Serment des NSKK au Korpsführer Hühnlein à Strasbourg (0024FS0002) : Différence entre versions

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Les soldats entrent dans le restaurant
 
Les soldats entrent dans le restaurant
|Contexte_et_analyse_fr=En octobre 1940, un décret du IIIe Reich annonce l’annexion de l’Alsace de facto par le Reich, après des mois de Drôle de Guerre et la signature de l’armistice de Rhetondes. L’Alsace est ainsi intégrée au Gau Oberrhein avec le Pays de Bade et est administrée par le chef de l’administration civile, le Gauleiter Robert Wagner.
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|Contexte_et_analyse_fr=En octobre 1940, un décret du IIIe Reich annonce l’annexion de l’Alsace de facto par le Reich, après des mois de Drôle de Guerre et la signature de l’armistice de Rhetonde. L’Alsace est ainsi intégrée au Gau Oberrhein avec le Pays de Bade et administrée par le chef de l’administration civile, le Gauleiter Robert Wagner.
Ce dernier, qui a quasiment les pleins pouvoirs en Alsace, ne tarde pas à mettre en place une administration allemande, à placer les lieux d’enseignement sous contrôle allemand, à interdire la langue française et le dialecte (décret du 16 août 1940) et à faire détruire tout signe d’appartenance à la France. Ainsi, les noms des villes, villages, rues, places, enseignes sont germanisées. Les symboles trop français sont retirés ainsi que les monuments à la gloire des victoires nationales passées, comme avec le retrait de la statue du général Kléber à Strasbourg par les autorités allemandes en 1940. De même, comme on le constate dans la séquence, la Place Kléber est renommée place Karl-Roos, le général français victorieux laissant la place à l’autonomiste alsacien, largement utilisé dans la propagande nazie. Le gauleiter Wagner mène ainsi à bien sa mission de de faire des habitants de ce territoire des Allemands appartenant pleinement au Reich.
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Ce dernier, qui a quasiment les pleins pouvoirs en Alsace, ne tarde pas à mettre en place une administration allemande, à effacer et à faire détruire tout lien politique et culturel avec la France :  les lieux d’enseignement sont placés sous contrôle allemand, la langue française et le dialecte sont interdits, les symboles français retirés, les noms germanisés. Ainsi, comme on le constate dans la séquence, la Place Kléber est renommée place Karl-Roos, le général français victorieux laissant la place à l’autonomiste alsacien, largement utilisé dans la propagande nazie. Le gauleiter Wagner mène ainsi à bien sa mission de faire des habitants de ce territoire des Allemands appartenant pleinement au Reich.
Cette annexion administrative est accompagnée d’une nazification des habitants de l’Alsace et de la Moselle, par un embrigadement de masse de la population via des organisations nazies. Par ailleurs, dès 1940, les jeunes alsaciens avaient la possibilité d’intégrer volontairement des organisations paramilitaires allemande ou directement la Wehrmacht : une première campagne de recrutement eut lieu en octobre 1941. Mais devant le peu de volontaires, environ 2000<ref>Rigoulot, Pierre. « Les « Malgré-Nous » », L'Alsace-Lorraine pendant la guerre 1939-1945. Presses Universitaires de France, 1997, pp. 53-74</ref>, le 26 août 1942, le Gauleiter Wagner décrète l’incorporation de force des Alsaciens dans la Wehrmacht ou dans la Waffen-SS.  
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Cette annexion administrative est accompagnée d’une nazification des habitants de l’Alsace et de la Moselle par un embrigadement de masse de la population via des organisations nazies. Ainsi, dès 1940, le parti nazi, le NSDAP, déploie ses ramifications dans toute l’Alsace, poussant les habitants à adhérer à ses nombreux groupements paramilitaires, à l’instar du Nationalsozialistische Kraftfahrkorps (NSKK), dont le principal objectif est la formation mécanique des futurs soldats, le transport des hommes et celui des munitions. C’est cette organisation que filme ici le cinéaste.
Dans un premier temps, cette séquence laisse à penser que les « soldats » présents, puisqu’ils ont l’air peu sûrs d’eux et qu’ils prêtent serment à Strasbourg, font partie de ces incorporés de force alsaciens. Malgré tout plusieurs indices tendent à démontrer que cela n’est pas le cas ici.
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'''Recrutement et adhésion à la NSKK en Alsace'''<br>
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Les hommes défilant sur le film puis rassemblés à la caserne portent l'uniforme des NSKK. On reconnaît le calot noir à ses deux boutons et à l’insigne triangulaire sur le côté composé d’un aigle posé sur une croix gammée et arborant les lettres N.S.K.K., insigne normalement fondue d’orange pour les unités en provenance du Gau Alsace. Les vestes étaient de couleur kaki, et les chemises et cravates portées par les soldats sur le film, couleur terre. Les pantalons et bottes étaient, quant à eux, noirs. Un peu plus loin sur le film, lors du rassemblement place Kléber, on reconnait les officiers de la NSKK à leurs vestes décorées mais aussi à leurs culottes bouffantes.
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Le premier carton le confirme : l’évènement filmé est la prestation de serment à Strasbourg devant le Chef de corps Hühnlein<ref>Le terme "Führerdiensttuer", semble être une construction (il n'est pas courant dans la langue allemande, voire inexistant) pour désigner les personnes effectuant ("tun", de faire, donne "tuer") le Service du Führer (le Führerdienst), soit à peu près tous les habitants du Reich, qui devaient être dédiés à la cause du chef suprême. Ainsi pour les femmes, une façon de faire le Führerdiesnt étaient de donner des enfants sains au Reich.</ref>  que l’on voit arriver place Kléber (à 02 :48), le Gauleiter Wagner à sa suite, pour saluer les troupes. Adolf Hühnlein est un haut dignitaire du IIIe Reich et proche d’Adolf Hitler depuis 1923, puisqu’il participa au putsch de Munich. Le Führer lui prouve sa reconnaissance en faisant de lui, après sa mort, l’un des onze récipiendaires de l’Ordre allemand, qui est la plus haute distinction délivrée sous l’Allemagne nazie. En 1933 Adolf Hühnlein est nommé à la tête du Nationalsozialistische Kraftfahrkorps, qu’il dirige jusqu’à sa mort en juin 1942. Ce haut personnage, qui pourtant fait l’objet du titre de notre film, n’y apparaît finalement que succinctement. Il semble faire un passage rapide pour saluer les officiers et les troupes, ce à tel point qu’il n’est pas mentionné dans un court article au ton édifiant paru le 5 mai 1941 du quotidien de propagande ''Strassburger Neueste Nachrichten''<ref>Quotidien mis en place dès juillet 1940 en remplacement des Dernières Nouvelles d’Alsace), article nous permettant d’ailleurs de dater précisément la séquence.</ref> évoquant cette manifestation. <br>
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A l'inverse, la présence d'Adolf Hühnlein et cette prestation de serment font l’objet d’un article de deux pages dans le ''Deutsche Kraftfahrt – Motorwelt''<ref>Cette revue mensuelle allemande créée en 1925 et l’une des plus diffusée d’Europe encore aujourd’hui et est principalement centrée sur l’automobile et le voyage. Sous le IIIe Reich, plusieurs articles ont été publiés à propos du Chef de corps des NSKK</ref> dans son édition de juin 1941, titré « ''Treuegelöbnis der Elsasser. Der Korpsführer vereidgt in Strasbourg 3000 NSKK-Männer'' », soit ''Serment d’allégeance des Alsaciens. Le chef de corps reçoit le serment de 3000 hommes du NSKK à Strasbourg''.
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Bien que ces deux articles aient été écrits à des fins de prosélytisme, il est très probable que les hommes apparaissant à l’écran soient bien des Alsaciens.
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Il était fortement recommandé pour les Alsaciens et Mosellans de s’inscrire à l’un de ces groupes paramilitaires, obligatoires pour les fonctionnaires.  On peut penser que de nombre d'entre eux se dirigèrent vers des organisations paramilitaires comme le NSKK, pour éviter d’être envoyés directement sur le front dans la future incorporation forcée qu’ils sentent peut-être venir, d’autant plus que les forces motorisées du IIIe Reich sont peu politisées par rapport aux autres organisations nazies : à terme le NSKK en Alsace est composé de 11000 hommes.
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Ce qui frappe en premier lieu sur le film est l’écart d’âge entre les soldats : certain semblent très jeunes tandis que d’autres ont l’air de frôler la cinquantaine. En effet, l’organisation est ouverte à tous les âges : elle recrute des hommes entre 18 et 50 ans. Le groupe de soldats filmé à l’arrêt sur la place de la gare paraît aussi hésitant et rigolard, la marche n’est pas franche, la position non fixe, signes que certainement ils n’ont pas encore complété leur formation militaire. Il se dégage de cette séquence place de la gare une impression de flottement, comme si ces hommes n’avaient pas conscience de l’enjeu ou de la suite possible des évènements, ou qu’ils n'étaient pas là par pure conviction. Cette constatation tranche avec les articles de propagande du quotidien de l’époque susmentionné, qui évoque la « précision admirable » de la manifestation <ref>article SNN 5 mai 1941, réfé ? CRDP p. 52</ref>. <br>
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'''De la Manteuffel Kaserne, symbole de la puissance militaire allemande, à Goxwiller lieu de passage des troupes'''<br>
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Un passage marquant du film est la séquence se déroulant dans la caserne Manteuffel, lieu clé de la vie et de la formation militaire à Strasbourg.
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Impressionnant groupe de bâtiments de briques rouges, l’actuelle caserne Stirn fut achevée en 1887. S’étendant sur 4 hectares, elle fut la plus grande d’Europe et pouvait accueillir de nombreux militaires. Elle porte le nom d’un général de l’armée prussienne reconnu pour ses faits de guerre et qui fut nommé gouverneur du Reichsland d’Alsace-Lorraine. Comme de nombreux lieux alsaciens, la caserne change de patronyme au gré de l’Histoire : elle est renommée caserne Foch après la victoire de 1918, avant de retrouver son nom d’origine en 1940. A la Libération, elle prend définitivement le nom de caserne Stirn, et accueille un temps les prisonniers de guerre allemands.
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Les Alsaciens sous l’Annexion, aussi bien ceux intégrant des divisions paramilitaires de la NSDAP que les incorporés de force à partir d’août 1942, y sont rassemblés avant d’être envoyés dans leurs lieux de cantonnement à partir de la gare de Strasbourg, après l’appel et des formalités administratives<ref>Dans l’ouvrage « Un instituteur alsacien dans la tourmente : Vicissitudes militaires, volume 5, Bertrand Jost, nous rapporte le témoignage d’un incorporé de force, Marius Meyer, instituteur qui en avril 1943, a été rassemblé avec d’autres soldats subissant le même sort dans cette caserne. Après l’appel et autres formalités, les soldats, venus parfois avec des membres de leur famille, sont dirigés vers la gare de Strasbourg, où, après les adieux, ils prennent place dans des convois les envoyant sur leurs nouvelles positions. L’instituteur évoquera cette scène dans un poème « Nach Küstrin », sa destination, dans lequel il mentionne la caserne « ''A la caserne Manteuffel Avait lieu le grand rassemblement… De là on partait au loin Au moins on n’était pas seul''. »</ref>. C’est certainement ce qu’il se passe dans les instants non filmés par le réalisateur. Ici, nous assistons à la distribution des rations, comme l’indique le carton, sous forme de gruau tiré de cantines mobiles et distribuées dans des bols en carton. Là encore, règne une certaine détente parmi ces hommes de divers âges : ils se pressent, fument, rient… Cette scène tranche avec les autres films tournés sous l’Occupation dans les fonds MIRA. Le réalisateur a choisi une approche plus intime en s'arrêtant sur les visages, sur les interactions entre les hommes... N’oublions pas qu'ils ne sont pas tous là par réel choix : montrer une ambiance détendue est certainement calculé pour faire croire que ces Alsaciens sont heureux de servir le Reich.<br>
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Après la séquence tournée à la caserne Manteuffel, un carton nous apparaît encore, pouvant être traduit ainsi « Retour aux positions par Goxwiller ». En effet, plusieurs de ces NSKK, une trentaine, montent dans des bus. Nous les retrouvons ensuite posant devant un bâtiment dont l’enseigne a été peinte. Il s’agit du restaurant Belle Vue, situé en face de la gare de Goxwiller. On devine que les membres du NSKK devant le bâtiment vont s’y sustenter. Ils viennent certainement de descendre de leur train et attendent leur prochain moyen de transport « vers les positions ». Ce restaurant disposait une salle de bal, construite en 1902, qui accueillait toutes les festivités du village. Il fut rasé à la fin des années 1990. Une salle, située au sous-sol du restaurant, fut plus tard dans le conflit, un lieu de cachette des FFI, même si leur point de ralliement était le château du Landsberg, à une dizaine de kilomètres de là <ref>Entretien avec Bernard Meyer, habitant de Goxwiller et passionné de l'histoire de son village, des 14 et 18 janvier 2019 </ref>.
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Une habitante du village se souvient que son père, qui était chauffeur de bus, fut réquisitionné et ramené de Goxwiller et vers Strasbourg par camion des soldats allemands non armés, confirmant que le village n’est qu’un point de passage des troupes : peut-être a-t-il transporté des hommes du NSKK ?
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C’est en 1944 que Goxwiller fut, comme de nombreux villages français, le théâtre de combats entre les forces alliées et les troupes allemandes. Le 23 novembre 1944, une centaine d’obus est ainsi tombé sur le village, endommageant trente-six bâtiments et tuant deux civils. Quatre jours plus tard, le village est libéré par la 2e DB de Leclerc.<br>
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'''La propagande sous le Troisième Reich : des défilés aux films d’actualités'''<br>
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L’avènement du régime nazi s’accompagne d’une imagerie et d’une symbolique fortes, afin de marquer les esprits et l’opinion publique. Les cérémonies de ce type sont un des outils de cette propagande, et sont par ailleurs très présentes dans les films tournés à cette période et issus des fonds MIRA, que les réalisateurs soient des amateurs éclairés ou non ([[Discours à Molsheim (0093FH0002)|Discours à Molsheim]],[[Défilé nazi place Kléber et boulevard Wilson Strasbourg (0021FN0002)|Défilé nazi place Kléber et boulevard Wilson Strasbourg]] ), ou des professionnels comme ici.
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Les mises en scène pompeuses, l’ordre et la rigidité militaire, le nombre de soldats marchant en cadence dans des rues pavoisées sont autant d’éléments de décorum très présents dans ce film, orchestrés pour faire de ces différents évènements des moments à la gloire du Parti. Ces manifestations, qui se multiplient en Alsace, sont relayées dans des articles de presse mais se retrouvent aussi sur pellicule. On note par exemple la présence d’un photographe lors de la revue des troupe (voir à 03 :17). <br>
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Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, a bien vite compris la puissance de l’image animée comme vecteur idéologique, et en a fait un des outils de communication principal du régime. La production cinématographique du IIIe Reich est très riche et de grande qualité sur le plan technique. Citons bien sûr la réalisatrice Leni Riefenstahl, une des figures de proue du cinéma de propagande sous le IIIe Reich, qui par ses films participa à la glorification du régime. 
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Ces films étaient largement diffusés : dans les fonds MIRA nous comptons de nombreuses copies de documentaires, les Kulturfilms, produits par la RWU (note) distribuées notamment dans des écoles alsaciennes pour être vus par les élèves. Bien sûr, MIRA possède aussi plusieurs éditions des fameux Weltspiegel, produits par Degeto. Ces films d’actualités, édités à de grands nombres d’exemplaires sur des formats plus courts sont évidemment à la gloire du parti et relatent les batailles gagnées ou encore les visites du Führer, à grand renfort d’explications par carte et avec des prises de vue fortes.
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Ici, la stabilité de caméra, les cadrages étudiés et de qualité, la présence de cartons, ainsi que le placement du réalisateur nous laissent à penser que nous sommes en présence d’un cinéaste professionnel, habilité par l’administration nazie en vue de faire un film de propagande d’actualités. Le matériel utilisé confirme cette intuition. En effet, le format 16mm, dans lequel a été tourné ce film est un format professionnel, format plus pratique que le 35mm, car les caméras 16mm sont plus légères et manipulables donc plus transportables : ce format est prisé depuis les débuts du film documentaire de voyage. <br>
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Quel impact eurent ces défilés et ces films sur la population alsacienne ? Difficile de le quantifier. Ce qui est certain c’est qu’ici, on ne voit que peu de spectateurs strasbourgeois, quelques curieux place de la gare d'abord, puis des passants peu démonstratifs, contrairement à les applaudissements « ''en véritables vagues'' » et « ''au milliers de voix [faisant éclater] le « Sieg Heil »'' » relaté par un journaliste, après le discours du Gauleiter à la Halle du Marché, lors de cette même manifestation <ref>article SNN 5 mai 1941, réfé ? CRDP p. 52</ref>.
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|Contexte_et_analyse_de=<big>'''Treuegelöbnis des NSKK an den Korpsführer Hühnlein'''</big>
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Im Oktober 1940 kündigte ein Dekret des Dritten Reiches die faktische Annektierung des Elsass durch das Reich an, nach monatelangem Sitzkrieg und der Unterzeichnung des Waffenstillstands von Compiègne. Das Elsass wurde damit mit dem Badener Land in den Gau Oberrhein integriert und vom Leiter der Zivilverwaltung, dem Gauleiter Robert Wagner, verwaltet. Letzterer, der im Elsass fast uneingeschränkte Vollmachten hatte, richtete bald eine deutsche Verwaltung ein, löschte und zerstörte alle politischen und kulturellen Bindungen zu Frankreich: Bildungseinrichtungen wurden unter deutsche Kontrolle gestellt, die französische Sprache und der Dialekt wurden verboten, französische Symbole entfernt und Namen germanisiert. So wird der Place Kléber, wie in der Sequenz zu sehen ist, in Karl-Roos-Platz umbenannt, der siegreiche französische General weicht dem elsässischen Autonomisten, der von der Nazi-Propaganda ausgiebig genutzt wird. Damit erfüllte der Gauleiter Wagner erfolgreich seine Mission, die Bewohner dieses Gebietes zu Deutschen zu machen, die vollständig dem Reich angehörten. Diese administrative Annektierung wurde begleitet von einer Nazifizierung der Bewohner des Elsass und der Mosel durch eine Gleichschaltung der Bevölkerung über nationalsozialistische Organisationen. So entfaltete die NSDAP ab 1940 ihre Strukturen im gesamten Elsass und drängte die Bewohner, ihren vielen paramilitärischen Gruppen beizutreten, wie dem Nationalsozialistischen Kraftfahrkorps (NSKK), dessen Hauptziel die mechanische Ausbildung künftiger Soldaten, der Transport der Truppen und Waffen war. Es ist diese Organisation, die der Filmer hier filmt.
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'''Rekrutierung und Beitritt zum NSKK im Elsass'''
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Tatsächlich ist hier kein Zweifel erlaubt. Die Männer, die im Film vorübergehen und sich dann in der Kaserne versammeln, gehören zum NSKK: Sie tragen seine Uniform. Die schwarze Mütze ist an den beiden Knöpfen und dem dreieckigen Abzeichen mit Adler und Hakenkreuz und den Buchstaben N.S.K.K., das für die Einheiten aus dem Gau Elsass einen orangefarbenen Grund hatte, zu erkennen. Die Soldaten auf dem Film trugen khakifarbene Jacken und erdfarbene Hemden und Krawatten. Die Hosen und Stiefel waren schwarz. Etwas weiter im Film, bei der Versammlung am Place Kléber, erkennt man die Offiziere des NSKK an ihren dekorierten Jacken, aber auch an ihren Breecheshosen.
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Der erste Karton bestätigt diese Hypothese: Das gefilmte Ereignis ist die Vereidigung in Straßburg vor dem Korpsführer Hühnlein[2], den man am Place Kléber ankommen sieht (bei 02:48), gefolgt vom Gauleiter Wagner, um die Truppen zu begrüßen. Adolf Hühnlein war ein hoher Würdenträger des Dritten Reiches und stand seit 1923 Adolf Hitler sehr nahe, da er am Putsch in München teilgenommen hatte. Der Führer zeigte sich erkenntlich, indem er ihn nach seinem Tod zu einem der elf Empfänger des Deutschen Ordens, der höchsten Auszeichnung des III. Reichs, machte. 1933 wurde Adolf Hühnlein zum Führer des Nationalsozialistischen Kraftfahrkorps ernannt, das er bis zu seinem Tod im Juni 1942 leitete. Diese hohe Persönlichkeit, nach der zwar der Titel des Films benannt ist, ist jedoch nur kurz zu sehen. Sein Besuch zur Begrüßung der Offiziere und der Truppen war anscheinend so kurz, dass er in einem kurzen Artikel, der am 5. Mai 1941 in den Straßburger Neuesten Nachrichten[3] zu dieser Kundgebung erschienen ist, nicht erwähnt wurde.
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Dagegen waren die Anwesenheit von Adolf Hühnlein und dieses Treuegelöbnis Gegenstand eines zweiseitigen Artikels in der Deutschen Kraftfahrt - Motorwelt[4] in ihrer Ausgabe vom Juni 1941 mit dem Titel „Treuegelöbnis der Elsässer. Der Korpsführer vereidigt in Straßburg 3000 NSKK-Männer“.  Obwohl diese beiden Artikel zu Propagandazwecken geschrieben wurden, ist es sehr wahrscheinlich, dass die Männer, die im Film zu sehen sind, tatsächlich Elsässer sind. Es war den Elsässern und Moselanern dringend nahegelegt worden, sich einer dieser paramilitärischen Gruppen anzuschließen. Für die Beamten war es sogar obligatorisch. Man kann annehmen, dass sich viele von ihnen für eine der paramilitärischen Organisationen wie dem NSKK entschlossen haben, um bei der zukünftigen Zwangsrekutierung, die sie vielleicht kommen fühlten, nicht direkt an die Front geschickt zu werden, zumal die motorisierten Kräfte des Dritten Reichs im Vergleich zu den anderen NS-Organisationen nicht sehr politisiert waren: letztendlich zählte das NSKK im Elsass 11.000 Mann.
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Das erste, was in dem Film auffällt, ist der Altersunterschied zwischen den Soldaten: Einige wirken sehr jung, während andere auf die fünfziger zuzugehen scheinen. Tatsächlich stand die Organisation allen Altersgruppen offen: Sie rekrutierte Männer von 18 bis 50 Jahren. Die Gruppe von Soldaten, die am Bahnhofsplatz gefilmt wurde, wirkt ebenfalls zögerlich und fröhlich, sie marschieren und stehen nicht stramm, was zeigt, dass sie ihre militärische Ausbildung sicherlich noch nicht abgeschlossen haben. Diese Sequenz am Bahnhofsplatz vermittelt den Eindruck einer gewissen Unsicherheit, als sei es diesen Männern nicht bewusst, was auf dem Spiel steht oder was als nächstes passieren könnte, oder dass sie nicht aus reiner Überzeugung da waren. Diese Feststellung steht im Kontrast zu den Propagandaartikeln der zuvor erwähnten Tageszeitung, die von der „bewundernswerten Präzision“ der Kundgebung spricht [5].
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'''Von der Manteuffel Kaserne, dem Symbol der deutschen Militärmacht, bis nach Goxwiller, Durchgangsort für die Truppen'''
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Ein wichtiger Teil des Films ist die Sequenz in der Manteuffel-Kaserne, einem zentralen Ort für das Leben und die Ausbildung der Soldaten in Straßburg. Der beeindruckende Komplex aus roten Backsteingebäuden der heutigen Caserne Stirn wurde 1887 fertig gestellt. Mit einer Fläche von 4 Hektar war sie die größte Kaserne in ganz Europa und bot Platz für eine große Anzahl von Soldaten. Sie trug den Namen eines Generals der preußischen Armee, der für seine Kriegstaten bekannt war und zum Statthalter des Reichslandes Elsass-Lothringen ernannt worden war. Wie viele elsässische Orte änderte auch die Kaserne ihren Namen im Verlauf der Geschichte: Nach dem Sieg von 1918 wurde sie in Caserne Foch umbenannt, bevor sie 1940 wieder ihren ursprünglichen Namen erhielt. Bei der Befreiung nahm sie endgültig den Namen Caserne Stirn an und beherbergte zeitweise deutsche Kriegsgefangene. Die Elsässer unter der Annektierung, sowohl diejenigen, die den paramilitärischen Divisionen der NSDAP beigetreten waren, als auch diejenigen, die ab August 1942 zwangsrekrutiert wurden, müssten sich zuerst dort einfinden, bevor sie nach dem Appell und den Verwaltungsformalitäten vom Bahnhof Straßburg aus an ihre Stationierungsorte geschickt wurden[6]. Das geschah wahrscheinlich in den Momenten, die nicht gefilmt wurden. Hier erleben wir die Verteilung der Rationen, wie auf dem Karton vermerkt, in Form von Hafergrütze aus Feldküchen, die in Pappschalen ausgegeben werden. Auch hier herrscht eine gewisse Lockerheit unter diesen Männern verschiedenen Alters: Sie beeilen sich, rauchen, lachen ... Diese Szene steht im Gegensatz zu den anderen Filmen in den MIRA-Beständen, die unter deutscher Besatzung gedreht wurden. Der Filmer wählte einen intimeren Ansatz, indem er sich auf die Gesichter, auf die Interaktionen zwischen den Männern konzentrierte ... Vergessen wir nicht, dass nicht alle aus freien Stücken da sind: eine entspannte Atmosphäre zu zeigen, ist sicherlich wohl überlegt, um den Eindruck zu erwecken, dass diese Elsässer gerne dem Reich dienen.
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Nach der Sequenz in der Manteuffel-Kaserne erscheint ein weiterer Karton mit der Aufschrift „Rückkehr zu den Stellungen über Goxwiller“. Tatsächlich steigen mehrere dieser NSKKs, etwa dreißig von ihnen, in Busse ein. Wir finden sie dann vor einem Gebäude mit einem bemalten Schild. Es handelt sich um das Restaurant Belle Vue, gegenüber vom Bahnhof Goxwiller. Man errät, dass die NSKK-Mitglieder vor dem Gebäude dort essen werden. Sie sind sicherlich gerade erst aus dem Zug gestiegen und warten auf ihr nächstes Verkehrsmittel „zu den Stellungen“. In diesem Restaurant gab es einen Ballsaal aus dem Jahr 1902, in dem alle Feste des Dorfes stattfanden. Es wurde Ende der 90er Jahre abgerissen. Ein Raum im Untergeschoss des Restaurants war zu einem späteren Zeitpunkt des Krieges ein Versteck der FFI (französischer Widerstand), deren Treffpunkt die etwa zehn Kilometer entfernte Burg Landsberg war [7]. Eine Dorfbewohnerin erinnert sich, dass ihr Vater, der Busfahrer war, requiriert worden war und unbewaffnete deutsche Soldaten von Goxwiller nach Straßburg gefahren hat, was bestätigt, dass das Dorf nur ein Durchgangsort der Truppen war: Vielleicht hat er Männer des NSKK gefahren? 1944 war Goxwiller, wie viele französische Dörfer, Schauplatz von Kämpfen zwischen den alliierten Streitkräften und den deutschen Truppen. Am 23. November 1944 schlugen etwa 100 Geschosse im Dorf ein, die 36 Gebäude beschädigten und zwei Zivilisten töteten. Vier Tage später wurde das Dorf von der 2. Panzerdivision von Leclerc befreit.
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'''Propaganda im Dritten Reich: von den Aufmärschen bis hin zu den Wochenschauen'''
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Die Machtergreifung des NS-Regimes war von starken Bildern und Symbolen begleitet, um die Menschen und die öffentliche Meinung zu beeindrucken. Feierlichkeiten dieser Art waren eines der Werkzeuge dieser Propaganda, und sie sind in den Filmen der MIRA-Bestände, die in dieser Zeit gedreht wurden, sehr präsent, unabhängig davon, ob es sich bei den Filmenden um erfahrene oder unerfahrene Amateurfilmer (Rede in Molsheim, NS-Aufmarsch auf dem Place Kléber und Boulevard Wilson in Straßburg ) oder um Profis handelt wie hier. Die aufwändige Inszenierung, die militärische Ordnung und Steifigkeit, die Anzahl der im Gleichschritt durch beflaggte Straßen marschierenden Soldaten prägen das Ambiente in diesem Film und sollen dafür sorgen, dass diese verschiedenen Ereignisse zum Ruhme der Partei beitragen. Diese im Elsass zahlreich organisierten Kundgebungen wurden in Presseartikeln geschildert, aber auch fotografiert und gefilmt. Bei der Abnahme der Parade ist  zum Beispiel ein Fotograf zu sehen (siehe 03:17).
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Joseph Goebbels, Minister für Propaganda, verstand schnell die Macht des animierten Bildes als Vektor der Ideologie und machte es zu einem der wichtigsten Kommunikationsmittel des Regimes. Im Dritten Reich wurden sehr viele und technisch anspruchsvolle Spielfilme produziert. Hier ist natürlich die Regisseurin Leni Riefenstahl zu nennen, eine der führenden Persönlichkeiten der Propagandafilme des Dritten Reiches, die durch ihre Filme zur Verherrlichung des Regimes beigetragen hat. Diese Filme wurden einer breiten Bevölkerung zugänglich gemacht: In den MIRA-Beständen haben wir viele Kopien von Dokumentarfilmen, den Kulturfilmen, die von der RWU (Anmerkung) produziert und insbesondere an elsässische Schulen verteilt wurden, damit sie von den Schülern gesehen werden. Natürlich besitzt MIRA auch mehrere Ausgaben der berühmten Degeto-Weltspiegel. Diese in großer Zahl in kürzeren Formaten herausgegebenen Nachrichtenfilme trugen offensichtlich zum Ruhme der Partei bei und berichteten von den gewonnenen Schlachten oder den Besuchen des Führers, mit vielen Erklärungen mit Hilfe von Landkarten und mit einprägenden Aufnahmen. Hier weisen die Stabilität der Kamera, die wohl überlegten und anspruchsvollen Einstellungen, die Kartons sowie die Position des Filmenden darauf hin, dass wir es mit einem professionellen Filmer zu tun haben, der von der NS-Verwaltung befugt wurde, einen Propaganda-Nachrichtenfilm zu drehen. Das verwendete Material bestätigt diese Annahme, denn das 16mm-Format, in dem dieser Film gedreht wurde, ist ein professionelles Format, es ist praktischer als ein 35mm-Film. Die 16mm-Kameras sind leichter und damit transportabler und waren seit den Anfängen des Reisedokumentarfilms sehr beliebt.
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Welche Auswirkungen hatten diese Aufmärsche und Filme auf die elsässische Bevölkerung? Das ist schwer zu sagen. Sicher ist, dass wir hier nur wenige Straßburger Zuschauer sehen, zuerst ein paar Neugierige am Bahnhofsplatz, dann einige zurückhaltende Passanten, im Gegensatz zum "wogenden Applaus“ und „zu den Tausenden von Stimmen, die „Sieg Heil“ riefen, von denen ein Journalist nach der Rede des Gauleiters in der Markthalle bei dieser gleichen Kundgebung berichtet hat [8].
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|Bibliographie=BENE Krisztian, ''Les combats de l’unité française du NSKK en Hongrie''. Étude de l’Académie hongroise des sciences. Consultable en ligne : http://real.mtak.hu/40527/1/Les%20combats%20de%20l%27unit%C3%A9%20francaise%20du%20NSKK%20en%20Hongrie.pdf
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JOST Bertrand, ''Un instituteur alsacien dans la tourmente (1939-1945)''. Tome 5. Calleva, 2016. 432 p.
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CRDP, ''La présence allemande''. Consultable en ligne : http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/alsace-39-45b/textes/presence_allemande.pdf
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''Goxwiller: entre plaine et montagne, il est un lieu de libertés''. Editions Coprur, Strasbourg 1989
 
}}
 
}}

Version du 21 mars 2019 à 16:13


[1] Avertissement[2]

Résumé


Cette séquence d’un réalisateur inconnu montre des hommes de différents âges, portant l’uniforme allemand de la Wehrmacht et défilant dans les rues de Strasbourg en 1941 et passés en revue par Adolf Hühnlein, général major du NSKK. Certains soldats se rendent ensuite à Goxwiller par autocar.

Description


Carton : « Vereidigung der Führersdiensttuer in Strassburg durch Korpsführer Hühnlein” (Le Chef de corps Hühnlein fait prêter serment aux Führerdiensttuer)

Carton : « Bahnhofplatz Strassburg Antreten » ( = Alignement place de la gare de Strasbourg)

Soldats en uniformes nazis et calots sur la place de la gare, alignés devant un supérieur

Groupe de soldats, la quarantaine et plus, marchant au pas de façon irrégulière

Porteurs de drapeaux

Groupe de soldats à l'arrêt et au pas

00:01:35

Les soldats toujours au pas rue du 22 novembre, passant devant l'hôtel Excelsior (actuel hôtel Hannong)

00:01:49

Carton : « Marsch zum Karl-Roosplatz»

Défilé des soldats dont certains portant des drapeaux à croix gammée, rue du 22 novembre ; en arrière-plan St Pierre-le-Vieux au fond ; peu de passants

Les soldats au garde à vous devant le cinéma « Zentral » place Kléber

La fanfare militaire joue

Soldats en rang place Kléber ; en arrière-plan l'hôtel de la Maison rouge (actuelle Fnac), pavoisée de drapeaux nazis

Pano sur soldats en rang

00:02:51

Arrivée d'Adolf Hühnlein et d'autres officiers ; salut nazi

Adolf Hühnlein salut des officiers sur une estrade devant le Zentral

Passage en revue des troupes

00:03:39

Carton : "Propagandamarch durch Strassburg" (=Marche de la propagande à travers Strasbourg)

Soldats allemands défilant en rang par 6 rue des Grandes Arcades pavoisée ; quelques spectateurs

00:04:14

Enseigne « Manteuffel Kaserne »

Soldats de tous âges entrant au pas dans la caserne (actuelle caserne Stirn, boulevard Clémenceau)

00:04:50

Carton « Verpflegung in der Manteuffel-Kaserne » (= Rations à la caserne Manteuffel)

Cantines roulantes desquelles sortent de la vapeur

Les soldats, à la file indienne, se font servir leur repas dans des bols en carton ; pano sur les soldats très nombreux

On distribue des bols aux soldats puis une sorte de gruau

Des soldats s'amusent et rient (regards caméra)

Gros plan sur le gruau distribué depuis un bidon à l'aide d'une louche

Un soldat à lunette plus âgé sourit ;(regard caméra)

00:06:20

Carton "Rückfahrt über Goxweiler nach den Standorten" ( = retour vers les positions en passant par Goxwiller)

Pano sur soldats au garde-à-vous sur la place de la gare à Strasbourg ; un officier arrive et salut un autre officier et les soldats

Les soldats se précipitent vers des cars et y montent

00:06:58

Groupe de soldats, deux officiers et un civil posent devant une bâtisse, certainement le restaurant Belle Vue qui faisait face à la gare

Les soldats entrent dans le restaurant

Métadonnées

N° support :  0024FS0002
Date :  1941
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:07:11
Format original :  16 mm
Genre :  Documentaire
Thématiques :  Frontières, Guerre, Seconde Guerre mondiale : Occupation et annexion
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


En octobre 1940, un décret du IIIe Reich annonce l’annexion de l’Alsace de facto par le Reich, après des mois de Drôle de Guerre et la signature de l’armistice de Rhetonde. L’Alsace est ainsi intégrée au Gau Oberrhein avec le Pays de Bade et administrée par le chef de l’administration civile, le Gauleiter Robert Wagner. Ce dernier, qui a quasiment les pleins pouvoirs en Alsace, ne tarde pas à mettre en place une administration allemande, à effacer et à faire détruire tout lien politique et culturel avec la France : les lieux d’enseignement sont placés sous contrôle allemand, la langue française et le dialecte sont interdits, les symboles français retirés, les noms germanisés. Ainsi, comme on le constate dans la séquence, la Place Kléber est renommée place Karl-Roos, le général français victorieux laissant la place à l’autonomiste alsacien, largement utilisé dans la propagande nazie. Le gauleiter Wagner mène ainsi à bien sa mission de faire des habitants de ce territoire des Allemands appartenant pleinement au Reich. Cette annexion administrative est accompagnée d’une nazification des habitants de l’Alsace et de la Moselle par un embrigadement de masse de la population via des organisations nazies. Ainsi, dès 1940, le parti nazi, le NSDAP, déploie ses ramifications dans toute l’Alsace, poussant les habitants à adhérer à ses nombreux groupements paramilitaires, à l’instar du Nationalsozialistische Kraftfahrkorps (NSKK), dont le principal objectif est la formation mécanique des futurs soldats, le transport des hommes et celui des munitions. C’est cette organisation que filme ici le cinéaste.

Recrutement et adhésion à la NSKK en Alsace

Les hommes défilant sur le film puis rassemblés à la caserne portent l'uniforme des NSKK. On reconnaît le calot noir à ses deux boutons et à l’insigne triangulaire sur le côté composé d’un aigle posé sur une croix gammée et arborant les lettres N.S.K.K., insigne normalement fondue d’orange pour les unités en provenance du Gau Alsace. Les vestes étaient de couleur kaki, et les chemises et cravates portées par les soldats sur le film, couleur terre. Les pantalons et bottes étaient, quant à eux, noirs. Un peu plus loin sur le film, lors du rassemblement place Kléber, on reconnait les officiers de la NSKK à leurs vestes décorées mais aussi à leurs culottes bouffantes.

Le premier carton le confirme : l’évènement filmé est la prestation de serment à Strasbourg devant le Chef de corps Hühnlein[3] que l’on voit arriver place Kléber (à 02 :48), le Gauleiter Wagner à sa suite, pour saluer les troupes. Adolf Hühnlein est un haut dignitaire du IIIe Reich et proche d’Adolf Hitler depuis 1923, puisqu’il participa au putsch de Munich. Le Führer lui prouve sa reconnaissance en faisant de lui, après sa mort, l’un des onze récipiendaires de l’Ordre allemand, qui est la plus haute distinction délivrée sous l’Allemagne nazie. En 1933 Adolf Hühnlein est nommé à la tête du Nationalsozialistische Kraftfahrkorps, qu’il dirige jusqu’à sa mort en juin 1942. Ce haut personnage, qui pourtant fait l’objet du titre de notre film, n’y apparaît finalement que succinctement. Il semble faire un passage rapide pour saluer les officiers et les troupes, ce à tel point qu’il n’est pas mentionné dans un court article au ton édifiant paru le 5 mai 1941 du quotidien de propagande Strassburger Neueste Nachrichten[4] évoquant cette manifestation.

A l'inverse, la présence d'Adolf Hühnlein et cette prestation de serment font l’objet d’un article de deux pages dans le Deutsche Kraftfahrt – Motorwelt[5] dans son édition de juin 1941, titré « Treuegelöbnis der Elsasser. Der Korpsführer vereidgt in Strasbourg 3000 NSKK-Männer », soit Serment d’allégeance des Alsaciens. Le chef de corps reçoit le serment de 3000 hommes du NSKK à Strasbourg. Bien que ces deux articles aient été écrits à des fins de prosélytisme, il est très probable que les hommes apparaissant à l’écran soient bien des Alsaciens. Il était fortement recommandé pour les Alsaciens et Mosellans de s’inscrire à l’un de ces groupes paramilitaires, obligatoires pour les fonctionnaires. On peut penser que de nombre d'entre eux se dirigèrent vers des organisations paramilitaires comme le NSKK, pour éviter d’être envoyés directement sur le front dans la future incorporation forcée qu’ils sentent peut-être venir, d’autant plus que les forces motorisées du IIIe Reich sont peu politisées par rapport aux autres organisations nazies : à terme le NSKK en Alsace est composé de 11000 hommes.

Ce qui frappe en premier lieu sur le film est l’écart d’âge entre les soldats : certain semblent très jeunes tandis que d’autres ont l’air de frôler la cinquantaine. En effet, l’organisation est ouverte à tous les âges : elle recrute des hommes entre 18 et 50 ans. Le groupe de soldats filmé à l’arrêt sur la place de la gare paraît aussi hésitant et rigolard, la marche n’est pas franche, la position non fixe, signes que certainement ils n’ont pas encore complété leur formation militaire. Il se dégage de cette séquence place de la gare une impression de flottement, comme si ces hommes n’avaient pas conscience de l’enjeu ou de la suite possible des évènements, ou qu’ils n'étaient pas là par pure conviction. Cette constatation tranche avec les articles de propagande du quotidien de l’époque susmentionné, qui évoque la « précision admirable » de la manifestation [6].

De la Manteuffel Kaserne, symbole de la puissance militaire allemande, à Goxwiller lieu de passage des troupes

Un passage marquant du film est la séquence se déroulant dans la caserne Manteuffel, lieu clé de la vie et de la formation militaire à Strasbourg. Impressionnant groupe de bâtiments de briques rouges, l’actuelle caserne Stirn fut achevée en 1887. S’étendant sur 4 hectares, elle fut la plus grande d’Europe et pouvait accueillir de nombreux militaires. Elle porte le nom d’un général de l’armée prussienne reconnu pour ses faits de guerre et qui fut nommé gouverneur du Reichsland d’Alsace-Lorraine. Comme de nombreux lieux alsaciens, la caserne change de patronyme au gré de l’Histoire : elle est renommée caserne Foch après la victoire de 1918, avant de retrouver son nom d’origine en 1940. A la Libération, elle prend définitivement le nom de caserne Stirn, et accueille un temps les prisonniers de guerre allemands. Les Alsaciens sous l’Annexion, aussi bien ceux intégrant des divisions paramilitaires de la NSDAP que les incorporés de force à partir d’août 1942, y sont rassemblés avant d’être envoyés dans leurs lieux de cantonnement à partir de la gare de Strasbourg, après l’appel et des formalités administratives[7]. C’est certainement ce qu’il se passe dans les instants non filmés par le réalisateur. Ici, nous assistons à la distribution des rations, comme l’indique le carton, sous forme de gruau tiré de cantines mobiles et distribuées dans des bols en carton. Là encore, règne une certaine détente parmi ces hommes de divers âges : ils se pressent, fument, rient… Cette scène tranche avec les autres films tournés sous l’Occupation dans les fonds MIRA. Le réalisateur a choisi une approche plus intime en s'arrêtant sur les visages, sur les interactions entre les hommes... N’oublions pas qu'ils ne sont pas tous là par réel choix : montrer une ambiance détendue est certainement calculé pour faire croire que ces Alsaciens sont heureux de servir le Reich.

Après la séquence tournée à la caserne Manteuffel, un carton nous apparaît encore, pouvant être traduit ainsi « Retour aux positions par Goxwiller ». En effet, plusieurs de ces NSKK, une trentaine, montent dans des bus. Nous les retrouvons ensuite posant devant un bâtiment dont l’enseigne a été peinte. Il s’agit du restaurant Belle Vue, situé en face de la gare de Goxwiller. On devine que les membres du NSKK devant le bâtiment vont s’y sustenter. Ils viennent certainement de descendre de leur train et attendent leur prochain moyen de transport « vers les positions ». Ce restaurant disposait une salle de bal, construite en 1902, qui accueillait toutes les festivités du village. Il fut rasé à la fin des années 1990. Une salle, située au sous-sol du restaurant, fut plus tard dans le conflit, un lieu de cachette des FFI, même si leur point de ralliement était le château du Landsberg, à une dizaine de kilomètres de là [8]. Une habitante du village se souvient que son père, qui était chauffeur de bus, fut réquisitionné et ramené de Goxwiller et vers Strasbourg par camion des soldats allemands non armés, confirmant que le village n’est qu’un point de passage des troupes : peut-être a-t-il transporté des hommes du NSKK ? C’est en 1944 que Goxwiller fut, comme de nombreux villages français, le théâtre de combats entre les forces alliées et les troupes allemandes. Le 23 novembre 1944, une centaine d’obus est ainsi tombé sur le village, endommageant trente-six bâtiments et tuant deux civils. Quatre jours plus tard, le village est libéré par la 2e DB de Leclerc.

La propagande sous le Troisième Reich : des défilés aux films d’actualités

L’avènement du régime nazi s’accompagne d’une imagerie et d’une symbolique fortes, afin de marquer les esprits et l’opinion publique. Les cérémonies de ce type sont un des outils de cette propagande, et sont par ailleurs très présentes dans les films tournés à cette période et issus des fonds MIRA, que les réalisateurs soient des amateurs éclairés ou non (Discours à Molsheim,Défilé nazi place Kléber et boulevard Wilson Strasbourg ), ou des professionnels comme ici. Les mises en scène pompeuses, l’ordre et la rigidité militaire, le nombre de soldats marchant en cadence dans des rues pavoisées sont autant d’éléments de décorum très présents dans ce film, orchestrés pour faire de ces différents évènements des moments à la gloire du Parti. Ces manifestations, qui se multiplient en Alsace, sont relayées dans des articles de presse mais se retrouvent aussi sur pellicule. On note par exemple la présence d’un photographe lors de la revue des troupe (voir à 03 :17).

Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, a bien vite compris la puissance de l’image animée comme vecteur idéologique, et en a fait un des outils de communication principal du régime. La production cinématographique du IIIe Reich est très riche et de grande qualité sur le plan technique. Citons bien sûr la réalisatrice Leni Riefenstahl, une des figures de proue du cinéma de propagande sous le IIIe Reich, qui par ses films participa à la glorification du régime. Ces films étaient largement diffusés : dans les fonds MIRA nous comptons de nombreuses copies de documentaires, les Kulturfilms, produits par la RWU (note) distribuées notamment dans des écoles alsaciennes pour être vus par les élèves. Bien sûr, MIRA possède aussi plusieurs éditions des fameux Weltspiegel, produits par Degeto. Ces films d’actualités, édités à de grands nombres d’exemplaires sur des formats plus courts sont évidemment à la gloire du parti et relatent les batailles gagnées ou encore les visites du Führer, à grand renfort d’explications par carte et avec des prises de vue fortes. Ici, la stabilité de caméra, les cadrages étudiés et de qualité, la présence de cartons, ainsi que le placement du réalisateur nous laissent à penser que nous sommes en présence d’un cinéaste professionnel, habilité par l’administration nazie en vue de faire un film de propagande d’actualités. Le matériel utilisé confirme cette intuition. En effet, le format 16mm, dans lequel a été tourné ce film est un format professionnel, format plus pratique que le 35mm, car les caméras 16mm sont plus légères et manipulables donc plus transportables : ce format est prisé depuis les débuts du film documentaire de voyage.

Quel impact eurent ces défilés et ces films sur la population alsacienne ? Difficile de le quantifier. Ce qui est certain c’est qu’ici, on ne voit que peu de spectateurs strasbourgeois, quelques curieux place de la gare d'abord, puis des passants peu démonstratifs, contrairement à les applaudissements « en véritables vagues » et « au milliers de voix [faisant éclater] le « Sieg Heil » » relaté par un journaliste, après le discours du Gauleiter à la Halle du Marché, lors de cette même manifestation [9].

Bibliographie


BENE Krisztian, Les combats de l’unité française du NSKK en Hongrie. Étude de l’Académie hongroise des sciences. Consultable en ligne : http://real.mtak.hu/40527/1/Les%20combats%20de%20l%27unit%C3%A9%20francaise%20du%20NSKK%20en%20Hongrie.pdf

JOST Bertrand, Un instituteur alsacien dans la tourmente (1939-1945). Tome 5. Calleva, 2016. 432 p.

CRDP, La présence allemande. Consultable en ligne : http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/alsace-39-45b/textes/presence_allemande.pdf

Goxwiller: entre plaine et montagne, il est un lieu de libertés. Editions Coprur, Strasbourg 1989


Article rédigé par

Marion Brun, 05 février 2019


  1. En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
  2. Cette fiche est en cours de rédaction. À ce titre elle peut être inachevée et contenir des erreurs.
  3. Le terme "Führerdiensttuer", semble être une construction (il n'est pas courant dans la langue allemande, voire inexistant) pour désigner les personnes effectuant ("tun", de faire, donne "tuer") le Service du Führer (le Führerdienst), soit à peu près tous les habitants du Reich, qui devaient être dédiés à la cause du chef suprême. Ainsi pour les femmes, une façon de faire le Führerdiesnt étaient de donner des enfants sains au Reich.
  4. Quotidien mis en place dès juillet 1940 en remplacement des Dernières Nouvelles d’Alsace), article nous permettant d’ailleurs de dater précisément la séquence.
  5. Cette revue mensuelle allemande créée en 1925 et l’une des plus diffusée d’Europe encore aujourd’hui et est principalement centrée sur l’automobile et le voyage. Sous le IIIe Reich, plusieurs articles ont été publiés à propos du Chef de corps des NSKK
  6. article SNN 5 mai 1941, réfé ? CRDP p. 52
  7. Dans l’ouvrage « Un instituteur alsacien dans la tourmente : Vicissitudes militaires, volume 5, Bertrand Jost, nous rapporte le témoignage d’un incorporé de force, Marius Meyer, instituteur qui en avril 1943, a été rassemblé avec d’autres soldats subissant le même sort dans cette caserne. Après l’appel et autres formalités, les soldats, venus parfois avec des membres de leur famille, sont dirigés vers la gare de Strasbourg, où, après les adieux, ils prennent place dans des convois les envoyant sur leurs nouvelles positions. L’instituteur évoquera cette scène dans un poème « Nach Küstrin », sa destination, dans lequel il mentionne la caserne « A la caserne Manteuffel Avait lieu le grand rassemblement… De là on partait au loin Au moins on n’était pas seul. »
  8. Entretien avec Bernard Meyer, habitant de Goxwiller et passionné de l'histoire de son village, des 14 et 18 janvier 2019
  9. article SNN 5 mai 1941, réfé ? CRDP p. 52