Chandelier Jérusalem - Néguev - bédouin (0016FH0016)
Résumé
Description
Séquence sur la ménorah de Benno Elkan située devant la Knesset (Parlement israélien) à l’ouest de la ville. Plan sur le Consulat français de Jérusalem, à l’ouest de la ville. Des gens marchent dans la Vieille Ville qui se situe à l’est de Jérusalem. À nouveau la ménorah de la Knesset. Plan sur le désert du Néguev. Excursion en bus dans le désert, les passagers se pressent aux fenêtres pour voir un Bédouin sur sa monture le long de la route. Plan sur un panneau sur lequel il est écrit en français et en arabe : « Défense de passer territoire ennemi ».
Contexte et analyse
Les Britanniques présents depuis 1917 sur le sol palestinien, subissent au courant de la Seconde Guerre mondiale, d’un côté, la pression des groupes paramilitaires juifs installés sur les terres palestiniennes et de l’autre, celle de la Maison Blanche, voyant dans la Palestine la terre originelle du peuple Juif sur laquelle les rescapés de la Shoah doivent s’établir. La Grande-Bretagne, étant affaiblie par le conflit, cède à ces différentes pressions et transmet le dossier palestinien à l’ONU au courant du mois de février 1947. Dès lors, fin août 1947, le Comité spécial des Nations unies sur la Palestine propose le partage de cette terre en deux États économiquement liés, avec pour Jérusalem et sa région, un statut spécial. Directement administrée par l’ONU, la région de Jérusalem doit constituer un corpus separatum. Les Lieux saints doivent être sous la responsabilité d’un représentant des Nations unies et l’administration municipale doit être partagée entre Juifs et Arabes. Toutefois, cette internationalisation ne voit jamais le jour puisque le lendemain de la résolution par l’Assemblée générale de l’ONU le 29 novembre 1947, sur le partage de la Palestine en deux États, l’un Juif, et l’autre Arabe, la guerre civile éclate entre les nationalistes juifs et palestiniens, sonnant le début du premier conflit israélo-arabe. Durant les premières semaines qui suivent la proclamation de l’indépendance de l’État d’Israël, le 14 mai 1948, le gouvernement hébreu se préoccupe uniquement de la gestion de la guerre. Dès lors, le problème de Jérusalem ne relève, pour Ben Gourion, que de la « compétence militaire ». Cependant, en juillet 1948, après l’entrée en vigueur du second cessez-le-feu, les dirigeants Juifs prennent progressivement conscience que la Vieille Ville ne restera pas dans le giron israélien. En effet, le siège de Jérusalem par les Jordaniens avait mené à l’évacuation du quartier juif de la Vieille Ville le 27 mai 1948. Ainsi, tout au long de l’été 1948, Jérusalem se retrouve au centre des préoccupations du gouvernement israélien. Trois solutions s’offrent à lui. Premièrement, l’internationalisation de la ville comme il en était question sur le plan de partage de 1947. Deuxièmement, la partition de Jérusalem entre l’État d’Israël et la Transjordanie. Troisièmement, une nouvelle tentative d’occupation militaire de cette dernière. Le 26 septembre 1948, le gouvernement israélien, après avoir rejeté la proposition de Ben Gourion quant à une nouvelle campagne militaire, décide « […] que si la partition de Jérusalem s’avérait nécessaire, la délégation israélienne à l’ONU l’accepterait »[3]. Enfin, en avril 1949, Israël et la Jordanie – devenue royaume hachémite de Jordanie en 1949 – signent un accord de paix mettant fin à la première guerre israélo-arabe. Ces derniers confirment la présence jordanienne sur les terres conquises durant la guerre sur l’ensemble de la Cisjordanie, mais surtout sur Jérusalem-Est et la Vieille Ville. De plus, ils garantissent aux Juifs israélien le libre accès au Mur occidental, à l’ancien cimetière juif du mont des Oliviers, à l’hôpital Hadassah et à l’Université hébraïque de Jérusalem sur le Mont Scopus à l’est de la ville. La Jordanie ne respecte aucune de ces clauses, interdisant même les musulmans israéliens de se rendre sur leurs lieux de culte dans la Vieille Ville.
Du partage de Jérusalem à sa réunification
La partition de Jérusalem
Pour la première fois de son histoire, en plus d’être divisée en deux entités urbaines distinctes, à savoir Jérusalem-Ouest et Jérusalem-Est, « la ville Sainte n’est plus gouvernée dans un cadre impérial ou supranational, mais devient le centre de deux projets concurrents de construction nationale »[4]. Durant dix-neuf ans, de la guerre d’Indépendance à la guerre des Six Jours, Jérusalem est divisée en deux entités géographiques distinctes scindées par une ligne de démarcation, des barbelés et des postes militaires. Néanmoins, le partage de Jérusalem s’explique plus par l’histoire politique et sociale de la ville durant les années précédant la guerre que par l’histoire militaire immédiate. Avant même le début du conflit, les dirigeants sionistes et jordaniens s’accordent à dire que le partage de Jérusalem apparaît comme le scénario le plus probable et le plus souhaitable. En effet, la partition de ville permet d’éviter que l’une ou l’autre partie ne s’empare entièrement de cette dernière. De plus, l’État hébreu et la Jordanie refusent tous deux l’ingérence de l’ONU[5].
Socialement, le partage de la ville commence déjà avec les émeutes sanglantes qui ont court de 1928 à 1939. Ces dernières ont pour conséquence de renforcer de manière considérable la polarisation communautaire des différents quartiers de la ville. Polarisation qui s’accroît encore à partir de 1946 à cause des attentats organisés. Enfin, suite aux élections de 1934, les conseillers juifs et arabes cessent de se réunir régulièrement, la partition administrative de la ville est consommée. Dès lors, la séparation entre l’ouest et l’est de Jérusalem se dessine bien avant la guerre de 1948. Cette dernière n’a eu pour seule conséquence que de tracer le détail d’une ligne de démarcation déjà préexistante[6]. Ainsi, les quartiers mixtes de l’ouest de la ville sont vidés de leur population arabe et les habitants juifs du quartier est de Sheikh Jarrah doivent fuir à la hâte. La Vieille Ville, à l’est de Jérusalem, étant intégralement sous contrôle jordanien voit disparaître entièrement sa population juive. De plus, les synagogues ainsi que les yechivot (école talmudique) sont pillées et incendiées. Le cimetière juif du mont des Oliviers est quant à lui en partie détruit[7].
Les causes directes de la partition de la ville en 1948 sont militaires, « mais ses origines lointaines sont politiques et ses conséquences à long terme sont profondes en termes d’urbanisme »[8]. En effet, la ligne de cessez-le-feu dessinée en novembre 1948 marque d’une cicatrice Jérusalem en son centre, exactement à la jonction entre la Vieille Ville et ses sanctuaires, et la ville nouvelle et ses quartiers modernes[9]. Enfin, durant les quatorze années qui suivent la guerre, la ligne de démarcation à l’intérieur du périmètre de la ville n’est ni matérialisée ni indiquée. Uniquement les zones localisées en dehors de la partie construite de la ville sont clôturées soit, à partir de 1949, la zone sud et la zone nord en 1956[10]. Ce n’est qu’en 1962, après plusieurs heurts mortels, qu’Israël et la Jordanie prennent la décision de matérialiser cette ligne de démarcation par une série de barrières accompagnées de blockhaus en béton[11].
Jérusalem-Ouest, nouvelle capitale de l’État d’Israël
À part les zones proches de la ligne de démarcation qui, étant dangereuses et enclavées, sont abandonnées aux marginaux et le quartier de Mamilla qui, avant la guerre de 1948 constituait le cœur de la vie citadine, est déserté, l’ouest de la ville devient le centre de la nouvelle Jérusalem israélienne. La construction de quartiers résidentiels étend les limites municipales jusqu’à 38 km2 à l’ouest et le nombre d’habitants passe 90 000 à 190 000 de 1949 à 1967[12].
Dès janvier 1950, Jérusalem-Ouest est proclamée capital de l’État hébreu et, comme la plupart des ministères déplacés depuis Tel-Aviv, la Knesset s’y installe au courant de l’année[13]. Elle est d’abord installée de manière provisoire à Beit Froumine – résidence abritant le Parlement – au numéro vingt-quatre de la rue King George à Jérusalem. À partir des années 1950 est construit au sein même du quartier de Givat ram le « quartier du gouvernement ». La Knesset y siège depuis le 30 août 1966. Cette colline, qui surplombe le monastère orthodoxe de la Croix située à environ deux kilomètres à l’ouest de la Vieille Ville, accueille dès 1965 le musée d’Israël où sont gardés les manuscrits de la mer Morte. L’Université hébraïque de Jérusalem et l’hôpital Hadassah construits tous deux sur le mont Scopus se retrouvent, après 1948, en territoire jordanien. Dès lors, l’Université est transférée, en 1953, dans le quartier de Givat ram et la clinique Hadassah dans l’ancien village arabe d’Ein Kérem en 1961.
C’est sur une autre colline à l’ouest de la ville qu’est accueilli, en 1949, le tombeau de Theodor Herzl, fondateur du sionisme politique. Les Juifs de Jérusalem n’ayant plus accès aux lieux saints de la Vieille Ville, le mont Herzl, où reposent les tombes de certains personnages centraux de l’histoire contemporaine de l’État d’Israël, comme Theodor Herzl ou encore Yitzhak Rabin, constitue un pôle symbolique alternatif aux sanctuaires religieux de Jérusalem-Est[14] dont seul le tombeau de David, situé sur le mont Sion au sud des remparts de la Vieille Ville, est resté accessible après les combats de 1948. Enfin, c’est aussi sur le mont Herzl qu’est construit, en 1953, le mémorial de Yad Vashem. Dès lors, Jérusalem-Ouest devient le centre à la fois symbolique, politique, économique et social de l’État d’Israël.
La réunification de la ville après la guerre des Six Jours
La guerre des Six Jours en juin 1967 permet à l’État d’Israël de prendre Jérusalem-Est. La municipalité jordanienne est supprimée à la fin du mois de juin et la Vieille Ville est déclarée « réunifiée ». Malgré la réunion de la Jérusalem-Est à la Jérusalem-Ouest, le fossé entre ces deux parties de la ville ne disparaît pas avec la guerre des Six Jours. Cette déchirure entre l’est et l’ouest se traduit par la difficulté des habitants de la ville « à interagir, à vivre ensemble et à construire une destinée commune »[15], la réunification ne semble donc n’être qu’apparente. Enfin, l’annexion de la partie est de la ville, qui est décidée unilatéralement par l’État hébreu en 1967, n’est assumée politiquement et juridiquement qu’en 1980 par une loi fondamentale faisant de la Jérusalem entière et unifiée la capitale de l’État d’Israël[16]. Dès 1969, la communauté internationale condamne officiellement l’annexion de Jérusalem-Est qui a été décidée unilatéralement par l’État hébreu.
Une fois Jérusalem militairement conquise, les dirigeants juifs décident de construire, juste devant le mur des Lamentations, une esplanade pour y célébrer les cérémonies publiques. Ainsi, le gouvernement israélien souhaite souligner immédiatement le lien religieux exclusif entre le peuple juif et Jérusalem[17]. De plus, quatre jours après la prise de la ville par l’armée israélienne, le quartier des Maghrébins, en face du Mur occidental, est vidé de ses habitants et leurs habitations détruites au bulldozer. Désormais, Jérusalem fait solidement partie du projet de renaissance nationale juive. Elle, qui a longtemps été en « marge du corpus idéologique sioniste », devient à partir de 1967 « un des principaux pivots symboliques du nouveau sionisme religieux »[18]. Dès lors, à partir de 1969, suite à la réunification de la ville, de nombreux Juifs français font leur alya (montée) vers Jérusalem. Beaucoup de Juifs de Strasbourg dont une grande partie d’intellectuels font eux aussi, à ce moment-là, leur alya.
Les relations franco-israéliennes et la crise du canal de Suez
Le film se termine sur un panneau qui n’a pas manqué de surprendre notre caméraman. En effet, sur ce dernier, il est écrit en français et c’est d’ailleurs sûrement pour cela qu’Étienne Klein l’a filmé : « Défense de passer territoire ennemi ». Ce panneau attire aussi l’œil du spectateur puisqu’il est très curieux que le français ait été choisi à la place de l’hébreu. Comme le montrent les séquences précédentes, le vidéaste se trouve à ce moment-là dans le désert du Néguev dans le sud d’Israël. Ce désert entoure la bande de Gaza et constitue la frontière est de l’État hébreu avec l’Égypte. Bien que nous ne puissions dire où se trouve exactement ce panneau, il nous renseigne sur la situation politique et militaire de cette région dans les années 1950-1960. Enfin, le plan sur le consulat français de Jérusalem nous permet d’étudier les relations franco-israéliennes d’autant plus que la France à participer aux opérations militaires de la guerre de Suez 1956.
Le rapprochement diplomatique de la France et de l’Israël est dû en grande partie à des raisons géopolitiques. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’empire colonial français se désagrège, le Liban et la Syrie étant perdus dès 1946. De plus, les premiers mouvements indépendantistes sévissent au Maghreb. Israël quant à lui, se retrouve sans allié et sans fournisseur d’armes dans une région où tous les états voisins veulent sa destruction. L’Union soviétique étant hostile à l’État hébreu et les États-Unis ainsi que la Grande-Bretagne voulant ménager leurs intérêts dans le monde arabe, il ne reste plus que la France. Pour autant, la France ne reconnaît l’État hébreu qu’en 1949, hésitante à se mettre à dos le monde arabe. Cependant, à partir de 1954, suite à la situation toujours de plus en plus tendue en Algérie, Israël apparaît aux yeux du gouvernement français comme le seul état du Proche-Orient dans lequel la France peut se fier. En plus de constituer un contrepoids au panarabisme du colonel Nasser, l’État hébreu représente pour la France un acheteur potentiel de matériel militaire à une époque où ce secteur connaît un manque de débouchés.
Alors que la France a livré à la fin de l’année 1954 du matériel militaire à l’État hébreu, l’Égypte de Nasser conclut avec la Tchécoslovaquie, en août 1955, un énorme contrat d’armement d’une ampleur encore jamais vu au Proche-Orient. Pendant ce temps, la Syrie s’arme, elle aussi, auprès du même fournisseur que l’Égypte. Si le gouvernement israélien prend conscience que la guerre est inévitable, il n’entend pas entrer dans un nouveau conflit sans allié politique et militaire. Après une nouvelle livraison d’arme à l’État d’Israël en octobre 1955 et la signature des accords de Sèvres en 1956 destiné à préparer la riposte militaire quant à la décision prise unilatéralement par Nasser de nationaliser le canal de Suez, la France devient le soutien majeur de l’État hébreu. « Mal engagée et encore plus mal exécutée, l’aventure de Suez s’achève sans gloire »[19]. L’alliance franco-israélienne survit à ces mésaventures, elle renforcée dès l’année suivante par la livraison à Israël d’un réacteur nucléaire dans le désert Néguev.
Durant les années 1960 les relations franco-israéliennes se tendent. Malgré le fait que le général De Gaulle met un terme, en 1962, à la coopération militaire entre la France et Israël en cas d’attaque de cette dernière par les états arabes, qu’il freine la coopération nucléaire et qu’il refuse la proposition de Ben Gourion quant à la constitution d’une alliance formelle franco-israélienne en mai de l’année suivante, les relations entre ces deux pays ne cessent pas pour autant. En effet, Israël est parrainé par la France lors de sa candidature au statut de membre associé de la CEE et Paris continue de livrer du matériel militaire à l’État hébreu jusqu’à la guerre des Six Jours, en 1967. Guerre qui sonne le revirement des relations franco-israéliennes.Lieux ou monuments
Bibliographie
ABITBOL Michel, Histoire d’Israël, Paris, Perrin, 2018.
BEN RAFAEL Eliezer et KONOPNICKI Maurice, Jérusalem, Paris, Presses Universitaires de France, 1997 [1987].
BENVENISTI Meron, Jérusalem, une histoire politique, Arles, Actes Sud, 1996.
DIECKHOFF Alain (dir.), L’État d’Israël, Paris, Fayard, 2008.
LEMIRE Vincent (dir.), Jérusalem. Histoire d’une ville monde des origines à nos jours, Paris, Flammarion 2016.
Article rédigé par
Nicolas Laugel, 05 janvier 2020
- ↑ En tant que partie d'une production amateur, cette séquence n'a pas reçu de titre de son réalisateur. Le titre affiché sur cette fiche a été librement forgé par son auteur dans le but de refléter au mieux son contenu.
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- ↑ BENVENISTI Meron, Jérusalem, une histoire politique, Arles, Actes Sud, p. 32.
- ↑ LEMIRE Vincent (dir.), Jérusalem. Histoire d’une ville monde des origines à nos jours, Paris, Flammarion, p. 382.
- ↑ Ibid., p. 384-385.
- ↑ Ibid., p. 385.
- ↑ Ibid., p. 386.
- ↑ Ibid., p. 388.
- ↑ Ibid., p. 389.
- ↑ BENVENISTI, op. cit., p. 64.
- ↑ Ibid., p. 64-65.
- ↑ LEMIRE (dir.), op. cit., p. 395.
- ↑ Ibid., p. 394.
- ↑ Ibid., p. 396.
- ↑ Ibid., p. 399.
- ↑ Ibid., p. 402.
- ↑ Ibid., p. 401.
- ↑ Ibid., p. 401-402.
- ↑ DIECKHOFF Alain (dir.), L’État d’Israël, Paris, Fayard, p. 351.