Jamborée de la Paix Moisson de 1947 (0129FH0004)
Avertissement[1]
Événements filmés ou en lien
Résumé
Contexte et analyse
LE JAMBOREE DE 1947 : LE RETOUR DU SCOUTISME ET DE LA FRANCE
Le sujet de ce film est le Jamboree qui s’est déroulé à Moissons dans les Yvelines du 9 au 18 août 1947. Le Jamboree est un mot d’origine sud-africaine et désigne un grand rassemblement scout. Celui de Moisson s’inscrit dans les Jamborees mondiaux car ce fut le VIe, dix ans après le Ve Jamboree mondial qui s’est déroulé en Hollande. La France devait accueillir le Jamboree en 1941 mais la guerre fit annuler l’évènement.Une fois la guerre finie on cherche à organiser un nouveau Jamboree dès 1944. L’année 1946 était difficile car les conditions et la venue des participants demandaient trop d’efforts et de compromis. On choisit donc 1947: deux ans après la fin de la guerre, la réunion prend symboliquement le nom de « le Jamboree de la Paix ». Cette structure fut créée en décembre 1944 par les quatre associations masculines du scoutisme français : les scouts de France, les Eclaireurs de France, les Eclaireurs unionistes de France et les Eclaireurs israélites de France.
Geo Rieb, réalisateur du film, semble vouloir montrer un aspect fondamental du Jamboree de 1947 : la diversité. En effet, l’évènement se déroulant près de deux ans après la paix, il est le premier rassemblement scout et le premier rassemblement international en France après la guerre. Exactement 24 152 scouts, originaires de 40 pays différents, se sont rassemblés durant ces dix jours du mois d’août 47. Dans ce film, Geo Rieb prend un grand soin à montrer le plus grand nombre de campements étrangers et français. il filme notamment les Américains du Nord, les Anglais, les Mexicains, les Marocains, les Algériens, les Islandais, les Indiens ainsi que certains pays d’Afrique. La diversité est accentuée dans le film par de longs plans sur certains scouts de pays lointains : africains, indiens, américains etc. Le réalisateur consacre même une partie aux Néo-Zélandais déguisés en Maoris.
Le film ne manque pas non plus de montrer différents campements français. Les premières images sont consacrées au campement alsacien auquel le réalisateur appartient. Ce dernier suit d’ailleurs tout au long du Jamboree un petit groupe de scout venant d’Alsace qui visite les différents camps nationaux. Les scouts ne sont pas les seuls participants à l’évènement: il y a également des civils, dont près de 40 000 campeurs. Les grands absents paradoxaux à ce "Jamborée de la Paix", sont les scouts allemands qui n'ont pas été invités officiellement par les organisateurs. Toutefois, une délégation de la Pfadfinderschaft Sankt Georg de Sarre était bien présente à ce rassemblement mais uniquement en tant que visiteurs. Geo Rieb, alsacien de naissance, n’a semble-t-il pas filmé ce petit groupe d’allemand.
Le réalisateur met également en exergue le caractère extraordinaire des structures mises en place lors du Jamborée de 1947. L’organisation de cet évènement demanda un travail considérable sous la direction du Commissaire général Henri Van Effenterre et du Chef de Camp Eugène Arnaud. Le film montre que les campements ont été installé sur un immense terrain plat en bord de Seine. Il s'étendait en effet sur près de 600 hectares et était divisé en sous-camps destinés aux scouts. Ces sous camps étaient eux-mêmes répartis entre les différentes nations et régions. Les Etats-Unis disposaient par exemple de cinq sous camps. Sur la Seine, une île rebaptisée « île de la tortue » abritait près de 500 scouts marins, dirigés par Pierre-Yves Labbe, qu’on peut apercevoir dans le film; leur campement nécessita la création d’un appontement sur le fleuve. Geo Rieb s’est attardé sur certaines activités liées à l’eau et à ce campement « hors-norme » : ballet d’avion, déplacements en bateau, nage etc.L’appontement n’est cependant pas la seule construction d’envergure construite pour l’occasion. Dans le film de Rieb, dès les premières images, on aperçoit une gare, celle de Rosny-Jamboree, construite exclusivement pour le Jamboree afin d’acheminer tous les participants directement sur le lieu. On voit arriver dans cette gare des milliers de scouts venus du monde entier en train ou en car. Le réalisateur a cherché à montrer l’envergure de l’évènement dès les premières images avec des plans balayant la foule et la gare. A l’intérieur même du terrain, le train "ex-Maginot", récupéré de la véritable Ligne Maginot, fut mis en place et servit à véhiculer les scouts et 300 000 visiteurs pendant la durée des rencontres. Rieb a, à plusieurs reprises, filmé ce train dans son film avec un grand nombre de scouts installés dessus pour vadrouiller entre différentes parties du terrain. A côté de cela, d’autres infrastructures sont créées comme un bureau de poste, une banque, un marché d'échanges et même une police intérieure.
Les grandes réalisations émanent également des participants scouts eux-mêmes. Geo Rieb s'attarde dans son film, au célèbre sous camp lorrain, qui se fît remarquer par un gigantesque bateau terrestre nommé "Pourquoi Pas ?" (en référence aux bateaux des expéditions antarctiques) et construit sur place : 40 mètres de long, 21 mètres de haut. Il fut inauguré le 12 août par le ministre de la Marine, M. Louis Jacquinot accompagné de l'Amiral Ortoli et de nombreuses personnalités civiles et militaires. Les scouts s’y entraînaient pour l’obtention d’un brevet de gabier valable dans la marine. La « cérémonie des Adieux » du 18 août 1947 est également la preuve des moyens extraordinaires réquisitionnés. Rieb a clairement montré l’ampleur du dernier rassemblement durant lequel les milliers de scouts se sont rassemblés.
La participation de personnalités importantes montre que les enjeux d’un tel évènement sont importants pour la France d’après-guerre. Le gouvernement français a d'ailleurs financé le projet à hauteur d'une centaine de millions de francs. Le président de la République s'est même rendu sur place. Le chef militaire Jean De Lattre de Tassigny rend également visite au campement et on le voit dès les premières images du film, en uniforme. Ce dernier a beaucoup aidé le scoutisme français dans l’après-guerre et notamment lors d’une manifestation en avril 1945 à Paris, où un grand nombre de scout ont défilé dans les rues de la capitale. Le Jamboree était en fait une manière pour le gouvernement français de revenir sur la scène internationale.
DES ALSACIENS AU JAMBOREE
Geo Rieb n’a pas seulement livré un simple film sur le Jamborée, il a également monté un film très personnel. Né en 1909 à Strasbourg, le réalisateur est alsacien de naissance et montrer ce Jamborée de 1947 n’est pas un choix anodin. En effet, dans sa jeunesse il passe une grande partie de ses loisirs chez les Eclaireurs Unionistes : comme Louveteau puis Eclaireur et Chef de troupe. Adulte, il continue de se dévouer pour le scoutisme protestant et sera Commissaire régional des Eclaireurs Unionistes. Sa présence au sein du groupe des scouts alsaciens n’est donc pas un hasard. Rieb est particulièrement soigneux dans son film en lui donnant un titre dès le début et le divise en parties titrées également. On suit chronologiquement le dérouler du séjour, de l’arrivée des scouts en gare de Rosny-Jamboree au démantèlement du camp, en passant par les activités ludiques et les différentes cérémonies d’ouverture et de fermeture. Dans une grande partie du film, nous suivons un groupe de scout alsacien en visite dans le camp. Le réalisateur fait comme si le spectateur faisait en faisait partie. Certains plans sont particulièrement maîtrisés comme les plans fixes montrant le petit groupe traverser des lieux, à la manière d’un véritable film professionnel.
Geo Rieb semble particulièrement attaché à sa région natale et s’attarde sur certains détails qui relèvent de l’identité alsacienne. Le premier plan du camp est d’ailleurs la mise en place symbolique de la porte d’entrée du camp alsacien. Cette installation en bois est ornée de blasons dont celui de l’Alsace. A ces côtés, les armoiries de différentes villes alsaciennes : on distingue le lion rouge de Sélestat sur la poutre gauche, la bande rouge sur fond blanc de Strasbourg, la masse d’armes d’or de Colmar en haut à droite, Erstein etc. Elles correspondent aux villes principales alsaciennes et probablement aux villes d’où viennent les membres. Le camp ne manque pas à son lever de drapeau traditionnel chez les scouts de la Jamboree. Un lever qui a, en 1947, une forte signification pour les alsaciens qui, encore quelques années auparavant, étaient allemands pendant la guerre.
Les moments symboliques se succèdent puisque le commandant militaire Jean De Lattre de Tassigny rend visite au camp alsacien et franchit l’arche d’entrée. Le commandant fait partie des héros de la guerre et de la Libération de l’Alsace pendant l’hiver 1944-45. Geo Rieb s’attarde donc sur ce moment en montrant bien la joie et la fierté des jeunes alsaciens qui accueille leur libérateur. Une visite symbolique qui ne se fait pas sans humour puisque de jeunes garçons sont déguisés en costume traditionnel d’alsacienne et remettent un kouglof au chef militaire. Une démarche certes humoristique mais qui n’est pas sans rappeler les traditionnels remerciements faits aux chefs militaires libérateur dans l’après-guerre : une alsacienne qui offre des cadeaux à leur sauveur. La présence de l’Alsace dans un Jamboree international où les Allemands n’ont pas été conviés est très importante. De fait, elle joue un rôle dans la dynamique d’éducation populaire et de réintégration culturelle des alsaciens en France dans lesquels De Tassigny a participé également. Le scoutisme en Alsace participait à un vœu de pacification et de grand rassemblement. En tout, près de 600 scouts alsaciens ont participé au Jamboree.Après un bref aperçu de la cérémonie d’ouverture du Jamboree et de ses torches nocturnes, vient la partie où le spectateur visite le camp accompagné d’un groupe de scout : « En patrouille dans le Jamboree ». Les premiers plans de cette partie montrent bien le soin pris par Geo Rieb dans la réalisation de ce film. En effet, tous les mouvements et gestes des scouts alsaciens présents semblent avoir été ordonnés et appris comme un véritable scénario. Les patrouilleurs passent ensuite sous une cathédrale de Strasbourg construite dans le camp. Encore là, l’identité alsacienne est mise en valeur. Démarre donc la visite, premièrement dans les camps indiens puis vient un plan bref sur ce qui semble être un grand mirador alsacien avec, sur son toit, une cigogne. Les enfants regardent partout et montrent bien qu’il s’agit d’une visite-découverte du camp. Des filles apparaissent pour la première fois dans le film, dont trois sont habillées en alsacienne. Elles n’étaient effectivement pas absentes du Jamboree mais leur nombre était très faible. On voit ensuite la cathédrale Saint Paul de fortune construite dans le camp anglais. Les patrouilleurs alsaciens passent ensuite dans l’édifice le plus extraordinaire de l’évènement : le « Pourquoi Pas ? » bateau terrestre dans le camp lorrain. On les voit après traverser la porte du camp marocain. Ils visitent camp après camp l’ensemble du rassemblement.
Le cinéaste amateur s’attarde sur le monument des scouts Unionistes auxquels il est particulièrement attaché puisqu’il en a fait lui-même partie. Il est à noter que tous les scouts, de toutes les croyances étaient représentés lors du Jamboree : les catholiques, les Juifs, les protestants, les hindouistes, les laïcs etc. Rieb filme ensuite une cérémonie qui correspond sans doute à celle du 14 août lors de la visite du Président français et du corps diplomatique.
Dans cette séquence, mais également par la suite, le cinéaste s’attarde sur les instruments et les orchestres. Cela correspond à nouveau un trait de sa personnalité. En effet, Rieb est lui-même héritier d’une dynastie de passionnés de musique et de danses alsaciennes. Geo Rieb père fut tromboniste à l’Opéra puis créa en 1948 le groupe « D’Luschtige Steckelburjer », « Les Joyeux Strasbourgeois », qui se consacrera à la musique alsacienne. Ce goût pour la musique se relève très largement dans son film. Il filme également des danses traditionnelles alsaciennes ainsi que des danses bretonnes qu’il a pu croiser lors de ses journées dans les campements. Par ailleurs, on peut voir des danses amérindiennes et maoris. L’ensemble de ces danses et costumes traditionnels prennent une grande place au sein du film et montre bien l’intérêt porté par le cinéaste.
Certains plans se focalisent sur des personnalités probablement importantes dans le scoutisme dont un où l’on voit sortir un grand nombre d’hommes d’une tente. Ils faisaient certainement partie des chefs scouts venus en renfort et qui avaient un sous camp dédié. Vient ensuite une partie consacrée aux scouts marins et aériens qui ont eu deux journées dédiées, celles du 15 et 16 août 1947. Il faut également relever que le cinéaste fait des choix dans ce qu’il vaut montrer. Ici en l’occurrence, bien qu’il tente de faire un faire exhaustif, Geo Rieb ne montre pas la journée du 17 août durant laquelle les associations féminines ont visité le camp. Les 5 dernières minutes du film sont consacrées à la fin du Jamboree. Le lundi 18 août 1947 s’est déroulée la cérémonie des Adieux: Rieb filme principalement le grand ballon représentant la planète Terre qui roule sur les milliers de scouts rassemblés dans l’Arène. On ne le voit pas clairement sur le film mais la sphère fut, durant la cérémonie, attaquée par des « forces du mal » qui seront anéanties par la suite. En fin de cérémonie, les scouts, main dans la main, entonnèrent un "Ce n'est qu'un au revoir mes frères" pour se dire adieu. Cette mise en scène montre bien l’enjeu pacifique qui embaumait les tentes de cette Jamboree, seulement deux ans après la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Après cela, les scouts ont défilés en brandissant leurs bannières et leurs drapeaux nationaux. Le démantèlement n’aura lieu que le 20 août et dont on voit quelques images dans le film.
De nombreux films ont été réalisés pour cet évènement mais la plupart financé par le gouvernement français. Celui-ci, réalisé entièrement par un amateur, est donc particulièrement intéressant pour son approche et les informations qu'il nous livre concernant la vie dans les campements. Geo Rieb nous livre un reportage très personnel du Jamboree en s'attardant sur certaines activités pour lesquelles il porte un grand intérêt. Le film est cependant réalisé avec un grand soin et un montage efficace qui témoignent de la passion du réalisateur pour les images et les films.Personnages identifiés
Lieux ou monuments
Bibliographie
FUCHS Julien, Jeune Alsace, école de la Nation (1944-1947). In: Agora débats/jeunesses, 40, 2006. La démocratie associative ? Perspectives historiques. pp. 22-36.
GHERDANE Mehdi, 28 avril 2017, « Moisson : 70 ans après, des milliers de Scouts revivent le « Jamboree de la paix » », In : Le Parisien, URL : http://www.leparisien.fr/yvelines-78/moisson-78840/moisson-70-ans-apres-des-milliers-de-scouts-revivent-le-jamboree-de-la-paix-28-04-2017-6899676.php
https://fr.scoutwiki.org/Jamboree_de_1947
https://www.latoilescoute.net/1947-6e-jamboree-mondial-moisson
Article rédigé par
Arnaud Issler, 09 mai 2020
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