Faustball (0037FS0009)
Résumé
Contexte et analyse
Aux vues du format utilisé et des images filmées, on peut supposer qu'il s'agit d'un film amateur destiné à conserver un moment de la vie d'une ou de plusieurs personnes. L'utilisation du ralenti (permise pour ce format par le téléobjectif et de la manivelle des caméras[1]) permet d'ailleurs de capturer des instants précis et rapides comme des actions d'un sport collectif. C'est le cas dans le film (on peut citer le passage vers 2:50 par exemple). De plus, à l'origine, le format 16 mm, lancé par Kodak en 1923 aux Etats-Unis fut le format le plus coûteux mais disposait d'une largeur utile d'image plus importante (10 mm). Ce format finit, en 1935, par être présenté sous forme de cassette[2] consulté le 31/12/2019.</ref>. Par ailleurs, dans le film, la caméra s’intéresse davantage à une partie du terrain et donc, à une équipe en particulier. Le but du cameraman était donc de conserver l'action d'une seule équipe où, peut-être, un membre de sa famille jouait. De plus, à 5:55, on a une vue de près d'un joueur ayant ce qui ressemble au blason de Strasbourg sur le haut de sa tenue. On peut émettre alors l'hypothèse que son équipe représenta cette ville ce jour-là.
== Un sport aux règles particulières ==
L'avantage de ce sport est qu'il est facile de le mettre en place, dispose de règles plutôt simples et qu'il peut se jouer aussi bien en intérieur qu'en extérieur. Le faustball se démarque par son aspect insolite qui rappelle le volley-ball. Le faustball (ou fistball) était déjà pratiqué en Allemagne au XVIIème siècle[3].Bien que cette discipline soit très ancienne, les règles de cette discipline ont été publiées en 1894[4]. Dans cette discipline, deux équipes de cinq joueurs s'affrontent. Le but, pour marquer des points, est de faire passer la balle par-dessus un filet ou une corde (que l'on peut voir à 2:03 par exemple) sans qu'un adversaire ne puisse la renvoyer. Les joueurs ne peuvent toucher la balle qu'avec le poing (sachant que toucher la balle avec la main ouverte octroie un point à l'équipe adverse) ou le bras. il est également interdit de toucher le filet avec le ballon ou un joueur (cela donne un point aux adversaires). Il faut d'ailleurs noter qu'un ballon de faustball est plus lourd que celui utilisé au volley-ball. En outre, les équipes jouent un nombre défini de sets (allant de deux à cinq). pour remporter un set, il faut marquer onze points avec au moins deux points d'écart entre les équipes[5]. Contrairement au volley-ball, le ballon peut rebondir deux fois[6]. Un point est marqué lorsqu'un joueur commet une erreur ou lorsqu'il ne peut pas renvoyer la balle. Pour finir, il y a un arbitre qui lui-même est assisté par deux juges. On voit, en effet, deux hommes n'étant pas en tenue de sport, sur les bords du terrain à 0:54.
== La nazification de l'Alsace ==
S'il y a bien une chose que l'on constate dans ce film, c'est l'obligation pour les joueurs d'effectuer le salut nazi (que l'on voit à 0:03 et plus tard à 5:50).En effet, l'Alsace subit de plein fouet la nazification. L'objectif était de faire de l'Alsace une région appartenant "corps et âme à l'Allemagne nationale-socialiste"[7]. Hitler considérait déjà l'Alsace et la Lorraine, dès le 21 juin 1940 comme lui appartenant, alors que l'Armistice n'était effectif que le 25 juin[8]. Pour faire de l'Alsace une région allemande, il fallait y aller progressivement. Les deux Gauleiter convoqués à Berlin le 25 septembre 1940 reçurent carte blanche pour mener à bien cette opération ainsi qu'un délai de dix ans[9]. L'une des premières œuvres de propagande nazie eut lieu le 18 août 1940, à l'occasion du match de football opposant Strasbourg et Pforzheim au stade de la Meinau. L'équipe alsacienne avait d'ailleurs obligation de faire le salut nazi. D'anciennes vedettes du football local avaient été rassemblées pour l'événement telles que Hoffmann, Gerber ou Woehl. Le conseiller ministériel chargé de l'Education physique (le Dr Kraft) ainsi que le major Ernst (Oberstadtkommissar de Strasbourg) se trouvaient dans les tribunes décorées avec le drapeau à croix gammée[10].
La nazification passe également par l'éducation. Schmittherner (responsable de l'éducation en Alsace, nommé par Robert Wagner, le gauleiter de Bade et chargé de la germanisation de l'Alsace[11]) publia, le 24 novembre 1943, L'activité politique dans les écoles, une circulaire dans laquelle il souhaite que l'école serve uniquement la politique nazie[12]. De plus, tous les enseignants devaient adhérer à la Reichsbund des Deutschen Beamten (association des fonctionnaires du Reich) et devaient prêter serment de servir l’idéologie nazie et de la transmettre. "Il nous avertit qu'il ne suffit pas à un professeur alsacien d'être loyal envers l'Allemagne, il faut avant tout être national-socialiste pour élever la future génération" selon le discours d'Albert Beicher de la Mathias Grünewald-Oberschule (il en fut le directeur de 1941 à 1945) le 22 août 1940[13][14]. Par ailleurs, dès la rentrée des classes du 3 octobre 1940, le salut nazi était obligatoire ainsi que Heil Hitler ! à chaque début et fin de leçon[15].
== Le sport sous l'Occupation en Alsace et en France : un outil idéologique ==
Après la défaite française, l'Alsace retourna à l'Allemagne dés le 10 mai 1940 jusqu'à la fin de l'année 1944. Le monde du sport alsacien n'est pas épargné par la germanisation et la nazification. Le 3 septembre 1940, l'ensemble des associations religieuses, culturelles et sportives sont dissoutes ou, pour certaines, rassemblées (comme ce fut le cas à Mulhouse où furent regroupées en une association unique l'Olympia de Dornach, l'Espérance et la Mulhouse)[16]. Le sport occupe d'ailleurs une place de choix dans l'idéologie nazie. En effet, la supériorité de la race allemande se démontrerait par les exploits physiques et sportifs comme nous le rappelle Pascal Boniface dans Géopolitique du sport (2014). En Alsace, la gymnastique, par exemple, est élevée au-dessus des autres matières enseignées dans ce but[17]. En outre, en juin, les membres de la Hitlerjugend et de la Bundes Deutscher Mädel (pour qui le sport est une activité centrale) participèrent, tous les ans, à des concours sportifs, le Reichssportwettkampf[18].
Du côté de la France, parmi les réponses cherchant à expliquer la défaite, on trouve, dès juin 1940, le manque de formation de la jeunesse, notamment dans le domaine du sport, qui est mis en avant. Le maréchal Pétain, après la défaite, affirmait justement que "depuis la victoire, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice"[19]. C'est en vue de corriger cet écart que, dès la mise en place de l'Etat Français (juillet 1940), on note un encadrement de la jeunesse en cherchant à transmettre le gout du travail et de l'effort, ce qui se traduit par la création du CGEGS (Commissariat Général à l'Education Générale et Sportive)[20]. Il ne faut pas oublier que la France est alors touchée par une peur de son déclin sur ce plan et dans le domaine culturel depuis la fin du XIXème siècle. On peut citer en exemple les mauvaises performances françaises aux JO de 1896[21].
.Bibliographie
ARNAUD Pierre, SAINT-MARTIN Jean-Philippe et TERRET Thierry, Le sport et les Français pendant l'Occupation (1940-1945), Volume 1, Paris, L'Harmattan, 2002.
BENE Charles, L'Alsace dans les griffes nazies, Tome III, Paris, FeniXX, 1975.
BISCH Yves, Ecoles d'Alsace : les leçons de l'Histoire, Paris, FeniXX, 1996.
BONIFACE Pascal, Géopolitique du sport, Dunod, Armand Colin, 2014.
BOPP Marie-Joseph, Histoire de l'Alsace sous l'occupation allemande (1940-1945), Colmar, Place Stanislas, 2011.
BOPP Marie-Joseph, Ma vie à l'heure nazie : Colmar (1940-1945), Strasbourg, La Nuée Bleue, 2004.
MOUSSEAU Jacques (dir) et TAILHARDAT Pierre (dir), L'audiovisuel : de la théorie à la pratique, Paris, Retz, 2008.
PECOUT Christophe, "Le sport et l'éducation physique sous l'Occupation : discours et réalité. Le cas du Calvados" in Annales de Normandie, n°3, 2005, p 267-276.
REMY Steven P., The Heidelberg Myth : The Nazification and Denazification of a German University, Harvard University Press, 2002.
TERRET Thierry, Histoire des sports, Paris, L'Harmattan, 1996.
RIGOULOT Pierre, L'Alsace-Lorraine pendant la Guerre de 1939-1945, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, p 32.
https://cinememoire.net/index.php/les-formats-de-pellicules
http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/education_2eGM/nazification.php?parent=39#dummy
http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/education_2eGM/legislation.php?parent=39
Article rédigé par
Nathan Ernst, 03 janvier 2020
- Aller ↑ MOUSSEAU Jacques (dir) et TAILHARDAT Pierre (dir), L'audiovisuel : de la théorie à la pratique, Paris, Retz, 2008, p 30.
- Aller ↑ https://cinememoire.net/index.php/les-formats-de-pellicules consulté le 31/12/2019
- Aller ↑ LIPONSKI Wojciech, L'encyclopédie des sports, Poznan, Atena, 2003, p 185.
- Aller ↑ https://www.connexion-francaise.com/vivre-en-allemagne/le-fistball-un-sport-allemand-peu-connu consulté le 01/01/2020
- Aller ↑ Ibid.
- Aller ↑ PARIENTE Robert et SEIDLER Edouard, Dictionnaire des sports, Paris, Editions Seghers, 1963, p 339.
- Aller ↑ BENE Charles, L'Alsace dans les griffes nazies, Tome III, Paris, FeniXX, 1975, p 71.
- Aller ↑ Ibid, p 41.
- Aller ↑ RIGOULOT Pierre, L'Alsace-Lorraine pendant la Guerre 1939-1945, Paris, Presses Universitaires de France, 1997, p 32.
- Aller ↑ BENE Charles, L'Alsace..., p 71.
- Aller ↑ REMY Steven P., The Heidelberg Myth : The Nazification and Denazification of a German University, Cambridge, Harvard University Press, 2002, p 80.
- Aller ↑ BISCH Yves, Ecoles d'Alsace : les leçons de l'Histoire, Paris, FeniXX, 1996, p 182.
- Aller ↑ http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/education_2eGM/legislation.php?parent=39 consulté le 01/01/2020.
- Aller ↑ BOPP Marie-Joseph, Ma vie à l'hzure nazie : Colmar (1940-1945), Strasbourg, La Nuée Bleue, 2004, p 37.
- Aller ↑ http://www.crdp-strasbourg.fr/data/histoire/education_2eGM/nazification.php?parent=39#dummy conulté le 01/01/2020
- Aller ↑ TERRET Thierry, ''Histoire des sports, Paris, L'Harmattan, 1996, p 29.
- Aller ↑ BOPP Marie-Joseph, Histoire de l'Alsace sous l'occupation allemande (1940-1945), Colmar, Place Stanislas, 2011, p 159.
- Aller ↑ Ibid, p 150.
- Aller ↑ PECOUT Christophe, "Le sport et l'éducation physique sous l'Occupation : discours et réalité. Le cas du Calvados" in Annales de Normandie, n°3, 2005, p 267-276.
- Aller ↑ Ibid.
- Aller ↑ ARNAUD Pierre, SAINT-MARTIN Jean-Philippe et TERRET Thierry, Le sport et les Français pendant l'Occupation (1940-1945), Volume 1, Paris, L'Harmattan, 2002, p 24.