Patinage sur les courts du lawn-tennis de Strasbourg (0052FN0017)
Résumé
Description
Un groupe d’une dizaine de jeunes gens, filles et garçons, patinent de front main dans la main sur les courts du lawn-tennis de Strasbourg. Du monde autour d’eux. Des maisons à l’arrière.
Plusieurs plans où on les voit en ligne, main dans la main. Des gens circulent autour.
Un couple se tenant par la main dessine des cercles au sol.
Deux jeunes femmes débutantes. Elles regardent la caméra, l’une tombe.
Un homme avance avec une pancarte en bois et fait tomber deux autres patineurs à terre. Puis il tombe. La femme se relève en souriant.
Deux hommes se tenant par les mains patinent très vite. On aperçoit les bâtiments du parc des expositions au Wacken. Celui à la cravate fonce vers la caméra et la dépasse.
Un couple se tenant les mains en portefeuille patine.
Un homme patine en tenant deux femmes par la main. Seul il exécute un saut devant la caméra.
Une main montre une lame de patin au premier plan. Un couple patine vers la caméra et passe sous la lame. Divers plans de patineurs dont un avec des knickerbockers. Une femme se tient à un poteau.
Deux femmes font la pose à genoux à l’arrière-plan. Elles sont filmées à travers les jambes écartées d’un autre patineur qu’on voit aux bords du champ. Travelling haut vers son visage.
Le bâtiment du parc des expositions.
Contexte et analyse
Tandis que l’histoire des sports d’hiver commence dans la deuxième partie du XIXe siècle avec la naissance de la société de loisirs et la redécouverte de la montagne, le patinage est une activité hivernale ludique très ancienne, pratiquée en Europe depuis le Moyen-Âge. Pensons au célèbre tableau de Pieter Bruegel Paysage d’hiver avec patineurs et trappe aux oiseaux (1565) qui montre des patineurs sur un lac dans un village. Comme le ski, le patin à glace est originaire des pays scandinaves où il est un moyen de locomotion ancestral. Cependant, contrairement au ski, il se répand plus tôt en Europe. Réinvesti par les cours royales au XVIIIe siècle, le patinage devient un loisir bourgeois au siècle suivant. On patine alors à la campagne sur des lacs et des cours d’eau gelés, mais aussi en ville sur des canaux. Des clubs de patinage naissent à partir des années 1860 dans les grandes villes européennes où des patinoires artificielles sont rapidement aménagées. Ces nouvelles installations contribuent à démocratiser la pratique au XXe siècle. Des patinoires extérieures dont l’accès est relativement bon marché fleurissent alors dans toutes les villes françaises au cours années 1930.
Le patinage à Strasbourg
A Strasbourg, lorsque les conditions climatiques le permettent, les patineurs se retrouvent au début du XXe siècle sur l’Ill à la Petite-France ou sur l’étang de l’Orangerie. Ce dernier est utilisé à partir de l’hiver 1907 par l’association des patineurs de Strasbourg, Schlittschuhläuferverein, qui en assure aussi l’exploitation pour le grand public[2]. L’étang était ouvert au public à partir du moment où la glace atteignait une épaisseur de 15cm. Contre la somme de 2 Francs par adulte et 1 Franc par enfant[3], tout un chacun pouvait venir patiner. Ce film amateur témoigne de l’existence d’une autre patinoire à Strasbourg dans les années 1930 : celle du Lawn-Tennis Club de Strasbourg. Malgré l’absence de documentation[4], on peut supposer que cette installation éphémère est postérieure à 1933 car le Nouveau Journal de Strasbourg déplore à cette date le nombre insuffisant de patinoires dans la ville au regard de la fréquentation croissante de l’étang de l’Orangerie[5]. Fondé en 1900, le Lawn-Tennis Club se trouvait jusqu’en 2004 au croisement de la rue Jean Wenger-Valentin et de l’allée des Soupirs au Wacken, à l’emplacement de l’actuelle Maison de la Région, en face du Parc des expositions. On peut imaginer que le club transformait ses courts extérieurs en patinoire lorsque les températures ne permettaient pas de jouer dehors, certainement dans l’objectif de rentabiliser la location des terrains à la municipalité. On observe à plusieurs reprises les bâtiments et les halls d’exposition à l’arrière-plan de la patinoire (00:01:10 et 00:02:57). Au regard de la fréquentation de la patinoire dans le film, le Lawn-Tennis Club était vraisemblablement, lui-aussi, un lieu prisé des patineurs strasbourgeois.
Une jeunesse aisée qui se montre…
Contrairement à de nombreux films amateurs, cette séquence a certainement été tournée par une personne jeune, ou vraisemblablement par plusieurs personnes jeunes. Nous avons en effet affaire à un groupe d’amis qui s’amuse sur la piste de patinage et se met en scène face à la caméra. Bien que Marcel Meyer soit mentionné comme réalisateur, il n’est certainement pas l’opérateur de ce film, mais il a dû prêter sa caméra à l’un de ses enfants. Etant donné que le film amateur est une pratique encore largement réservée à la bourgeoisie dans les années 1930, il s’agit certainement de jeunes gens issus de cette classe sociale. Marcel Meyer était en effet chirurgien à l’Hôpital Civil. Les vêtements sont également le marqueur de cette appartenance sociale. On observe deux jeunes hommes porter des knickerboxers, pantalons bouffants et serrés au-dessus du genou, ou des pantalons de golf, type de pantalon bouffant qui descend sous le genou. Ces vêtements sont très à la mode dans les années 1930. Par ailleurs, l’une des jeunes femmes portent un pantalon et un pull-over, ce qui constitue une tenue typique de la nouvelle culture des sports d’hiver. Cette jeunesse aisée qui profite des loisirs hivernaux et qui défend également des valeurs d’amitié se trouve au centre du film. Les premiers plans sont très caractéristiques des représentations des bandes de copains car ils montrent le groupe d’amis, jeunes hommes et jeunes femmes confondus, patiner de front, main dans la main, face à la caméra. Tandis que ces plans insistent sur les valeurs d’amitié de groupe, d’autres plans montrent des duos, mettant plutôt en avant la complicité. Cette jeunesse cherche aussi à montrer ses capacités sportives et à filmer ses performances : patiner à toute vitesse, seul ou à deux, faire sembler de manquer la caméra de peu, faire un petit saut sur la glace. Notons qu’il s’agit seulement de performances masculines. Au-delà de l’amitié et de la performance, le ton qui domine ici est clairement celui de l’humour et du gag.
…et qui s’amuse
L’objectif de la bande de copains est en effet principalement de tourner un petit film comique en créant des scénettes drôles. Le motif qui est ici investi est celui de la chute sur la glace – situation comique classique et très attendue à la patinoire, mais qui semble toujours fonctionner. Les amis de l’opérateur sont manifestement complices de ce jeu puisqu’ils tournent à plusieurs reprises la tête vers la caméra avant de s’exécuter, comme s’ils attendaient le feu vert du metteur en scène. Ils parlent pendant la chute et lancent finalement des sourires entendus lorsqu’ils sont au sol. La première scène comique (00:00:41) est quelque peu artificielle car l’actrice semble tergiverser et discuter longuement avec l’opérateur avant de bien vouloir simuler une chute sur le postérieur. Elle se décide finalement, à grand renfort de mouvements de bras, et finit par adresser un sourire de satisfaction à la caméra une fois au sol.
La deuxième scène (00:00:55) est, quant à elle, bien mieux orchestrée, ou du moins mieux travaillée au montage car les signes de complicité entre acteurs et opérateurs sont très peu visibles. Cela s’explique d’abord par le scénario qui est plus élaboré - il y a cette fois trois acteurs, contre une seule auparavant – ainsi que l’intervention d’un élément perturbateur extérieur. La chute est en effet provoquée par un jeune homme à lunettes tenant un panneau dans les mains. Le manche du panneau fait tomber les deux personnes se trouvant sur le chemin du jeune homme qui finit par tomber lui-même, entraîné par le mouvement du manche. En regardant le plan une deuxième fois, on se rend compte qu’il s’agit d’une mise en scène et que les patineurs s’amusent à tomber. Les indices sont multiples. Le jeune homme à lunettes, par exemple, jette un coup d’œil en arrière, vers la caméra, avant de s’élancer en direction de ses amis. Ces derniers semblent attendre son arrivée et se décalent même légèrement afin de mieux simuler la collision du panneau avec leurs corps. La jeune femme est la première à se relever, le sourire aux lèvres, tandis que son comparse joue encore le mort au sol. Ces deux situations comiques, qui sont fondées sur la maladresse des corps, constituent donc des gags typiques du cinéma de l’époque. Cet effet cinématographique était en effet très en vogue dans les films des années 1930, par exemple dans le cinéma burlesque de Charlie Chaplin, qui ont certainement influencé notre opérateur.Lieux ou monuments
Bibliographie
GAUCHET Grégoire, L’aventure du ski dans les Vosges, Strasbourg, 2001
JOHN E., ALLEN B., Le ski en France 1840-1940, traduit de l’américain par Alexander J. Susskind, Wiltshire (Grande-Bretagne), 2003
KAUFFMANN Claude, GAUCHET Grégoire, Histoire des sports d’hiver et du ski en Alsace, Pontarlier, 2016
Archives de l'Eurométropole de Strasbourg :
234 MW 417
853 W 91
155 MW 52
Article rédigé par
Amélie Kratz, 10 mai 2019
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- ↑ Comme le demande la municipalité. AMS 155 MW 52.
- ↑ Les tarifs s’élevaient à 2,5 Fr en soirée pour les adultes. AMS 155 MW 52.
- ↑ Aucune mention n’est faite dans le dossier « Patinoire » aux Archives de l’Eurométropole de Strasbourg.
- ↑ AMS 155 MW 52.