennui. Les chevaux réquisitionnés ou achetés à prix fixes sont d’ailleurs les premières victimes du conflit : les mobilisés cessent très vite de prendre soin de ces bêtes qui en nécessitent de constants, et deviennent inutilisables comme le narrera Claude Simon dans ''La Route des Flandres'' (1960). Un autre soldat fait la démonstration de l’usage d’un masque à gaz nouvelle génération qui là encore ne peut que rappeler la guerre précédente et ses icônes vues de tous qui ont créé une véritable culture visuelle de la guerre.
 
Les images tournées par Émile Breesé sous l’œil parfois interrogateur, et souvent complice de ses camarades de régiment, trahissent un état d’impréparation et une certaine relâche de la discipline, typiques de la « dépression d’hiver ». Dès octobre, il apparaît clair que les combats du genre de ceux de la Grande Guerre – dont Morhange a été un théâtre sanglant le 20 août 1914 – ne se produiront pas à brève échéance. Les unités placées sur le front même ont la malchance d’être à ce moment envoyées à des travaux de fortification pénible qui épargnent Breesé et ses camarades. Sur ce point de ravitaillement au moyen d’une roulante, on constate que les soldats portent toujours godillots et bandes molletières, loin des bottes qui équipent l’armée allemande. La plupart sont manifestement désœuvrés, libres hors exercices d’entraînement. L’atmosphère est terriblement plate, l’ambiance entreprise à la routine et au spleen qui se lit sur les visages. Deux soldats tentent bien de se distraire en s’essayant à monter un cheval. L’animal ainsi maltraité rejette ces cavaliers mal assurés qui tranchent avec le port altier des professionnels s’affrontant dans un concours d’obstacles sans doute organisé pour tromper l’ennui. Les chevaux réquisitionnés ou achetés à prix fixes sont d’ailleurs les premières victimes du conflit : les mobilisés cessent très vite de prendre soin de ces bêtes qui en nécessitent de constants, et deviennent inutilisables comme le narrera Claude Simon dans ''La Route des Flandres'' (1960). Un autre soldat fait la démonstration de l’usage d’un masque à gaz nouvelle génération qui là encore ne peut que rappeler la guerre précédente et ses icônes vues de tous qui ont créé une véritable culture visuelle de la guerre.
|Bibliographie=François Cochet, Les Soldats dans la Drôle de guerre (septembre 1939-mai 1940), Paris, Hachette, 2004.
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|Contexte_et_analyse_de=<big>'''Dragoner in Erstroff'''</big>
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Die Jahre vor dem Zweiten Weltkrieg wiederholten auf gewisse Weise die Jahre, die zum Ausbruch des Ersten Weltkriegs geführt hatten. Trotz des Vorgehens des 1920 gegründeten Völkerbunds knüpfte Nazi-Deutschland 1936 strategische Partnerschaften mit seinen italienischen und japanischen Verbündeten, annektierte 1938 das Sudetenland und Österreich und übte Druck auf die Slowakei und Ungarn aus, damit sie sich auf die Seite der Achsenmächte stellten. Die ehemaligen Sieger von 1918 waren ihrerseits durch Beistandspakte gebunden, die auf nach dem Krieg geborene Nationen wie Polen ausgedehnt worden waren. Während die Verhandlungen zwischen der UdSSR, offizieller Anführer des antifaschistischen Lagers und den letzten beiden großen demokratischen Mächten des Kontinents ins Stocken gekommen waren, wurde am 23. August 1939 in Moskau der deutsch-sowjetischer Nichtangriffspakt unterzeichnet. Sein geheimes Protokoll, das die Einflusszonen in Osteuropa aufteilte, war das Vorspiel zum Überfall Deutschlands auf Polen am 1. September und zur Kriegserklärung Frankreichs und Großbritanniens zwei Tage später.
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Diese beiden Länder, die durch ihre defensive Strategie gefesselt waren, verharrten in der Illusion einer möglichen diplomatischen Regelung, die jegliche Initiative verhinderte. Anschließend begann eine Zeit, die bald als „Sitzkrieg“ bezeichnet wurde. Fünf Millionen mobilgemachte Soldaten verloren in einem vergeblichen Warten ihre Zeit und ihre Motivierung. Während sich die Wehrmacht im Osten zu schaffen machte, blieb sie im Westen auf ihren Positionen und ließ den Winter vorüberziehen, während sie nur eine winzige Offensive im Saarland startete. Einige Dörfer wie Lauterbach wurden eingenommen, aber die Armee machte Bekanntschaft mit den Antipersonenminen, die eine sehr kostensparende Verteidigung strukturierten. Der deutsche Generalstab brach die Waffenruhe am 10. Mai 1940 und eroberte in nur wenigen Wochen Belgien, die Niederlande und einen Teil Frankreichs.  Das Elsass wurde erneut vom deutschen Reich annektiert, womit die ehemaligen Soldaten der französischen Armee, wie Émile Breesé oder Alex Schwobthaler in eine sehr heikle Lage gerieten.
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'''Im Osten nichts Neues'''
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Während eine gewisse Anzahl von Berufssoldaten und mobilgemachten Soldaten ihre ersten Kriegswochen auf der Maginot-Linie verbrachten, wurden andere, wie Breesé, weiter im Hinterland – in diesem Fall in der Region von Morhange südöstlich von Metz (6. Militärregion), zur Unterstützung des 12. Verteidigungssektors der Linie stationiert. Das Gesicht der Region hat sich kaum verändert, eine Frau in Sonntagskleidung stattet der Einheit einen Besuch ab. Die Geschichte scheint stillzustehen. Nur die Ankunft der aus der Umgebung der Maginot-Linie, vor allem aus Straßburg evakuierten Bevölkerung, und die allgegenwärtigen Männer in Uniformen, weitab von ihren Familien und ihrer beruflichen Tätigkeiten, erinnern an den Kriegszustand. Diese Vertriebenen bringen den Krieg in die friedlichen Dörfer und belasten die kleinen Dorfgemeinschaften mit Dutzenden unbekannten Männern. Der Sitzkrieg taucht diese vom Feind bedrohten Regionen in einen trügerischen Wartezustand, bevor die französische Armee von der Flut deutscher Soldaten umgerissen und das Moseldepartement, wie auch das Elsass, annektiert wurde.
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'''Eine schlecht vorbereitete Armee'''
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Die von Émile Breesé unter den manchmal fragenden und amüsierten Blicken seiner Regimentskameraden gedrehten Bilder verraten eine mangelnde Vorbereitung und einen gewissen Schlendrian, die typisch für die „Winterdepression“ sind. Bereits im Oktober war klar, dass es in Kürze keine Kämpfe wie im Ersten Weltkrieg – deren blutiger Schauplatz Morhange am 20. August 1914 war – geben würde. Die direkt an der Front stationierten Einheiten hatten das Unglück, zu diesem Zeitpunkt zu anstrengenden Befestigungsarbeiten abkommandiert wurden zu sein, was Breesé und seinen Kameraden erspart geblieben war. Hier, bei dieser rollenden Feldküche, stellt man fest, dass die Soldaten noch immer Stiefel und Wickelgamaschen trugen, weit entfernt von den Schaftstiefeln der deutschen Armee. Die meisten haben offensichtlich nichts zu tun und haben außerhalb der Übungen frei. Die Stimmung ist schrecklich gedämpft, geprägt von der Routine und dem Schwermut, der in den Gesichtern geschrieben steht. Zwei Soldaten versuchen sich abzulenken, indem sie versuchen, auf einem Pferd zu reiten. Das derart misshandelte Tier wirft die unsicheren Reiter ab. Einen Gegensatz dazu bildet die hochmütige Haltung der Berufssoldaten, die bei einem Springreiten gegeneinander antreten, wahrscheinlich um gegen die Langeweile anzukämpfen. Die beschlagnahmten oder zum Festpreis gekauften Pferde waren übrigens die ersten Opfer des Konflikts, denn die mobilgemachten Soldaten kümmerten sich bald nicht mehr um diese Tiere, die jedoch eine konstante Pflege benötigten und unbrauchbar wurden, wie Claude Simon in ''La Route des Flandres'' (19XX) erzählte. Ein anderer Soldat führt den Gebrauch einer Gasmaske der neuen Generation vor. Auch das kann wieder nur an den letzten Krieg und die von allen gesehenen Ikonen erinnern, die eine echte visuelle Kultur des Krieges geschaffen haben (Véray in der Bibliografie).
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|Bibliographie=François Cochet, ''Les Soldats dans la Drôle de guerre (septembre 1939-mai 1940)'', Paris, Hachette, 2004.
  
 
Laurent Véray, ''Une culture visuelle de guerre'', Nouveau Monde éditions, 2019.
 
Laurent Véray, ''Une culture visuelle de guerre'', Nouveau Monde éditions, 2019.
 
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Version actuelle datée du 14 mars 2019 à 15:35

Résumé


Scènes de la vie militaire en Lorraine pendant la Drôle de guerre.

Métadonnées

N° support :  0021FN0002
Date :  1939
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:01:53
Cinéastes :  Breesé, Emile
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Frontières, Guerre
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Les années précédant la Seconde Guerre mondiale répètent d’une certaine manière celles menant à l’embrasement du premier conflit mondial. Malgré l’action de la Société des Nations fondée en 1920, l’Allemagne nazie noue des partenariats stratégiques avec ses alliés italien et japonais en 1936, procède à l’annexion des Sudètes et de l’Autriche en 1938, et fait pression sur la Slovaquie et la Hongrie pour qu’elles se rangent du côté de l’Axe. De leurs côtés, les anciens vainqueurs de 1918 restent noués par des pactes d’assistance étendus aux nouvelles nations nées au lendemain de la guerre, comme la Pologne. Alors que les pourparlers patinent entre l’URSS officiellement leader du camp antifascistes et les deux dernières grandes puissances démocratiques du continent, le pacte germano-soviétique est signé à Moscou le 23 août 1939. Son protocole secret partageant des zones d’influence en Europe orientale est le prélude à l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre et à la déclaration de guerre des Français et des Britanniques deux jours plus tard.

Ces deux nations, entravées par leur stratégie défensive, restent plongées dans l’illusion d’un possible règlement diplomatique, qui empêche toute initiative. Commence alors une période tôt qualifiée de « drôle de guerre », au cours de laquelle cinq millions de mobilisés perdent leur temps et leur moral dans une attente vaine. Pendant que la Wehrmacht s’active à l’Est, elle reste sur ses positions à l’Ouest et laisse passer l’hiver, en ne menant qu’une offensive minime dans la Sarre. Quelques villages comme Lauterbach sont pris, mais l’armée fait connaissance avec les mines antipersonnelles qui structurent une défense à coût très réduit. L’état-major allemand rompt la trêve le 10 mai 1940 et conquiert en quelques semaines la Belgique, les Pays-Bas et une partie de la France. L’Alsace se retrouve à nouveau annexée au Reich, ce qui place les anciens mobilisés de l’armée française, comme Émile Breesé ou [Schwobthaler], dans une situation très délicate.

À l’Est rien de nouveau

La Cage à douille, journal de tranchée © La Contemporaine

Si un certain nombre de militaires de carrière et de mobilisés effectuent leurs premières semaines de guerre en poste sur la Ligne Maginot, d’autres comme Breesé se retrouvent cantonnés plus loin en arrière – en l’occurrence à Erstroff à quelques kilomètres de Morhange au sud-est de Metz (6ème région militaire), en soutien au 12ème secteur de défense de la Ligne qui se situe à une trentaine de kilomètres. La région a peu changé de visage, une dame endimanchée vient faire tranquillement sa visite à l’unité. L’histoire s’est comme arrêtée. Seules rappellent l’état de guerre l’arrivée des populations évacuées des environs de la Ligne Maginot, notamment de Strasbourg, et l’omniprésence des hommes en uniformes arrachés à leurs familles et à leurs activités professionnelles. Ces déplacés apportent la guerre dans des villages en paix, modifiant les règles de déplacement et imposant aux petites communautés locales le poids de dizaines d’hommes inconnus. La drôle de guerre plonge ces régions menacées par l’ennemi dans une attente trompeuse, avant que la déferlante de soldats allemands ne vienne bousculer comme un fétu l’armée française, et que la Moselle, tout comme l’Alsace, se retrouvent annexées.

Une armée mal préparée

Les images tournées par Émile Breesé sous l’œil parfois interrogateur, et souvent complice de ses camarades de régiment, trahissent un état d’impréparation et une certaine relâche de la discipline, typiques de la « dépression d’hiver ». Dès octobre, il apparaît clair que les combats du genre de ceux de la Grande Guerre – dont Morhange a été un théâtre sanglant le 20 août 1914 – ne se produiront pas à brève échéance. Les unités placées sur le front même ont la malchance d’être à ce moment envoyées à des travaux de fortification pénible qui épargnent Breesé et ses camarades. Sur ce point de ravitaillement au moyen d’une roulante, on constate que les soldats portent toujours godillots et bandes molletières, loin des bottes qui équipent l’armée allemande. La plupart sont manifestement désœuvrés, libres hors exercices d’entraînement. L’atmosphère est terriblement plate, l’ambiance entreprise à la routine et au spleen qui se lit sur les visages. Deux soldats tentent bien de se distraire en s’essayant à monter un cheval. L’animal ainsi maltraité rejette ces cavaliers mal assurés qui tranchent avec le port altier des professionnels s’affrontant dans un concours d’obstacles sans doute organisé pour tromper l’ennui. Les chevaux réquisitionnés ou achetés à prix fixes sont d’ailleurs les premières victimes du conflit : les mobilisés cessent très vite de prendre soin de ces bêtes qui en nécessitent de constants, et deviennent inutilisables comme le narrera Claude Simon dans La Route des Flandres (1960). Un autre soldat fait la démonstration de l’usage d’un masque à gaz nouvelle génération qui là encore ne peut que rappeler la guerre précédente et ses icônes vues de tous qui ont créé une véritable culture visuelle de la guerre.

Bibliographie


François Cochet, Les Soldats dans la Drôle de guerre (septembre 1939-mai 1940), Paris, Hachette, 2004.

Laurent Véray, Une culture visuelle de guerre, Nouveau Monde éditions, 2019.


Article rédigé par

ALEXANDRE SUMPF, 19 décembre 2018