Cortège du carnaval à Strasbourg (0021FN0004)

Événements filmés ou en lien


Carnaval de Strasbourg

Résumé


Il s'agit d'un court film amateur sur le Carnaval de Strasbourg du dimanche 3 mars 1957. La caméra se situe à hauteur d'homme, à l'angle de l'Avenue de la Paix et de l'Avenue des Vosges, et suit le cortège qui défile parmi la foule.
Développer

Métadonnées

N° support :  0021FN0004
Date :  03 mars 1957
Coloration :  Couleur
Son :  Muet
Durée :  00:01:38
Cinéastes :  Breesé, Gilbert
Format original :  9,5 mm
Genre :  Film amateur
Thématiques :  Carnaval, Habit traditionnel
Institution d'origine :  MIRA

Contexte et analyse


Le carnaval, une tradition séculaire

Se déroulant au cours d'une période comprise entre le milieu de l'hiver et le début de l'été, le carnaval est une fête rurale et urbaine caractérisée par le travestissement et la transgression ritualisée d'interdits et autres tabous. Dès le Moyen-Âge, cette pratique est encadrée par l’Église. Associée à des fêtes chrétiennes et s'insérant dans le cycle précédant le Carême, elle reprend les thèmes religieux de la mort et de la renaissance, du chaos et de l'ordre, au centre desquels l'exaltation de l'homme sauvage fait office de médiation. La procession burlesque se clôt généralement par le sacrifice de l'homme sauvage, symbole du retour au calme, du triomphe de la société sur le chaos. Malgré l'anarchique ambiante, le carnaval tient en réalité un rôle social important permettant à chacun, sous les traits d'êtres monstrueux ou grotesques, l'excès et la subversion ; le carnaval s'apparente ainsi à une sorte de catharsis populaire.

Le carnaval de Strasbourg

A Strasbourg, cette tradition se perd néanmoins à l'époque du Reichsland et finit par disparaître complètement après que l'administration allemande a vainement tenté de la relancer. En effet, d'abord encouragé par l'occupant, le « Carnaval des Allemands »[1] est finalement supprimé en 1902 lorsque les Alsaciens décident d'intégrer cette tradition à la valorisation d'une culture régionale relativement germanophobe.

En février 1956, Germain Muller et Raymond Vogel, les fondateurs du cabaret strasbourgeois « De Barabli » font le pari de relancer cette tradition longtemps oubliée et organisent une grande procession satirique, essentiellement composée d'acteurs du cabaret, en l'honneur de Crocus Morus, brûlé le soir-même sur la Place Broglie. Mais, s'ils sont déjà nombreux à venir y assister, ce carnaval ne marque pas vraiment l'histoire de la ville et est considéré comme un échec.

Le « Carnaval des Marchands » - Eve Cerf

Un char parrainé par la "Bijouterie Roger" et le "Restaurant Stadtwappe".
L'année suivante cependant, les commerçants strasbourgeois décident de retenter l'expérience et de remettre aux goûts du jour la tradition du carnaval afin d'animer le centre-ville et d'attirer les touristes. Le « Carnaval des Marchands »[2] fait figure d'opération de prestige visant à offrir à Strasbourg le rayonnement d'une ville rhénane prospère. Le dimanche 3 mars 1957 se tient ainsi un carnaval est entièrement financé par les commerçants eux-mêmes, en attestent les nombreux chars « sponsorisés », arborant le nom d'enseignes et d'entreprises strasbourgeoises.
Un char financé par les "Galeries Martine Carol", à la décoration bien éloignée des thèmes traditionnels du carnaval.
La confection des chars est quant à elle confiée à des carnavaliers de métier. Au-delà de l'aspect publicitaire, on retrouve aussi des motifs issus de la culture de masse, à l'image du Roi du carnaval qui boit un biberon d' Orangina. Le style est ainsi assez hétéroclite, avec la présence de clowns, de déguisements inspirés du carnaval de Venise ou encore de majorettes, et ressemble finalement davantage à une grande parade festive et commerciale qu'au carnaval rhénan traditionnel. D'ailleurs, il s'agit d'un spectacle payant puisque les ponts qui mènent à l'hyper-centre sont coupés et chacun doit s'acquitter d'un droit d'entrée pour assister à la procession[3].


Bim-Bam, le roi du carnaval

On honore Bim-Bam avant de le brûler de la même façon que son prédécesseur Crocus Morus. Ce 3 mars 1957, c'est ainsi le tout jeune Bim-Bam Ier, une couronne sur la tête, un biberon dans la main et une tétine autour du cou, qui défile, tiré par un petit cheval à roulette [4].
Le char de Bim Bam Ier.
Le carnaval de Strasbourg n'est ainsi pas totalement dépourvu de son sens de l'absurde et du grotesque. Toutefois, il ne laisse pas vraiment la place au monstrueux et au subversif comme le faisait la tradition. Bon enfant, préférant l'ordre et l'harmonie des fanfares aux danses extravagantes et obscènes, le carnaval devient dès lors une fête familiale, à destination des petits et des grands. Et même si son esprit provocateur réapparaît de façon discrète dans les éditions suivantes, le « Carnaval des Marchands » est jugé coûteux et trop éloigné de son rôle social originel, si bien que les Strasbourgeois finissent par le délaisser. Il se tient pour la dernière fois en 1962.

Lieux ou monuments


Avenue de la Paix, Strasbourg; Avenue des Vosges, Strasbourg

Bibliographie


Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, pp.24-37

Eve Cerf, « Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp.40-47

Jacques Heers, Fêtes des fous et Carnavals, Paris : Fayard, 1983

Freddy Raphaël et Geneviève Herberich-Marx, « Éléments pour une sociologie du rire et du blasphème », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, pp. 4-10
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Article rédigé par

Valentine Vis, 02 janvier 2019


  1. Aller Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p. 27
  2. Aller Eve Cerf, « Carnavals en Alsace : tradition, évolution, manipulation », Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°7, 1978, p.30
  3. Aller Eve Cerf, "Wackes Fasenacht : le Carnaval des Voyous à Strasbourg", Revue des Sciences Sociales de la France et de l'Est, n°21, 1994, p.42
  4. Aller B.V., "Le triomphe de Bim Bam 1er", Dernières Nouvelles d'Alsace, 7 mars 2007, http://sitemap.dna.fr/articles/200703/07/le-triomphe-de-bim-bam-1er,strasbourg,000003198.php