contextefr | [[Fichier:Combatpochecolmar.jpg|300px|thumb|right|Réfugiés à Mittelwihr, détruit lors des combats de la Poche de Colmar. Archives américaines/Musée de la Poche de Colmar.]]Le 6 juin 1944, les troupes alliées débarquent en Normandie et entament la libération de la métropole française qui, après une avance rapide, s’enlise dans les Vosges et en Alsace fin 1944. Si Strasbourg et Mulhouse sont rapidement libérées, Colmar reste aux mains des Allemands qui s’accrochent sur cette tête de pont sur le Rhin. Du 20 janvier au 9 février, la 1er Armée française lance l’offensive pour la réduction de la poche de Colmar sous la neige d’un des hivers les plus froids du siècle. Les combats pour la libération de la dernière grande ville française occupée sont rudes, les Allemands opposent une résistance tenace en défendant chaque mètre de terrain : si les Français considèrent qu’ils libèrent la France, les Allemands défendent leur Reich.'"`UNIQ--ref-00000031-QINU`"'
Si la réduction de cette poche permet de réaffirmer la renaissance de l’armée française et de se préparer à traverser le Rhin pour envahir l’Allemagne, elle signifie également le retour de l’administration française sur l’ensemble de l’Alsace. Après quatre années d’annexion, la région entre dans une phase d’épuration, rendue compliquer par la nazification forcée que ses habitants ont subie. Une histoire douloureuse que les Alsaciens peinent à faire comprendre au reste de la France alors même que le Gouvernement provisoire puis la jeune IVe République tentent de créer une mémoire commune.
'''La pluralité de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale'''
En France, les commémorations occupent une place importante dans la vie politique et citoyenne de la République. Ces moments, véritables messes civiles, doivent rassembler l’ensemble des Français autour d’une histoire, d’une mémoire commune, qui permet une communion de la nation. Le cérémonial est classique : un hommage à ceux qui sont tombés devant le monument aux morts puis des défilés dans les grandes villes.
[[Fichier:Montvalérien.jpg|300px|thumb|left|En 1946, cérémonie commémorative de l'appel du 18 juin devant le monument provisoire au Mont-Valérien organisé par le général de Gaulle. Musée de l’Ordre de la Résistance.]] Si la Grande Guerre est commémorée le 11 novembre, date symbolique de la victoire, le 8 mai ne parvient pas à rassembler les Français : la Seconde Guerre mondiale est plus complexe à commémorer. Les Français n’ayant pas été unis durant le conflit, c’est une mémoire plurielle qui se crée à partir de 1945. D'abord, il y a les perdants : les collaborateurs et les vichystes qui se taisent et font profil bas. Puis la masse silencieuse des Français qui n’ont pas pris parti se contentant de survivre à la situation. Enfin, il y a les vainqueurs, les résistances de l’intérieur et de l’extérieur qui n’étaient liées que par le combat contre un ennemi commun et qui désormais se disputent politiquement. Gaullistes, communistes, soldats de l’armée d’Afrique, chaque groupe s’arroge le droit de commémorer ses propres souffrances et ses propres martyrs .
En Alsace, la mémoire de l’annexion peine à trouver une place face à la mémoire nationale qui célèbre la résistance et les libérateurs. Beaucoup d’Alsaciens ont été enrôlés de force dans les rangs des forces allemandes et sont morts en combattant pour le Reich, de nombreux autres ont été forcés d’intégrer les organisations nazies pour conserver leur travail ou protéger des proches : encore une fois, les monuments aux morts ne peuvent guère afficher la mention « Morts pour la France ». Cette dualité – une mémoire commune et officielle française et une expérience alsacienne unique – n’apparait guère lors de la commémoration de la Libération de Colmar.
'''Une mémoire militaire franco-américaine'''
Le 2 février 1955, Colmar se pare de ses atours de fêtes. Les quelques images tournées avant le début de la cérémonie montrent des façades ornées de nombreux drapeaux tricolores avant que la foule ne prenne la place au premier plan des images. Malgré le froid mordant typique du mois de février en Alsace, une foule nombreuse se rassemble autour de la place Rapp pour assister à la cérémonie militaire. Troupes françaises et américaines s’alignent sur la place, tandis que les officiers et les officiels se positionnent sur l’estrade et que la foule s’entasse tout autour.
[[Fichier:Delattrecolmar.jpg|300px|thumb|right|Les généraux de Lattre de Tassigny et Devers lors d'une revue militaire à Colmar en février 1945, SCA-ECPAD.]] Cet anniversaire est également l’occasion d’inaugurer la rue du maréchal de Lattre de Tassigny commandant de la 1er Armée française qui a libéré la ville en février 1945. Le cérémonial de la journée rappelle d’ailleurs celui de la fête de la Libération de Colmar qu’il a présidé le 16 février 1945'"`UNIQ--ref-00000032-QINU`"''"`UNIQ--ref-00000033-QINU`"'. Décédé en 1952, il est représenté par sa femme Simone de Lattre de Tassigny, escortée par le maire de la ville, Joseph Rey, et par le ministre des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre, Emmanuel Temple. Après une cérémonie sur la place et une remise de décorations à un panel d’officiers franco-américains, les troupes en uniforme d’apparat défilent dans les rues de Colmar, précédées par des fanfares. Les Colmariens sont venus en nombre pour assister aux festivités qui sont d’ailleurs couvertes par des nuées de photographes et de cameramen venus immortaliser l’événement. Alors même que la Guerre Froide s’ancre dans le monde, les armées françaises et américaines commémorent et renouvellent une amitié forgée dans le combat. Pourtant, les dissensions entre la France et les États-Unis existent : ces derniers souhaitent en effet l’entrée dans l’OTAN de la RFA, faisant craindre à la France le renforcement de l’Allemagne. Ces tensions interalliées ne les empêchent cependant pas de défiler côte à côte à quelques kilomètres de la frontière avec l’ennemi d’antan.
Mais la commémoration revêt aussi une valeur plus personnelle et plus intime, il s’agit d’un moment de rassemblement pour les anciens combattants autour du souvenir de leurs camarades tombés aux combats. Rassemblés en associations, les vétérans participent activement à l’organisation de ces événements qui leur permettent de se retrouver et de perpétuer la mémoire de leur guerre.
'''Albert-José Axelrad : Un vétéran de la 1er Armée aux commémorations'''
[[Fichier:Menu.jpg|300px|thumb|left|Menu du banquet des 10ans de la Libération de Colmar organisé par Rhin et Danube, Archives familiales A.J. Axelrad.]]Caméra au poing, Albert-José Axelrad participe à la commémoration des 10 ans de la libération en compagnie de ses frères d’armes. Ce vétéran de la Seconde Guerre mondiale a combattu au sein de la 1er Armée française, occupant des postes de liaisons et d’État-major dans différentes unités notamment auprès de tirailleurs marocains. C’est en compagnie de l’association d’anciens combattants « Rhin et Danube » qu’il se rend à Colmar pour un séjour anniversaire de quelques jours avec notamment un grand diner le 29 janvier. Au matin du 2 février, il capture rapidement quelques images de la ville avant les cérémonies avant de se diriger vers la place Rapp où il a une place à la tribune faisant face aux troupes. À l’instar de l’armada de photographes, mais depuis les rangs des spectateurs, il parvient à immortaliser tous les invités d’honneur de la journée, notamment madame de Lattre de Tassigny. Les camarades d’Axelrad, en civil mais portant médailles et calots, posent avec les officiers qui se prêtent volontiers au jeu des vétérans lors d’une journée où de nombreux objectifs sont braqués sur eux. Certains vétérans assistent à cette journée en famille – quelques femmes et enfants se distinguent sur l'estrade – mais la plupart semble avoir fait le déplacement seul, peut-être par volonté de se recueillir seul ou peut-être ne pouvant pas se permettre de payer un tel voyage en famille.
Même s’il n’a pas les mêmes accréditations que les opérateurs officiels, Albert-José Axelrad parvient à capturer des images de l’ensemble de la journée. Si les cameramen de la RTF suivent madame de Lattre de Tassigny dès la cérémonie inauguratrice puis suivent le défilé de très près'"`UNIQ--ref-00000034-QINU`"', le cinéaste amateur n’en est pas à son premier film, sa caméra est stable et parvient à bien se placer pour saisir l’ensemble de la journée (même si le film est parfois mal exposé ou mal conservé). S’il filme la cérémonie depuis l’estrade, au-dessus des têtes des spectateurs, il parvient à se placer au premier rang pour le défilé. Il n’est alors gêné que par le passage des photographes accrédités ou par les policiers. La première partie de ce reportage est plus intime, plus personnel. Axelrad filme ses camarades, les officiers qui les entourent et la remise de médaille de son point de vue, celui d’un vétéran au milieu des vétérans, et non pas celui d’un opérateur professionnel qui se concentre sur les invités d’honneurs.
Malgré des moyens bien moindres que ceux de la RTF, Albert-José Axelrad consacre 5 minutes de film à une journée qu’il relève d’une certaine importance pour lui, entre moment de recueillement et retrouvailles. Les quelques mètres de pellicules qu’il ramène de ce séjour à Colmar trouvent alors leur place sur la bobine qu’il avait tournée 10 ans plus tôt durant la guerre. Il tient d’ailleurs à filmer le défilé jusqu’à l’arrivée des tirailleurs marocains avec qui il a servi et qui défilent devant son objectif venant conclure un film qu’ils avaient commencé à la fin de la guerre'"`UNIQ--ref-00000035-QINU`"'. |