Centre de ravitaillement en Lorraine (0021FN0002)

Événements filmés ou en lien


Drôle de guerre

Résumé


Scènes de ravitaillement pendant la drôle de guerre en Lorraine.

Description


/ des soldats dont certain en tablier posent avec un chien de type berger allemand / deux soldats discutent / les soldats une la carcasse d’un animal ? / un soldat pose, cigarette en bouche / quatre soldat dont l’un pipe en bouche, sortent des pains d’une camionnette puis se les passent de main en main / des soldats descendent d’un bus en mauvais état (N°W721409 peint sur la carrosserie) / un homme en béret fumant la pipe tire la langue à l’opérateur / trois soldats posent devant le bus, l’un portant un autre sur ses épaules / un soldat riant

Métadonnées

N° support :  0021FN0002
Date :  1939
Coloration :  Noir et blanc
Son :  Muet
Durée :  00:01:24
Cinéastes :  Breesé, Emile
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Manger et Festoyer, Seconde Guerre mondiale : avant-guerre
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Les années précédant la Seconde Guerre mondiale répètent d’une certaine manière celles menant à l’embrasement du premier conflit mondial. Malgré l’action de la Société des Nations fondée en 1920, l’Allemagne nazie noue des partenariats stratégiques avec ses alliés italien et japonais en 1936, procède à l’annexion des Sudètes et de l’Autriche en 1938, et fait pression sur la Slovaquie et la Hongrie pour qu’elles se rangent du côté de l’Axe. De leurs côtés, les anciens vainqueurs de 1918 restent noués par des pactes d’assistance étendus aux nouvelles nations nées au lendemain de la guerre, comme la Pologne. Alors que les pourparlers patinent entre l’URSS officiellement leader du camp antifascistes et les deux dernières grandes puissances démocratiques du continent, le pacte germano-soviétique est signé à Moscou le 23 août 1939. Son protocole secret partageant des zones d’influence en Europe orientale est le prélude à l’invasion allemande de la Pologne le 1er septembre et à la déclaration de guerre des Français et des Britanniques deux jours plus tard.

Ces deux nations, entravées par leur stratégie défensive, restent plongées dans l’illusion d’un possible règlement diplomatique, qui empêche toute initiative. Commence alors une période tôt qualifiée de « drôle de guerre », au cours de laquelle cinq millions de mobilisés perdent leur temps et leur moral dans une attente vaine. Pendant que la Wehrmacht s’active à l’Est, elle reste sur ses positions à l’Ouest et laisse passer l’hiver. L’état-major rompt cette trêve tacite le 10 mai et conquiert en quelques semaines la Belgique, les Pays-Bas et une partie de la France. L’Alsace se retrouve à nouveau annexée au Reich, ce qui place les anciens mobilisés de l’armée française, comme Émile Breesé ou Alex Schwobthaler, dans une situation très délicate.

Une armée à nourrir

Le Char...rieur, journal de tranchée © La Contemporaine

Comme s’il était en reportage dans les unités de mobilisés, Émile Breesé ne manque aucune occasion de mettre en marche sa caméra. Dans la routine qui s’est installée et l’inégalité des conditions de cantonnement si variables d’un lieu à un autre, celle d’une vie en plein air forcée rendue délicate par un hiver froid et humide, l’alimentation cristallise l’attention des soldats. Les prix ont bondi de 17% en moyenne avec la déclaration de guerre, et même de 30% localement pour certains produits très demandés par la troupe. Si l’alcool ne paraît pas présent, interdit en théorie, il abonde en réalité car il est très facile de s’approvisionner dans les villages. Devant les ravages de l’alcoolisme, Paul Reynaud tente en mars 1940 une timide régulation limitant à trois jours la vente – une mesure ridicule et tout de suite bafouée. Le cinéaste de 37 ans filme l’arrivée d’un bœuf entier qui va être aussitôt dépecé (film) et la livraison par camionnette des miches de pain constituant l’ordinaire de tous les repas. L’arrivée de la nourriture rythme des journées vides d’action et pleine d’ennui. La livraison des aliments se fait dans les gares, chaque unité se chargeant de les acheminer jusqu’aux « cuistots » qui vont préparer les repas et les amener aux soldats grâce à leur cantine mobile appelée « roulante ». Dans le film Centre de ravitaillement en Lorraine, elle réunit les soldats autour d’un café et de quelques miches de pain accompagnées de camembert. Les images de Breesé donnent le sentiment que rien n’a changé ou presque depuis 14-18.

Une camaraderie bon enfant

Contrairement aux appareils photo qui sont légion, une caméra se remarque immédiatement et Breesé a tôt fait d’avoir été identifié comme cinéaste amateur, sans doute le seul de l’unité et même de tout le coin. Bien des soldats croisés lancent un regard indifférent, souvent clope au bec, à cet importun. Mais d’autres réagissent comme des enfants et jouent à faire l’acteur, certains sur demande de l’opérateur sans doute ; un sourire ou même une langue tirée soulignent l’acceptation simple d’un geste qui, contrairement à celui du photographe, ne produit pas de satisfaction de la curiosité à brève échéance, ne peut s’acheter ou s’échanger pour être envoyé aux familles avides de nouvelles. Le ballet du transvasement des miches de pain est ainsi totalement perturbé par les poses face caméra et les clins d’œil. De toute façon, chacun prend son temps, avec une lenteur qui ressemble à un ralenti, car vraiment rien ne presse. Trois gaillards s’amusent à faire une figure de pseudo-gymnastique qui raille avec efficacité la situation burlesque de ces soldats condamnés à l’inactivité. Les rires et les mimiques cachent un profond désarroi qu’amplifient les rumeurs et que ne compensent pas les maigres plaisirs culturels ou sportifs (football film) accordés par l’état-major. La carence de ravitaillement, de discipline et d’esprit combatif, produit des inconséquences de l’état major et des hésitations des responsables politiques, ont contribué à l’effondrement rapide de mai 1940.

Bibliographie


François Cochet, Les Soldats dans la Drôle de guerre (septembre 1939-mai 1940), Paris, Hachette, 2004.


Article rédigé par

ALEXANDRE SUMPF, 18 décembre 2018