Algérie 57 (0035FH0012)
Résumé
Contexte et analyse
En 1957, Charles Zentz réalise un service militaire en Algérie. Il est alors âgé de 50 ans et a des années d’expérience derrière la caméra en tant que cinéaste amateur. 1957, c’est aussi l’année de la bataille d’Alger qui s’étend du 7 janvier au 9 octobre. Basé à Tizzi Gheniff, Charles Zentz se trouve à 66km de la capitale algérienne.
En dehors de quelques légers défauts visuels dûs à une détérioration de la pellicule et à une main parfois trop tremblante, le film est d’une remarquable qualité. Son plan d’ouverture sur un panneau annonçant le jumelage de cette commune de Grande Kabylie à celle de Langon en Gironde le 18 mai 1957 permet d’établir que les images sont ultérieures à cette date. Il alterne ensuite les plans larges faisant honneur aux paysages montagneux et boisés du département de Tizi-Ouzou, puis les plans rapprochés s’intéressant aux sujets filmés en action. De cette manière, en l’espace de quelques secondes, Charles Zentz parvient à inscrire son film dans un contexte temporel, géographique et social clair. Ceci dit, le montage des différentes scènes ne permet pas de savoir si elles sont agencées dans leur ordre chronologique même si cela reste probable.
Portraits
Les scènes que filme Charles Zentz capturent majoritairement les corps des soldats français dans des situations non-combattantes. On en voit un, armé et en uniforme mais sans casque, parcourant un village kabyle, l’air détendu. Dans une autre scène, deux soldats français sont présents dans le champ de la caméra. L’un deux s’essaye à monter ce qui semble être un mulet, expérience très amusante si l’on en croit sa réaction. D’autres scènes montrent des soldats souriants, amusés par la caméra ou au contraire s’en détournant, et profitant de différents loisirs, impliquant souvent la nourriture et la boisson. La dernière scène du film montre ce qui s‘apparente à un banquet improvisé, les soldats fumant, buvant et mangeant avec plaisir. Ainsi, tout au long du film, leur comportement ne trahit pas la moindre inquiétude ou appréhension. Au contraire, on pourrait presque penser à une colonie de vacances pour adultes. Certains visages deviennent récurrents laissant penser que les amitiés se tissent. Loin de la bataille d’Alger, de ses attentats, de ses exactions, et des victimes disparues de « l’escadron de la mort » du général Aussaresses, les soldats sous le regard de Charles Zentz sont d’abord ses « compagnons » et semblent vivre hors de cette réalité.
Le réalisateur signe aussi une scène est particulièrement intéressante dans le film en ce qu’elle dénote de son ton général. Adoptant différents angles de prises de vues, il suit une procession d’une quinzaine d’hommes civils Algériens transportant un brancard de fortune. Sur celui-ci, on distingue une silhouette recouverte d’un linceul. Suivant la route, ils passent à côté d’une carcasse de voiture avant de disparaître du champ de la caméra. Peut-être viennent-ils d’un douar voisin et se rendent dans un cimetière proche. Alors que les scènes présentant les soldats français dégageaient une grande gaieté, celle-ci est austère, solennelle. Le peu de regards algériens qui croisent celui de la caméra ne s’y attardent pas.
Déploiement stratégique
Ces déploiements que l’on aperçoit dans ce film s’intègrent dans le « plan de pacification générale de la Kabylie » d’avril 1956. Sur l’un des plans que filme Charles Zentz, des hommes Algériens escortés par un militaire français se dirigent vers la caméra, l’un d’entre eux ayant les bras chargés de baguettes et deux autres transportant à bout de bras un imposant baril. On peut voir là une manifestation de la présence importante des Sections administratives spécialisées (SAS) en Grande Kabylie. Ces unités chargés d’une mission ambivalente, à la fois administrative et militaire devaient prendre le contrôle de certains villages et renouer le contact entre l’administration française et la population rurale algérienne en répondant aux besoins de cette dernière. Cela devait à terme convaincre les Algériens de l’utilité de la présence française. L’aspect social de cette mission s’illustre dans le plan suivant sur lequel on voit un soldat français participant à la construction d’une habitation. Son aspect militaire est incarné par le léger travelling sur un hélicoptère Alouette II de l’ALAT décollant d’une zone montagneuse. Cet appareil destiné aux opérations de surveillance, de transport et de secours peut néanmoins être équipé de missiles et de mitrailleuses. Ici, l’absence d’armement conséquent semble cependant manifeste.
Lieux ou monuments
Bibliographie
Bartet (Sylvain), «Aspect de la pacification en Grande-Kabylie (1955-1962), Les relations entre les sections administratives spécialisées (SAS) et les populations», In. Revue française d'histoire d'outre-mer, tome 85, n°319, 2e trimestre 1998. pp. 3-32
Article rédigé par
Youssef Thabet, 08 janvier 2021
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