L'art humble de la terre et du feu : Betschdorf (0132FI0019)


Avertissement[1]

Résumé


« L’art humble de la terre et du feu », traite de l’art de la poterie en Alsace-Lorraine. Des petits ateliers artisanaux de Betschdorf à la grande faïencerie de Niderviller les techniques se diversifient et s’affinent, l’artisanal laissant place à la précision mécanique. L’extrait concernant Betschdorf commence à 15 minutes 35 et se termine à 17 minutes. Ce très court passage du documentaire met en évidence les spécificités de la poterie du village de Betschdorf et la diversité de ses artisans.

Description


La source est un extrait de film documentaire, elle est donc fiable. L’auteur apporte lui aussi une grande crédibilité à ce qui est raconté dans ce film. Il est instituteur et est très intéressé par l’histoire locale. De plus il réalise de nombreux documentaires sur l’artisanat en Alsace-Lorraine et demande à des artisans de reproduire des gestes spécifiques. Ces derniers acceptent volontiers de se prêter au jeu de la caméra et ainsi d’immortaliser ce savoir faire. L’expertise de ces professionnels couplée au talent et à l’intarissable passion d’Albert Schott aboutissent à des films d’une grande précision et fiabilité. De plus ces films sont présentés un peu partout dans la région et certains sont mêmes achetés par deux musées dont l’écomusée d’Ungersheim. L’achat de ses films par des structures sérieuses contribue à asseoir sa crédibilité en tant que réalisateur de documentaires et la confiance à apporter en ce qu’il rapporte. De plus les critiques dont souffrent ses films concernent des aspects techniques bien plus que des questions de fond et notamment la durée des films. Le film est un documentaire, il y a donc beaucoup de coupures, l’extrait et par extension le film n’est pas en plan séquence. Un plan large au début de la séquence montre un panneau de la ville ce qui permet de situer géographiquement l’extrait. La caméra reste immobile lorsque Albert Schott filme la femme au début de l’extrait et réalise un traveling pour montrer des poteries. Le montage est dynamique lorsqu’il présente en fin d’extrait la diversité des poteries issues des ateliers de Betschdorf. À l’exception du premier plan qui se concentre sur le panneau de la ville les autres plans sont assez proches que ce soit de l’artisan qu’il filme ou des poteries. L’aspect documentaire est d’autant plus respecté que l’artisan ne regarde jamais directement la caméra, il n’est pas complice du réalisateur mais l’objet de son film. Quant au son, Albert Schott fait le choix pour une grande partie de son film de le rajouter chez lui, lors de son montage. En effet il n’y a que très peu de moments où le son est intradiégétique, il l’est lors de l’interview qui a lieu juste après cet extrait. Le reste des sons sont une musique et un commentaire de l’auteur sur les images qu’il a filmé au préalable. De plus l’auteur les enregistre chez lui demandant un silence d’église à sa famille pour enregistrer ses commentaires dans la meilleure qualité possible.

Potier Albert Schott.png

Pour le cadre choisi il s’agit dans le cas de l’extrait d’une jeune artisane en extérieur et un autre plan qui s’attarde sur des poteries, certainement filmé au même endroit. Albert Schott précise que c’est un jour de fête et que les artisans travaillent dehors. Il ne précise pas quelle est cette fête précisément. Cependant il est possible d’extrapoler sur cette fête car il existe à Betschdorf une « fête de la poterie » qui avait lieu tous les deux ans. De plus il y a aussi un parti prit de la part du réalisateur qui décide pour une des deux communes les plus célèbres pour ses poteries de s’attarder sur une personne. L’artisan est présenté par Albert Schott comme une « jeune et jolie potière », elle est la seule protagoniste de l’extrait entièrement visible. Une personne est visible au début de l’extrait et se tient debout derrière l’artisan. Aucun lien n’est établie entre les personnes mais la personne en arrière plan semble plus âgée et mieux équipée car elle porte un tablier. De plus la personne semble surveiller l’artisan, cependant Albert Schott décide de la filmer elle. En effet, il précise « qu’une douzaine d’artisans » exercent le métier de potier dans la ville de Betschdorf lorsqu’il tourne le documentaire pourtant il choisit de s’attarder sur elle. L’auteur n’apporte aucune précision pour ce choix. En général, un grand thème revient dans ses documentaires. Truffaut dans les cahiers du cinéma propose un mouvement nouveau qui est la « politique des auteurs ». L’un des points essentiels de ce mouvement est de chercher la récurrence d’un thème chez un auteur pour analyser de manière plus juste une œuvre. Chez Albert Schott le thème qui traverse sa filmographie est l’industrie qui prend le pas sur l’artisanat malgré l’importance de cette dernière. Ainsi mettre en premier plan cette jeune fille comme réceptacle du savoir traditionnel permet de montrer le renouvellement de ces techniques séculaires. Et dans cette logique d’auteur d’expliquer pourquoi il montre pour l’un des villages qu’il qualifie de « fleurons de la poterie en Alsace » une personne moins expérimentée que d’autres artisans présents à Betschdorf.

Métadonnées

N° support :  0132FI0019
Date :  1984
Coloration :  Couleur
Son :  Sonore
Timecode :  00:15:35
Durée :  00:01:30
Cinéastes :  Schott, Albert
Format original :  Super 8 mm
Langue :  Français
Genre :  Documentaire
Thématiques :  Industrie

Contexte et analyse


Albert Schott, archiviste des métiers traditionnels

L’extrait vidéo est issu d’un documentaire qui se nomme L’art humble de la terre et du feu, réalisé par Albert Schott. Albert Schott est un instituteur qui débute sa carrière en 1940, et qui très vite réalise des chroniques de Walscheid son village natal en Moselle. Ce n’est qu'une fois à la retraite qu’il peut s’adonner à ses deux passions; la vie régionale et le cinéma. Ainsi dès 1970 et dans les années 1980 il réalise une série de documentaires consacrés à l’artisanat et aux savoir-faire régionaux qui disparaissent avec la démocratisation des machines. Perfectionniste, il enregistre lui même les commentaires audio de ses documentaires et les agrémente même de bruitages qu’il capte lors de ses tournages. Il organise des projections et présente ses films à des festivals, cependant en raison de reproches quant à la durée de ses films il ne connait pas un grand succès. Ses films sont néanmoins reconnus pour leurs qualités documentaires et deux d’entre eux sont achetés par des musées. Albert Schott réalise ce documentaire en 1984, il a donc une longue expérience derrière lui lorsqu’il débute ce film et répète les formules qu’il utilise dans ses réalisations précédentes.

Betschdorf et sa poterie

Le titre donné au documentaire, « L’art humble de la terre et du feu », semble provenir des expressions «poterie de terre » et « terre de feu » qui sont des expressions françaises équivalentes au mot allemand « tonwaren » pour désigner une poterie en terre. Cette expression de « terre de feu » peut se rapporter au titre qu’il donne à son documentaire notamment dans ce contexte car il est question de poterie. La connaissance de cette expression par l’auteur montre une forme d’érudition et un travail de recherche en amont qui témoigne d’une crédibilité que l’on peut donner à son documentaire.Une évolution se fait au sein du documentaire, après un rappel des traditions archaïques il présente de petits ateliers artisanaux, puis une usine. Le réalisateur dans son documentaire met en évidence une évolution dans la conception de la poterie. L’extrait apparait au début du documentaire, donc lorsque le réalisateur présente des artisans.

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L’extrait dure une minute trente et commence par s'intéresser à une jeune potière qui exerce à Betschdorf. Le narrateur précise que lors de cet enregistrement elle travaille dehors en raison d’une fête. Cette femme utilise une roue de poterie pour confectionner un pot. Une fois le pot terminé le narrateur montre d’autres poteries issues de Betschdorf. Cette femme est l’un des 12 artisans indépendants qui exercent ce métier à Betschdorf. Tous ces artisans réalisent des poteries particulières, ces dernières ont des couleurs grises et bleues très caractéristiques de la ville. Le narrateur parle des raisons du développement de la poterie précisément à Betschdorf et propose de remonter à 1717 pour le développement de la poterie dans le village alsacien.

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Le musée de la poterie de Betschdorf nous donne des éclaircissement sur les origines de la poterie mais propose de remonter à 1586 et d’en donner la parenté à un potier du nom de Koetchen. Ce dernier est un allemand qui s’installe dans ce village alsacien pour la qualité de son grès, la matière première des poteries en argile. C’est de son savoir faire que fleurit un artisanat déjà enraciné lors de l’implantation de l’entreprise de verrerie qu’il mentionne lors de l’extrait. En 1717 la poterie s’y développe pour supporter une entreprise de verrerie. Des pots en grès y sont nécessaires pour supporter la température de fusion du verre. Cette température de fusion se situe entre 800 et 1400°C, quant au moulage en grès il est chauffé à 1300°C lors de sa vitrification et peut donc largement supporter les températures nécessaires à la fusion du verre. La vitrification est un procédé qui consiste à recouvrir une surface d’un vernis pour le protéger et lui donner un aspect plus esthétique. Dans le cas de Betschdorf cette vitrification est un un procédé très important qui caractérise sa poterie. La commune de Betschdorf n’apparait réellement que le 13 mars 1971 suite au regroupement de deux villages Oberbetschdorf et Niederbetschdorf.

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De plus cette tradition est encore visible en 1984 lorsque le film est tourné car sur le panneau présenté dans le premier plan de l’extrait, Betschdorf est présenté comme « ses maisons et ses poteries alsaciennes ». Cette tradition de la poterie alsacienne est une fierté et un argument touristique pour la commune alsacienne. Le blason adopté pour Betschdorf fait honneur à l’histoire des lieux et la poterie qui lui a permis de briller car une cruche y est représentée. Pourtant, pendant tout le XVIIIe siècle aucun potier n’était installé à Niederbetschdorf, ils étaient tous installés à Oberbetschdorf. Une des explications possible à cet état de fait est la présence d’un fleuve qui sépare les deux villages. Le tracé du cour d’eau fait que l’aval de ce dernier borde le village d’Oberbetschdorf, ainsi le grès qui est issu des différents cours d’eau environnants peut être récolté plus aisément.

Un savoir-faire singulier

Le type d’argile utilisé est aussi une caractéristique importante des poteries, en effet toute céramique est le résultat de la cuisson d’argile. Cependant les techniques et les types d’argiles varient ce qui permet de classifier ces céramiques. Dans le cas de Betschdorf les poteries sont dites « de grès ». Albert Schott parle aussi de la technique particulière qui permet d’aboutir à des couleurs si singulières sur la poterie de Betschdorf. La projection de sel lors de la cuisson permet de faire ressortir les couleurs bleues et grises caractéristiques de la poterie de ce village. C’est donc le procédé de vitrification qui permet aux potiers d’aboutir à ces couleurs caractéristiques. Cette vitrification possède un autre avantage, elle permet d’éliminer la porosité caractéristique du grès employé lors de la confection des poteries. La vitrification se produit lorsque du chlorure de sodium (sel) est projeté contre la poterie dans un four à une température qui peut varier entre 1250 et 1300°C. Le chlorure de sodium se dissout et entre en contact avec le silicate d’illumine présent dans l’argile une glaçure. La glaçure est l’aspect brillant obtenu par ce procédé. Lorsque le silicate d’alumine est chauffé et que sa température dépasse 800°C à une pression normale il se transforme en Sillimanite ce qui explique cet aspect de glaçure. Ce procédé essentiel à l’obtention d’une poterie grise et bleue si caractéristique de la commune de Betschdorf n’est pas visible dans le documentaire.

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Pour entrer plus dans les détails des techniques qui sont employées dans cet extrait il convient de préciser qu’il existe plusieurs façons de faire de la poterie. Au vu du caractère de certaines elles sont mises en place dans des usines et d’autres par des artisans manuels. Il existe par exemple « le coulage » qui consiste à faire couler la page dans un moule. Une technique qui s’en rapproche est « l’estampage » où il y a aussi présence d’un moule mais un artisan doit appuyer sur les bords pour retirer les bulles d’air. Ces deux techniques sont elles aussi observables dans le film, mais la technique employée par l’artisan dans cet extrait est « le tournage ». Cette technique se fait toujours sur un plateau qui tourne constamment, ce plateau se nomme la tour. Cette technique se passe en quatre étapes; La première étape est le perçage où l’artisan avec sa main creuse la boule en grès. Puis vient l’affinage et le façonnage, moment au cours duquel l’artisan avec l’aide de ses mains ou d’autres outils, comme un ébauchoir ou une mirette, donne la forme décidée à la poterie. Enfin l’étape du tournassage qui consiste à retirer l’excès de grès sur la base de la poterie, cette étape a lieu lorsque la poterie commence à sécher.

Selon l’auteur Betschdorf et Soufflenheim, le village évoqué dans le film juste avant Betschdorf, resteront « pour très longtemps encore les fleurons de la poterie en Alsace ». L’auteur considère que ce savoir faire qui se perfectionne entre 1717 et 1984 place ce petit village alsacien comme l’une des capitales d’un savoir faire artisanal et traditionnel.

Bibliographie


Bibliographie:

- Erneweln J-L, La poterie de grès au sel, Éd. du Bastberg, 2006.

- Estanpille n°70, Les potiers de grès de Betschdorf, article de Leroy S, p47-50, 1975.

- Klein G, poteries populaires en Alsace, Ed. du Bastberg, Bouxwiller, 1989.


Sitographie:

- site consulté le 3 Avril 2020 [1]

- site consulté le 3 Avril 2020 [2]


Article rédigé par

Alexis Wurmlinger, 02 mai 2020


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