Utilisateur:V. Sarbach

Contexte et analyse

Le tour de France est organisé chaque années depuis 1903 et a lieu généralement pendant une grande partie du mois de juillet. L’édition de 1947 est particulière car il s’agit de la première depuis l’interruption du tour en 1940 et donc depuis la défaite du nazisme en 1945. La France est encore dévastée et l’Alsace n’est pas épargnée. Un autre trait caractéristique de ce tour est son organisation en « chemin de ronde », c’est-à-dire un circuit collant les frontière du territoire français et allant même au-delà comme au Luxembourg et en Belgique. Strasbourg constitue une ville étape, les cyclistes arrivent le 28 juin de Luxembourg et repartent le 29 en direction de Besançon.

La caravane du Tour

Géo Rieb est plus connu pour ses œuvres musicales que pour ses films amateurs. En effet ce compositeur a écrit de nombreuses ballades appelées Les joyeux strasbourgeois à partir de l’année 1957. La présence de ces films amateurs témoigne donc de l’intérêt précoce de Rieb pour les événements dans sa ville. Le 28 juin 1847, il s’est employé a réalisé un court film sur l’arrivée du peloton à Strasbourg. Cela s’intègre dans une collection de films appelés A travers les sports qui s‘apparentent plus à des documentaires datant tous de 1947. Le film commence donc avec le passage des voitures publicitaires qui ouvrent la voie aux coureurs. On peut notamment remarqué la présence de marques françaises comme OCB qui est un fabriquant de papier fin et de papier à rouler ou encore l’éditeur musical Paul Beuscher qui a promulgué des titres très connus comme La Vie en Rose d’Edith Piaf. Mais la présence de journaux comme La Voix du Nord ou encore L’Equipe est intéressant de relever. Dans les deux cas, il s’agit de journaux créés après la guerre, en 1945 pour La Voix du Nord et en 1946 pour L’Equipe. Ce dernier est particulièrement intéressant car il est le successeur de L’Auto, créateur du Tour de France en 1903, et le fondateur du journal est Jacques Goddet, organisateur de l’édition de 1947.

Les courses

Rieb ne filme pas seulement le passage du Tour de France, mais également celle du circuit des Contades le 17 juillet de la même année. La bobine ayant un coût particulièrement élevé à cette époque, l’auteur a peut-être voulu économiser en mettant une autre course de vélo sur la même bande. Quoiqu’il en soit, il est intéressant d’associer deux circuits même si l’un est d’ampleur national alors que le second a une portée certainement plus locale. Il y a par ailleurs lieu seulement deux semaines après le passage du Tour. Les Contades est le quartier juif de Strasbourg, c’est ici que la synagogue de la Paix sera inaugurée en 1962. On remarque dans la manière de filmer de Rieb qu’il a du mal à stabiliser l’objectif peut-être dû au fait qu’il fait des prises de vues en mouvement rapide en tentant de suivre les coureurs. Il fait un montage successif des différents pelotons qui se succèdent durant le Tour. Pendant le circuit des Contades il n’hésite pas à changer de position pour avoir de meilleures prises de vues, une fois dans les rues de Strasbourg, une autre fois dans le parc de Contades lui-même. Il lui arrive de prendre des prises de vues au plus près des coureurs, en se mettant au sol pour avoir une vue en contre-plongée des cyclistes. Il est probablement sur la route elle-même car les techniques de zoom lui permettant de telles séquences depuis le trottoir ne se diffuse qu’à partir des années 1950. Par ailleurs, s’il n’a pas une caméra à stabilisation d’image, il est peu probable que son appareil soit équipé d’un dispositif tant avant-gardiste que le zoom. On remarque que la course du circuit des Contades semble être un événement assez important car on peut apercevoir à certains moments de nombreux spectateurs réunis derrière des barrières de sécurités délimitant le circuit.

Un Tour de France de raison d’Etat[1]

L’organisation du Tour de France de 1947 a été particulièrement agité. Si la décision est prise dès 1946, encore fallait-il savoir qui devait l’organiser. Les droits du Tour de France sont encore sous séquestres de fait de la fermeture du quotidien L’Auto en 1944. Cependant face au grand mouvement de nationalisation d’après-guerre, la question de l’avenir du Tour s’est posée. Face à la concurrence des autres journaux sportifs, « la Fédération Nationale de la Presse Française a ainsi décidé que le choix de l’organisateur doit incomber à la F.F.C[2] »[3] . C’est donc à la section sport du Parisien Libéré et de L’Equipe de Jacques Goddet, ancien co-organisateur du Tour, que les droits sont cédés. Outre cette organisation laborieuse, l’idée d’un « chemin de ronde » a germé dans l’esprit des organisateurs pour de rallier les territoires frontaliers français afin de créer un sentiment d’unité national. En effet, le Tour a toujours eu un immense impact sur le peuple français et le choix des villes étapes était donc d’autant plus important. Ainsi le passage du Tour à Strasbourg dès la quatrième étape rentre parfaitement dans la logique de « refrancisation » de l’Alsace après quatre années de « germanisation ». Comme un retour à la ferveur de l’entre-deux-guerres, ce Tour était organisé par des Français, avec des Français et pour les Français. Ainsi on comprend la volonté de faire concourir seulement des cyclistes français ou d’origines étrangères à l’image du troisième et meilleur grimpeur Pierre Brambilla, un Italien ayant vécu toute sa vie en France et naturalisé en 1949. La victoire de Jean Robic, devenu héros national, et l’organisation du Tour a permis de réaffirmer l’ancrage de l’Alsace dans la communauté nationale.

Bibliographie

Dietschy Paul et Clastres Patrick, Sport, société et culture en France du XIXe siècle à nos jours, Paris, Hachette Supérieur, 2006, (coll. « Carré Histoire »), 254 p.

Viollet Sandrine, Le Tour de France cycliste 1903-2005, Paris, L’Harmattan, 2007, (coll. « Espaces et Temps du sport »), 256 p.

  1. Viollet Sandrine, Le Tour de France cycliste 1903-2005, Paris, L’Harmattan, 2007. (coll. « Espaces et Temps du sport »), p. 151.
  2. Fédération Française de Cyclisme créée en 1881.
  3. Viollet Sandrine, Le Tour de France cycliste 1903-2005, … p. 149.